Au temps du fer et des républicains rouges

Note de lecture

 

 

Guy Lavrat, 

Au temps du fer et des Républicains rouges,

 Sury-en-Vaux, Edition AàZ Patrimoine, 2008, 348 p., 22 euros

 

 

par Alain Chicouard

 

 

Février – juin 1848.

 

La révolution de Février 1848 balaye le régime de Louis-Philippe (la « Monarchie de Juillet ») et aboutit à la proclamation de la République. Liberté de la presse et d’association, suffrage universel masculin sont établis. Le ralliement à la République est quasi général, mais de quelle République doit-il s’agir ?

Pour la bourgeoisie,  il est décisif  de faire barrage aux aspirations ouvrières et populaires pour « la République démocratique et sociale ». En Juin 48, face à l’insurrection des ouvriers parisiens, aucune hésitation de la part du gouvernement aux mains des républicains conservateurs : pleins pouvoirs au général Cavaignac pour écraser militairement ce soulèvement. Bilan : environ 4000 morts du côté des insurgés. Juin 48 marque un tournant capital : « C’est la première grande bataille entre les deux classes qui divisent la société moderne. C’est la lutte pour le maintien ou l’anéantissement de l’ordre bourgeois [1]», soulignera Marx.

 

Après Juin, la Deuxième République évoluera de plus en plus dans un sens réactionnaire ( avec, entre autres, la loi Falloux confiant de fait l’enseignement au clergé catholique et la loi du 31 mai 1850 retirant le droit de vote à 3 millions d’électeurs des classes populaires) pour sombrer, avec la coup d’Etat du 2 décembre 1851, dans la dictature bonapartiste.

 

 

 

But de l’ouvrage.

 

Tel est très sommairement rappelé le contexte politique général dans lequel s’inscrit l’étude historique de Guy Lavrat[2] sur les « Républicains rouges ». Cette étude est centrée sur les événements survenus en octobre 1851 dans le  Val de Loire berrichon et nivernais, évènements le plus souvent ignorés ou mal connus, bien qu’ils furent « un véritable banc d’essai de la terreur blanche qui s’abattit sur la France après le coup d’Etat du 2 décembre ».

 

Son intérêt ne relève pas uniquement de l’histoire locale. Le récit, très documenté[3], porte sur des hommes et des évènements particuliers, circonscrits à un moment et à une région délimités[4] ; mais il est toujours bien inscrit dans les enjeux politiques nationaux.

 

Le but de l’ouvrage, précise Guy Lavrat, est de « décrire le mouvement républicain dans le sud-est du Cher, fortement imprégné de socialisme et marqué par les premières luttes ouvrières » et de « dégager les causes profondes et circonstancielles de son développement, puis de son échec en 1851 ».

 

Après avoir mentionné l’ancienneté et l’importance de l’exploitation du fer dans le Cher, puis le développement de la sidérurgie dans la première moitié du XIXe s.[5], Guy Lavrat rappelle que, notamment dans le sud-est du Cher, « les idées révolutionnaires de 1789 et républicaines de 1792 avaient résisté et fermenté pendant la première moitié du XIXe s., malgré la dictature napoléonienne et le retour des rois en 1815 ».

 

 

 1848 à Précy.

 

En février-mars 48, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des communes, il n’y a, à Précis, aucun consensus, aucun « unanimisme de façade » :

 

« On fêta les temps nouveaux, mais sans le curé et sans – et contre – le maire, le maître de forges Métairie (…). Le 26 mars eut lieu la cérémonie de la plantation de l’arbre de la Liberté. (…) On avait renversé Louis-Philippe à Paris, on renversa Métairie à Précy puisqu’il était le maire de Louis-Philippe. Ce ne fut pas, comme en beaucoup d’autres communes, la fraternisation générale, du maître des forges au journalier. Ce fut au contraire la rébellion contre les « gros » et les « blancs », sans oublier le curé. Ce jour-là, on assista à Précy à une sorte de cérémonie païenne, arrosée au vin rouge plutôt qu’au vin de messe[6]. »

 

Le royaliste Métairie, maire depuis presque 30 ans, grand propriétaire et maître de forges, « symbole de la bourgeoisie louis-philipparde », est balayé, et un nouveau conseil municipal est proclamé, avec Edme Desmoineaux, comme maire.

 

Dans des communes voisines, des grèves ouvrières éclatent. Ainsi, « le 3 avril, 800 grévistes de la sidérurgie et des mines marchèrent de village en village » dans la vallée de l’Aubois. Arrestations, licenciements, déploiement de forces armées parviennent à stopper ce mouvement.

 

Mais, en mai, les ouvriers des chantiers du chemin de fer Nevers-Bourges en construction se mettent en grève. Un jeune homme de 26 ans, géomètre travaillant pour la Société des Chemins de fer du Centre, y tiendra une place importante : Victor Baron, « républicain de la veille » (d’avant Février 48), sera l’un des pionniers de la République démocratique et sociale dans la région. Guy Lavrat note :

 

« Grâce à lui s’opéra une sorte de jonction entre le mouvement ouvrier naissant et le mouvement des républicains « rouges », entre la conscience de classe et la conscience politique[7] ».

 

Cette grève fut limitée : elle ne dura que trois jours ( en raison de l’intervention des soldats et des gendarmes) et la revendication salariale ne fut pas satisfaite ; mais « un autre aspect, remarque à juste titre Guy Lavrat, doit retenir l’attention » :

 

« C’est la création annoncée d’une association dite philanthropique, ayant pour but de venir en aide aux ouvriers dans le besoin à la suite d’une maladie ou d’un accident. Il s’agit de ce qu’on peut considérer dans le Cher comme la première tentative consciente et publique d’organisation d’ouvriers, qui tenait à la fois de la mutuelle et du syndicat. Une association à la tête de laquelle les ouvriers eux-mêmes placèrent un homme « qui adorait la République et appliquait tous ses efforts à la consolider », à savoir Victor Baron[8]. »

 

Aux élections législatives de mai 1849, les « démocrates-socialistes » obtiennent, au niveau national, des résultats  (180 sièges) qui témoignent des aspirations sociales et d’une radicalisation politique des classes populaires. Ainsi, dans le Cher, les 6 députés élus sont tous « démocs-socs ».

 

Ces résultat vont paniquer les conservateurs, même si le « Parti de l’Ordre » garde la majorité absolue à l’Assemblée. Dès juin 1849, suite au fiasco lamentable de la manifestation parisienne du 13 juin,  les conservateurs au pouvoir redoublent leur offensive répressive.

 

 

Le procureur Corbin.

 

Dans le Cher, c’est le procureur général Corbin, ardent partisan de Louis-Napoléon Bonaparte ( élu à la Présidence de la République en décembre 48), qui sera l’organisateur de la répression. Dans son rapport au Garde des Sceaux du 30 septembre 1849, il écrit :

 

« Le socialisme en tant que doctrine a infecté les masses. Ce ne sont que cris de haine contre le clergé et de guerre contre la propriété.[9] »

 

Il dénonce entre autres « les instituteurs primaires qui sont aussi professeurs de socialisme ».

 

En application de la loi du 11 août 1848 prohibant toute revendication d’une République sociale, Corbin obtient la révocation de plusieurs maires et la dissolution de conseils municipaux.

 

 

Victor Baron.

 

Corbin avait particulièrement en ligne de mire Victor Baron. Dans un pamphlet de 1850, Baron parle en ces termes des candidats réactionnaires :

 

« Vous êtes taillés pour représenter le peuple comme un artichaut pour produire des roses, comme un banquier pour être honnête et comme moi qui vous parle pour dire la messe [10]».

 

Il devint, précise Guy Lavrat, « le missi dominici de la République démocratique et sociale dans le Val de Loire et la Vallée de l’Aubois ( et même, au-delà, dans la Nièvre), sachant relier la revendication sociale et l’agitation politique, redouté des « gros » et des « blancs », populaire parmi les ouvriers de l’industrie et des chantiers du chemin de fer aussi bien que parmi les journaliers, les bûcherons et les petits paysans.[11] »

 

Il sera révoqué des Ponts et Chaussées en 1849 et emprisonné plusieurs mois en 1850. A sa sortie de prison, il devint « propagandiste itinérant, non pas appointé par l’organisation républicaine – celle-ci n’était pas suffisamment structurée dans la Nièvre et encore moins dans le Cher -, mais acceptant de vivre chichement de son activité de colportage et de solidarité de ses « frères[12] ».

 

 

Les Mariannes, sociétés républicaines secrètes.

 

Compte tenu de la répression et de la nouvelle loi électorale de mai 1850, les républicains furent contraints de s’organiser en sociétés secrètes.

 

En 1850, les sociétés secrètes républicaines (les Mariannes), venant de Lyon, s’étaient installées dans la Nièvre, et en novembre, allaient passer la Loire et s’établir dans le Cher, notamment grâce à Edme Desmoineaux ( qui a subi 64 jours de prison en 1849 et a été révoqué de sa fonction de maire en 1850).

 

C’est à partir de Lyon que les sociétés secrètes républicaines s’étaient répandues dans l’Allier, le Cher, le Loiret, l’Yonne et la Nièvre. Ce réseau de sociétés secrètes demeure mal coordonné, et les Républicains sont divisés sur les modalités d’action : comment faire face à la répression gouvernementale et à la préparation d’un coup d’Etat de la part de Bonaparte ? Faut-il recourir à l’action armée, et, dans ce cas, à quel moment ? Faut-il prévenir  le coup d’Etat en agissant avant ou se préparer à riposter lors de son déclenchement ?

 

En mai 1851, à La Charité-sur-Loire, lors des obsèques d’un Républicain « rouge », la force du mouvement républicain se manifeste : « 600 personnes du Cher et de la Nièvre accompagnèrent le corbillard, dans un défilé silencieux et discipliné, chacun tenant sa branche d’immortelles rouges à la main[13] ».

 

Corbin, grâce à des mouchards, est informé du développement des Mariannes, et, durant le printemps et l’été 1851, il va s’acharner à en préparer méthodiquement  le démantèlement.

 

Le 23 septembre, Corbin envoie à Paris une dépêche qui est un « véritable morceau d’anthologie anti-ouvrière et anti-républicaine ». En voici un extrait :

 

« Depuis plus de six mois, une surveillance policière est exercée [dans plusieurs cantons ] du Cher. […] Ces cantons […] comptent une population nombreuse d’ouvriers mineurs, de bûcherons, de forgerons, violents, peu maniables et qui, pour le malheur de ces contrées, ont été surexcités en 1848 et 1849 par la propagande des ateliers du chemin de fer du Centre […].

Il n’est pas douteux que, parmi ces hommes ignares et grossiers, la démagogie n’ait fait de nombreux proséytes. D’atroces ou d’infâmes propos ne révèlent que trop souvent et sans le moindre voile, dans les cafés et les cabarets, des projets de pillage et de destruction et l’espérance d’un prochain succès.

 

Il était temps d’agir. […] »

 

 

L’arrestation de Desmoineaux, le soulèvement des républicains de Précy et la répression

 

(11-13 octobre 1851).

 

Le 11 octobre, Corbin fait arrêter trois militants républicains de Précy, dont Desmoineaux. Contre ces arrestations arbitraires et par devoir de solidarité et d’insurrection, les démocrates les plus déterminés de Précy et des environs se mobilisent dès le 11 au soir : « Une centaine d’hommes entamèrent à la tombée de la nuit une marche sur Sancerre, avec des fusils, des faux et des fourches, pour aller délivrer « les meilleurs de nos frères » comme le dira l’un d’eux[14]. »

 

Mais le 12 au matin, d’importantes forces militaires sont déployées autour de Sancerre. Pour éviter le massacre, les « gens de Précy » décident de rebrousser chemin. Dans la nuit du 12 au 13, un autre soulèvement a lieu à Beffes et d’autres communes voisines de Précy, mais, trop isolé et mal organisé, il n’aboutit pas, en raison du déploiement militaire.

 

Dès lors, Corbin referme son piège visant à  décimer le mouvement républicain dans cette région. Il lance 95 mandats d’amener. Les arrestations sont nombreuses, et les condamnations expéditives  seront lourdes (principalement des déportations en Algérie). Rares sont ceux qui, comme Baron[15], parviennent à s’enfuir.

 

Tous les Républicains, qu’ils soient partisans d’un soulèvement rapide (comme  Baron) ou attentistes et légalistes, seront pris de vitesse par le dispositif répressif de la magistrature et de l’armée.

 

En octobre, procureurs et généraux vont multiplier les mandats d’amener contre les républicains et parviendront à désorganiser et à décapiter le mouvement républicain bien avant le coup d’Etat du 2 décembre[16].

 

 

Illusions et faiblesses du mouvement républicain.

 

Les dirigeants républicains ont entretenu des illusions à la fois sur  l’indécision de Bonaparte et sur l’automaticité d’un soulèvement révolutionnaire généralisé du peuple.

 

« Les députés Montagnards, note G. Lavrat, étaient dans l’incapacité de mener une lutte politique et organisationnelle sur le terrain et en profondeur, en dehors de leurs envolées oratoires à l’Assemblée législative. Marianneux et députés étaient surtout incapables de rivaliser avec l’appareil très structuré, quant à lui, de l’armée, de la police, de la gendarmerie et de la Justice[17]. »

 

Comme le précisera plus tard l’un des Marianneux[18], « la Marianne était loin d’avoir achevé son oeuvre d’organisation. Son réseau ne couvrait pas encore les provinces du nord et du nord-ouest, ni Paris, ni ses environs. […] La démocratie parisienne, décimée par l’insurrection de juin 1848, n’avait pas encore repris haleine. »

 

 

Etat de siège en octobre 1851 dans le Cher et la Nièvre.

 

Le 21 octobre, les départements du Cher et de la Nièvre sont mis en état de siège. L’autorité militaire interdit les réunions publiques, trente journaux et de multiples publications, désarment les gardes nationales, ferment de nombreux cabarets…

 

Dans un rapport de synthèse du 22 novembre, Corbin écrit :

 

« De Précy émanait une impulsion funeste. Là se donnaient les mots d’ordre et s’organisaient les complots. Le cabaret de Desmoineaux était le rendez-vous habituel de tous ces agitateurs notoires et de bas étage qui aspiraient à un coup de main et se préparaient pour le premier signal. […]

 

Le Cher et la Nièvre sont infectés de sociétés secrètes innombrables. Ces sociétés secrètes se rattachant à la Jeune Montagne ne sont que les ramifications d’un vaste et effroyable complot dont la dernière fin est la destruction radicale de l’ordre social actuel, rien de moins […] [19]»

 

Le procureur Corbin, partisan résolu de Bonaparte qui préparait méticuleusement son coup d’Etat, incarne le Parti de l’Ordre obsédé par la menace sociale des « classes populaires, classes dangereuses » et par le danger d’un mouvement structuré en faveur de la République démocratique et sociale. Les comploteurs bonapartistes se plaisent à dénoncer le « complot » des défenseurs de la République…. Ils déchaînent une répression implacable dès septembre-octobre 1851 et préparent  le 2 décembre au nom de la préservation de « l’ordre social »… Refrains connus…

 

Et, en fin de compte, quelle est  la cause d’une telle situation, pour les tenants de « l’ordre social » ? Un article[20] de l’un des journaux réactionnaires en donne la clef :

 

«  De toutes parts, les passions libres de tout frein religieux, débordent et sont incessamment pour notre société, pour la civilisation une menace de mort. Telles sont les consignes d’une des prétendues conquêtes (la Liberté) les plus vantées de notre première Révolution ».

 

La cause de tous les maux ? La Révolution de 1789…

 

 

Un bréviaire antirépublicain.

 

Corbin, le 8 novembre, dans son « discours de rentrée[21] » devant la Cour d’Appel de Bourges, tient des propos significatifs :

 

« […] Ne percevez-vous pas la lèpre morale qui chemine à l’ombre et assiège peut-être votre demeure ? […] Là, tout à nos portes a retenti le cri de guerre …. une guerre qui voudra beaucoup de sang, guerre effroyable qui veut se venger de Dieu et des lois   d’une civilisation de vingt siècles, de tout ce qui est saint, de toute richesse et de toute vertu et de faire passer sur les ruines du vieux monde son niveau d’impiété, de barbarie, d’abject despotisme et de misère. […]

 

Un gouvernement acclamé de tous, au nom de l’ordre, contre tout excès révolutionnaire, le gouvernement de Napoléon Bonaparte vous protège. […] Jamais la résolution ne fut plus arrêtée de comprimer vite et surtout vigoureusement au besoin l’audace des factieux, le désordre et ses fauteurs.[22] »

 

Difficile de trouver appel plus direct au coup d’Etat qui aura lieu moins d’un mois plus tard. Assurément Corbin et tous les magistrats et officiers inféodés à Badinguet, en organisant dans le Cher et la Nièvre une répression violente et systématique contre les « républicains rouges », se sont fait la main pour préparer la mise en place de la dictature bonapartiste à l’échelle nationale.

 

 

Emprisonnements et déportations.

 

Suite à « l’insurrection de Précy-Beffes », il y aura une centaine d’inculpés qui, sans avocats, seront sommairement jugés. Outre des mesures d’expulsion de France et de mise en surveillance, il y aura 33 condamnations à 2 ans de prison et surtout 49 déportations en Algérie.

 

La répression antirépublicaine fut de grande ampleur avant et, plus encore, après le coup d’Etat du 2 décembre. Ainsi, dans le seul arrondissement de Saint-Amand (Cher), 351 personnes ont été poursuivies avant le 2 décembre et 655 après, soit plus de mille au total[23].

 

Les camps d’internement en Algérie étaient souvent redoutables : « L’Oued Boutan et le camp de Bourbika étaient les deux plus sinistres et plus malsains des « camps-colonies » de l’Algérie ; le premier était surnommé « le Tombeau ». Même s’ils n’atteignaient pas l’horreur de Cayenne, ils firent de nombreux morts, victimes du travail forcé et des mauvais traitements infligés par des militaires et gardiens souvent brutaux et sadiques, sans compter les épidémies de toutes sortes qui faisaient des ravages sur des organismes sous-alimentés et fragilisés, minés par un mauvais moral.[24]

 

Ainsi Desmoineaux, l’ancien maire de Précy, déporté à l’Oued Boutan, décède en août 1852.

 

Le catholique intransigeant qu’était l’honorable procureur Corbin, avec l’arrestation, la déportation et la mort de Desmoineaux, plongera dans une misère noire sa femme et ses dix enfants. Pour les familles des républicains persécutés par Corbin,  combien de traumatismes et de souffrances ?

 

 

Renaissance progressive des luttes ouvrières et du mouvement républicain.

 

Malgré l’ampleur de la répression en 1851-1852 et malgré la dictature bonapartiste, les luttes sociales ressurgiront, et le mouvement républicain et socialiste parviendra progressivement à se reconstituer durant les années 1860. Guy Lavrat mentionne les faits suivants :

 

« Dès la deuxième moitié des années 50, les mineurs du bassin de fer de Feuillarde, Mennetou-Couture et St-Hilaire-de-Gondilly se manifestèrent par plusieurs grèves, accompagnées dans les années 60 par une agitation continue, ouvrière et républicaine, dans les usines de Torteron et de Fourchambault. Ces « mouvements sociaux », pour employer une expression moderne, débouchèrent au printemps 1870 sur une grande grève de mineurs et de sidérurgistes qu’on peut qualifier d’historique et qui fut durement réprimée ( 39 condamnations, dont d’anciens Marianneux de 1851), au cours de laquelle Benoît Malon, envoyé par la 1ère Internationale Ouvrière, fut accueilli à Feuillarde, Torteron et Fourchambault.

 

[…] L’ère des sociétés secrètes était terminée, mais c’était désormais au cœur d’une jeune classe ouvrière rebelle de sidérurgistes, de mineurs, de bûcherons, de chaufourniers et de journaliers agricoles que se concrétisait, dans le Val de Loire et la Vallée de l’Aubois, l’opposition à l’Empire et l’aspiration à une nouvelle République, démocratique et sociale. Un signe parmi d’autres : à Mennetou-Couture, en 1855 et pendant plusieurs années, les mineurs arboraient le dimanche un ruban rouge à leur boutonnière, au grand dam du commissaire de police de Torteron[25]. »

 

Merci à Guy Lavrat d’avoir fait ressurgir le combat des « républicains rouges » de Précy et des cantons environnants dans les année 1848-1851 et d’avoir redonné à ce combat la place qu’il mérite dans l’histoire du mouvement ouvrier.

 

 

Le 31 mars 2010, Alain Chicouard

 

 


[1]Les luttes de classes en France, 1850.

 

[2]–  Guy Lavrat est une personnalité  bien connue en Bourgogne. Instituteur sur le plan professionnel et militant du PCF sur le plan politique, il a été, pendant de nombreuses années, maire de Migennes ( de 1977 à 1999) et également conseiller général.

 

[3]–  G. Lavrat s’appuie notamment sur les sources disponibles aux Archives départementales du Cher et de la Nièvre, ainsi que sur celles des Archives nationales et du Service historique de l’Armée de terre.

 

[4]–  En particulier, la commune de Précy occupe une place notable en raison de son  « rôle important  dans le dispositif des sociétés secrètes républicaines dans cette région du Cher en 1851 ». Guy Lavrat apporte la précision suivante: « Il se trouve que c’est une commune que je connais bien pour y être né et y avoir passé mon enfance et ma jeunesse. C’est à Précy, Jussy-le-Chaudrier, Charentonnay et La Charité-sur-Loire que reposent mes aïeux et que sont mes racines. J’avais une sorte de dette personnelle à l’égard des obscurs et anonymes républicains de la première heure qui méritent d’être tirés de l’oubli où ils ont longtemps été plongés ».

[5]–  Les données suivantes sont citées: «  En 1844, le Cher fut le troisième département pour l’extraction du minerai de fer, et le 5e département producteur de fonte et de fer marchand, avec 24 hauts-fourneaux et 30 forges. (…). Il était en 1846 le 1er département pour la commercialisation (en valeur) de la fonte de première fusion »

 

[6]– G. Lavrat, op. cité, p.73.

 

[7]– id., p.100.

 

[8]–  id., p.105.

 

[9]–  id., p.165.

 

[10]–  id., p.177, note 84.

 

[11]– id. p.177.

 

[12]– id. p. 180.

 

[13]– id., p.239.

 

[14]– id., p.209.

 

[15]–  Victor Baron parviendra à passer en Suisse, puis en Angleterre. De là, il gagna le Canada, puis les Etats-Unis. En 1855, il était un des rédacteurs du journal républicain de langue française de New-York  Le Progrès, avant  d’aller s’installer au Mexique où il meurt dans la misère à Vera Cruz en 1864, à 42 ans. ( Note de G. Lavrat, p.224)

 

[16]–   si bien qu’en réaction au coup d’Etat , les mobilisations dans le Cher et la Nièvre se limiteront à Neuvy-sur-Loire et à Clamecy.

 

[17]–  op. cité, p.249.

 

[18]–  Lacour ( sous le pseudonyme de F. Remi): La Marianne dans les campagnes, – édité à Auxerre en 1881 – cité par G. Lavrat, p.249.

 

[19]– op. cité, p.264.

 

[20]– article de La Manche, reproduit dans Le Droit Commun du 21 octobre 1851. Cité par G. Lavrat p.269.

 

[21]De l’énergie civique, Bourges, 1851. – Discours cité p.273/278 par G. Lavrat, qui le qualifie ainsi: « extraordinaire théorisation de la répression, bréviaire antirépublicain qui fit date dans les annales de la Magistrature, non seulement dans le Cher, mais du pays tout entier. »

 

[22]– op. cité,  p.276.

 

[23]– Chiffres cités par G. Lavrat, p.300.

 

[24]– op. cité, p.311.

 

[25]– id., p.321.