La Seconde République vue de près et de loin, et d’Elne

La Seconde République et la résistance au coup d’État de 1851 dans les Pyrénées-Orientales : vues de près et de loin, et d’Elne

 

Peter McPHEE

deuxième partie

Elne était typique des bourgs roussillonnais où les épreuves de l’époque de la Révolution française avaient laissé un legs de division entre républicains et royalistes. L’idéologie des républicains d’Elne sera marquée par le lien entre radicalisme politique et anticléricalisme. Tous les curés pendant la première moitié du siècle avaient eu des problèmes avec les anti-cléricaux parmi leurs paroissiens. Puis, déjà en 1830, un groupe de républicains avait fondé une branche de la Société des Droits de l’Homme[1]. L’élargissement du suffrage pour les élections locales sous la Monarchie de juillet avait permis aux républicains de prendre la mairie bien avant 1848. La nouvelle reçue de la Révolution de février 1848 à Paris, les élections spontanées de mars 1848 ont confirmé dix des quatorze conseillers de la monarchie censitaire. Aux élections municipales de septembre, neuf de ces conseillers seront renommés[2].

Les préoccupations du conseil en 1848-49 nous instruisent davantage sur l’idéologie républicaine de cette petite ville catalane. Il est socialisant : par exemple, il vote 650 francs pour des travaux publics pour « la classe indigente ». Le conseil est aussi très anti-clérical. Il réduit son allocation au clergé d’un tiers et ne donne que 200 francs au vicaire puisqu’il a un logement gratuit. Par contre, le conseil s’indigne contre la révocation politique de l’instituteur par le préfet bonapartiste en décembre 1849 ; le nouvel instituteur sera payé 400 francs[3]. Castell, le curé d’Elne, est chassé de la commune après février, comme deux de ses prédécesseurs. Quand il rentre le 3 novembre 1848, il y a des protestations dans la rue. La majorité de la ville est contre lui, et une pétition circule déclarant que la commune n’a besoin d’aucun prêtre. Les citadins accusent le clergé de beaucoup de choses, y compris l’immoralité – selon le procureur de la République « il ne pouvait sortir dans le village sans être insulté grossièrement par les femmes ». Lorsqu’il s’avise d’officier, deux cents personnes envahissent l’église et s’ensuivent des échauffourées entre l’assistance et Castell. L’adjoint Antoine Boutes force alors le malheureux curé à s’enfuir de nouveau et il est révoqué par le préfet. Les trois brigades de gendarmerie et le procureur en charge de l’enquête qui suit, finissent par écouter le conseil des autorités locales et se retirent afin d’éviter une confrontation violente. Trois mois plus tard le procureur a reconnu l’impossibilité de maintenir Castell[4].

L’idéologie républicaine – démocratique, égalitaire, anti-cléricale – est majoritaire à Elne. Parmi la publicité lithographiée par l’imprimeur perpignanais Justin Saignes pour la campagne présidentielle du 10 décembre 1848 figurent 1000 exemplaires de l’Hymne électoral de la présidence par Charles Picard, pour les républicains d’Elne. Leur campagne pour la candidature de Ledru-Rollin a trouvé ici une terre fertile : son score dans la section d’Elne était un remarquable 57,5 % des voix contre 39 % pour Louis-Napoléon[5]. Le 13 mai 1849 le canton de Perpignan (Est), dominé par Elne, donne 63,5 % – la moyenne départementale – à la liste « démocrate socialiste » pour les élections législatives. Cependant l’impression de la « force républicaine tranquille » que nous donne la lecture des délibérations du conseil municipal est un peu fallacieuse. En fait il y avait un deuxième type de républicanisme, plus populiste et militant. Elne compte parmi la vingtaine de communes où les plus pauvres ont saisi et partagé les biens communaux en 1848[6]. En avril dans le contexte d’une mévente économique et des élections du 13 mai, de telles actions sont perpétrées sur une plus grande échelle, comme dans plusieurs des communes de la plaine, et de nombreux arbres fruitiers sont abattus[7]. Un rapport de mars 1851 du commissaire spécial de police Maurice fait le lieu entre pauvreté et politique :

« Il y a dans la classe ouvrière une démoralisation vraiment effrayante. Le socialisme fait tous les jours des prosélytes, et la misère favorise les meneurs de ce parti, qui emploient toute sorte de manœuvres pour égarer la population. Tous les travaux sont suspendus dans cette saison et des familles entières sont dans le besoin. »

À partir du printemps de 1849 l’administration réagit à la politisation radicale de la vie publique dans les Pyrénées-Orientales. La loi électorale du 31 mai 1850, selon laquelle sont exclus du vote les hommes sans propriété et ceux qui ont changé de résidence depuis trois ans, raye 34 pour cent des inscrits dans les Pyrénées-Orientales (30 % en France) : à Elne ce chiffre s’élève à 39 %. Pour les petits propriétaires endettés aussi, l’établissement, prévu par les démocrates-socialistes, d’un crédit foncier, est d’autant plus urgent alors qu’ils sont incapables de vendre leurs récoltes[8].

Le républicanisme était majoritaire à Elne, même s’il était divisé entre deux tendances plus ou moins militantes. Mais il restait confronté à l’activisme populaire de « droite », des « blancs » qui adhéraient à l’idée d’une monarchie plébiscitaire et populiste. La répartition de la ville entre « blancs » et « rouges » correspond en fait à la coupure géographique entre la ville haute et la ville basse. Les sociétés de secours mutuel des deux quartiers – la Société de bienfaisance et la Société de bienfaisance de secours mutuels à la garde de Dieu – jouent un rôle politique à Elne, où chacune organise son propre bal pour la fête patronale[9]. Le policier Maurice rapporta au sujet de la fête du 10 décembre 1850 :

« Cette manie contractée, depuis que nous sommes en République, de jouer des airs nationaux et même anti-nationaux, sur les places publiques, à l’occasion des danses Catalanes, est la cause de toutes les divisions qui existent dans les communes. Ainsi pas un blanc n’a dansé à Elne sur la place. Ce parti avait un bal à part. »

Les « rouges » avaient préféré célébrer avec leurs compagnons de Rivesaltes : « ils ont épuisé en leur honneur tout le répertoire patriotique. Tout cela sentait fort [17]93. » Les deux partis avaient même convenu qu’ils travailleraient à part : ce même policier rapportait que deux groupes de moissonneurs quittèrent la ville derrière leurs drapeaux blancs et rouges[10]. Des « blancs » eux aussi continuent à provoquer leurs ennemis par de semblables actes symboliques, comme le légitimiste militant, Jean Férigle, qui mène un groupe de cinquante « blancs » chantant « Vive Henri V ! Vive le drapeau blanc » par les rues en 1850 ; en juin 1851 il conduit sa charrette couronnée d’une fleur de lys à travers la ville[11]. Même après la proscription formelle des chants politiques par le préfet bonapartiste Pougeard-Dulimbert, les « rouges » et les « blancs » conspirent pour chanter. En juin 1850, le policier d’Elne passe près de deux groupes de moissonneurs en route vers leurs employeurs respectifs, l’un avec un drapeau tricolore, et l’autre avec un pavillon blanc : « on ne chante plus dans les rues d’Elne ; mais on se dédommage dans les champs où l’on épuise tout le répertoire révolutionnaire. »[12]

En fait le plus grand problème pour le jeune chercheur étranger que j’étais en 1974, était de comprendre les expressions de ce républicanisme militant et, par conséquent, sa répression. Je me trouvais à la recherche de la culture catalane populaire. Quelque riche que fût la Seconde République en formes d’action politique facilement reconnaissables – la participation aux élections, les réunions de campagne, les manifestations – la majeure partie de l’action politique se déroulait par l’intrusion de riches symboles idéologiques dans les rituels collectifs de la communauté, de la famille et de la vie religieuse. L’administration cherchait à étouffer le mouvement « démoc-soc » en interdisant la célébration du carnaval et celle des fêtes patronales, ainsi que tout le répertoire de chants et de danses républicains, et l’affichage de symboles ou de couleurs politiques. En retour, les habitants des villages et des bourgs puisent dans leur environnement local de nouvelles sources d’inspiration dans leurs efforts pour contourner les restrictions sur les activités politiques. Les expressions les plus puissantes d’engagement politique sont ces rites ruraux auxquels participe la communauté entière. Mais même les cérémonies familiales telles que les baptêmes, les mariages et les obsèques deviennent des occasions de déclaration et de contestation politiques. Ce phénomène de la politisation des grands moments collectifs de la culture populaire et même de la vie quotidienne et privée est aussi une mesure de l’atmosphère chargée de militantisme et d’espoir, de répression et de peur, après la déclaration d’une guerre à outrance par le préfet Pougeard-Dulimbert au début de 1850.

Les jurys refusent de condamner leurs compatriotes pour des crimes politiques, même indéniablement graves. D’ailleurs, les « blancs » et les « rouges » profitent également de cette immunité, ce qui donne à croire que, quelle que soit l’intensité des conflits dans la région, la répression des dissensions et de la violence par des autorités externes n’est pas tolérée. Si les divisions politiques deviennent si profondes que les « rouges » et les « blancs » de plusieurs communes se refusent à danser ensemble pendant les fêtes, le malheureux policier se plaint, en juillet 1850, que « ma position à Elne est fâcheuse… dans ce sens que je ne connais personne, et que les habitants se soutiennent, ainsi que je ne puis obtenir aucun renseignement. Les uns se taisent par sympathie, les autres par crainte. » En février 1851 il rapporte, horrifié, que :

« un fait qui n’a pas d’exemple dans les annales de la police, et qui donne une idée exacte du caractère ordurier des habitants de la commune, s’est produit hier à Elne. On a suspendu des remparts de la ville haute, juste en face des fenêtres de mon logement, un âne écorché. »[13]

La montée de la réaction menée par le préfet outrage le conseil municipal d’Elne : le maire Delaris et Boutes démissionnent en juin 1850. Malgré les pressions de l’administration, le conseil vote en juin 1851 contre un commissariat de police : « toute rixe ou mouvement populaire a cessé sur la simple injonction de l’autorité locale. »[14]

 

Le 2 décembre, Louis-Napoléon s’empara du pouvoir par un coup d’État militaire. Malgré sa promesse de rétablir le suffrage universel, l’action de Louis-Napoléon suscita la plus grande insurrection qu’ait connue la France depuis 1793. La résistance contre ce coup fut l’ultime acte d’une confrontation de trois ans, entre ceux qui s’étaient engagés pour « la République démocratique et sociale » et ceux pour qui les « rouges » menaçaient l’ordre, le statu quo, « la civilisation ». Jusqu’aux années 1970, la plupart des historiens, concentrant leurs recherches sur Paris, où la résistance fut considérable mais très vite réprimée, accordaient peu d’importance à cette insurrection provinciale massive et à l’engagement politique qui l’avait motivée : ils interprétaient le vote quasi-unanime au plébiscite suivant le coup d’État comme un indice sûr des sentiments politiques des provinciaux[15]. Plus récemment, cependant, on a commencé à tenir compte de l’échelle de cette mobilisation : on a estimé que près de 100 000 personnes au centre et au sud de la France prirent les armes : 31 départements furent placés sous siège militaire et 27 000 personnes arrêtées.

Les Pyrénées-Orientales furent le centre d’une des plus grandes mobilisations. Selon les autorités, le nombre de ceux qui prirent les armes peut avoir atteint 10 000, venant de 90 des 228 communes du département. Nos recherches nous ont amené à accepter cette estimation, bien qu’il soit impossible de faire le partage entre la résistance active et l’appui moral prêté aux combattants[16]. Le coup d’État représentait pour ces gens l’effondrement de leur espoir de changements politiques et sociaux dans la perspective des élections prévues pour mai 1852. La répression fut considérable : il y eut 1000 arrestations, dont 692 aboutirent à des condamnations. Les sentences furent plus nombreuses que sévères, cependant, car les autorités se montrèrent intentionnellement plus indulgentes que les partisans locaux de « l’Ordre » l’eussent souhaité[17].

On a fait peu de cas de cette résistance. Ceci s’explique en partie par le manque d’intérêt des historiens catalanistes pour une période de politisation « à la française ». Le silence s’explique aussi par la politique locale. Les historiens locaux qui ont traité la Seconde République ont généralement été des républicains modérés. Le plus influent de tous, Horace Chauvet, était en fait un activiste républicain de Perpignan, qui avait consacré sa vie d’homme politique et de publiciste, dans les quatre premières décennies de ce siècle, à s’opposer à la montée au pouvoir des communistes et des socialistes[18]. Il n’est pas étonnant qu’il ait minimisé les aspects les moins « respectables » de la résistance de 1851, et qu’il l’ait décrite comme une protestation constitutionnelle limitée et paisible contre les actes illégaux du président. L’étendue de la répression a donc été envisagée non pas comme une preuve des divisions sociales et de la force d’un mouvement démocrate-socialiste clandestin dans la région, mais simplement comme une réaction exagérée et hystérique de la part des autorités[19].

Les faits de la résistance démentent ce mythe d’innocence paisible. Une fois la nouvelle reçue, les « rouges » passent à l’action dans plusieurs autres endroits : Perpignan, Elne, Estagel, Collioure, et le Vallespir. À Elne, comme dans tant d’autres petites villes et villages, le lieu de rencontre est le café, ici le café Aubert de Joseph Mas. Mas, âgé de 35 ans en 1851, avait immigré à Elne de l’Afrique à une date récente (qui nous est inconnue)[20]. Sa maison et son café étaient vite devenus le pivot des activités politiques dans ce fief démocrate-socialiste, comme dans le Roussillon en général. En effet, du milieu de 1850, le policier Maurice, qui se plaignait du fait que personne dans la ville ne lui adressait la parole, écrivait que « l’administration municipale se fait au café Aubert. C’est là que toutes les dépêches sont remises au Maire, qu’elles sont lues à haute voix, et commentées. »[21] Mas était, aussi, bien au diapason de l’atmosphère anti-cléricale d’Elne. Au début de mars 1851, il fut arrêté pour avoir mené un groupe qui lançait des jurons et des cris de « Vive la République ! » pendant un baptême.

En juillet 1851, Mas aurait fait circuler une pétition contre la loi électorale du 31 mai 1850, par tout le Roussillon sud. Son rôle important comme activiste est attesté par le fait que, le même mois Joseph Janot, rédacteur de L’Émancipation de Toulouse, le journal le plus lu en Roussillon après la fermeture de L’Indépendant en 1848, quitte Perpignan dans le but de rendre visite à Mas. L’Émancipation était un des journaux auxquels Mas était abonné – nous voyons ici un des principaux rôles du cafetier – qu’il distribuait aux autres activistes des villages environnants, par exemple Côme Tastu de Corneilla-del-Vercol.

Mas était aussi abonné au plus grand quotidien de Paris, La République, qu’on lisait en commun dans sa maison[22]. Selon le maire bonapartiste, Mas, qui « vit avec une femme aussi socialiste que lui, [fut] généralissime des sociétés secrètes d’Elne. Il les excita à la révolte la nuit du 3 Xbre dans son café perché sur une table, tout habillé en rouge. » La nuit du 3 en effet, des décisions sont prises au café, mais, le lendemain, une démonstration de force immédiate par la garnison de Perpignan et des arrestations ont vite fait de mettre fin à toute activité[23]. Cette action n’empêchera pas que quelques-uns des activistes d’Elne soient arrêtés et condamnés par la Commission mixte : trois seront condamnés à Cayenne (deux journaliers et un garde champêtre), douze à la déportation en Algérie (presque tous des artisans, par exemple, trois tailleurs, deux maçons), et trois à l’expulsion de France (le propriétaire Durand, le vétérinaire Ramonet et l’instituteur Roquette)[24].

Après le coup d’État, le Préfet nomme directement une commission municipale, le 19 janvier 1852 : seuls le médecin et maire Joseph Delhom, le boulanger et adjoint Antoine Ginestou et le propriétaire Emmanuel Marre restent de 1848. Les autres sont cinq propriétaires, deux hommes de profession libérale, deux artisans. Cette commission n’hésite pas à nommer un commissaire de police (800 francs), et demande un second vicaire. Le 25 octobre 1852, elle rend hommage à Louis-Napoléon Bonaparte pour « l’acte héroïque du 2 décembre ». Puisque « la stabilité du pouvoir est indispensable », la commission anticipe le plébiscite du 21-22 novembre 1852 sur le rétablissement de l’Empire : « le conseil municipal émet à l’unanimité le vœu que l’Empire Français soit rétabli dans votre personne et celle de vos descendants. »[25] Plus tard, à la caserne des Caroubiers de Bône, en Algérie, un des déportés, peut-être le jardinier Jean Rigaud d’Elne, écrivit la remarquable Pragari dal Poble (« Prière du Peuple »), exprimant le syncrétisme d’un catholicisme messianique et d’une foi républicaine

 

Sante marie

Sante marianne abi de déu

es oun nom cal pople creu

dounau nous lous bons principis

malgrat touts lou caprissis

rachirem al qué nous cal

oun homme de proubitat,

astime la rapoublique

coum sa mare l’astimat ;

Couan li ba douna lou die

acho se pot pas amaga,

dins del béntre ya tanie

lou sentimen rapoubliqua

 

Sainte Marie

Sainte Marianne, grand-mère de Dieu

Est un nom auquel le peuple croit

Donnons-nous les bons principes

Malgré tous les contretemps

Nous réussirons ce que nous devons

Un homme de probité

Aime la République

Comme sa mère l’a aimé

Lorsqu’elle lui donna le jour

Cela ne peut se nier,

Dans le ventre déjà il avait

Le sentiment républicain[26]

 

Le syncrétisme du christianisme et du nouveau républicanisme dans cette prière nous indique l’importance fondamentale de la mémoire collective et individuelle dans une compréhension des choix politiques sous la Seconde République. Les légitimistes, surtout, sont hantés par le passé. Des trente légitimistes d’Elne qui ont souscrit, au début de 1850, à l’achat d’une médaille pour commémorer de Genoude, leader national des légitimistes et rédacteur de La Gazette de France, vingt-huit viennent de quatre familles, dont tous les membres avaient émigré pendant la Révolution : il y avait treize Maccabies, six Férigle, trois Ginestou et six Espériquette. L’un d’entre eux signe :

« Thomas Ginestou, boulanger, abonné à la Gazette de France et à l’Étoile du Roussillon, légitimiste pur sang, petit-fils d’émigré, fils d’émigrée, genoudiste et henriquinquiste jusqu’au martyre, et au-delà, si c’était possible, 50 c. »[27]

 

À Elne comme ailleurs dans la Catalogne Nord et ailleurs en France, les attitudes envers les questions politiques et sociales ont été conditionnées – mais pas déterminées – par soixante ans de souvenirs[28]. Tout comme le caractère particulier de chaque communauté est le résultat de sa propre évolution historique, de même ses habitants ont perçu leur univers à travers le prisme de leurs propres expériences et par les souvenirs des autres transmis oralement. Leur perception de nouvelles et d’anciennes menaces et leurs choix particuliers de riposte, individuels ou collectifs, ont été fonction d’une compréhension historiquement et culturellement définie de leur milieu. Mais les souvenirs collectifs doivent être compris d’une façon processuelle ou historique : ils ne sont pas immuables. À notre avis, c’est l’histoire des souvenirs collectifs qui sera la nouvelle piste historiographique la plus riche – et la plus difficile – pour l’historiographie roussillonnaise.



[1] P.McPHEE, Semailles, p.195.

[2] Archives Départementales des Pyrénées-Orientales (ci-après ADPO) 54 EDT 19, Délibérations du conseil municipal, Elne, 1836-1862. À partir de 1831, les conseillers municipaux devaient être élus plus que nommés, et dans les communautés de moins de 1000 personnes les 10 pour cent de la population les plus nantis (approximativement 45 % des adultes mâles) voteraient.

[3] ADPO 54 EDT 19

[4] McPHEE, Semailles, pp.207-208.

[5] Ibid., p.170. ADPO 3  M 171

[6] McPHEE, Semailles, p. 119.

[7] Ibid., p.153.

[8] Ibid.,  pp.243-244, 304-307. ADPO 3 M 167

[9] McPHEE, Semailles, p. 327.

[10] Ibid., pp. 343-344.

[11] McPHEE, Semailles, p. 355. ADPO 4 M 584

[12] Ibid., p.303.

[13] Ibid.,pp.254-255.

[14] ADPO 54 EDT 19

[15] La première étude historique de la résistance, E. TENOT, La province en décembre 1851. Étude historique sur le coup d’État, 2e éd., Paris, A. Le Chevalier, 1865, est restée la plus étendue jusqu’à la parution de l’œuvre excellente de MARGADANT, Peasants in Revolt. Un bon résumé de la résistance par AGULHON, 1848 ou l’apprentissage de la République, ch.6.

[16] Cf. le très utile article d’A. BALENT, « La résistance au coup d’État du 2 décembre en Roussillon et la répression gouvernementale », Massana (20), 1973, p.399, pour qui ce chiffre est « sans doute gonflé ».

[17] McPHEE, Semailles, ch.VIII. BALENT, « La résistance au coup d’État ».

[18]

[19] CHAUVET, Parti républicain, p. 106. Vingt ans après le coup, Pierre Lefranc, de plus en plus hostile vers la remontée d’une gauche militante, y a insisté aussi : Le deux décembre (1851), ses causes et ses suites, Paris, Armand Le Chevalier, 1870, pp.218-219. L’interprétation de Chauvet trouve toujours un écho : R. BAS, La vie politique dans les Pyrénées-Orientales sous la République décennale et le Second Empire, Mémoire de maîtrise, Université Paul Valéry, Montpellier, 1983, pp.7-11.

[20] McPHEE, Semailles, pp.224, 356, 371.

[21] Ibid., p. 224.

[22] ADPO 4 M 562

[23] McPHEE, Semailles, p. 371.

[24] CHAUVET, Parti républicain, pp.124-150.

[25] ADPO 54 EDT 19

[26] FRÉNAY et ROSSET (éds.), Seconde République, pp. 137-151 (traduction par Simone Lairis).

[27] McPHEE, Semailles, p. 187. L’Étoile du Roussillon, 20 février 1850.

[28] P. McPHEE, « Les guerres de la Révolution et la mémoire collective en Roussillon », in Jean Sagnes (ed.), L’Espagne et la France à l’époque de la Révolution française (1793-1807), Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, 1993, pp.149-171.