Commémoration de la Résistance vauclusienne au coup d’Etat de 1851

Article mis en ligne le 16 avril 2019

Cet article a été publié dans Annuaire administratif et statistique de Vaucluse, 1951, pp. 279-394

On pourra consulter notre bibliographie sur ce département et, en particulier, les études de Romain Gardi sur l’arrondissement d’Apt et la thèse de Philippe Vigier, La Deuxième République dans la région alpine, PUF, Paris, 1963. 

Les notes de l’auteur figurent en plein texte (n). Les notes de bas de page n sont celles de l’éditeur du site (mises en ligne par Frédéric Negrel). Elles proviennent essentiellement de Denise Devos, La Troisième République et la mémoire du coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte. La loi de réparation nationale du 30 juillet 1881, Archives nationales, 1992, de la Base de données des députés français depuis 1789, de l’Assemblée nationale, de la base de données Leonore, de Légion d’Honneur, et surtout de la base de données de Jean-Claude Farcy, Poursuivis à la suite du coup d’Etat de décembre 1851. 

Commémoration de la Résistance Vauclusienne au Coup d’Etat du 2 Décembre 1951 [sic]

 

par Aimé Autrand

1ère PARTIE

PROLOGUE

 

CHAPITRE PREMIER

EVOCATION SOMMAIRE DES CONDITIONS DANS LESQUELLES FUT PREMEDITE ET EXECUTE LE COUP D’ETAT

 

Pour la compréhension des faits qui vont être exposés ci-après, nous ne croyons pas nécessaire de revenir sur les causes qui servirent à Louis-Napoléon Bonaparte pour substituer par la force la Restauration de l’Empire à la République de 1848 ; Il nous suffira de rappeler que cet acte dictatorial était inévitable et prévu dès 1849.

Le moment de l’exécution du Coup d’Etat avait été plusieurs fois prémédité, puis ajourné ; enfin, le chef de la conspiration le fixa au 2 Décembre ; c’était l’anniversaire de la bataille d’Austerlitz, et le neveu de Napoléon 1er, esprit superstitieux, en tirait un augure favorable.

Dans la nuit du 1er au 2, les principaux conjurés : (MM. Mocquard, Persigny, Morny, Saint-Armand[1] et Maupas), se réunirent à l’Elysée pour convenir des dernières mesures ;

Persigny fut chargé de mettre la main sur le Palais de l’Assemblée Nationale ; Morny, désigné comme Ministre de l’Intérieur, devait s’emparer du Ministère et de la Direction des Télégraphes ; Saint-Arnaud, Ministre de la Guerre, donna dans la nuit des ordres pour les opérations de troupes ;

Maupas, préfet de police, reçut un par un les commissaires chargés d’arrêter les personnages notables dont on redoutait l’influence.

A 6 heures du matin, 76 personnalités étaient arrêtées, dont 14 représentants ; les généraux de l’opposition et quelques militants notoires. Un peu plus tard, aux premières lueurs d’un jour bruineux et froid, le peuple de Paris apprit, par des affiches apposées sur ses murs : que l’Assemblée Nationale était dissoute, le suffrage universel rétabli, et que le peuple français était convoqué dans ses comices du 14 au 21 décembre, pour approuver ces propositions que l’on connaît :

1° – Un chef responsable pour 10 ans.

2° – Des ministres dépendant du pouvoir exécutif seul.

3° – Un conseil d’Etat formé par les hommes les plus distingués, préparant les lois et en soutenant la discussion devant le corps législatif.

4° – Le corps législatif discutant et votant les lois, nommé par le suffrage universel, sans scrutin de liste, qui fausse l’élection.

5° – Une seconde Assemblée, formée de toutes les illustrations du pays, pouvoir pondérateur, gardien du pacte fondamental et des libertés publiques.

 

Comme on devait s’y attendre, toute l’administration suivit docilement l’impulsion partie du ministère de l’Intérieur et prêta son concours au Coup d’Etat (1) ; les ordres du Ministre de la Guerre produisirent les mêmes effets sur les corps de troupes stationnés dans les départements.

 

(1) M. Pardeilhan-Mézin, Préfet du Tarn-et-Garonne, fut le seul fonctionnaire qui refusa d’adhérer à l’acte du 2 Décembre. (Ténot, Le Coup d’Etat en Province)

 

Cet acte de violence, bien que prévu, causa à Paris et dans toute la France une vive émotion.

Les légitimistes espéraient le renversement de la République par les soins de l’Assemblée législative au profit de Henri V. Ils virent surtout, dans la dictature de Louis-Napoléon, l’échéance de 1852 supprimée (1), le parti révolutionnaire subjugué, et ils se rallièrent en général aux conservateurs de toutes nuances qui devaient accueillir le Coup d’Etat avec satisfaction.

Mais, chez les républicains, cette nouvelle atteinte à la Constitution, provoqua une explosion de colère qui se traduisit un peu partout par des violentes manifestations.

 

(1) On sait qu’après le vote de la loi du 31 mai 1850, qui supprimait 3 millions d’électeurs parmi les moins aisés, les républicains ne dissimulèrent pas qu’ils sauraient défendre la Constitution les armes à la main s’il le fallait.

 

 

CHAPITRE II

L’OPPOSITION EN PROVINCE (DANS LE NORD, L’EST, L’OUEST, LE CENTRE ET LE SUD-OUEST DE LA FRANCE)

 

Les événements qui eurent lieu à Paris sont connus et nous ne nous y arrêterons pas.

Dans les départements du Nord, quelques manifestations tentèrent de s’organiser, mais elles furent dispersées sans peine.

Sur la frontière, un certain nombre de républicains exilés depuis le 13 mai 1849, pénétrèrent en France, mais la froideur de ces populations les eut bientôt découragés, et ils regagnèrent promptement la Belgique.

Dans les départements de l’Est, du Centre et du Sud-Ouest (à part quelques exceptions), les tentatives de résistance présentèrent un trait commun : elles furent toutes spontanées, sans entente et entièrement locales ; l’agitation n’y prit pas de proportions sérieuses.

Les départements de l’Ouest se ressentirent peu du Coup d’Etat ; le parti démocratique n’y était en force que dans les villes, et rares furent celles qui s’insurgèrent (1).

 

(1) Le Coup d’Etat du 2 décembre 1851 en Province, par E. Ténot.

 

 

CHAPITRE III

CARACTERES PARTICULIERS DE LA RESISTANCE DANS LE SUD-EST :

  1. – LES PARTIS POLITIQUES EN PRESENCE ;
  2. – LEUR ORGANISATION ;
  3. – ORIGINE, ORGANISATION ET INFLUENCE DES « SOCIETES SECRETES REPUBLICAINES » EN VAUCLUSE.

 

Des événements beaucoup plus graves devaient agiter les départements méridionaux ; dans tout le sud-est, l’état d’esprit différait sensiblement de celui de l’autre partie de la France.

Il n’y avait, là, que deux partis en présence, nettement opposés : le parti des blancs et le parti des rouges ; autrement dit : les légitimistes et les républicains.

De 1789 à 1816, leur lutte avait été une suite d’alternatives, d’épouvantables réactions.

Le parti républicain, frappé le dernier en 1815 et 1816, semblait avoir oublié ses rancunes au cours des paisibles années qui s’écoulèrent de 1830 à 1848, mais alors que le calme semblait régner, les blancs et le rouges, également mécontents du gouvernement bourgeois de Louis-Philippe, s’organisèrent clandestinement pour préparer, par la force, les voies de l’avènement de leur régime respectif.

Lorsque le Coup d’Etat se produisit, les légitimistes d’une part, et les démocrates de l’autre, étaient presque tous affiliés à des sociétés clandestines dont les ramifications s’étendaient dans les départements du midi.

Nous ne croyons pas utile de nous étendre sur les conditions dans lesquelles était organisé le parti légitimiste car il n’eut pas à intervenir en décembre 1851 (1), mais nous croyons utile de dire quelques mots sur ces associations mystérieuses républicaines qui jouèrent un rôle important dans l’organisation des soulèvements vauclusiens.

Nous trouvons les premières traces d’une sérieuse organisation républicaine dans notre département en 1833. Il existait alors à Orange et à Carpentras, un siège de la fameuse organisation des « Carbonaris », organisés en France à l’imitation de ces carbonaris italiens qui avaient accompli la révolution de Naples en 1822 (2).

La Charbonnerie française, dont le but tendait alors à la République, groupa rapidement un nombre considérable d’adhérents.

 

(1) Depuis 1830, c’est-à-dire depuis qu’il avait perdu le pouvoir, le parti légitimiste était sérieusement organisé ; en 1835 nous trouvons l’existence, dans le département, d’une vaste organisation carliste, enrégimentée, comprenant des chefs de divers grades recrutés dans la classe noble, et des soldats pourvus d’armes et de munitions. Cette association avait des émissaires soldés qui avaient pour mission de parcourir les campagnes, pour ranimer les espérances et y prodiguer des promesses de succès et de récompenses. (Archives départementales de Vaucluse, M, Police administrative, carton 1835)

(2) En Italie, les carbonaris dataient de loin ; on prétend qu’ils remontaient au temps des guerres de Charles VIII et de François Ier. La hutte de charbonnier fut leur premier lieu de réunion et de là vient le nom qu’ils portèrent.

 

En 1834, les perquisitions que la police marseillaise opéra, après la découverte d’un complot révolutionnaire, amenèrent la saisie de la correspondance des carbonaris de cette ville, avec les sièges régionaux, et ceux-ci se révélèrent nombreux dans Vaucluse, puisqu’une centaine d’affiliés furent arrêtés à cette occasion.

Dans les milieux républicains de la région, ces multiples arrestations causèrent une telle effervescence, que l’autorité dût détacher 200 hommes de troupe à Carpentras et 60 à Orange pour rétablir l’ordre public.

Mais, toutes ces arrestations, pas plus que celles qui avaient été effectuées en 1833, dans les rangs de ces militants républicains, ne devaient pas arrêter le développement de leurs associations secrètes (1).

En 1842, en effet, un rapport du commissaire de police d’Avignon annonçait au Préfet l’existence dans le département de 4 sociétés analogues, appelées : 1° les communistes ; 2° les familles ; 3° les carbonaris ; 4° la jeune Europe, dont le siège commun était à Lyon. Cette organisation, dont le but était le rétablissement de la République, avait des ramifications dans presque toutes les communes du Midi (2).

Les sièges régionaux étaient à : Marseille, Avignon, Nîmes, Montpellier, Toulouse et Carcassonne.

A partir de 1842, cette vaste association secrète républicaine devait être sévèrement surveillée, et, effectivement, elle ne donna plus signe de vie jusqu’en 1848.

 

(1) 37 carbonaris furent arrêtés à Carpentras, 17 à Orange et d’autres le furent à Pernes, Bédoin, Mormoiron, Crillon et Velleron. (A. D. série M, police administ., carton 1834)

(2) Rapport du Préfet de Vaucluse au Ministre de l’Intérieur du 20 juin 1842.

 

Cependant, par le travail constant et profond qu’elle fit dans les villes et bourgs de Provence, elle dût déterminer un prodigieux revirement d’opinions, puisque les trois-quarts du peuple et de la petite bourgeoisie étaient acquis aux idées républicaines, lorsque la deuxième République fut proclamée.

Le département de Vaucluse, qui avait été jusqu’en 1830 un des terrains classiques du légitimisme clérical, élisait en effet à l’Assemblée Constituante de 1848, 5 représentants démocrates et 1 libéral (1).

Dans l’enthousiasme des premiers jours de la deuxième République, les démocrates vauclusiens ne songeaient plus à leur société secrète (qui eut d’ailleurs été inutile), mais les effets de la réaction n’ayant pas tardé à se faire sentir, ils prirent dès le mois de juin 1848 leur disposition pour réorganiser leur ancienne organisation.

C’est un ouvrier peintre nommé DESCHAMPS qui fut chargé par le comité directeur de Paris de se mettre en rapports avec les anciens affiliés de cette organisation et de reconstituer les « carbonaris » de Vaucluse. Cet homme intelligent et très actif, qui avait été co-détenu politique de BARBES à Nîmes, puis à Paris, avait noué, dans cette dernière ville, des relations avec les membres du comité directeur des sociétés secrètes républicaines, leur but était de triompher des idées de 89 [sic], sans songer encore à un coup de force contre le Gouvernement modéré de 1848.

 

(1) Résultats officiels des élections législatives des 23 et 24 avril 1848. – Inscrits : 80.000 ; votants : 59.634.

Leboissière Paul[2], républicain, 38.995. – Raspail Eugène[3], démocrate, 31.654. – Reynaud-Lagardette[4], démocrate, 29.243. – Pin Elzéar[5], démocrate, 26.845. – Perdiguier Agricol[6], démocrate, 22.056. – Bourbousson[7], orléaniste, 20.755.

Le légitimiste le plus favorisé, M. d’Olivier[8], ancien maire d’Avignon, n’obtenait que 14.030 voix.

 

Les principaux sièges de cette organisation vauclusienne étaient : à Cavaillon, Bollène, Carpentras, Apt et à Orange, où ils étaient respectivement dirigés par les citoyens DUPUY, maitre de pension, RAYNAUD de la GARDETTE, ex-constituant de 1848, de la MADELEINE jeune, MONIER Henri, avocat, conseiller général, et Elzéard PIN, ex-constituant de 1848.

Grâce à leur situation indépendante et à leur éducation supérieure, ces chefs issus de la bourgeoisie exerçaient sur leurs troupes un ascendant considérable.

Le siège central des carbonaris de Vaucluse était à Avignon, rue Carreterie, dans une maison tenue par les citoyens CARTERON et EDOUARD.

Le comité directeur était composé des 5 membres suivants :

JAMET[9], professeur, rédacteur en chef du « Républicain de Vaucluse »

A. DUMAS, propriétaire

CHAPSAL, professeur au lycée

PAMARD Hippolyte, ex-secrétaire général de la Préfecture (en mars et avril 1848), et PETIBON, journaliste.

Les citoyens RASPAIL Eugène et GENT Alphonse[10], députés, étaient également affiliés à cette société.

En novembre 1848, les effectif des « Carbonaris de Vaucluse », répartis en 4 lieutenances et 140 brigades, comprenaient 7612 sociétaires.

Pour être admis dans les Carbonaris, il fallait être présenté par deux parrains membres de l’association et avoir subi les épreuves maçonniques ;

Le nouvel adhérent devait ensuite prêter, sur un poignard, le serment de haine à tout despotisme politique.

 

(1) [sans appel sur la page] Rapport adressé le 28 octobre 1848 au Ministre de l’Intérieur par M. Monnier, commissaire spécial de police pour les départements du midi.

 

Dans le sein de la société, on désignait au sort, un « bravo », chargé de poignarder les membres traitres au serment !…

D’autres sociétés encore étaient affiliées aux Carbonaris de Vaucluse.

Ainsi, à Avignon on trouvait :

1° LA SOCIETE PACOT, comptant 900 membres, aspirant au carbonarisme ; elle tenait ses réunions à la porte Limbert, chez un nommé Kalèche, mécanicien ; son président était un nommé Brunel[11], teinturier, officier de la Légion d’honneur, et le secrétaire : Montagné, capitaine de la garde nationale.

2° La société intitulée « JEUNE GLOIRE », composée de l’aristocratie républicaine de la ville ;

Celle-ci comptait dans son sein Jamet et Chapsal, professeurs.

Il existait d’autre part à Orange la société des « VORACES », qui groupait 500 membres affiliés aux « Carbonaris » (1).

Le véritable chef moral de cette vaste et puissante association républicaine vauclusienne était sans conteste le citoyen Alphonse GENT.

Gent, avocat au barreau d’Avignon (2), était en 1848 un propagandiste républicain déjà connu ; plusieurs procès politiques auxquels il avait déjà prêté le concours de son éloquence avaient contribué à lui faire une réputation, et à le placer à la tête de ces hommes jeunes et ardents qui se vouaient, avec enthousiasme et désintéressement, à la propagande des idées républicaines.

 

(1) Rapport de Monier, commissaire spécial de police du 28 octobre 1848.

(2) Le cabinet de l’avocat Gent était situé rue de la Croix n°9, à Avignon.

 

Le 25 février 1849[12], ce fut A. Gent qui, accompagné de quelques amis, proclama la République à Avignon, du haut de la terrasse de la Préfecture.

Peu après, d’ailleurs, Gent devait être nommé maire d’Avignon, puis, le 30 avril, il fut nommé Commissaire du Gouvernement près le département de Vaucluse, en remplacement de Paul Laboissière, élu député (1).

Enfin, en septembre 1848, Gent fut élu lui-même député à l’Assemblée Constituante[13] ; mais aux élections législatives suivantes, de mai 1849 (préparées soigneusement par le nouveau Président de la République avec le concours des fonctionnaires qu’il avait nommés), il fut battu avec ses 5 co-listiers républicains.

Après son échec électoral, Alphonse Gent, prévoyant le danger qui menaçait la République, se mit dans Vaucluse et dans toute la région du Rhône (2) à la tête de toute l’opposition intransigeante ; convaincu que par la voie légale, par l’opposition faite au grand jour, les républicains ne réussiraient pas à détrôner Louis-Napoléon (3), Gent se fit l’organisateur, au cours de l’année 1850, de ce fameux complot de Lyon, dont le but était le groupement de tous les démocrates de la vallée du Rhône, en une ligue organisée pour la résistance violente à l’oppression (4).

 

(1) Les officiers et sous-officiers de la garde nationale convoqués le 30 avril 1848 à la mairie par M. Laboissière Paul, commissaire du Gouvernement, élirent pour le remplacer le citoyen Alphonse Gent, maire provisoire d’Avignon, par 270 voix sur 309 votants. Gent fut installé à la Préfecture le même jour. (Arch. de Vaucluse, série K, arrêtés du Préfet).

(2) En sa qualité d’avocat, notre compatriote Gent avait été appelé à Lyon en 1849 pour y défendre les principaux accusés de l’insurrection lyonnaise du 15 juin ; le séjour qu’il fit dans cette ville à l’occasion de ce procès politique lui permit de nouer des relations avec les chefs démocrates lyonnais, qui apprécièrent bientôt ses rares talents d’orateur et d’entraineur d’hommes.

(3) On sait comment fut élu Louis-Napoléon : l’appui des monarchistes dont l’ambition espérait dominer la sienne, les promesses d’amnistie et de diminution d’impôts, et sur tout le prestige de ce nom qui rappelait tant de souvenirs glorieux, lui donnèrent une majorité écrasante sur le général Cavaignac, chef du pouvoir exécutif, dont une partie des républicains s’étaient détachés depuis la sévère répression de juin.

(4) La ligue du Midi qui embrassait 15 départements : Jura, Ain, Saône-et-Loire, Rhône ; Isère, Drôme, Ardèche, Gard, Vaucluse, Hautes-Alpes, Basses-Alpes, Bouches-du-Rhône, Hérault, Aude, Var.

 

On sait quel en fut le dénouement : trahis, les chefs de cette ligue furent traduits devant un conseil de guerre de Lyon, qui condamna sévèrement une cinquantaine de républicains impliqués dans cette affaire (1).

Après la découverte du complot de Lyon, le siège de l’association secrète républicaine du midi fut transféré à Marseille : mais la condamnation de Gent privait cette vaste organisation de son principal animateur, et, en l’absence d’une direction supérieure, elle se décentralisa rapidement pour devenir d’abord départementale, puis arrondissementale.

C’est cette décentralisation qui devait causer l’échec de l’insurrection dans les départements du Sud-Est.

En effet, au lendemain du Coup d’Etat prévu depuis plusieurs mois, alors que l’ordre général de soulèvement aurait pu être efficacement donné à toutes ces sociétés, il advint que quelques chefs courageux seulement ordonnèrent l’action immédiate, tandis que la majorité des militants fut d’avis d’attendre le déroulement des événements de la capitale.

Ce sont précisément ces hésitations et ce retard dans l’exécution qui devait assurer le succès des Pouvoirs Publics.

 

(1) Gent, condamné à la déportation, fut transporté à Nouka-Hiva où il devait rester 7 ans (séance du tribunal du 28 août 1851).

 

Cependant, si l’insurrection n’eut pas lieu dans le sud-est de la France avec l’ensemble et la promptitude prévus, elle se produisit dans certaines régions avec une force considérable ; nos populations méridionales à l’imagination vive et impressionnable, à l’esprit indépendant, au cœur généreux que blesse profondément l’injustice, ne pouvaient accepter cette nouvelle violation de leurs droits politiques sans manifester une vive opposition.

Et en effet, malgré la défaillance de la plupart de leurs chefs, les fougueux démocrates méridionaux s’insurgèrent dans toutes les communes où ils étaient en nombre.

 

 

IIème PARTIE

L’INSURRECTION VAUCLUSIENNE

 

CHAPITRE PRELIMINAIRE

CARACTERE PARTICULIER DES SOULEVEMENTS DANS CHACUN DES QUATRE ARRONDISSEMENTS ADMINISTRATIFS

(Deux seuls soulèvements spontanés)

 

Bien qu’englobés dans un cadre administratif commun depuis près de 60 ans, et organisés de façon uniforme par les sociétés secrètes républicaines, les 4 arrondissements de Vaucluse furent le théâtre d’événements politiques différents.

Ainsi, l’insurrection se développa avec une force et un ensemble considérables dans tout l’arrondissement d’Apt ;

Elle n’eut lieu avec violence que dans quelques localités de l’arrondissement d’Orange ;

Dans celui de Carpentras, elle fut à peu près nulle ; et enfin dans l’arrondissement d’Avignon, le mouvement insurrectionnel ne présenta un caractère de gravité qu’au chef-lieu. Cette particularité régionale résultait, sans aucun doute, des deux causes suivantes, faciles à observer :

1° De la situation topographique de quelques localités.

2° De la tradition historique différente des divers éléments qui ont formé le département.

Dans les communes situées au bord du Rhône et traversées par les routes nationales, la propagande des militants étrangers avait plus de prise, alors que, d’autre part, ces moyens faciles de communication permettaient une liaison régulière des sociétés locales, avec leurs sièges régionaux. La deuxième cause, avons-nous dit, est basée sur la tradition historique.

Le département de Vaucluse n’est point formé, en effet, d’éléments homogènes, comme la plupart des autres départements français ; débris des provinces de l’ancienne monarchie, les cinq petits Etats qui, en 1791, devaient constituer Vaucluse, étaient d’origine et de formation très différentes ; ainsi, la viguerie d’Apt, le comté de Sault et la principauté d’Orange faisaient partie de la France depuis une époque plus ou moins éloignée (1), tandis que depuis le XIVème siècle, jusqu’en 1791, la ville et l’état d’Avignon, ainsi que le comtat venaissin, dépendaient de la cour de Rome.

Sans doute, les conséquences de la résidence des Papes à Avignon et dans le Comtat avaient eu le temps de s’effacer dans le cours de plusieurs siècles ; mais si, depuis 1376, les souverains pontifes étaient retournés à Rome, les légats, puis les vice-légats, chargés de les représenter et de gouverner en leur nom, avaient su conserver les traditions du pouvoir papal.

Nous trouvions encore en 1851, dans Vaucluse, ou du moins dans la partie de Vaucluse qui formait l’ancien Comtat Venaissin, une nuance particulière d’opinion morale, relieuse et politique, celle de « l’ultramontanisme », qui avait encore de nombreux partisans.

 

(1) La Viguerie d’Apt et le Comté de Sault ont été réunis à la France avec la Provence en 1481 ; la principauté d’Orange fut annexée à la Couronne en 1673.

 

Aussi, bien, l’arrondissement d’Avignon qui se compose en entier de communes ayant appartenu au Comtat, et celles de cette ancienne province qui font partie des arrondissements de Carpentras et d’Orange, différaient du reste du département sous le rapport des opinions politiques.

Là, l’élément démocratique, quoique actif et organisé, était en minorité, surtout dans la région de Carpentras, où les traditions ultramontaines s’étaient le mieux conservées.

Dans ces 3 arrondissements (Avignon ville exceptée), les manifestations organisées pour s’opposer au Coup d’Etat n’inspirèrent que peu de crainte aux autorités, qui ne firent garder sérieusement que le chef-lieu du département.

La Ville d’Avignon, qui avait été secouée terriblement pendant la Révolution, contenait toujours un fonds tenace de passions politiques ; la haine des partis légitimiste et républicain, qui sommeillait depuis 1816, s’était réveillée, ardente, en juin 1848. Les autorités administratives et militaires, constamment en éveil par les manifestations politiques de ces deux partis (toujours prêts à s’entre-déchirer) et craignant avec raison des troubles sérieux, concentrèrent au chef-lieu toutes les forces militaires et de police dont elles pouvaient disposer.

Dans la partie de l’arrondissement d’Orange (anciennement érigée en Principauté), la situation morale et politique différait peu de celle du Comtat, sans doute parce que le sort des habitants de ces deux provinces avait été constamment lié.

Mais l’état des esprits était bien différent dans la partie provençale du département qui a formé l’arrondissement d’Apt.

Les guerres religieuses avaient laissé là de profondes traces. Dans ce pays, préparé depuis longtemps à la Réforme, la propagande républicaine, appuyée sur une forte organisation, devait s’exercer favorablement et très rapidement sous Louis-Philippe.

Lorsqu’arriva la République de 1848, toute cette contrée était acquise aux idées républicaines avancées.

Ces rudes montagnards, qui portaient la guerre religieuse dans leurs seins, et qui étaient en grande majorité affiliés aux sociétés secrètes républicaines, se préparaient ouvertement au combat depuis 1850.

Nous verrons plus loin combien puissant devait être leur soulèvement.

Sauf dans les 2 communes d’UCHAUX et de BEDARRIDES, où les républicains s’insurgèrent dès l’annonce du Coup d’Etat, sans attendre la suite des événements, sans s’inquiéter du reste du département, l’insurrection vauclusienne organisée par les sociétés secrètes républicaines, ayant pour cadre l’arrondissement, présenta, avons-nous dit, 4 phases différentes.

Nous réserverons donc un chapitre spécial à chacune d’elles.

Il se produisit à UCHAUX une violente manifestation déclenchée spontanément dès que la nouvelle du Coup d’Etat y fut connue. Dans la soirée du 3 décembre, une bruyante farandole parcourut le village en chantant la « Marseillaise » au son d’un tambour qui avait été enlevé de force au garde-champêtre ; ensuite, plusieurs manifestants armés de fusils envahirent la mairie, qu’ils occupèrent jusqu’au 6, jour de l’arrivée d’un détachement de dragons[14] (1).

 

(1) Arch. dép., série M, insurrection du 2 décembre 1851. – Affaire d’Uchaux.

 

A BEDARRIDES, dans la soirée du 4 décembre, une bande d’insurgés armés, s’empara des pouvoirs de l’adjoint ; les manifestants désarmèrent ensuite les 2 gardes-champêtres et occupèrent la mairie.

Le lendemain 5, un détachement de 25 hussards, envoyé d’Avignon, obligea les insurgés à abandonner l’hôtel de ville, et arrêta quelques meneurs, parmi lesquels : le médecin Dailhan[15], Girardin[16] et Thor[17], chefs du parti républicain de la commune[18].

 

(1) Arch. Dép. de Vaucluse, série M, police administrative. – Insurrection du 2 décembre 1851. – Notice annexée au dossier de l’affaire de Bédarrides.

 

 

TITRE PREMIER

LES SOULEVEMENTS DANS LES ARRONDISSEMENTS D’AVIGNON, DE CARPENTRAS ET D’ORANGE

 

CHAPITRE PREMIER

NARRATION SOMMAIRE DES TROUBLES ET INCIDENTS QUI SE PRODUISIRENT A AVIGNON ET DANS CERTAINES COMMUNES DE CET ARRONDISSEMENT

 

A Avignon, le Coup d’Etat, annoncé dès le 3 décembre, causa un trouble profond ; dans tous les milieux républicains de la ville, une sourde rumeur accueillit cette nouvelle ; au sein des cercles démocratiques (envahis rapidement par la foule surexcitée de leurs membres), il se manifesta cette activité fébrile qui précède les grands événements ; pendant que les chefs délibéraient sur les mesures à prendre, la masse des affiliés, partisane de l’action immédiate, attendait l’ordre de soulèvement.

Le lendemain, 4 décembre, une grande partie de la population avignonnaise suspendit ses travaux et se répandit bruyamment dans les rues de la ville, où on remarquait bon nombre de villageois des environs venus prendre des nouvelles.

Ces manifestations, quoique menaçantes, n’étaient cependant pas de nature à inspirer de sérieuses inquiétudes aux autorités. Les nombreuses troupes de la garnison d’Avignon (1) devaient largement suffire au maintien de l’ordre.

Et, en effet, les importantes patrouilles que les chasseurs à cheval effectuèrent dans les rues de la ville le 4 décembre dispersèrent rapidement les rassemblements qui s’étaient formés.

Le même jour, le Préfet, qui avait reçu par « télégraphe » l’ordre de réprimer énergiquement toute velléité de résistance, prévint les rédacteurs des 3 journaux locaux : « LE DEMOCRATE DE VAUCLUSE », « L’ETOILE DE VAUCLUSE » et le « MEMORIAL DE VAUCLUSE » (organes respectifs des partis républicain, légitimiste et bonapartiste), que « tout journal dont la polémique pourrait porter atteinte à la tranquillité serait immédiatement suspendu. »

Donc, tout paraissait rentrer dans l’ordre, lorsque le lendemain 5 décembre, une édition spéciale du journal légitimiste « L’ETOILE DE VAUCLUSE » publiait en énormes caractères la violente protestation suivante :

« Nous protestons de toute la puissance de notre âme, contre toute pensée d’intimidation qui aurait pu dicter la lettre que nous adresse Monsieur le Préfet de Vaucluse, comme nous protestons avec énergie contre la violation manifeste et évidente de la constitution.

Cette double protestation, nous la faisons ici bien haut, dans l’intérêt de l’ordre et de la tranquillité publique qu’on invoque, au nom des droits et des devoirs que consacre formellement le pacte fondamental juré par Louis-Napoléon Bonaparte, Président de la République. »

Signés, Le Gérant, Louis GUERIN[19], les rédacteurs en chef, Ch. PASCAL[20], H. POUSSEL[21]

 

(1) La garnison d’Avignon se composait du 2ème bataillon et du dépôt du 40ème de ligne, du dépôt du 38ème de ligne, de l’état-major, de 2 escadrons et du dépôt du 13ème régiment de chasseurs à cheval.

 

Ainsi, contrairement à ce qui se produisait généralement en France, les fougueux légitimistes avignonnais s’insurgeaient contre le « grand acte » de Louis-Napoléon, tout comme leurs adversaires politiques. Evidemment, les motifs de mécontentement de ces deux partis opposés n’étaient pas de même nature, mais il n’en demeurait pas moins que cette attitude inattendue et ferme des soi-disants « amis de l’ordre » aggravait singulièrement la tâche des autorités civiles et militaires.

A Avignon, comme dans l’ensemble du département, l’effectif réuni des partisans républicains et légitimistes constituait, à cette époque, les trois quarts de la population active.

Le Préfet et le général commandant d’armes se trouvèrent dans l’impérieuse obligation de prendre, d’un commun accord, une série de mesures destinées à réprimer le soulèvement annoncé.

Ils firent successivement arrêter et incarcérer les chefs des partis légitimes[22] et républicains qui avaient pris déjà leurs dispositions pour occuper la Préfecture et la Mairie d’Avignon ;

Dissoudre et fermer les cercles légitimistes et républicains, considérés comme foyers de troubles ;

Intimer l’ordre à tous les cafetiers et débitants de boissons de fermer leurs établissements dès 10 heures du soir ;

Suspendre enfin la publication des journaux des deux partis récalcitrants.

Les rigoureuses mesures d’ordre ostensiblement exécutées et contrôlées par les 2.000 hommes de troupes stationnés à Avignon, ne devaient pas tarder d’atteindre complètement le but d’intimidation poursuivi.

En effet, quelques militants légitimistes, revenant brusquement sur leur décision, vinrent aviser le Préfet qu’ils reconnaissaient leur erreur ; qu’ils acceptaient le « grand acte » de Napoléon et qu’ils se mettaient même à la disposition du gouvernement pour contribuer au service d’ordre.

Aussi bien, le Préfet s’empressa-t-il de faire mettre en liberté les quelques chefs légitimistes qu’il avait fait emprisonner, et parmi lesquels se trouvait notamment M. D’AVERTON, lieutenant-colonel de la garde nationale.

Celui-ci, ayant appris entre-temps, qu’une forte colonne d’insurgés montagnards des environs marchait vers Avignon, comprit que l’action insurrectionnelle ne pourrait que servir la cause des républicains, plus nombreux.

M. d’Averton constitua donc 3 importantes patrouilles et les mit à la disposition des autorités (1).

Ainsi, tandis que les services d’ordre recevaient d’importants renforts, le nombre des insurgés perdait une importante partie de ses effectifs.

Aussi bien, dès le 7 décembre, les représentants du gouvernement pouvaient considérer le soulèvement insurrectionnel réprimé au chef-lieu, et détacher une partie des troupes de la garnison vers les régions du département où des troubles étaient signalés.

 

(1) Ces patrouilles furent respectivement commandées par MM. D’Averton, de Lépine et le docteur Cassin.

 

Cependant, s’ils ne pouvaient plus envisager un soulèvement au chef-lieu, où toutes les forces militaires du département étaient rassemblées, les démocrates avignonnais convinrent d’attendre pour agir l’arrivée du contingent des campagnes ; ils avaient appris entre-temps, en effet, que des soulèvements victorieux avaient eu lieu à Bédarrides et à Orange (1) et qu’une forte colonne d’insurgés venant de l’Isle marchait triomphalement sur Avignon.

D’autre part, 300 démocrates impatients[23], et peu en sûreté dans cette ville, réussirent à s’infiltrer au dehors et se dirigèrent vers Morières pour se porter au devant de la colonne annoncée (2).

Dans ce village, la bande avignonnaise trouva rassemblés 82 insurgés armés[24], auxquels elle se joignit.

Sous les ordres de M. de ZANOBIS[25] (3), tous ces mutins se réunirent sur la montagne de Morières, où furent prises, loin des indiscrets, les dispositions de marche.

Cette troupe se dirigea ensuite vers Gadagne.

Aucun autre soulèvement sérieux n’eut lieu dans le reste de l’arrondissement.

A COURTHEZON, où se trouvaient quelques socialistes exaltés, une vive agitation régna dès le 4 décembre.

 

(1) Lettres de Descartes et de Léonce Gent.

(2) Rapport du commissaire central de police Potenard, daté du 8 décembre.

(3) Affaires de Morières et de Gadagne.

(4) Pendant que ces conciliabules avaient lieu sur la montagne un coup de fusil fut tiré par un insurgé sur le gendarme Gobillard, qui avait été aperçu épiant le mouvement.

 

Une délégation de ce parti fut envoyée à Orange et une autre à Avignon. Les chefs de la société secrète républicaine, SAUVAN, BARNIER et FABRE Jean, furent arrêtés, de sorte que les démocrates de cette localité, sans direction, ne purent se soulever[26] (1).

A CABRIERES d’AVIGNON, le tocsin fut sonné par quelques insurgés qui contraignirent le maire à leur livrer le drapeau et les armes déposés à l’hôtel de ville[27] (2).

Les soulèvements de CAVAILLON et de l’ISLE furent liés avec celui de l’arrondissement d’Apt qui est relaté plus loin.

 

(1) Déposition de F. Roux, commissaire de police de Courthézon, devant le juge de paix de Bédarrides, le 14 janvier 1852 (Série M, insurrection du 2 décembre 1852 [sic]).

(2) Rapport du procureur de la République d’Avignon du 11 décembre 1851 (Série M, insurrection du 2 décembre 1851).

 

 

CHAPITRE 2

LES SOULEVEMENTS DANS L’ARRONDISSEMENT D’ORANGE

Dès le 3 décembre, la ville d’ORANGE fut, comme celle d’Avignon, le rendez-vous d’une foule considérable de « montagnards » des environs, accourus pour prendre des informations concernant le Coup d’Etat.

Toutes ces personnes décidées, auxquelles s’étaient joints les démocrates de la ville, organisèrent dans la soirée (à la lueur des torches), une bruyante manifestation sur la place de la Mairie.

Ces nombreux insurgés passèrent la nuit dans la ville ; ils y furent rejoints le lendemain 4 décembre par des importantes délégations républicaines des communes de CADEROUSSE, CAMARET, COURTHEZON, MONDRAGON et de MORNAS, qui se rendirent au Café Varennes pour élire un comité insurrectionnel d’arrondissement. Celui-ci fut composé de 25 membres parmi lesquels nous citerons MILLET Ulysse[28], VARENNES[29], ex-commissaire de police, MONNIER, officier de santé, ROURE[30], docteur en médecine, AURIC[31], etc., tous membres influents de la société secrète républicaine.

Ce comité ordonna tout d’abord d’organiser sans retard, dans toutes les communes de l’arrondissement, des sous-comités semblables avec mission de rassembler tous les républicains et de s’installer dans les mairies où ils attendraient les ordres complémentaires.

Les membres du comité d’arrondissement prirent ensuite leurs dispositions pour s’emparer de la sous-préfecture et de la mairie, de façon à y établir leurs services.

La gendarmerie et la police de la ville n’avaient pu s’opposer à la manifestation intempestive de la veille, mais, avec le concours du détachement des dragons de la garnison, le sous-préfet[32] comptait bien interdire aux émeutiers l’accès de la sous-préfecture et de la mairie.

Il fit occuper ces deux édifices par la troupe dans la matinée du 4 décembre, cependant que les manifestants, au nombre de 500 environ, s’étaient rendus en bande aux prisons de la ville pour exiger la mise en liberté immédiate d’un nommé Autrand de Sérignan, détenu politique.

Cette foule bruyante vint manifester devant la sous-préfecture qu’elle essaya d’envahir ; trouvant la porte d’entrée barricadée et défendue par les dragons, elle se rendit sur la place de la Mairie où fut chantée « La Marseillaise ».

Les gendarmes accoururent pour disperser ces rassemblements tumultueux et menaçants, mais leurs gestes brutaux exaspérèrent ces manifestants, qui protestèrent véhémentement aux cris de « à bas les gendarmes » ; une violente bousculade eut lieu alors, et aller mal tourner pour les représentants de l’autorité (très inférieurs en nombre), quand les dragons, barricadés dans la mairie, sortirent pour prêter main-forte) à leurs frères d’armes ; ils furent accueillis par une grêle de pierres. La riposte de la troupe allait être terrible, car son capitaine s’apprêtait à commander le feu, mais le maire, M. MONIER Henri et M. REYNARD Adrien (1), capitaine de la garde nationale (et un des chefs du parti démocratique), purent heureusement s’interposer et calmer l’ardeur belliqueuse de ce militaire.

 

(1) S’adressant à M. Dulac, capitaine de dragons, le citoyen Raynard lui dit : « Ces hommes sont de bons garçons, ils sont seulement surexcités. »

 

Cependant, cette grave menace avait porté au paroxysme la colère de la foule ; par d’irrésistibles bousculades, celle-ci parvint à faire reculer les dragons et aurait même réussi à s’emparer de l’Hôtel de ville, si le maire, s’étant rendu à son désir, n’avait fait remplacer la garde de ce lieu public par les pompiers de la ville. La troupe, dès lors impuissante, dut quitter précipitamment les lieux ; elle alla se réfugier avec l’autre détachement de dragons, dans la sous-préfecture (1).

Entre temps, les ordres du comité « des 25 » concernant l’organisation des comités insurrectionnels dans les communes de l’arrondissement, avaient été exécutés à :

CADEROUSSE, où la mairie fut occupée le 4[33] (2).

A MORNAS, où le comité s’établit à la mairie dans la même journée, malgré une vive résistance opposée par le maire et les quelques amis qu’il avait réunis[34] (3).

A VALREAS, où Guibert Jules[35], chef républicain, exerçait une grande influence, la mairie fut occupée le 6 décembre, par une soixantaine de personnes armées[36] (4).

 

(1) Le commissaire de police, qui, aux yeux des émeutiers, avait montré beaucoup trop de zèle pour assurer le service d’ordre, fut saisi par quelques manifestants et mis au violon sous l’œil bienveillant des pompiers.

(2) Notice 98 annexée au dossier de l’affaire de Caderousse (Série M, insurrection du 2 décembre 1851).

(3) Les fusils trouvés à la mairie servirent à armer les émeutiers qui firent aussitôt des patrouilles dans la commune. Notice 12 ; annexée au dossier de l’affaire de Mornas. (Série M, insurrection du 2 décembre 1851)

(4) Procès-verbal de la brigade de gendarmerie de Valréas, adressé le 6 décembre au Procureur de la République d’Orange.

 

Le 4, à MONDRAGON, la générale fut battue dans toute la ville ; un comité insurrectionnel y fut nommé avec Monnier, officier de santé à Orange, comme chef, mais la troupe de manifestants ne put réussir à occuper la mairie[37] (1).

Le même jour, de vives manifestations eurent lieu à SERIGNAN, où un comité insurrectionnel fut créé. Il était composé des nommés RAYMOND[38], MONDON[39], MADON[40], BOUTIN[41] et ESTEVE[42], dit le Cavalier.

Mais les émeutiers, peu nombreux, ne purent vaincre la résistance qui leur fut opposée par les « amis de l’ordre », que le maire avait rassemblés autour de lui[43].

A CAMARET, quelques insurgés, dirigés par le tailleur PERRAND[44], tentèrent vainement de s’emparer de la mairie[45].

D’autre part, dans certaines communes, où les démocrates en minorité ne pouvaient songer à s’emparer de la mairie, leur rassemblement et leur départ pour Orange s’effectua sans bruit dans la nuit du 5 au 6 décembre. Ainsi, une bande armée, sous la conduite de Rambaud[46], quitta SABLET à 9 heures du soir[47]. Elle s’arrêta à GIGONDAS pour se réunir au contingent de cette localité[48] (2).

Mais là notre troupe apprit des nouvelles fâcheuses qui lui firent rebrousser chemin.

A SAINTE-CECILE, 80 démocrates armés et résolus partirent pour Orange dans la même soirée ; mais en passant à Sérignan, ils reçurent de mauvaises nouvelles qui les engagèrent à s’en retourner (3).

 

(1) Notice 78, jointe au dossier de l’instruction.

(2) Notice annexée au dossier de l’affaire de Sablet.

(3) Procès-verbal de la brigade de gendarmerie de Bollène du 7 décembre.

 

Une vingtaine de personnes armées de CAIRANNE prirent également le chemin de la sous-préfecture, mais elles ne devaient pas, non plus, arriver à destination, car, en cours de route, ces braves paysans apprenaient (comme leurs compagnons d’armes des communes voisines), que la ville d’Orange avait reçu d’Avignon des renforts considérables et n’était plus au pouvoir des insurgés[49] (1). Tous ces combattants se dispersèrent ainsi sans avoir rien tenté. Dès lors, les insurgés orangeois, réduits à leurs propres moyens, renoncèrent à la lutte[50].

 

(1) Déposition de Joseph Castellan[51], de Cairanne, devant l’officier chargé de l’enquête le 19 janvier 1852.

 

 

CHAPITRE III

REPERCUSSION DES EVENEMENTS DANS L’ARRONDISSEMENT DE CARPENTRAS

 

Dans l’arrondissement de CARPENTRAS, les légitimistes, nombreux et influents, tenaient les démocrates sévèrement en respect ; cependant, à l’annonce du Coup d’Etat, ces derniers se montrèrent courageusement sur quelques points du chef-lieu, et leur activité suspecte inspira quelques craintes aux autorités de la ville[52].

Le sous-Préfet, M. de FROIDEFOND, qui disposait déjà de 110 hommes de troupe de ligne ; d’une compagnie de pompiers (composée de 100 unités) et d’une quinzaine de gendarmes, fit appel, dans cette circonstance, aux hommes « d’ordre » des communes voisines de MONTEUX et de MAZAN, qui vinrent nombreux se mettre à la disposition de l’autorité.

Ces sérieuses mesures de sécurité semblèrent ramener le calme dans les esprits républicains.

Cependant, dans la soirée du 8 décembre, alors que la tranquillité paraissait assurée, le maire de Carpentras reçut une communication lui annonçant que les 2.000 insurgés qui étaient rassemblés à l’Isle ce jour là avaient résolu de se rendre à Carpentras pour y occuper la sous-préfecture et la mairie et y désarmer la troupe et les pompiers.

Le chef de la colonne insurrectionnelle fixait son arrivée sur la place de l’Hôpital le 9 décembre à 7 heures du matin et s’engager à respecter les personnes et les propriétés si aucune résistance ne s’opposait à son projet.

Ces mauvaises nouvelles jetèrent le découragement [qui] causa chez les autorités et dans la population une émotion d’autant plus vive que le soulèvement victorieux des nombreux républicains de l’arrondissement d’Apt et du département des Basses-Alpes était déjà connu dans toute la région.

Le sous-préfet, assisté du maire (M. LAMBERTIN[53]), du receveur municipal, du commissaire de police et du capitaine des pompiers, fit préparer hâtivement la défense de la ville, tandis que 2 ou 3 agents de police étaient détachés en éclaireurs sur la toute de l’Isle.

Les différentes issues de Carpentras furent gardées par un détachement de militaires, et enfin, le gros des divers éléments mobilisés fut disposé en ordre de bataille sur la place de l’Hôpital.

Toutes ces importantes dispositions de défense et de combat, prises avec autant d’appréhension que de hâte, devaient d’ailleurs être inutiles, car les émeutiers ne se présentèrent point (1).

Dans l’après-midi du lendemain, en effet, le sous-préfet de Carpentras fut informé que la bande insurrectionnelle d’Apt s’était dispersée aussitôt après avoir appris qu’un important contingent de militaires était parti d’Avignon à sa rencontre, et de fait, quelques heures plus tard, une colonne mobile du 54e régiment de ligne traversait la ville de Carpentras pour se rendre à l’Isle-sur-Sorgues (2).

Le calme régna dans les autres communes de l’arrondissement[54]. Seule la ville de PERNES vit se produire un essai de résistance[55].

 

(1) Rapport du commissaire de police Roux, adressé au Préfet le 15 décembre 1851.

(2) Rapport du commandant de France[56], chef de cette colonne.

 

                                                                                SOMMAIRE                               DEUXIEME PARTIE

 


[1] Lire Saint-Arnaud

[2] Paul, Xavier, Théophile Tramier de Laboissière, né le 4 mars 1799 à Carpentras, décédé le 22 décembre 1860 à Bollène. Propriétaire à Pernes. Député d’extrême gauche sous la Monarchie de Juillet (1831-34), puis conseiller général. Commissaire du Gouvernement provisoire de Vaucluse (1848).

[3] Eugène Raspail, né le 12 septembre 1812 à Gigondas, décédé le 26 septembre 1888 à Gigondas. Neveu de François Vincent Raspail. Directeur de l’éclairage au gaz de la ville d’Avignon. Candidat opportuniste en 1881 et 1882.

[4] Joseph, Isidore Reynaud de Lagardette, né le 22 octobre 1799 à Auriple (Drôme), décédé le 17 février 1865 à Bollène. Propriétaire. Maire de Bollène (1830), destitué en 1832. Conseiller général. Candidat d’opposition en 1857.

[5] Elzéard Pin, né le 9 août 1813 à Apt, décédé le 5 mai 1883 à Paris. Poète, propriétaire. Sous-commissaire de la République à Apt (1848). Condamné à l’Algérie + par la commission mixte en 1852. « Pin est regardé à juste titre comme le chef et l’instigateur de l’attentat et du complot de l’arrondissement d’Apt et peut-être dans tout le département de Vaucluse dont il a parcouru une grande partie pour y exciter au soulèvement et à la guerre civile. Depuis 1848, il eut pour principale occupation de créer des sociétés secrètes dans le pays. » Réfugié au Piémont. Il revient en France après l’amnistie de 1859. Député de Vaucluse (Gauche républicaine) de 1871 à 1876, puis sénateur (1876 à 1883).

[6] Agricol Perdiguier, né le 3 décembre 1805 à Morières, décédé le 26 mars 1875 à Paris. Compagnon menuisier. Ami de Béranger, Lamartine, George Sand. Militant ouvrier. Député montagnard à la Législative (1849-51). Arrêté au 2 décembre, condamné à l’expulsion, il se réfugie à Anvers.

[7] Théophile, Eugène Bourbousson, né le 6 juillet 1811 à Gigondas, décédé le 24 septembre 1864 à Sablet. Docteur en médecine. Conseiller général sous la Monarchie de Juillet. Elu à la Législative (1849-51). Vota toutes les mesures répressives.

[8] Albert d’Olivier de Pezet, né le 7 avril 1792 à Carpentras, décédé le 13 décembre 1867 à Avignon. Capitaine d’état-major du Génie. Candidat à la Chambre en 1842, 1846 et 1847. Elu député légitimiste à la Législative (1849-51).

[9] Alphonse Jamet, né le 9 mars 1811 à Paris.

[10] Alphonse, Joseph, Antoine Gent, né le 27 octobre 1813 à Roquemaure (Gard), décédé le 26 janvier 1894 à Paris. Avocat. Maire d’Avignon (1848) puis commissaire du gouvernement provisoire, député à La Constituante en remplacement de Perdiguier (cf. note infra), élu député d’Union républicaine à l’Assemblée nationale (1871 à 1877 et 1878 à 1882), puis sénateur d’extrême gauche (1882 à 1894). Arrêté le 28 octobre 1850 comme principal instigateur du « Complot du Sud-Est », il est condamné à la déportation à Nouka-Hiva où il est détenu jusqu’en 1854. Sa peine est alors commuée en 20 ans de bannissement. Il s’établit à Valparaiso, puis en Italie et à Madrid (1863). Candidat d’opposition aux législatives de 1869. Préfet de Marseille en novembre 1870, il s’oppose au communalistes.

[11] Jean-Baptiste Brunel, né le 2 avril 1784 à l’Isle., décédé le 14 septembre 1853.

[12] Lire 1848.

[13] Elu député le 4 juin, en remplacement d’Agricol Perdiguier qui avait choisi la Seine, son élection fut annulée. Mais, le 17 septembre, il fut à nouveau élu. (Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889)

[14] Deux habitants d’Uchaux furent condamnés par la commission mixte.

[15] Etienne, Théodore Daillan, né le 25 décembre 1808 à Lorient, décédé le 4 décembre 1854 à Bédarrides. Officier de santé. Condamné à l’internement par la commission mixte en 1852 : « Fondateur de la société secrète dissimulée sous l’apparence d’une association de bienfaisance dont le siège était au café Tor. C’est là qu’il fit en 1850 une collecte dont le produit fut envoyé à Lyon au sieur Gent sous le nom de Borel, ce qui le fit comprendre dans la poursuite du complot de Lyon. Il fut acquitté. » Peine commuée en surveillance le 4 avril 1852. Gracié le 29 septembre 1854.

[16] Joseph Girardin, fils, né le 16 juillet 1817 à Bédarrides, décédé le 8 mars 1898 à Bédarrides. Epicier, fermier et régisseur de l’octroi. Condamné à l’internement par la commission mixte : « Bons antécédents. Caractère inoffensif. » Peine commuée en surveillance le 4 avril 1852.

[17] Baptiste Tor (ou Tort ou Thort), né le 14 mai 1820 à Bédarrides, décédé le 14 mars 1803 à Sorgues. Cafetier et cultivateur. Condamné par la commission mixte à l’internement à St Affrique (Aveyron) : « Vice-président du Comité insurrectionnel. Montagnard exalté. Dangereux. »

[18] Treize habitants de Bédarrides furent condamnés par la commission mixte.

[19] Louis Guerin, né à Avignon. Condamné par la commission mixte à l’internement à Besançon.

[20] Charles, Vital Pascal, né à Tarascon vers 1816. Avoué. Condamné par la commission mixte à l’internement à Tarascon.

[21] Pierre, Henri Poussel, né à Avignon vers 1824. Condamné par la commission mixte à l’internement à Thionville.

[22] Lire légitimistes

[23] Trente-huit Avignonnais furent condamnés par la commission mixte.

[24] Un seul habitant de Morières fut condamné par la commission mixte.

[25] Antoine, Charles, Elzéard Zanobis, père, né à Pernes vers 1798. Propriétaire. Condamné par la commission mixte à l’expulsion : « L’un des chefs les plus actifs de la démagogie. Fondateur de journaux anarchiques. Socialiste. Sociétés secrètes. » Peine commuée en surveillance le 18 novembre 1852.

[26] Un seul habitant de Courthézon fut condamné par la commission mixte.

[27] Trois habitants de Cabrières d’Avignon furent condamnés par la commission mixte.

[28] Ulysse Millet, né le 14 février 1813 à Orange, décédé le 19 août 1868 à Orange. Teneur de livres. Condamné par la commission mixte à la déportation en Algérie (moins) : « Affilié aux sociétés secrètes. Vie privée bonne. » Exil volontaire à Barcelone. Peine commuée en surveillance le 17 mai 1854.

[29] Jean André Varenne, né vers 1813 à Bollène, décédé le 20 décembre 1870 à Paris. Condamné par la commission mixte à l’internement : « Affilié. Propagandiste actif du socialisme. » Peine commuée en surveillance le 4 avril 1852.

[30] Michel, Honoré, Antoine Roure, né à Orange vers 1810. Médecin à Lapalud. Condamné par la commission mixte à l’internement à Dunkerque : « Ancien Saint-Simonien, aimant à propager ses doctrines et dangereux sous ce rapport. Sa conduite a été suspecte dans la nuit du 5 au 6 décembre 1851 sans qu’il existe de preuve bien positive de culpabilité. »

[31] Joseph Auric, père, né vers 1802 à Orange, décédé le 19 octobre 1865 à Dieulefit (Drôme). Serrurier. Condamné par la commission mixte à la déportation en Algérie (plus) : « Affilié aux sociétés secrètes. A participé à tous les désordres. » Transporté. Gracié le 23 mars 1853.

[32] Auguste Solard, né le 29 juin 1808 à Saint-Just-Malmont (Haute-Loire), décédé le 6 avril 1874.

[33] Vingt-et-un habitants de Caderousse furent condamnés par la commission mixte.

[34] Huit habitants de Mornas furent condamnés par la commission mixte.

[35] Jules, Félix Guibert, né vers 1823 à Valréas. Marchand drapier. Condamné par la commission mixte à l’éloignement pour 5 ans : « Chef de société secrète. Envahissement d’un édifice public et immixtion dans des fonctions publiques. »

[36] Huit habitants de Valréas furent condamnés par la commission mixte.

[37] Onze habitants de Mondragon furent condamnés par la commission mixte.

[38] François Raymond, né le 19 novembre 1829 à Sérignan. Géomètre. Condamné par la commission mixte à la déportation en Algérie (moins) : « Affilié aux sociétés secrètes. Agent très actif. » Peine commuée en surveillance le 4 décembre 1852.

[39] Etienne, Louis Mondon, né vers 1804 à Sérignan. Cultivateur. Condamné par la commission mixte à la déportation en Algérie (moins) : « Vu armé d’un fusil accompagné de plusieurs individus. Chef de société secrète dont il paraît être le messager. » Peine commuée en internement le 15 août 1852 puis gracié le 23 mars 1853.

[40] Alexis, Raymond Madon, né vers 1831 à Sérignan. Cultivateur. Condamné par la commission mixte à l’internement : « Bons antécédents. Bonne conduite. » Peine commuée en surveillance le 4 avril 1852.

[41] Honoré, Louis Boutin, né le 2 novembre 1829 à Sérignan, décédé le 8 mars 1904 à Sérignan. Cultivateur. Condamné par la commission mixte à l’internement : « A pris part à une manifestation insurrectionnelle. » Peine commuée en surveillance le 4 avril 1852.

[42] Joseph, François, Louis Estève, né le 28 juin 1830 à Sérignan. Condamné par la commission mixte à la déportation en Algérie (moins) : « Affilié aux sociétés secrètes. Excitation à la révolte. Cris séditieux. » Peine commuée en surveillance le 5 avril 1852. Voir sa lettre au préfet en 1880 qui relate les événements.

[43] Sept habitants de Sérignan furent condamnés par la commission mixte.

[44] Etienne, François, Auguste Perrand, né le 28 février 1807 à Camaret, décédé le 30 novembre 1874 à Camaret. Condamné par la commission mixte à la déportation en Algérie (plus) : « Propos incendiaires. Tentative d’envahissement. Propositions révoltantes. » En fuite. Exil volontaire en Espagne.

[45] Un seul habitant de Camaret fut condamné par la commission mixte.

[46] Jean-Baptiste Rambaud, né vers 1798 (ou 1819, ou 1807) à Saint-Laurent-en-Beaumont (Isère). Cultivateur. Condamné par la commission mixte à la déportation en Algérie (plus) : « Complot et attentat contre la sûreté de l’Etat. Organisation et commandement d’une bande insurrectionnelle. » Transporté à Bourkika. Gracié le 2 février 1853.

[47] Sept habitants de Sablet furent condamnés par la commission mixte.

[48] Aucun habitant de Gigondas ne fut condamné par la commission mixte.

[49] Neuf habitants de Cairanne furent condamnés par la commission mixte.

[50] Vingt-deux Orangeois furent condamnés par la commission mixte.

[51] Joseph, André Castellan, dit Lyonnais, né le 28 ou 30 novembre 1821 à Cairanne, décédé le 15 mai 1896 à Cairanne. Maçon. Condamné par la commission mixte à l’internement : « A envoyé prendre des ordres à Orange. Membre d’une société secrète. » Peine commuée en surveillance le 4 avril 1852.

[52] Huit habitants de Carpentras furent condamnés par la commission mixte.

[53] Est-ce Charles, Joseph Lambertin, né le 29 janvier 1790 à Sarrians, capitaine en retraite, ou bien le maire de Carpentras est-il depuis juin 1851 Adrien-Celse Barret, avocat ?

[54] L’absence de résistance à Carpentras n’empêcha pas la répression : Denis Bruno, cordonnier, est condamné et transporté à Cayenne car : « Le chef et l’âme du parti socialiste dans l’arrondissement de Carpentras. » Il avait déjà été condamné à 7 ans de détention en 1841 pour attentat à la sûreté de l’Etat, dans « l’affaire de la Villette » (sur ce sujet, on lira Jean-Noël Tardy, « Les mystères de Marseille : secret et sociétés secrètes à Marseille et dans le Vaucluse en 1841 », Revue d’histoire du XIXe siècle, 2007-35, pp. 91-105)

[55] Deux habitants de Pernes furent condamnés par la commission mixte.

[56] Charles, Marie, Simon, Alphonse de France, né le 1er novembre 1800 à Croutoy (Oise), décédé le 1er août 1861, fut élevé à ce titre au grade d’officier de la Légion d’Honneur le 17 février 1852. L’attribution de la Légion d’Honneur pour les civils « amis de l’ordre » de Vaucluse a été étudiée par Pierre Simoni, « La lutte contre l’insurrection de décembre 1851 ; un titre à la Légion d’honneur, l’exemple vauclusien », Provence historique, fascicule 202, octobre-décembre 2000, pp. 475-493