LA RÉSISTANCE AU COUP D’ETAT A VIDAUBAN
LA RÉSISTANCE AU COUP D’ÉTAT DU 2 DÉCEMBRE 1851 À VIDAUBAN
par Jean-Bastien Urfels
Mémoire pour l’obtention de la maîtrise,
sous la direction de Jean-Marie Guillon
Année 2000-2001 DEUXIÈME PARTIE
L’ORGANISATION ET L’ACTION DU PARTI RÉPUBLICAIN CHAPITRE 5 : La structuration du parti républicain face aux autorités.
Avec 1848 et le suffrage universel, les idées avancées commencent à toucher, nous l’avons vu, un part de plus en plus importante de la population de Vidauban. C’est donc à cette période que s’organise le mouvement républicain de la commune. D’abord favorisée par un contexte de libertés individuelles et politiques, la mise en place et le fonctionnement des structures de ce parti (qui n’ont certes pas d’équivalent avec celle d’un parti politique au sens moderne) sont rapidement entravés par des mesures répressives du régime autoritaire.
Dès lors, la structuration du parti républicain Vidaubannais, comme dans la plupart des cas, va s’effectuer dans un contexte de lutte contre les autorités. Les démocrates doivent s’adapter à la répression tout en poursuivant l’éducation politique de leurs concitoyens. C’est pourquoi, faute de réunion politique autorisée officiellement, on assiste à une politisation de la sociabilité coutumière dont les formes multiples permettent de toucher une part importante de la population, mais aussi d’échapper plus facilement au contrôle et à la répression. Toutefois les atteintes successives portées par le pouvoir aux républicains et aux principes démocratiques, et l’hypothèse d’un coup de force du président de la République, les repoussent vers les méthodes plus souterraines de la conspiration.
Pour mieux saisir l’organisation et les mutations du mouvement républicain de Vidauban, il conviendra tout d’abord d’analyser la sociabilité villageoise pour déterminer les conditions de sa politisation. Ensuite, nous envisagerons l’adaptation de la principale société républicaine aux mesures répressives, en étudiant, comme aboutissement du processus, l’émergence d’une société secrète.
5.1 La politisation de la sociabilité villageoise.
Le phénomène de politisation de l’ensemble des lieux de sociabilité à Vidauban, à une nuance près, ne doit pas être envisagé comme une conquête délibérée des républicains, mais bien plutôt comme “ un processus de compénétration, entre l’idéal politique récent et la pratique sociale de tradition ”[1]. En effet, le réseau de chambrées et cercles préexistant s’est converti aux idées nouvelles au même rythme que l’ensemble de la population ; en fait, s’il a rapidement servi de structure unique du parti républicain, c’est devant l’impossibilité d’une organisation politique légale.
Sous la monarchie de Juillet, une seule source nous permet de connaître le nombre de chambrées de Vidauban : il s’agit du rapport des Contributions indirectes du Muy[2], déjà cité dans la première partie, et qui fait état de sept réunions sur la commune. Il est possible de penser que ce nombre relativement important s’est maintenu, puisque la gendarmerie en compte huit en septembre 1849[3]. Mais nous n’avons aucune indication concernant la coloration politique des chambrées de 1842 et ne pouvons donc pas évaluer la progression des démocrates dans le tissu associatif de Vidauban.
En fait la première évocation d’une association politique date du 26 avril 1848[4] : il s’agit d’une lettre du maire au préfet dans laquelle le premier porte à la connaissance des autorités la formation d’un club lors de l’élection des représentants qui se serait dissous immédiatement après. Ce club aurait eu exclusivement un rôle électoral, ce qui s’inscrit parfaitement dans les fonctions que Jean-Jacques Letrait attribue aux clubs démocratiques varois : “ préparer les élections [mais également] faire l’éducation démocratique des affiliés en leur exposant des problèmes de politique locale, nationale et même internationale ”[5].
Hormis le club d’avril 1848, aucune réunion politique n’est mentionnée à cette période. Cependant, le tableau dressé par la gendarmerie en septembre 1849 porte l’indication suivante : “ Cette chambrée formée à la dissolution des clubs, a beaucoup d’influence sur la population ”[6]. Ainsi, il existait certainement des clubs dans la commune jusqu’au début de 1849. En effet, c’est à cette époque que le préfet du Var, Haussmann, demanda aux sous-préfets et maires de faire observer le décret du 28 juillet 1848[7], et fit interdire les clubs dans tout le département.
Devant cette mesure répressive et antidémocratique, les réunions dissoutes furent reconstituées sous la forme ancienne de chambrées par un retour, en quelque sorte, aux pratiques traditionnelles de sociabilité, seul recours pour poursuivre une action politique. Selon les informations de la gendarmerie[8], deux chambrées (La Prévoyance et le Cercle Républicain) sur huit sont composées de “ rouges ”, voire de “ rouges exaltés ”. Elles regroupent 279 des 560 hommes qui peuplent l’ensemble des chambrées de Vidauban. Une autre réunion tend, de façon moins nette, vers les idées républicaines : il s’agit de la société de Saint Donat, qui porte les qualificatifs “ esprit d’ordre ” et “ opinions partagées ” mais qui recevait le journal La Démocratie. En outre, on peut dire que, hormis celles de Saint Louis et de Saint Pons, toutes les chambrées sont en partie composées de républicains ; mais seule La Prévoyance a été fondée, comme le précise le rapport, en remplacement des clubs interdits.
Il est donc possible de distinguer deux types de chambrées : la quasi-totalité sont antérieures ou contemporaines aux clubs et se sont certainement politisées par le biais de leurs affiliés ; mais La Prévoyance, aussi appelée La Peyrière (le lieu-dit où elle est implantée), est une création du parti républicain pour échapper aux mesures répressives du gouvernement. Dans ces cas précis, il ne s’agit plus de “ compénétration ”, mais bel et bien d’une utilisation délibérée des formes traditionnelles de sociabilité au profit d’une cause politique.
Pour mieux saisir cette nuance, il sera nécessaire de déterminer dans quelle mesure La Peyrière constitue la principale structure du parti républicain de Vidauban. Pour ce faire, nous envisagerons l’influence et l’évolution de cette société républicaine pour échapper au contrôle des autorités.
5.2 La Peyrière, principale structure du parti républicain.
5.2.1. Une société influente…
En septembre 1849 (date du rapport de gendarmerie sur les chambrées), La Peyrière est, avec ses 255 membres, l’assemblée républicaine la plus importante de l’arrondissement de Draguignan – chef-lieu exclu – derrière le Café Blanc du Cannet-du-Luc. De plus, le rapport des gendarmes indique qu’elle a beaucoup d’influence sur la population. Ce poids apparemment considérable de la société peut s’expliquer par la notoriété locale de ses dirigeants. La présidence est confiée à Célestin Maillan, élu au conseil municipal et chef de file des républicains. Le vice-président, Edouard David, est un ouvrier bouchonnier employé chez Alexandre Dubois, le premier secrétaire, qui possède une des cinq fabriques de bouchons de la commune[9] ; de plus, Henri Truchmann, cordonnier et sergent de ville en place de 1843 à 1850, est également membre.
Outre leur influence, le statut de ces membres permet d’entrevoir une tendance nouvelle : la direction du parti républicain, jusqu’alors composée de notables et de commerçants très aisés, est désormais partagée avec des artisans et commerçants plus modestes. C’est le signe de la politisation récente de ces classes moyennes et urbaines qui vont constituer, peu à peu, le noyau actif du mouvement montagnard. Toutefois, l’absence d’état nominatif exhaustif des affiliés ne nous a pas permis d’approfondir l’étude des personnalités qui composent l’assemblée, et donc de mesurer leur place dans la société villageoise.
En fait, la principale force de La Peyrière réside dans son nombre : en effet, il est aisé d’imaginer le poids politique et social d’un groupe de 255 personnes dans une commune où la population masculine, tous âges confondus, s’élève à 1 090 âmes[10]. Formée entre février 1849 – date de l’entrée en fonctions d’Haussmann à la préfecture – et septembre de la même année, première mention de son existence, La Peyrière est donc un élément fondamental du parti républicain, une organisation de grande taille à l’échelle du village. C’est donc pour cette raison, sans doute, que l’on constate un véritable acharnement des autorités préfectorales qui la feront fermer à trois reprises jusqu’à sa dissolution définitive en mars 1851.
Il est vrai qu’à chaque arrêté de dissolution émanant de la préfecture, la société se reconstitue, changeant tout simplement de statut. La Peyrière est d’abord, comme son nom sur le rapport de gendarmerie de septembre 1849 l’indique, une société de prévoyance, forme modernisée de chambrée où l’entraide et le secours mutuel forment le lien entre les sociétaires. Mais cette assemblée est dissoute le 31 décembre 1849 par arrêté préfectoral, sans que la raison soit précisée[11]. Elle est pourtant rouverte sous le nom de Cercle de la fraternité ou de Saint Lambert ; ce nouveau changement de statut est rappelé par le lieutenant de gendarmerie Buisson, lors d’une perquisition[12] :
“ Nous devons faire remarquer, que la société de prévoyance établie dans le même local, et par les mêmes individus, avait été dissoute […], et qu’aujourd’hui elle était autorisée comme cercle, ou société, non politique et non publique ”.
C’est en vertu de la violation de ce nouveau statut, et donc de la loi du 28 juillet 1848, comme le rappelle le préfet De Roman en la qualifiant de “ véritable club ”[13], que La Peyrière est de nouveau dissoute, le sept novembre 1850. Le rapport de gendarmerie[14] rédigé lors de la saisie des locaux nous apporte de nombreux renseignements sur l’assemblée : tout d’abord, les gendarmes y apprennent de la bouche de Célestin Maillan que le nombre de sociétaires s’élève à 342 ; de plus, ils saisissent deux listes de souscription portant 119 noms et deux lithographies d’Émile Ollivier. Il est à noter, en outre, que Maillan oppose une certaine résistance à la maréchaussée, refusant par exemple d’opérer sans la présence du maire. Cet élément qui a pu être amplifié par le rédacteur du rapport, n’est pas sans fondement, dans la mesure où le président du cercle est un élu. Il est donc permis de penser que la surveillance et la répression ont pu être freinés par l’action du conseiller municipal.
Malgré cette nouvelle fermeture, La Peyrière se reconstitue sous la forme d’un cabaret, dissout par le préfet le 16 janvier 1851. Dans les faits, la société reste ouverte jusqu’en mars 1851. Commence alors la longue liquidation des comptes qui est confiée, dans un premier temps, au maire Victor Bernard ; ce dernier indique dans une lettre au préfet où il dresse l’état des dépenses et des recettes de La Peyrière : “ la vérité est que je me trouve à peu près isolé comme autorité ”[15]. Il justifie ainsi la lenteur de son travail, et demande à être remplacé par Antoine Aumand, premier suppléant du juge de paix du canton du Luc. Celui-ci, maire de Vidauban de 1831 à 1848, consent à remplacer Bernard le 19 novembre 1851 : huit mois après sa dissolution, les comptes de la société républicaine n’ont pu être liquidés.
En outre, les autorités n’ont pas pour autant résolu les problèmes posés par La Peyrière dont les membres, après avoir fréquenté le café tenu par Jacques Goirand[16], se divisent en plusieurs chambrées pour contrer la répression.
5.2.2 …qui se divise en chambrées pour échapper aux autorités.
En effet, le parti républicain semble avoir choisi la stratégie de la dispersion des forces pour ne plus prêter le flanc au harcèlement des autorités ; ce changement d’attitude est signalé par un rapport de gendarmerie adressé le 18 août 1851 au préfet[17] qui indique que La Peyrière s’est divisée, sous le patronage de Maillan, en cinq chambrées. Ces dernières sont d’autant plus difficiles à surveiller que des hommes sont, selon le rapport, postés pour prévenir de l’arrivée des gendarmes, et que le maire est “ trop faible pour réagir ”[18]. Visiblement inquiété par une telle situation, le préfet demande au maire de Vidauban de lui indiquer le nom des chambrées fondées depuis la fermeture de la société républicaine. La réponse de Victor Bernard[19] souligne la création de six chambrées : La Petite Montagne, La Concorde, Saint Eloi, Saint Roch, L’Union et l’Accord. Deux ne peuvent être assimilées, sans spéculation hasardeuse, à des assemblées républicaines[20] : La Concorde et L’Union.
La plus active et aussi la plus surveillée des nouvelles chambrées est La Petite Montagne, présidée par Alexandre Dubois, ancien trésorier de La Peyrière. Grâce aux différents rapports des forces de l’ordre, mais aussi aux dépositions d’insurgés de décembre, nous avons pu retrouver 21 de ses 29 affiliés. Sur ce total, seize exercent des métiers du commerce et de l’artisanat, soit 76% : le rapport entre actifs ruraux et urbains est donc l’inverse du recensement de 1851, et confirme les tendances esquissées au second chapitre pour la frange républicaine de la population.
En outre, on peut constater un part plus importante de 20-30 ans que dans l’ensemble de la population (57% contre moins de 20%). Ces jeunes commerçants et artisans Vidaubannais font de La Petite Montagne l’ennemi déclaré des autorités ; en effet, l’assemblée qui prend successivement pour nom Les Réjouis, Saint Donat, et enfin le Cercle de l’Avenir, est dissoute par le préfet De Roman le 30 octobre 1851, suite à une série d’affrontements et de provocations entre les forces de l’ordre et ses membres[21].
Cependant, même si leur chambrée la plus combative est interdite, les montagnards se regroupent dans les trois autres cercles issus de la dissolution de La Peyrière, et qui sont toutes dirigées par de futurs acteurs de l’insurrection[22] : il s’agit de Saint Eloi[23] (19 membres), Saint Roch et L’Accord (17 membres). Malheureusement, nous ne disposons à leur sujet que de très minces renseignements, hormis le nom des insurgés qui y étaient affiliés. De plus, les rapports de gendarmerie indiquent, à partir du 11 novembre 1851[24], la présence d’une nouvelle chambrée dite de Saint Just. Apparemment très virulente, elle pourrait être une reconstitution de La Petite Montagne. Mais il ne s’agit là que d’une hypothèse émise à partir de la chronologie des événements et qui mériterait d’être confirmée par une recherche sur les affiliés de cette société[25].
La Montagne de Vidauban a donc su, de 1849 à 1851, s’adapter à la répression et retrouver les formes traditionnelles de sociabilité pour mener son action politique. Ainsi, dès l’interdiction des clubs, une grande société de prévoyance a été créée et a servi de structure associative principale du parti républicain, parallèlement à la politisation progressive des chambrées. En outre, face à l’acharnement des autorités, cette société s’est divisée en plusieurs assemblées très délicates à se contrôler. Il est ainsi possible, à tavers les formes d’organisation des républicains, d’entrevoir une radicalisation de leur attitude vis-à-vis du pouvoir. Cette interprétation est confirmée dans un rapport du commissaire de police de Vidauban qui évoque le 18 novembre 1851, la présence d’une société secrète[26]. Pour mieux situer et saisir le tournant dans la stratégie des montagnards, nous examinerons donc les conditions d’apparition et les caractéristiques de cette société secrète.
5.3 L’émergence d’une société secrète.
Comme beaucoup de sociétés secrètes montagnardes, celle de Vidauban est apparue après le choc provoqué par la loi du 31 mai 1850. A l’occasion d’une initiation, Pierre Marin, l’un des affiliateurs de la société, déclare que le but de cette dernière est de “ rétablir le suffrage universel ”.
Une telle régression démocratique porte en effet atteinte “ à l’optimisme et au légalisme […] caractéristiques à la fois de l’idéologie démoc-soc essentielle et de la conjoncture ascendante de 1849-1850 ”[27]. Ainsi, les républicains sont rejetés vers la conspiration, abandonnant pour partie les formes de lutte officielle. A Vidauban, la mutation s’opère vraisemblablement pendant l’été 1850 : en effet, une déposition du brigadier Godillot au tribunal de première instance de Draguignan le 22 décembre 1851[28] rappelle l’existence de la société au moment de son arrivée dans la commune, en septembre 1850.
Cette assemblée se réunit, selon toutes les sources consultées, dans le local de La Peyrière, même si tous les membres de cette dernière n’y sont pas affiliés. La chambrée sert en fait de façade légale au groupe clandestin de montagnards. Placés sous la présidence du chef de section Alexandre Dubois (premier secrétaire de La Peyrière, puis président de la Petite Montagne), ils doivent modifier leurs habitudes avec la fermeture définitive de La Peyrière. Désormais, les réunions se déroulent au domicile de certains membres, comme François Sivade (confiseur), François Roux (cordonnier), Émile Truc (maréchal-ferrant), Alexandre Dubois (fabricant de bouchons) ou Marius Sauvaire (cultivateur).
Les membres de la société constituent la frange la plus déterminée des montagnards, un groupe de vingt-cinq à trente personnes dont vingt seulement nous sont connus. Il semble, en outre, que Célestin Maillan, chef du parti républicain, n’y était pas affilié. Pourtant, en tant que président de La Peyrière, il ne pouvait ignorer les réunions que sa chambrée abritait. En fait, si l’on considère les affiliés de la société secrète, il apparaît qu’ils sont presque tous membres de La Petite Montagne. La chambrée constituerait donc une version officielle, parce que déclarée aux autorités, de l’assemblée clandestine. C’est pourquoi, on relève les mêmes traits chez les membres de la société secrète que pour La Petite Montagne : une majorité écrasante d’artisans et de commerçants, et une moyenne d’âge de 29 ans[29]. Ces hommes jeunes et plutôt urbains mettent donc en place les structures d’un groupe décidé à employer les moyens de la conspiration pour défendre leur vision démocratique et sociale de la République.
Pour ce faire, ils procèdent à des initiations où les nouveaux venus sont introduits rituellement. Les candidats sont reçus au domicile d’un affilié en présence d’Alexandre Dubois et de Baptistin Jouannet, le deuxième personnage de la société. Puis, ils sont conduits à prêter le serment “ de poignarder quiconque révèlerait les secrets de la société ”[30]. La prestation de serment s’effectue la main tendue sur deux pistolets[31], deux couteaux[32] ou deux tranchets de cordonnier[33] mis en croix ; de nombreuses initiations ont lieu chez François Sivade qui vit seul et dont le commerce est propice aux allées et venues. A l’occasion de l’une d’elles, au mois d’août 1851, François Poulat de Taradeau, d’abord accueilli pour être initié, se désiste ; son témoignage est à l’origine du démantèlement de la société secrète par les autorités, après le 10 décembre 1851[34]. Pourtant, il nous apprend également que le recrutement des affiliés ne se limite pas à la commune, mais vise plutôt à être aussi large que possible, en touchant les localités voisines, et en se constituant un véritable réseau clandestin autour de Vidauban.
La société secrète de Vidauban constitue donc l’aboutissement du processus d’exclusion et de répression de la Montagne par les autorités. En effet, après avoir interdit les clubs et poussé le parti républicain à se tourner vers les formes anciennes de sociabilité, le pouvoir le conduit, par la surveillance, la fermeture des chambrées démocratiques, et la restriction du suffrage universel, à se tourner vers la clandestinité. A l’échelle de la commune étudiée, les tendances sont identiques. Des premiers clubs à la fermeture de La Petite Montagne début novembre 1851, les démocrates ont du subir les mesures autoritaires du parti de l’ordre. Ainsi, les montagnards Vidaubannais passent, de 1848 à 1851, de l’exaltation du vote et des libertés individuelles, à la résistance et à la conspiration. Mais cette mutation du mouvement républicain, perceptible dans son organisation, l’est aussi dans ses activités, partagées entre prosélytisme et sédition. C’est pourquoi il est essentiel de mesurer et d’analyser l’action du parti républicain à Vidauban pour discerner l’action du parti républicain à Vidauban pour discerner, dans ses modes d’opération, les signes d’un durcissement et la préparation d’une crise politique qui s’annonce.
[1] M. Agulhon, 1848, op. cit., p. 124.
[2] A.D.V., 8 M16 22, rapport des recettes du Muy, 15 mai 1842. [3] A.D.V., 4 M16, tableau indicatif des chambrées dans l’arrondissement de Draguignan. [4] A.D.V., 4 M16, lettre du maire de Vidauban au préfet du Var. [5] Jean-Jacques Letrait, “ Les clubs démocratiques dans le Var ”, op. cit., t. 48, 1950. [6] A.D.V., 4 M16, tableau indicatif des chambrées dans l’arrondissement de Draguignan. [7] Décret qui autorise la fermeture de cercles ou de réunions non publiques en cas de fausses déclarations ou d’absence de déclaration concernant leur but non politique. [8] A.D.V., 4 M16, tableau des chambrées. [9] A.D.V., 4 M20 6, renseignements tirés notamment de la déposition du brigadier de gendarmerie Godillot en poste à Vidauban dès septembre 1850. [10] A.D.V., 11 M2/395, recensement de la population de Vidauban, 1851. [11] A.D.V., 4 M16 2, lettre du préfet au maire de Vidauban, le 6 janvier 1850. [12] Ibid. Rapport du lieutenant Buisson au préfet, 8 novembre 1850. [13] A.D.V., 4 M17, “ État des réunions, sociétés et chambrées dissoutes du 19 juin 1850 au 16 avril 1851 ”, adressé par le préfet au ministre de l’Intérieur. La décision de dissolution fait certainement suite à l’implication, au mois de février, de la société et de son président dans l’affaire du carnaval séditieux que nous développerons ultérieurement. En outre, La Peyrière est soupçonnée, à juste titre, d’accueillir à partir de l’été 1850 les réunions d’une société secrète que nous évoquerons par la suite. [14] A.D.V., 4 M16 2, lettre du préfet au maire de Vidauban, 6 janvier 1850. [15] A.D.V., 4 M18, lettre confidentielle du maire de Vidauban au préfet, le 15 novembre 1851. [16] Selon plusieurs sources, dont un procès-verbal du brigadier Godillot, A.D.V., 4 M17, le 27 février 1851. [17] A.D.V., 8 M16 22, rapport du lieutenant Buisson au préfet, 16 août 1851. [18] Ibid. [19] Ibid., lettre du maire de Vidauban au préfet, 21 août 1851. [20] Faute de renseignements sur leur composition et de références aux noms de leurs membres dans les rapports de gendarmerie. [21] A.D.V., 8 M16 22, lettre du préfet au ministre de l’intérieur. [22] Étienne Bérenguier (président de Saint Eloi), Basile Bouilly (président de l’Accord) et Alphonse Giraud (président de Saint Roch) ont participé activement à la phase municipale de l’insurrection. Les deux premiers ont été condamnés à la transportation en Algérie et le troisième fut renvoyé devant les conseil de guerre. En outre, le trésorier de Saint Eloi, Motus, trouva la mort le 10 décembre 1851 à Aups. [23] Malgré son nom, cette chambrée n’est pas celle indiquée par la gendarmerie en septembre 1849. [24] A.D.V., 4 M18, procès-verbal dressé contre deux membres de la chambrée à Vidauban. [25] Trois affiliés seulement nous sont connus. [26] A.D.V., rapport du commissaire Terrasse qui surveille une maison qu’il croit “ servir de réunion secrète ”. [27] M. Agulhon, 1848, op. cit., p. 169.
[28] A.D.V., 4 M20 6, tribunal de première instance de Draguignan. [29] Moyenne réalisée sur un ensemble de 19 affiliés à la société secrète. [30] 4 M20 6, tribunal de première instance de Draguignan, déposition du brigadier Godillot. [31] Ibid., dépositions de Magloire David et d’Honoré Gay. [32] Ibid., déposition de François Arnaud. [33] Ibid., déposition de Frédéric Cavalier. [34] A.D.V., 4 M20 6, tribunal de première instance de Draguignan, confrontation de François Sivade, Frédéric Cavalier et François Poulat. |