Une nouvelle lettre de Siméon Truc

article mis en ligne le 7 mai 2022

Document aimablement communiqué par Mathieu Debels

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Une nouvelle lettre de Siméon Truc (Le Luc, Var)

 

Dans ce long courrier de 3 feuillets, Siméon Truc écrit de nouveau à sa sœur Octavie, à Paris, pour lui rendre compte de ses affaires agricoles : plantations, vente d’huile, fermage… et la conseiller sur l’orientation à donner à ses propriétés.

La fin de la lettre lui donne toute de même quelques informations sur la situation au Luc :

 

Le Luc, le 22 janvier 1852

[…]

Les affaires ont été si déroutées que l’on ne s’est remis au travail qu’après le résultat du vote[1], c’est-à-dire au commencement de janvier.

[…]

J’ai écrit à Mr Serre pour m’excuser de lui avoir envoyé l’huile si tard, mais bien heureux de nous être tirés de la gabarre [sic] sain et sauf. Depuis ma dernière lettre il ne s’est rien passé de bien important au Luc. On a cessé de faire des arrestations, on dit faute de place dans les prisons. Il y avait à Draguignan quinze cents prisonniers[2]. On en a embarqué depuis peu de jours 500 à St Raphael pour Toulon[3]. Quand il y aura de la place on doit continuer d’arrêter. Un nombre considérable de chefs du Luc sont à Nice. Il y en a 25 ou 30[4]. Lorsque le conseil de guerre entrera en fonctions je vous enverrai un journal de Toulon où vous verrez l’histoire de l’insurrection dans les débats[5]. Ici on a effacé les inscriptions[6] et arraché l’arbre de liberté. Comme partout, personne n’est venu le défendre[7].

Je dois terminer ma lettre en vous disants que Firmin est revenu au Luc. Je ne pense pas qu’on ne lui dise rien. Si on voulait dire à tous ceux comme lui, l’on prendrait les ¾ du pays. Il y a cependant fugitifs ou prisonniers environ 200 individus. A Cuers on a arreté 600.

[…]

Votre dévoué et affectueux frère.

S. Truc

 

Trois autres lettres de Siméon Truc

 


[1] Le plébiscite des 20 et 21 décembre 1851 de ratification du coup d’Etat.

[2] Au total, d’après un registre établi en 1881, ce sont 1780 victimes du coup d’Etat qui passèrent par la prison de Draguignan. (Archives départementales du Var, 1 M 215)

[3] On lira le récit de ce transfert dans Mes Mémoires sur les événements de 1851 et mes neuf mois de captivité, de Joseph Maurel, édité par Frédéric Negrel, Association 1851 pour la mémoire des résistances républicaines, 191 p., 2016

[4] Dont Louis Brun, cultivateur ; Antoine Cauvy, tailleur ; Ferdinand David, cordonnier ; Alix Geoffroy, propriétaire ; Auguste Malnory, chapelier ; Dominique Maurel, marchand tailleur ; Jean Joseph Mireur, patron maçon ; Jean Joseph Villeclère, menuisier.

[5] Il n’y aura pas de conseil de guerre pour les résistants varois. Et donc pas de débat, puisque la commission mixte statuera sur dossiers, en l’absence de l’accusé, d’un défenseur ou de témoin. Seuls les événements de Vidauban et de Cuers conduiront des résistants à des procès en assises.

[6] Par une circulaire du 6 janvier 1852, le ministre de l’Intérieur demande aux préfets de faire effacer la devise Liberté-Egalité-Fraternité des édifices publics.

[7] Plantés pour célébrer l’avènement de la Seconde République, les arbres de la liberté furent très souvent des lieux de rassemblement des républicains. A Barjols, en juillet 1852, « l’arbre de la Liberté est toujours entretenu à Barjols. Le journal l’Union du Var s’en indigne et la gendarmerie abat l’arbre. La population se tait, mais chacun en prend un débris et l’emporte comme une sainte relique. »