Loi du 28 juillet 1848 sur les clubs

Loi du 28 juillet 1848 sur les clubs (et les sociétés secrètes)

 

Art. 1er. Les citoyens ont le droit de se réunir, en se conformant aux dispositions suivantes.

2. L’ouverture de tout club ou réunion de citoyens sera précédée d’une déclaration faite par les fondateurs, à Paris, à la préfecture de police, et dans les départements, au maire de la commune et au préfet. Cette déclaration aura lieu quarante-huit heures au moins avant l’ouverture de la réunion. Elle indiquera les noms, qualités et domiciles des fondateurs, le local, les jours et heures des séances. Il sera immédiatement donné acte de la déclaration.

Aucun club ne pourra prendre une dénomination autre que celle du lieu de ses séances.

Les édifices publics ou communaux ne pourront être affectés, même temporairement, à ces réunions.

3. Les clubs seront publics, et ne pourront, dans aucun cas, ni restreindre la publicité par aucuns moyens directs ou indirects, ni se constituer en comité secret.

Pour assurer cette publicité, un quart an moins des places sera réservé aux citoyens étrangers au club.

Les femmes et les mineurs ne pourront être membres d’un club ni y assister.

Les séances des clubs ne pourront se prolonger au-delà de l’heure fixée par l’autorité pour la fermeture des lieux publics.

4. L’autorité qui aura reçu la déclaration pourra toujours déléguer, pour l’assister aux séances des clubs, un fonctionnaire de l’ordre administratif ou judiciaire.

Ce fonctionnaire y prendra une place spéciale à son choix, et devra être revêtu de ses insignes.

5. Un procès-verbal sera dressé, et signé, à la fin de chaque séance, par tous les membres du bureau ; il contiendra, 1° les noms des membres qui auront fait partie du bureau ; 2° le résumé exact de tout ce qui se sera passé à la séance. Il sera représenté à toute réquisition de l’autorité publique.

Le fonctionnaire présent à la séance pourra requérir l’insertion au procès-verbal de toutes les constatations qu’il jugera nécessaires, sans préjudice du droit qui lui appartient de dresser procès-verbal de toute contravention â la loi.

6. Les membres du bureau ne peuvent tolérer la discussion d’aucune proposition contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, ou tendant à provoquer un acte déclaré crime ou délit par la loi, ni des dénonciations contre les personnes ou attaques individuelles.

Les discours, cris ou menaces proférés dans un club sont considérés comme proférés dans un lieu public, et demeurent soumis à la même responsabilité.

Il en sera de même de tous imprimés ou emblèmes distribués dans l’intérieur du club.

7. Sont interdits : les rapports, adresses et toutes autres communications de club à club, les députations ou délégations de commissaires faites par un club, quel que soit l’objet de la mission des députés ou délégués.

Sont également interdits : toutes affiliations entre clubs, tous signes extérieurs d’association et toutes affiches, proclamations et pétitions collectives de clubs.

Il est interdit à tous clubs ou réunions de prendre des résolutions dans la forme de lois, décrets, arrêtés, ordonnances, jugements ou autres actes de l’autorité publique.

8. Quiconque se présentera dans un club avec des armes apparentes ou cachées sera puni d’un emprisonnement de trois mois à six mois, et de la privation des droits civiques pendant trois ans au moins et dix ans au plus.

Seront punis de la même peine, 1° les membres du bureau qui auront provoqué le fait, ou qui, en étant informés, ne l’auront pas empêché, en ordonnant l’expulsion immédiate des individus armés ; 2° tous ceux qui, par des discours proférés publiquement, ou par des écrits publiés ou affichés, auront provoqué les citoyens à se rendre en armes au club, ou à s’armer au dehors.

9. Toute contravention aux art. 2, 3, 4 et 5 sera punie d’une amende de cent à cinq cents francs, et, s’il y a lieu, de la privation en tout ou en partie, pendant un an au moins et trois ans au plus, de l’exercice des droits civiques mentionnés dans l’art. 42, du Code pénal. Ces peines seront prononcées contre les président, secrétaires et autres membres du bureau qui auront assisté aux séances sans que les régies prescrites par les articles précités aient été observées.

10. Toute contravention aux dispositions des art. 6 et 7 sera punie d’une amende de cent à cinq cents francs, et, suivant les cas, d’un emprisonnement de quinze jours à trois mois, et de la privation des droits civiques de un an à cinq ans.

Ces peines seront prononcées contre les président, secrétaires et autres membres du bureau qui auront autorisé les contraventions prévues par ces articles, et, en outre, contre les membres qui auront pris une part active à ces contraventions.

11. Le tribunal, en prononçant les peines édictées par les trois articles qui précédent, pourra, en outre, selon la gravité des circonstances, ordonner la fermeture des clubs.

Dans les cas de délits ou contraventions, constatés par un procès-verbal et ayant donné lieu à un réquisitoire à fin de poursuites, la chambre du conseil pourra, par une ordonnance spéciale, rendue sur les réquisitions du ministère public et le rapport du juge d’instruction, ordonner la fermeture immédiate et provisoire du club ou de la réunion jusqu’au jugement définitif des délits ou contraventions.

Cette ordonnance ne sera sujette à aucun recours.

12. En cas de réunion d’un club après la dissolution ou suspension prononcée, la peine contre les contrevenants sera de six mois à un an d’emprisonnement, et de la privation des droits civiques de cinq à dix ans.

13. Les sociétés secrètes sont interdites. Ceux qui seront convaincus d’avoir fait partie d’une société secrète seront punis d’une amende de cent à cinq cents francs, d’un emprisonnement de six mois à deux ans, et de la privation des droits civiques de un an à cinq ans.

Ces condamnations pourront être portées au double contre les chefs ou fondateurs desdites sociétés.

Ces peines seront prononcées sans préjudice de celles qui pourraient être encourues pour crimes ou délits prévus par les lois.

14. Les citoyens peuvent fonder, dans un but non politique, des cercles ou réunions non publiques, en faisant préalablement connaître à l’autorité municipale le local et l’objet de la réunion, et les noms des fondateurs, administrateurs et directeurs.

A défaut de déclaration, ou en cas de fausse déclaration, la réunion sera fermée immédiatement, et ses membres pourront être poursuivis comme ayant fait partie d’une société secrète.

Les dispositions qui précédent ne sont point applicables aux associations industrielles ou de bienfaisance.

15. Les réunions non publiques, dont le but sera politique, ne pourront se former qu’avec la permission de l’autorité municipale, et aux conditions qu’elle déterminera, sauf recours, en cas de refus, à l’autorité supérieure.

L’administration pourra toujours révoquer les autorisations accordées et faire fermer les réunions qui n’en seraient pas pourvues.

En cas de contravention, les membres, chefs et fondateurs seront punis des peines prononcées par l’art. 13.

16. Les infractions aux formalités prescrites par le présent décret, pour l’ouverture des clubs et la tenue de leurs séances, seront déférées aux tribunaux de police correctionnelle.

Toutes les autres infractions seront soumises au jugement du jury.

17. En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits commis dans les réunions publiques ou non publiques, la peine la plus forte sera seule appliquée aux faits antérieurs à la poursuite.

18. L’art. 463 du Code pénal pourra être appliqué à toutes les infractions prévues par le présent décret.

Lorsque les circonstances atténuantes seront admises, la cour ou le tribunal appliquera l’art. 401 du Code pénal. Néanmoins, la durée de l’emprisonnement pourra être réduite au minimum fixé par la présente loi.

La liberté provisoire pourra, dans tous les cas, être accordée avec ou sans caution.

19. Les dispositions du présent décret ne sont pas applicables aux réunions ayant pour objet exclusif l’exercice d’un culte quelconque, ni aux réunions électorales préparatoires.