LA RÉSISTANCE RÉPUBLICAINE EN AVEYRON
LA RÉSISTANCE RÉPUBLICAINE AU COUP D’ÉTAT DU 2 DÉCEMBRE 1851 EN AVEYRON Mémoire de maîtrise présenté par GRÉGORY POUGET sous la direction de JEAN-CLAUDE SANGOÏ et JEAN RIVES septembre 2002 Deuxième partie : LA RÉPRESSION DU MOUVEMENT RÉPUBLICAIN Chapitre VI : Les transportés aveyronnais.B – L’Algérie Algérie Plus, Algérie Moins : des mots, des maux et un règlement. « En Afrique, les transportés arrivaient condamnés à l’Algérie moins, avec liberté du domicile, ou à l’Algérie plus, avec emprisonnement [1]». Le règlement fait par le gouverneur d’Alger les répartit en trois catégories : les internés dans les forts et les camps ; les hommes admis dans les villages ; enfin les mieux traités, autorisés à entamer des exploitations agricoles ou à résider dans des lieux qu’ils peuvent eux mêmes choisir. Tous les arrivants appartiennent de droit à la première catégorie d’internés dans les forts. Le Gouverneur Général se réserve seul le droit de désigner les condamnés aptes à passer de la première catégorie dans la seconde ou la troisième. Les critères sont d’une part l’obéissance aux ordres, et d’autre part l’aptitude à remplir un emploi utile au développement de l’Algérie, particulièrement dans le secteur agricole. « Après le débarquement on les concentrait tous à Birkadem[2] et Douéra ; ensuite ils étaient répartis entre les camps-colonies, situés souvent dans une région malsaine comme Ain-Sultan, ou dans des localités sans cesse exposées à une incursion des Kabyles[3], comme Beni-Mansour au pied du Jurjura. Oued-Boutan, Alzib-ben-Nehoud, la Boukiba, Mers-el-Kébir, Mascara, Guelma reçurent aussi des condamnés [4] ». « La transportation politique ne comportait pas le travail obligatoire ». C’est du moins ce que pense le proscrit Mazenc, or c’est une erreur. Au début, le règlement n’était peut être pas connu de tous et beaucoup se sont opposés au travail. Aux yeux des républicains, cette décision, revient à les considérer comme des bagnards. F.Mazenc dit que les autorités cherchèrent à l’imposer aux arrivants par la menace, par l’appât d’un salaire et la promesse d’une prompte libération. « Le salaire, d’un franc par jour en général, était réduit par les concussions des subalternes qui gardaient les transportés ou part l’avidité des marchands privilégiés [5].» « Beaucoup refusèrent le travail[6] ; on en fit repartir un certain nombre pour les Constantine les plus lointaines ; d’autres, les plus rebelles, furent enfermés à la Casbah de Bône ; plus tard on les conduisit à Lambessa [7] .»
Bône et le camp des Caroubiers Après des heures pénibles de traversée, le 10 mai, une heure avant le coucher du soleil l’Eclaireur mouille dans la rade de Bône. Les hommes restent couchés à bord, le pont ayant été recouvert avec des toiles pour les préserver de la rosée, et ne sont débarqués que le lendemain. Ils sont conduits au camp des Caroubiers près de Bône, où ils sont logés dans des baraques en planches, qui ont servi pour la troupe. Les transportés espèrent que l’exil algérien « fermé d’un côté par la mer, de l’autre par le désert », véritables « barrières naturelles et infranchissables [8] », garantit suffisamment le gouvernement, pour que celui-ci leur laisse retrouver la liberté en Afrique. Il n’en est rien, et ils sont obligés – du moins pour ceux qui ont vu leur dossier pourvu de la mention « Algérie plus » – de continuer le régime de la prison, dans l’enceinte d’un camp dont il leur est interdit de franchir les limites. Des vivres militaires leur sont distribuées[9], et pour le coucher, ils reçoivent une couchette de grosse paille, un sac de campement et une couverture de laine[10].
800 prisonniers appartenant aux départements de l’Aveyron, du Gard, des Pyrénées Orientales et de l’Hérault, se retrouvent ainsi détenus dans le camp des Caroubiers[11]. La plupart de ces personnes détenues sont des hommes mais quelques femmes figurent également dans les convois [12] . Toutes les classes de la société s’y côtoient, l’avocat voisine avec l’artisan, les propriétaires avec les ouvriers de tout métier et de nombreux paysans[13]. Cet ensemble hétéroclite de proscrits, d’horizons et de fortunes diverses, est amené à se découvrir, à se côtoyer, à vivre ensemble. Certains ont emporté quelque argent avec eux, d’autres n’ont rien et survivent dans la misère.
F.Mazenc fait état d’une initiative engagée pour leur venir en aide : un café voit le jour dans le camp. Les bénéfices doivent servir à soulager les nécessiteux. « On fit une mise de fonds de 25 centimes par homme ; on alla couper des branchages dans la campagne et on construisit un gourby pour se mettre à couvert ; un petit matériel fut acheté, un conseil d’administration nommé ; l’affaire fonctionna et prospéra [14] .» Cette affaire est un succès et le bénéfice s’élevant entre 200 et 250 fr. par mois – selon ses dires – est distribué aux plus nécessiteux à raison de 20 centimes par homme et par jour. Les difficiles conditions de détention sous une chaleur accablante n’entament pas l’unité des proscrits qui mettent ainsi à l’épreuve leurs principes et y répondent en faisant preuve de solidarité.
De Bône à Guelma Usés par l’enfermement et la détention carcérale qu’ils connaissent depuis sept mois, les proscrits aveyronnais n’espèrent qu’une chose, pouvoir sortir de la prison. Vers le milieu du mois de juin 1852, une opportunité se présente. Le commandant du camp des transportés fait un appel aux hommes de bonne volonté – et surtout valides – en leur proposant d’aller travailler sur un chantier d’infrastructure, à savoir la construction d’une partie de la route reliant Bône à Guelma. A deux kilomètres de Guelma, le camp de Guellaat-Bou-Sba les attend. « Il se présenta environ 500 hommes appartenant à divers départements, et l’Aveyron fournit son contingent pour cette expédition [15]. » N’ayant aucune indication sur les conditions climatiques et sanitaires auxquelles ils vont être confrontés, les hommes s’engagent dans l’inconnu tant est forte chez eux la volonté de fuir l’enfermement de la prison. Il leur faut 2 jours pour atteindre leur nouvelle destination. Le camp est gardé par un lieutenant à la tête d’une soixantaine de soldats de lignes[16]. « Guellaat-Bou-Sba comprenait une belle vallée couverte de prairies, un ruisseau bordé de lauriers-roses en dessine le talweg. La vallée avait une grande largeur : limitée à droite et à gauche par des coteaux en pente douce couronnée de forêts, elle portait sur son versant de droite la route de Bône à Guelma, qui se développait parallèlement au cours du ruisseau [17] . » On sent bien là le professionnel qui parle à travers la description de cette contrée … mais aussi et surtout l’immense soulagement que ressent le prisonnier lorsque s’offre à ses yeux un paysage vaste et lumineux et non plus délimité et crasseux comme celui de la prison. Loin des conditions malsaines des prisons, il se retrouve à l’air libre. Il respire enfin. Un vent de liberté semble se lever …
Les escouades et les conditions de travail Si ce changement est appréciable, ce n’est pas la liberté. Les transportés plantent leurs tentes – où ils sont rassemblés au nombre de 8 – et ramassent des herbes sèches pour faire leur lit. Pelles, pioches et brouettes leurs sont distribuées. Les hommes s’attaquent aux travaux de terrassements nécessaires à la route reliant Guelma à Bône. Divisés en sections de 20 hommes appelées escouades, ils se choisissent un chef qui sert d’intermédiaire avec les agents du pouvoir[18]. Elles sont chargées d’exécuter une tâche bien déterminée, pour un prix forfaitaire fixé à l’avance[19]. Le chef dirige son équipe, fait l’appel de ses hommes et surveille leur travail. C’est lui aussi qui reçoit les vivres et en assure la distribution. Chaque section a aussi un cuisinier qu’elle se choisit. « Quand la tâche – défrichement, terrassement, construction d’un morceau de route – était finie, l’escouade s’en voyait « proposer » (ou « imposer ») une autre, et on discutait le prix avec le commandement du camp [20] ». Après prélèvement par l’administration d’une certaine somme, représentant le coût de l’entretien des hommes[21] et le remboursement des avances faites en nature (habillement et matériel du campement) les sommes ainsi gagnées par l’escouade sont partagées entre les membres qui la composent. Chacun peut ainsi se constituer un petit pécule et envoyer un peu d’argent à sa famille. En pratique les choses ne se passent pas toujours ainsi. F.Mazenc rapporte un conflit qui oppose les proscrits au lieutenant. Ils se plaignent du détournement de l’argent qui doit leur revenir ainsi que de leurs conditions d’internement[22]. La force comme la discussion ayant été vaine, le lieutenant doit se résigner et lâche un peu de lest. Ce soulèvement qui aurait pu tourner à l’affrontement se termine par une légère amélioration dans la distribution des vivres.
La peur des Kabyles. Un autre moment de tension, autrement plus sérieux, affecte le campement. Vers la fin du mois de juin 1852, les tribus arabes des environs de Guelma se soulèvent et attaquent à l’improviste un camp de militaires. Cette attaque fait un grand nombre de victimes. La nouvelle, arrivée le lendemain à Guellaat-Bou-Sba, suscite une vive inquiétude chez les prisonniers comme chez leurs gardiens. Le camp comprend certes près de 600 hommes mais les pelles et les pioches des déportés sont des instruments dérisoires en cas d’attaque. La situation est rendue confuse par la peur des soldats et le peu de maîtrise de leur lieutenant[23] qui augmente les craintes en ne sachant quelles mesures prendre et en multipliant les fausses alertes. Finalement les militaires reçoivent l’ordre de se replier sur Guelma. Les prisonniers sont occupés dans cette ville à creuser des fossés de défense. Ils logent dans les écuries d’une caserne de cavalerie inoccupée. Mac – Mahon, commandant de la province, envoie de Constantine une colonne contre les Arabes. L’insurrection est vaincue en quinze jours sans que la pacification ne soit complète. Les prisonniers se voient intimer l’ordre de s’en retourner dans leur camp sans escorte. « On se contente d’en armer une cinquantaine avec de vieux fusils à silex[24] ». Les proscrits sont libres ou plutôt sans protection. Cette pseudo liberté est un abandon. Ils vont connaître les tourments de l’errance. Revenus dans le campement et en proie à la peur, liée au fait qu’ils sont sans défense face aux Arabes insurgés, ils décident de retourner à Bône. « Vainement quelques hommes qui avaient de l’influence sur la masse, cherchèrent à les détourner de leur projet, leur montrant un autre écueil, le conseil de guerre qui les attendait pour avoir déserté leur poste »[25]. La force de conviction du nombre a une nouvelle fois dépassé l’influence de certains, et l’écueil du conseil de guerre est repoussé. Cette menace leur paraît moins dure qu’une rencontre avec les Kabyles. L’impression d’être dans son bon droit supplante donc une nouvelle fois les éventuelles représailles que cet acte de rébellion laisse augurer.
De retour à Bône. Comme à l’aller, il leur faut trois jours pour gagner Bône. Ils font une étape à Nesmeia où ils reçoivent des armes pour assurer la sécurité de la ville, puis couchent à Duzerville, à une dizaine de kilomètres de Bône, où ils arrivent le surlendemain. Pour tenter de se protéger et afin d’expliquer leur geste, ils envoient une délégation auprès du commandant Dumontil[26], qui assure la direction de la Casbah de Bône et du camp des Caroubiers. Ils légitiment leur fuite par celle des militaires. Le commandant les reçoit « avec bienveillance [27]» et leur conseille de s’adresser directement au gouverneur général de l’Algérie. L’affaire s’arrête là et aucune représailles ne s’abat sur les déserteurs[28].
Internement en Algérie. Peu de temps après ce retour à Bône, un arrêté du gouverneur de l’Algérie paraît. Il offre à tous ceux qui le demandent l’internement dans une ville d’Afrique. Un nouvel avenir se profile ainsi. C’est là l’opportunité de quitter la première catégorie, la plus dure, celle d’internés dans les camps ou les forts, mais également de connaître enfin une certaine liberté. F.Mazenc décrit la réaction que suscite cette nouvelle : « tous ceux qui [avaient] quelques ressources ou des bras vigoureux pour le travail [ont adressé] leur demande [29]». En faisant ceci les transportés perdent l’argent du gouvernement, mais connaissant la destination prise le plus souvent par celui-ci – à s’avoir les poches de leurs geôliers – la perte ne semble pas très importante. Aussi sont-ils nombreux à faire ce choix. « Il ne demeura au camp des Caroubiers que les hommes dont la santé chancelante ne leur aurait pas permis de se livrer au travail sous le climat de l’Afrique, sans courir les plus grands dangers [30]. »
Le 2 août 1852 les prisonniers embarquent à bord d’un navire à vapeur en direction de Philippeville. Nombreux sont ceux qui ont demandé et obtenu leur internement à Constantine. La traversée est périlleuse. Les prisonniers installés sur le pont doivent descendre dans l’entrepont pour des raisons de sécurité[31]. Le vent faiblissant, la tempête se calme et les hommes regagnent le pont. Le 3 août, vers les sept heures du matin , le navire arrive dans la rade de Stora, située à cinq kilomètres de Philippeville. Les hommes sont débarqués et dirigés sur Philippeville, où ils peuvent se reposer. Ils y passent une « agréable journée sous un beau soleil [32] ». Le soir, ils montent dans des voitures publiques et font route jusqu’à Constantine où ils arrivent au matin.
Installés à Constantine[33], les transportés cherchent un travail pour s’assurer leurs moyens d’existence[34]. Certains gardent les occupations qu’ils pratiquaient en métropole, d’autres doivent changer d’activité[35]. Les proscrits qui peuvent trouver du travail assurent ainsi leur subsistance et se permettent même d’envoyer de l’argent à leur famille. Des privations et des sacrifices sont nécessaires pour que ce soit possible, mais nombreux sont ceux qui ont dû laisser derrière eux une compagne, une femme et des enfants souvent en bas âge, ou des parents âgés et sans fortune[36]. Dures sont les privations que les proscrits connaissent, mais elles ne sont en aucun cas comparables avec celles, bien plus dures à supporter, qui sont d’avoir dû quitter la « mère-patrie [37] » et les êtres chers.
[1] Weill G., Histoire du parti républicain en France 1814-1870, collection Ressources Genève, 1980, réimpression de l’édition de Paris (1928) précédé d’une présentation de Agulhon M.. P 276 et suivantes. L’auteur cite en référence : V.Mouton, et Hippolyte Magen, Histoire de la terreur bonapartiste, 1852 (2e et 3e parties), l’ouvrage de Mouton, La Transportation en Afrique (1870), et celui de Charles Ribeyrolles, Les Bagnes d’Afrique (1853). [2] Roland P., Les Bagnes d’Afrique trois transportés en Algérie après le coup d’Etat du 2 décembre, Maspéro, 1981, p 60. Gaspard Rouffet en donne la description suivante : « Ce camp se compose de plusieurs longs bâtiments sans étage, qui servent de caserne, avec une vaste cour au milieu, le tout entouré d’un mur. Il est situé sur une colline qui domine, à gauche, le village de Birkadem ». Plus loin, il note : « Il y avait plusieurs camps semblables ». La terminologie de « caserne » laisse à penser que les anciennes infrastructures des militaires sont ici réutilisées pour accueillir les transportés. Cela est attesté dans de nombreux cas : dans le camp de Birkadem comme sans doute dans celui de Guellaat-Bou-Sba. [3] Le témoignage de F.Mazenc va dans le même sens lorsqu’il relate la crainte d’une attaque. [4] Weill G., op. cit., p 276 et suivantes. [5] Ibid. [6] Roland P, op.cit., rapporte que Gaspard Rouffet, pour cet acte, a été condamné à une semaine de prison. [7] Weill G., op. cit., p 277. Pour les règlements de la transportation et les divers camps-colonies, il cite Ribeyrolles, Les bagnes d’Afrique, 1853, cf annexe n°15. En accord avec G.Weill on peut dire que le livre du colonel Mouton, fait connaître la vie des transportés libres, internés dans la ville qu’ils ont choisi, et possédant une certaine aisance ; alors que Goupy (La transportation en Afrique, 1886) montre l’existence misérable de ceux qui durent rester dans les camps ; ce-dernier se plaint d’ailleurs que les premiers aient abandonné la masse des pauvres. [8] F.Mazenc, op. cit., p 71. [9] Roland P., op.cit., p 60. Dans le témoignage que donne Gaspard Rouffet, il cite le témoignage d’un autre proscrit où se trouve des indications sur l’alimentation des proscrits dans les camps algériens : « Notre nourriture se composait d’un pain de munition, surnommé la boule de son, pour deux jours, deux cent cinquante grammes de pain blanc pour la soupe et trois cent grammes de viande par jour et pour les deux repas. Lorsque nous n’avions pas de soupe le soir, on nous donnait la même valeur en riz ou en légumes secs. Nous avions, en outre, douze grammes de café en poudre et vingt grammes de sucre par personne pour faire en commun du café noir[…] Chaque gamelle de soupe était pour six personnes, et chacun y puisait à son tour ». [10] Ibid., p 60-61. Parlant de son passage au camp de Birkadem, il décrit son couchage dans des termes identiques à ceux de F.Mazenc : « nous avions pour coucher un lit composé de planches avec tréteaux, une paillasse garnie de paille, un sac de toile en guise de draps et une vieille couverture de laine ». Cela révèle la stricte application de l’article n°9 du « Règlement sur le régime des transportés en Algérie » en date du 20 mars 1852. Règlement retrouvé dans l’ouvrage de Ribeyrolles C., op cit., p 112 à 117. Cité dans l’annexe n°15. [11] Ribeyrolles C., op. cit, p 150. Parlant de la Casbah de Bône, il la présente comme étant un « petit enfer » et comme « la grande bastille de l’administration contre les transportés ». Puis citant le « citoyen Lasserre », il fait état du camp des Caroubiers et d’un mouvement de captifs qui quittèrent la Casbah de Bône lorsque Lasserre y arrivait : « Nous fûmes conduits à la Casbah de Bône […] et nous y trouvâmes cinquante de nos camarades qu’y avaient suscité les colères du lieutenant Monnier. […] ils étaient enfermés dans une des ailes du bâtiment ; dans l’autre, se trouvaient quatre cents hommes des Pyrénées-Orientales et des départements voisins. Ces derniers captifs quittèrent, quelques jours après, la Casbah. Deux cents des plus robustes furent conduits aux défrichements à quelques lieux de Bône, et les autres furent cloîtrés à peu de distance de notre prison dans un camp appelé les Caroubiers, situé sur les bords de la mer, et qui reçoit tous les vents ! ». Texte inséré dans l’annexe n° 12. Les proscrits aveyronnais font-ils partie de ce mouvement de troupe ? Rien ne permet de l’affirmer. Or le fait que certains d’entre eux soient conduits dans la Casbah puis dans l’inhospitalier camp des Caroubiers, semble attester la méfiance que les autorités avaient à leur égard. [12] Aucune femme de l’Aveyron n’a été condamnée à une peine de transportation, mais F.Mazenc relate que lors de la traversée des femmes figurent sur L’Eclaireur. [13] Colonel Mouton., La transportation en Afrique par le colonel Mouton du 21e de ligne, transporté de décembre, Paris, Degorge-Cadot éditeur, 1870, p 185-186. BnF. : 8-LB55-2951. L’auteur décrit parmi ses compagnons d’infortune toute une foule hétéroclite rassemblant bon nombre de professions, d’âges et d’horizon.: « des vieillards de quatre-vingts ans, des enfants de quatorze ans, de riches propriétaires, des ouvriers de toutes professions, des avocats, des écrivains, des prêtres, des militaires de divers grades, des banquiers, des industriels, des cultivateurs, des notaires, des médecins, des pharmaciens, des commerçants, etc ». [14] Mazenc F., op. cit., p 71. [15] Mazenc F., op.cit., p 73. Il a été impossible de déterminer combien d’aveyronnais ont travaillé sur ce chantier. [16] Ibid., p 76-77. Ce sont les seuls chiffres retrouvés. [17] Ibid., p 74. [18] Article 7 du « Règlement sur le régime des transportés en Algérie », inséré dans l’annexe n°15. [19] Articles 16-17 du « Règlement sur le régime des transportés en Algérie ». [20] Bel M. , Ces condamnés, que sont-ils devenus ?, Revue Verdon, n°5, spécial 1851-2001. [21] Roland P., op.cit., dans le témoignage de Gaspard Rouffet, cet usage est confirmé : « Notre nourriture revenait ainsi à 0,35 franc par jour, sans le pain ». [22] Mazenc F., op.cit., p 76-77. Celui-ci parle des centimes quotidiens détournés par les gardiens, de distributions de café oubliées, et de journées interminables où les hommes sont « obligés de travailler à jeûn depuis le lever du soleil jusqu’à dix heures du matin » avant de reprendre après une courte pause … ». Roland P., op.cit., p 61. Concernant ce café matinal, Gaspard Rouffet, fait état d’une pratique qui consistait à économiser ce précieux breuvage ou à ne pas en boire le matin et à l’utiliser pendant la journée : « pour chacun un quart de litre que l’on prenait le matin ou que l’on conservait pour faire de la boisson, car nous n’avions pas de vin [23]Ibid, p 76-77. Il dépeint « ses fanfaronnades » lorsque les prisonniers pour protester contre leurs conditions de travail refusèrent de vaquer à leurs occupations mais aussi son manque de discernement et sa difficulté à prendre l’initiative qui semble pourtant s’imposer, celle de se replier dans une position plus confortable … chose que ses chefs lui intiment de faire en se repliant sur Guelma. [24] Mazenc F., op.cit., p 79. [25] Ibid., p 79-80. Il poursuit : « Toutes les observations furent inutiles, et ces hommes mirent le sac sur le dos et prirent le chemin de Bône. Force fut à ceux qui avaient cherché à les dissuader, de les suivre et de se joindre à eux à leur périls et risques ». [26] Ribeyrolles C., op.cit, p 152. L’auteur parle du commandant Desmoutis en tant que directeur du camp des Caroubiers. Le commandant a t’il changé ou bien est-ce seulement une erreur dans le témoignage des proscrits ? La deuxième hypothèse est la plus vraisemblable. [27] Mazenc F., op.cit., p 80. [28] En d’autres cas cela n’a pas été le cas. Cf texte inséré dans l’annexe n°17. [29] Mazenc F., op. cit., p 81. [30] Ibid., p 81. Seuls les blessés ou les personnes malades semblent ne pas avoir accédé à cette demande. Mazenc poursuit : « Plus tard, on envoya ces malheureux travailler sur la route de Guelma ». Triste aléa de l’histoire, c’est cette ville qu’ils ont quitté, qui leur est une nouvelle foi assignée, et les travaux qu’ils ont laissé derrière eux en refusant de rester dans le camp de Guellaat-Bou-Sba, qu’ils retrouvent. [31] Ibid, p 83. Relatant ce voyage, il parle « d’une pluie diluvienne », « de 25 à 30 centimètres[d’eau] sur le pont », mais aussi du mal de mer suscité par « la chaleur du foyer et l’odeur des graisses » ; et du fait que les hommes fortement incommodés par ces odeurs furent alors obligés, malgré le mauvais temps du dehors, « de remonter sur le pont et d’affronter la tempête ». [32] Ibid, p 83. [33] Mazenc F., op.cit., p 84-87. Il dit alors que la première chose que font alors les républicains est « d’aller embrasser quelques-uns de leurs amis, qui les y avaient précédés de quelques jours ». Fidèle à son esprit et sans rien avoir oublié de son métier, il donne de très intéressantes descriptions de cette cité. Il y présente les grandes lignes de sa population et de ces diverses composantes, les différents quartiers où il a pu se rendre et les différentes populations qu’il y rencontra, ainsi que l’accueil qu’il y reçut … [34] Ibid. Il note à ce sujet que « les habitants de cette ville dont la majorité s’était prononcée contre le Coup d’Etat au plébiscite du 20 décembre 1851 » firent un bon accueil aux transportés amenés à travailler dans leur ville. Ne dit-il pas qu’ils « reçurent à bras ouvert ces malheureux et leur ouvrirent leurs ateliers ». Cet accueil chaleureux semble avoir donné du baume au cœur à ces hommes. [35] Durand de Gros est si bien accueilli qu’il refuse de rentrer dans son pays lorsqu’on le lui propose. Il connaît une revanche personnelle avec le bon accueil qui est fait à ses innovations agricoles, qui ont tant fait « jaser » dans son pays natal, lorsqu’il tenta de les promouvoir tant par ses écrits que par ses actes. A son retour il est bien plus écouté. Il peut alors se prévaloir des succès obtenus à la tête d’une exploitation nouvelle en Algérie. [36] Voir Chapitre X de cette étude. [37] Mazenc F., op.cit. , p 87.
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