Lo cop d’estat de 1851
Dans le cadre de notre réflexion sur les réactivations de la mémoire varoise de l’insurrection de décembre 1851 au cours des premières années 1970, (réactivations alors clairement mises en rapport avec les engagements idéologiques et politiques des intervenants), nous poursuivons la mise en ligne de documents par la publication de la pièce de Gaston Beltrame, instituteur à Ollioules (Var), pièce qui fut représentée à de nombreuses reprises en 1974 et 1975 par le Centre Dramatique Occitan de Toulon, dirigé par André Neyton. Nous remercions vivement Mme Élise Beltrame et A.Neyton, qui nous ont donné l’autorisation de reproduire ce texte. René Merle LO CÒP D’ESTAT DE 1851
Gaston BELTRAME
Éditions Rescontres
Centre Dramatique Occitan
1974
Acabat d’estampar sus las premsas de la S.A.R.L. Estempariá BARNIER, 4 car. dels Lombarde – 30 NIMES. pèr lo compte de la colleccion R E S C O N T R E S Totei drechs reservats. Depaus legal : Segond trimestre 1974.
DISTRIBUCION PER LA CREACION
Magali BIZOT Gui BERNAT
Josiana FERRIE Bernat GASSIN
NICÒLA Rogier MONIN
Silviana REBOL Andrieu NEITON
Mesa en scèna – Andrieu NEITON.
première partie
MARTIN BIDORET
Sus lo dralhon peirós de l’an cinquanta un
La paura libertat rebala sei raubilhas
Lei tèmps son claus pèr ela – ara i a plus degun –
Adejà lei cadenas an un sang que rovilha
Subran tóteis ensèms obriers e païsans
Dins lo roge escaborn cridavan aqueu cant.
REFRANH
Martin Bidoret, Martin de Barjòus
Voliás pas morir, t’an tuat dos còps
T’an tuat dos còps
Martin de Barjòus
Siás totjorn vivènt
Siàs totjorn vivènt
Es pas acabat lo tèmps de luchar
Lo tèmps de luchar pèr la libertat
II
Tant d’òmes matrassats sus lo prat-batalhier
I aviá lo Toina Bon, Giraud dich l’esperança
Fusilhats coma tu, O Martin Bidoret
Un còp pòt pas sufire pèr tuar la Provènça
– “Toina ! Toina ! Siás mòrt” ? demandava Giraud
– “Non ! e tu mon amic ? – Pèr nàutrei es plan pauc !”
III
Ièr, ara o deman, siám totjorn esvelhats
Toina, Giraud, Martin grelhan dins nòstre còr
Podèm jamai morir sensa la libertat
E podrem jamai viure sota lo vènt dau Nòrd.
Escota, escota, amic lo cant dau sovenir
Que monta dau passat pèr dubrir l’avenir.
(Paraulas e Musica de G. BELTRAME).
Editions Ventadorn.
(Roulements de tambour)
LO PRESENTAIRE
Bràvei gents! Intratz ! Intratz ! Anatz veire un espectacle estranh, una istòria fantastica que si va debanar tot ara dins lo grand, lo bèu, lo gigant circ francés. Nasejaires e nasejarèlas, badaires e badarèlas, gents d’aici ambé gents d’ailà, venètz espinchar lo grand morsèu dau repertòri politic : “Lo còp d’Estat de 51”. Dins una realizacion extraordinària, onte lo sang, l’orror e l’inumanitat fan afrosa mescladissa.
(Roulement de tambour)
Pèr començar, vaicí la bèstia nosenta, faussa, galavarda, l’iena pudenta : bèstia imonda, bèstia abramada dau poder qu’a encara lei dents e lo morre embarnissats dau sang dei darrièrei victimas de son deliri. Vaicí venir… vaicí venir… vaicí venir…
(le ton monte, le présentateur gueule vers la coulisse)
Vaicí venir…
(de la coulisse sortent des cris)
TOUS
C’est à moi… Non, à moi… Laissez-moi passer… Possa-te… Salaud… Assassin… Leva-te dau mitan … Bandit … Porcàs… Corrupteur… Manja-merda… Raclure … Tyran … Tyran toi-même…
Tiens !… Aganta… Mefi…
(Le régisseur est brusquement propulsé sur la scène)
LE RÉGISSEUR (affolé)
C’est pas possible, ils sont fous… ils veulent tous rentrer en même temps !
LO PRESENTAIRE
Comment ça, tous ?
LE RÉGISSEUR
Ben oui !… tous les fauves : les colonels grecs, Salazar, Franco, le quarteron des généraux, Hitler, Pinochet et sa clique d’assassins…, tous quoi !
LO PRESENTAIRE
Il faut les calmer tout de suite. Les spectateurs s’impatientent, on ne peut plus retarder la représentation.
LE RÉGISSEUR
Que faire ?
LO PRESENTAIRE
C’est votre travail, pas le mien.
(Le régisseur se hâte vers les coulisses)
LO PRESENTAIRE
Bràvei gents, un pauc de paciència ! Mai lei bèstias sauvajas de nòstra mainatjariá son d’animaus terribles, espaventós, sanguinaris. An l’eime escur coma la gòrja dau lop. Secutar, arpionar, mossegar, sagatar son lo solet plaser d’aquélei mostres.
(On entend les claquements d’un peloton d’exécution, dans les coulisses)
LE RÉGISSEUR (entrant)
Ça y est, Monsieur, le calme est revenu.
LO PRESENTAIRE
Qu’avez-vous fait ?
LE RÉGISSEUR
Il nous restait encore quelques otages… nous les avons donnés à ces messieurs pour calmer leur appétit.
LO PRESENTAIRE
Tous ?
LE RÉGISSEUR
Non, simplement quelques nègres, trois arabes, une demi-douzaine d’occitans, un rouge notoire…
LO PRESENTAIRE (le coupant)
Quoi ! Vous avez fait fusiller l’indien !
LE RÉGISSEUR (offensé)
Monsieur, pour qui me prenez-vous ! Nous savons la valeur des Chipawa en cette période de pénurie. Non ; il s’agissait d’un agitateur difficile à classer : apparemment ni gauchiste avoué, ni communiste notoire. Nous avons pensé…
LO PRESENTAIRE
Vous avez bien fait.
(Le régisseur sort)
Ara podèm li anar. Pèr començar, vaicí venir lo grand porcàs de la politica, la demòni que pèr sa glòria a chausit de metre lo pais a fuec e a sang. Vaicí venir aquela putassiera que li dison : Napoleon lo manja-sang !
(Entre Louis-Napoléon Bonaparte suivi du régisseur Ratapoil)
L. N. B.
Eh ! Ratapoil ! Tu vas lire le décret que je viens de signer en mon palais de l’Elysée, ce 2 décembre 1851.
RATAPOIL
Oui, mon Empereur.
L. N. B.
Pas encore, crétin ; pour le moment, je ne suis que Président de la République. Lis !
RATAPOIL
Au nom du peuple français…
L. N. B. (à part)
Ça c’est le meilleur truc pour les couillonner !
RATAPOIL
Article un : l’assemblée nationale est dissoute.
L. N. B.
Je ne pouvais pas faire autrement, ces maudits députés ne voulaient pas modifier la loi, pour que je sois rééligible !
RATAPOIL
Article deux : le suffrage universel est rétabli.
L. N. B.
C’est pas de la démocratie, ça ?
RATAPOIL
La loi du 31 mai est abrogée.
L. N. B.
Les députés se refusaient à le faire, il fallait bien que je m’en charge.
RATAPOIL
Article trois : le peuple français est convoqué dans ses comices à partir du 14 décembre jusqu’au 21 décembre suivant.
L. N. B.
Là, il y a une astuce difficile à saisir. J’ai interverti l’ordre des articles. Mais vous allez comprendre, qu’en toute démocratie, je ne pouvais pas mettre l’article 4 à la place du 3.
RATAPOIL
Article quatre : l’état de siège est décrété dans l’étendue de la première division militaire.
L. N. B.
Vous comprenez, des esprits mal intentionnés prétendraient aisément que les élections ne seraient pas libres. D’ailleurs, entre nous, il y a de fortes chances pour qu’à cette date la moitié du pays soit en état de siège.
RATAPOIL
Article cinq – le Conseil d’Etat est dissous.
L. N. B.
Ce genre de machin, comme dira mon cousin Charles, ça ne sert à rien, qu’à inaugurer des chrysanthèmes.
RATAPOIL
Article six : le ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent décret.
L. N. B.
Il faut bien qu’il justifie la place de choix que je lui ai réservée.
(Un homme entre en courant et se jette aux pieds de L.N.B.)
L’HOMME
Mon empereur ! mon empereur !
L. N. B.
Décidément, ils y tiennent. Il faudra que je me fasse plébisciter : je n’ai pas le droit de les décevoir.
L’HOMME
Mon empereur !
L. N. B.
Qu’y a-t-il ?
L’HOMME
Des ouvriers ont dressé des barricades sur les boulevards.
L. N. B.
C’est sans importance. Tout a été prévu. Allons ! venez mes braves, l’Empire n’attend pas ! (ils sortent).
LO PRESENTAIRE
Loïs-Napoleon Bonaparte ambé Morny e seis arpians an sangolat lo pais. La policia, l’armada e l’administracion son totjorn ensèms pèr compelir e aclapar Io pople. Totjorn lei malurós an tòrt, son coupables. La justicia es un trompe-colhon : li a qu’aquélei dau pòple que son jutjats, condemnats, executats ; pèr élei li a jamai de clemència. Orne dau pòple, a jamai drech à la paraula. Quand parlam vertadierament e fortament, nos mandan lei soldats pèr sarrar lei bocas.
(Fusillades en coulisse, pendant que 1, 2 et 3 entreront successivement et s’écrouleront après avoir dit leur tirade)
L. N. B.
Soldats ! Soyez fiers de votre mission, vous sauverez la patrie, car je compte sur vous, non pour violer les lois, mais pour faire respecter la première loi du pays, la souveraineté nationale, dont je suis le légitime représentant. (Fusillade).
1 (entre vivement)
Pour protester contre le coup d’État, les ouvriers avaient dressé des barricades rue Saint Denis, rue des Petits Carreaux, rue Rambuteau, rue Montorgueil, rue Tiquetonne, rue Transnonain. Le mouvement fait tache d’huile, atteint le canal et le faubourg Saint Martin. Et puis, on s’enhardit. Sur les boulevards, une barricade s’élève Porte Saint-Denis, une autre près du Gymnase. Puis, c’est le boulevard Montmartre, le boulevard des Italiens, le quartier des “gants jaunes”. Et le bon peuple croit déjà à la victoire. On dit que Louis-Napoléon a cédé, que la police est débordée, que des éléments de l’armée fraternisent avec les travailleurs. Amère illusion ! Trente mille hommes de troupe, trahissant une fois de plus ceux qu’ils devraient défendre, convergent vers les rues populeuses. Et puis, c’est la provocation : un coup de feu claque, tiré par un soldat gorgé d’alcool, et la fusillade éclate. Des hommes, des femmes, des enfants s’affaissent, criant de douleur et d’épouvante. Et pendant dix minutes les soldats tirent, ivres de rage aveugle et de folie meurtrière. Il y a là, maintenant, près de deux cents corps à jamais immobiles, et des centaines d’autres souillés de sang, pantelants de douleur.
(Fusillade. 1 s’écroule).
L. N. B.
Soldats ! vous êtes l’élite de la nation. Aujourd’hui en ce moment solennel, je veux que l’armée fasse entendre sa voix.
2 (entre vivement)
A Lohermida, au Chili, les quartiers pauvres sont cernés par l’armée. Ici, les prolétaires sont organisés politiquement ; ils appartiennent au Parti Socialiste, au M.I.R. ou au M.A.P.U.. Devant la résistance des hommes, des femmes et des enfants, le capitaine fait évacuer la troupe et demande l’intervention de la force aérienne. Et sur cette agglomération de 3.000 habitants, les avions déversent des tonnes de napalm. Lohermida est rasée. Les bulldozers et les tanks nivellent les ruines. Quatre à cinq cents morts, des centaines de blessés, des centaines de brûlés.
(Fusillade. 2 s’écroule).
L. N. B.
Soldats ! N’oubliez pas que l’obéissance passive aux ordres du chef du gouvernement est le devoir rigoureux de l’armée, depuis le général jusqu’au soldat. C’est à moi, responsable de mes actions devant la postérité, de prendre les mesures qui me semblent indispensables pour le bien publie.
(Fusillade. Entre 3).
3
À Athènes, c’est l’impétueux soulèvement du peuple contre ses tyrans. Les petites gens se sont rassemblées derrière les ouvriers. Tous passent à l’offensive. Ils débordent la police, affrontent les blindés et les mitrailleuses. L’héroïsme de certains fait le courage de tous. Les étudiants font barrage de leur corps aux tanks des colonels. En province, les ouvriers prennent d’assaut les mairies et les Préfectures ; et cela, malgré la loi martiale et le couvre-feu. Mais l’armée se déchaîne… et c’est le carnage : les exécutions sommaires, les fusillades. Force reste au tyran.
(Fusillade. 3 s’écroule).
L. N. B.
Soldats ! Restez inébranlables dans les règles de la discipline et de l’honneur. Aidez, par votre attitude imposante, le pays à manifester sa volonté dans le calme et la réflexion. Soldats, nous sommes unis par des liens indissolubles. Votre histoire est la mienne.
(1, 2 et 3 toujours étendus, se mettent à gémir. A travers des gémissements on entend ces mots) :
LES TROIS
Commune de Narbonne… Canuts de Lyon… Guernica… Lisbonne… Cuba… Santiago du Chili… Euskadi… Irlande… Athènes… Occitània..
oc
Amics ! Atèna es pas Grècia ! Santiago es pas Chile ! Paris es pas França e encara mens Occitània. La lucha deis obriers e dei paisans si debana dins totei lei nacions ; mai coma lo capitau es internacionau, la lucha es internacionala : Proletaris de pertot dins lo mond, ajudatz-vos, donatz-vos la man. Aquí un òme es mòrt. Ailà, un òme novèu s’es levat pèr cridar : “Resistèneia !”.
(1, 2 et 3 se relèvent lentement, murmurent d’abord le mot, puis le lancent comme un cri d’espérance).
LES TROIS
Resistència ! … Resistència !… Resistència !… Resistència !… RESISTÈNCIA ! …
(Mime des partisans. Ils se glissent, bondissent, se dissimulent, combattent, s’écroulent, se redressent, se coulent, tombent, repartent… Chaque action nouvelle est amorcée le cri) :
TOUS
Zo !
(Pendant que les récitants relatent les faits d’armes insurgés, tous s’arrêtent brusquement, puis reprennent dans la foulée, dès que les récitants se taisent).
RÉCITANT
Dins la Vauclusa, lei franc-tiraires si son fach mèstres d’Ate. Lo sos-prefècte demanda a la gendarmariá de l’ajudar. Mai, coma an pas pron d’òmes, si va mobilizar de païsans que seràn enquadrats pèr lei logadiers, lei mercenaris dau poder. L’ataca d’Ate pèr lei soldats dau sos-prefècte vira a la desbranda ; lei païsans vòlon pas tirar còntra sei fraires. Lo sos-prefècte ambé lei gendarmas s’esbinhon coma s’avián lo fuèc au cuou. Puèi, lei roges s’apoderan de l’Illa-sus-la-Sòrga, e l’envasisson. Avinhon es assetjada. Aurenja es dins lei mans dei democratas.
TOUS
Zo !
UN MESSAGER
Monsieur le sous-préfet ! Monsieur le sous-préfet ! À Saint-Etienne-les-orgues, les vandales ont fait un feu de joie avec les actes notariés !
TOUS (dansant et chantant)
Papiers cremats
Impòsts Pagats ! (plusieurs fois)
TOUS
E zo !
UN MESSAGER
Mon Général ! mon Général ! les rebelles ont arrêté le sous-Préfet de Sisteron. Ils l’ont enfermé dans la Citadelle avec une trentaine de soldats qu’ils ont fait prisonniers.
TOUS (dansant et chantant)
Volèm plus lo sala-topin
L’avèm garçat dins la gabiòla
Dins la gabiòla sensa vin
Blanqueja lo sala-topin !
TOUS
E zo !
LE JOURNALISTE
Monsieur le rédacteur en chef ! Monsieur le rédacteur en chef ! Une armée insurrectionnelle, forte de sept mille hommes, se dirige sur Digne.
LE RÉDACTEUR
Impossible !
LE JOURNALISTE
Mais elle s’est emparée du chef-lieu du département !
LE RÉDACTEUR
Impossible, il y a l’armée !
LE JOURNALISTE
Mais l’armée a été battue : les troupes gouvernementales, après un simulacre de résistance, ont capitulé.
LE RÉDACTEUR
Impossible !
LE JOURNALISTE
Mais, mon article ?
LE RÉDACTEUR
Ecrivez que les troupes fidèles à Louis-Napoléon Bonaparte ont évacué Digne et que les insurgés sont maintenant cernés.
(Un homme passe à toute vitesse)
oc 1
Qu’es aquèu ?
oc 2
Lo prefècte de Dinha.
oc 1
Rascla !
oc 2
De segur qu’a vist un occitan amb un tromblon dins un trompa-camin.
TOUS
Zo !
(Des gens passent en criant les nouvelles).
oc 1
Lo comitat de resistència dau canton de Forcauquier organiza la defensa dau canton.
TOUS
Zo !
UN MESSAGER
A Digne, les registres des impôts indirects alimentent les feux de joie.
TOUS
Zo !
UN MESSAGER
À Barcelonnette, le peuple a arrêté le sous-préfet et l’a jeté en prison.
TOUS
Zo !
oc 1
Castelana s’es revòutada !
TOUS
Zo !
Oc 2
Dins lo Var, Brinhòla ambé totei lei vilatges de l’encontrada si son donats una municipalitat insurreccionala.
TOUS
Zo !
LE JOURNALISTE
Monsieur le rédacteur en chef ! Monsieur le rédacteur en chef ! Sensationnel ! Formidable ! J’ai trouvé tout à la fois Mandrin et Robin des bois.
LE RÉDACTEUR
Vous délirez, mon pauvre ami !
LE JOURNALISTE
Que non, Monsieur le rédacteur en chef. L’homme se nomme Aillaud, il est natif de Volx. Il refuse de s’avouer battu. Avec quelques centaines d’hommes, bien équipés, bien armés et décidés à tout, il tient tête à l’armée gouvernementale.
LE RÉDACTEUR
C’est folie !
LE JOURNALISTE
Oh, non ! Il tient la montagne de Lure, qu’il connaît parfaitement, comme Robin des Bois, la forêt de Sherwood. (Il s’enflamme). Le colonel de Vinoy a lancé cinq cents soldats du 54me de ligne, deux escadrons de hussards et vingt-cinq gendarmes, à la poursuite d’Aillaud. Mais Aillaud et ses hommes sont insaisissables. L’armée est ridiculisée.
LE RÉDACTEUR (sec)
Assez ! (un temps)… et, comment appelez-vous ces gens ?
LE JOURNALISTE
Des résistants, Monsieur le rédacteur en chef.
LE RÉDACTEUR
Erreur, jeune homme ! Erreur ! Ce sont des terroristes, vous entendez, des terroristes !
LE JOURNALISTE
Mais, Monsieur le rédacteur en chef…
LE RÉDACTEUR (hurlant)
TERRORISTES !
(Noir… lumière… un homme avance en se dissimulant ; un autre sort de sa cachette et l’arrête).
oc 1
Onte vas, l’amic ?
oc 2
M’en vau rejónher Alhaud de Vòus.
oc 1
Perqué ?
oc 2
Vòli bacelar amb élei l’armada dei franchimands.
oc 1
De monte siás ?
oc 2
De Sant Miquèu, aqui, darrièr la còla.
oc 1
Dins la resistència siám pas totjorn de fèsta
oc 2
De segur ! Siáu pas vengut pèr m’amusar. (Un temps). Pèr s`aparar fau bèn conóisser lo païs.
oc 1
Lo conoissèrn bèn. Montanhas, ribas, combas, bauç ; an de baumas pèr s’escondre, de dralhons pèr s’escapar, de romias pèr s’emboscar.
Oc 2
E pèr manjar ?
Oc
Li a totjorn un pastre, un boscatier, un païsau pèr nos donar lo pan, lo vin e lo formatge.
oc 2
A Samt Miquèu, ai d’amics que nos mandaràn un cambajon ambé de sauciças, perqué an tuat lo pòrc.
oc 1
Alhaud ne’n serà content !
oc 2
E lei nuechs ?
oc 1
Lei nuechs, fa fresquiera… mai avèm totjorn un jaç ò una feniera pèr penecar.
oc 2
E d’armas, n’avèm ?
oc 1
Quauqueis unas qu’avèm escanadas dins lei gendarmariàs e dins l’ostau dei borgés e dei reaccionaris. Mai nos faudriá de podra ambé de balas. (Un temps). Perqué m’as debanat tot aquèu fais de questions ? Bensai que siás un espia !
oc 2
Non ! Non ! Jamai de la vida ! D’un còp mi dieu que tot ara un soldat va venir, e que ieu – Capon de Dièu – deurai lo desquilhar.
oc 1
Pòdes encara t’enanar !
oc 2
Non ! Ai chausit de luchar.
oc 1 (pour le rassurer et le convaincre)
Nosàutrei, siam lei francs-tiraires de la libertat, lei maquisards de la dignitat. Sabèm que nòstra lucha es la lucha dei malurós, deis esquichats. Deman, lei gents d’Occitània si van levar pèr botar defòra aquélei dau capitalisme. Nòstra lucha si debana dins un biais novèu : es pas una lucha nacionala, patriotica, es una lucha de classa. Ara n’avèm pron d’èstre umiliats, escanats ; n’avèm pron d’èstre lei servicialas de la borgesiá. Fau pas s’esbinhar davant lei mots : la vertut de nòstra accion es dins la revolucion populària. Se deman volèm la “BÒNA”, la republica dei partejaires, devèm la crompar ambé nòstre sang. E pèr aquò, crèsi qu’avèm pas ges d’autra solucion que la lucha armada.
TOUS
Zo ! Zo ! Zo !
(Reprise du mime des partisans… et sortie). |