Commémoration de la Résistance vauclusienne au coup d’Etat

Article mis en ligne le 16 avril 2019

Cet article a été publié dans Annuaire administratif et statistique de Vaucluse, 1951, pp. 279-394

On pourra consulter notre bibliographie sur ce département et, en particulier, les études de Romain Gardi sur l’arrondissement d’Apt et la thèse de Philippe Vigier, La Deuxième République dans la région alpine, PUF, Paris, 1963. 

Les notes de l’auteur figurent en plein texte (n). Les notes de bas de page n sont celles de l’éditeur du site (mises en ligne par Frédéric Negrel). Elles proviennent essentiellement de Denise Devos, La Troisième République et la mémoire du coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte. La loi de réparation nationale du 30 juillet 1881, Archives nationales, 1992, de la Base de données des députés français depuis 1789, de l’Assemblée nationale, de la base de données Leonore, de Légion d’Honneur, et surtout de la base de données de Jean-Claude Farcy, Poursuivis à la suite du coup d’Etat de décembre 1851. 

 

Commémoration de la Résistance Vauclusienne au Coup d’Etat du 2 Décembre 1951 [sic]

 

par Aimé Autrand

 

Préface de Monsieur Charles Martel[1] Président du Conseil Général

 

Préface

 

L’Annuaire administratif et statistique de Vaucluse que M. Aimé AUTRAND[2], Secrétaire Administratif du Conseil Général, rédige et publie depuis de nombreuses années, constitue une documentation complète, indispensable à tous ceux qui, à des titres divers, participent à l’administration du Département et des Communes de Vaucluse. Mais, comme tous les annuaires, il a généralement le sort des vieux papiers, dès que son intérêt se trouve épuisé avec la fin de l’année.

Cependant, l’édition de 1951, grâce à une heureuse initiative de son auteur, présente un intérêt particulier et permanent qui doit lui permettre de prendre rang de choix dans nos bibliothèques publiques et privées.

Il y aura, en effet, exactement cent ans, le deux décembre prochain, que le coup d’Etat du Prince Président, Louis Napoléon Bonaparte, mit un point final à cette période révolutionnaire qui commença avec les journées de février 1848 et eut un profond retentissement dans l’Europe entière.

Si nos manuels d’Histoire nous renseignent utilement et dans leurs grandes lignes sur cet épisode de la lutte pour la conquête et la défense de nos libertés ; si les strophes indignées et méprisantes de l’un de nos plus grands poètes qui dut alors s’exiler, nous rappelle dans « Les Châtiments » l’attitude des meilleurs des Français devant ce coup de force, rien, si ce n’est parfois une tradition orale qui se perd rapidement, ou des archives qu’on ignore, n’existait pour nous instruire sur ce que fut alors, le comportement des populations vauclusiennes.

Monsieur AUTRAND vient de combler cette lacune. Il l’a fait avec la compétence d’un érudit, l’impartialité d’un véritable historien, et en bon républicain qui, lui aussi, a lutté pour la liberté et a connu la déportation sous la tyrannie non moins odieuse du gouvernement de Vichy[3].

Qu’il en soit félicité et qu’il me permette de l’en remercier au nom de l’Assemblée Départementale et en souvenir d’une déjà longue, mais toujours très amicale collaboration.

Charles MARTEL

Président du Conseil Général de Vaucluse

Maire de Sault

 

INTRODUCTION

 

Je croirais faillir à mon devoir si, au cours de cet annuaire administratif et statistique, je n’évoquais pas le centenaire de la Résistance Vauclusienne au coup d’Etat du deux décembre 1851.

Il y aura, en effet, exactement cent ans au mois de décembre prochain que se produisirent, dans le département, des soulèvements insurrectionnels particulièrement importants.

Leur commémoration me paraît d’autant plus s’imposer qu’ils sont généralement ignorés de nos contemporains.

Certes, de nombreux ouvrages ont donné déjà d’abondants détails et commentaires sur les faits qui ont motivé, précédé, accompagné et suivi l’acte dictatorial qui devait brutalement mettre un terme à la deuxième République. Mais, outre que les récits de ces événements n’ont eu pour théâtre que la capitale ou les grandes villes françaises, ils ne se rapportent qu’à l’action de personnalités politiques connues, et ne permettent par conséquent pas d’être utilement renseignés sur le rôle et le comportement réels de ces masses anonymes de paysans, ouvriers et commerçants qui se soulevèrent avec passion pour défendre leur liberté menacée.

Comment d’ailleurs pourrait-il en être autrement ? Pendant toute la durée du Second Empire, les historiens et les journalistes n’eurent pas la possibilité (et pour cause), de tirer parti des éléments d’informations centralisées par les pouvoirs publics, et depuis 1910, date à partir de laquelle ces documents auraient pu être régulièrement publiés, aucun historien de la région n’a eu, du moins à ma connaissance, la curiosité de se livrer à des recherches de cette nature.

Il s’ensuit donc que, malgré tout leur mérite, les quelques historiens qui, par leurs investigations personnelles à travers la France, ou la presse contemporaine, se sont efforcés de reconstituer les événements de Décembre 1851 n’ont pu, jusqu’ici, exposer les conditions dans lesquelles ceux-ci se sont réellement produits et déroulés dans la plupart de nos provinces.

Eugène TENOT qui, parmi les auteurs d’ouvrages sur le Coup d’Etat, paraît être le plus compétent, avoue lui-même, au bas de la page 279 de sa « Province en 1851 » (1), que le récit des troubles qui agitèrent le département de Vaucluse en décembre 1851 « est malheureusement incomplet parce qu’exclusivement basé sur le rapport du général d’Antist, commandant d’armes à Avignon, et sur quelques relations des journaux du temps ».

Aussi, doit-il se borner à mentionner très sommairement les soulèvements insurrectionnels signalés dans quelques communes du département, savoir :

L’entrée à APT et à l’ISLE-SUR-SORGUES d’une forte colonne d’insurgés venue des Basses-Alpes ;

La dispersion de cette colonne par un détachement de troupes de ligne parti d’Avignon en omnibus ;

La mise en état de siège du département et l’arrestation d’un nombre considérables d’insurgés.

 

(1) Eugène TENOT a publié en 1868, chez Armand Chevalier, éditeur, les deux importants ouvrages suivants : Paris en décembre 1851 et La Province en 1851.

Il convient également de citer l’excellent ouvrage publié sur le Coup d’Etat, en 1926, par René Arnaud[4]. [note de l’auteur]

 

On voudra bien convenir que, même si ces assertions sont rigoureusement exactes, elles ne sauraient satisfaire la curiosité du lecteur ; elles ne permettent pas, en tous cas, de se faire la moindre opinion sur les conditions dans lesquelles se sont réellement déroulés ces événements historiques et quelles en ont été les conséquences.

Ceci est d’autant plus regrettable qu’au cours du siècle dernier, des informations très différentes et généralement tendancieuses, ont été largement publiées à ce sujet, dans la presse régionale, suivant qu’il s’agissait de défendre ou de critiquer le coup d’Etat.

Le moment me paraît donc venu de porter objectivement, à la connaissance de mes compatriotes, les éléments inédits d’information que mes anciennes fonctions de rédacteur aux archives départementales de Vaucluse, m’ont permis de recueillir sur ces événements, et de contribuer ainsi au rétablissement de la vérité.

A l’aide des notes relevées dans les volumineux dossiers déposés par les autorités administratives et judiciaires de l’époque, je me suis, en effet, efforcé de reconstituer fidèlement cet épisode particulièrement caractéristique et instructif de notre histoire locale.

J’ose espérer que, malgré les préoccupations d’ordre matériel des temps présents et une certaine tendance au désintéressement des choses du passé, beaucoup de mes compatriotes trouveront matière à sages réflexions dans ce récit.

Je puis en tous cas certifier, à l’aide des références mentionnées en notes, que toutes mes assertions sont basées sur des documents administratifs ou judiciaires dont l’authenticité ne fait aucun doute.

Cette monographie se divise en trois parties bien distinctes, subdivisées elles-mêmes en autant de chapitres qu’elles comportent de sujets.

La première partie a pour objet d’éclairer le lecteur sur les conditions dans lesquelles se produisirent et se déroulèrent les événements en cause ; elle comprend un exposé sommaire de la situation des esprits et des partis, telle qu’elle se présentait en France, dans le Sud-Est et en Vaucluse, au moment du Coup d’Etat.

La deuxième partie est exclusivement réservée à la narration des différents soulèvements ou incidents qui eurent lieu dans le département du 3 au 9 décembre 1851.

La troisième partie se rapporte à l’application et aux conséquences des mesures de répression qui furent prises par les autorités, aussitôt après l’échec de l’insurrection vauclusienne.

En terminant ce préambule je crois devoir faire brièvement état des principaux documents qui ont servi de base à ce travail et auxquels le lecteur pourra éventuellement se référer :

Sources imprimées :

Parmi les nombreux ouvrages historiques spécialement consultés pour cet objet, il convient notamment de citer :

L’Histoire contemporaine, de LAVISSE (pour laquelle le distingué professeur SEIGNOBOS a, pour la première fois, utilisé de façon complète les documents du ministère de la Justice),

L’Histoire du Second Empire, de Taxile DELORD (tomes 1 et 2),

L’Histoire des Français[5], de Théophile LAVALLEE (tome VI),

L’Histoire du parti républicain en France de 1814 à 1870, de Georges WEILL, éditée chez Alcan en 1928,

La Province en décembre et Paris en décembre 1851, publiés par Eugène TENOT en 1865 et 1868,

Le Coup d’Etat du 2 décembre, de René ARNAUD, publié chez Hachette en 1926 ; etc… etc…

Quant aux Sources manuscrites, elles proviennent exclusivement du riche dépôt des archives départementales de Vaucluse (Palais des Papes), où ont été centralisés les documents administratifs ou judiciaires se rapportant aux événements du Coup d’Etat.

Toutes ces pièces ont été soigneusement classées et répertoriées dans les 40 cartons de la série M, à savoir :

Police administrative 1851 et 1852.

Événements politiques 1851 et 1852.

Élections plébiscitaires de décembre 1851.

 

A. AUTRAND

SOMMAIRE

 


[1] Charles Martel, notaire, résistant du maquis Ventoux, conseiller général radical du canton de Sault (1928-1940), réélu en 1946, président du Conseil général de 1949 à 1951. (note de l’éditeur du site)

[2] Aimé Autrand est auteur de Statistique des élections parlementaires et des partis politiques en Vaucluse de 1848 à 1928, Vaison-La-Romaine, imp. Macabet, 1932 ; Le Conseil général de Vaucluse de 1800 à 1936. Son histoire, ses réalisations, ses personnalités, Avignon, Auzac frères, 1936, 666 p. ; Un siècle de politique en Vaucluse,  Avignon, Imprimerie Rullière, 1958 ; Le département du Vaucluse de la défaite à la Libération : mai 1940-25 août 1944, Avignon, Ed. Aubanel, 1965 ; correspondant de Vaucluse du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale

[3] Aimé Autrand est arrêté pour gaullisme le 16 septembre 1943 et déporté à Linz. Néanmoins, chef de la division des affaires de police de la préfecture de juillet 1940 à son arrestation, il avait participé à la déportation des juifs de Vaucluse en août 1942. Depuis 2000, une rue d’Avignon porte son nom.

[4] René Arnaud, Le coup d’état du 2 décembre, Paris, Librairie Hachette, collection « Récits d’autrefois », 1926, 127 p.

[5] Histoire des Français, depuis le temps des Gaulois jusqu’à nos jours, édition, développée de 1814 à 1848 par Théophile Lavallée ; continuée jusqu’en 1873, par M. Frédéric Lock, jusqu’en 1876, par Maurice Dreyfous, Paris, Charpentier, 1874-1876, 6 volumes. (un septième suivra)