LA RÉSISTANCE RÉPUBLICAINE EN AVEYRON

LA RÉSISTANCE RÉPUBLICAINE AU COUP D’ÉTAT DU 2 DÉCEMBRE 1851 EN AVEYRON

Mémoire de maîtrise présenté par GRÉGORY POUGET 

sous la direction de JEAN-CLAUDE SANGOÏ et JEAN RIVES 

septembre 2002

Deuxième partie : LA RÉPRESSION DU MOUVEMENT RÉPUBLICAIN

Chapitre VI : Les transportés aveyronnais

C – Le retour en France 

 

Le temps des grâces :

 

–  La grâce du mariage :

 

Le 29 janvier 1853, Louis Napoléon Bonaparte, devenu Napoléon III épouse Eugénie de Montijo. Soucieux de célébrer cet événement, il prononce l’amnistie pour les condamnés de 1852. Cette grâce synonyme de retour, F.Mazenc la présente ainsi :

 

« En 1853, Bonaparte, arrivé à l’Empire, songea à perpétuer la race de Bohême qu’il représentait, et se maria. Il voulut singer les rois, et fit grâce à ceux auxquels il aurait dû lui-même demander grâce [1]. »

 

Le mariage de l’Empereur voit le retour de la plupart des transportés aveyronnais.

 

 

–  Quelques cas plus chanceux…

 

La grâce du mariage impérial sonne pour beaucoup la fin de l’exil. Avant cela, quelques rares cas ont eu la chance d’être renvoyés en France voire même chez eux. Dès le mois de juin 1852, le gouvernement commence à accorder des grâces ou des commutations de la peine de transportation en internement ou surveillance. La proclamation de l’Empire (2 décembre 1852) est une autre occasion choisie par le gouvernement pour publier des listes de grâces.

 

Le maçon Joseph Bousquet, le chapelier Jean Crespy et quelques autres, peuvent alors regagner l’Hexagone[2].

 

 

–  … d’autres, plus malheureux :

 

Pour d’autres, il est trop tard et le dernier horizon qu’ils ont vu est celui de l’hôpital de Bône ou de Guelma. Tel est le cas de l’ancien maire de Sauveterre, François Magne mort le 4 août 1852 à l’hôpital de Bône; de Jean Antoine Issaly, mort le 18 décembre 1852 à l’hôpital de Bône; du chapelier Jean Antoine Rous mort le 12 janvier 1853 à l’hôpital de Bône; et de Raymond Barre, mort le 3 février 1853 à l’hôpital de Guelma[3].

 

 

–  Une exception : Durand de Gros.

 

Enfin, il y en a un qui refusant toute compromission rejette l’idée même de grâce impériale : l’agronome Durand de Gros. Son dévouement à la cause républicaine lui vaut d’avoir à connaître plus longtemps que ses amis la transportation en Algérie.

 

 

Le retour et les difficultés.

 

La grâce impériale sonne pour beaucoup la fin de la transportation, mais la fin de l’exil algérien ce n’est pas la fin des tourments. Le plaisir lié à l’idée de s’en retourner auprès des siens est pour beaucoup de courte durée. De nombreuses carrières sont brisées. Les difficultés pour retrouver un emploi sont nombreuses. Qui peut avoir intérêt à employer un ancien proscrit ? Personne mis à part « un ami » ou « un frère » qui le fait par solidarité ! C’est du moins ce que semblent conjointement penser le gouvernement et la plupart des « notables ». Des exclusions villageoises ou familiales se produisent. Si cela ne va pas aussi loin, il existe bien souvent une certaine méfiance et de la suspicion entre voisins comme entre membres des mêmes familles.

 

En somme, il n’y a plus les fers comme sur la route du départ, mais tout un lot de discriminations et de contraintes subies qui sont fort difficiles à accepter et à vivre.

 

Les proscrits à leur retour, usés par les conditions difficiles de l’exil et par les privations endurées, rentrent certes au sein de la « mère-patrie » mais en tant que citoyens de seconde zone, astreints à une surveillance continuelle par la police et par les autorités en place. Cette surveillance est exercée par les gardes de paix, les maires, leurs adjoints et les commissaires de police. Les républicains doivent rendre compte de tous leurs actes et de tous leurs déplacements. Nombreux sont ceux qui ne le supportent pas et qui dès qu’ils le peuvent quittent leur village ou leur département afin d’aller vivre ailleurs.

 

 

Après avoir observé et suivi les proscrits sur la route de la transportation et avoir étudié dans quelles conditions elle s’est s’effectuée, voici présenté un tableau où figurent les renseignements concernant les condamnés à la transportation en Algérie.

 

Y figure le nom de tous ceux qui ont été réellement transportés. Il mentionne tous ceux qui ont été condamnés à cette peine et qui ne l’ont pas effectué par suite d’une mesure de clémence ou car ils y ont été condamnés par contumax.

 

Dans ce tableau figurent également les mouvements de peines de ceux qui sont partis en Algérie (commutation en internement, en surveillance, en expulsion du territoire) et les mesures de grâce avec indication de l’occasion à laquelle celle-ci a été prononcée.

 

ce tableau est pour l’instant indisponible

l’auteur doit nous le communiquer bientôt

D – Exécution de la peine :

 

Transportés et non transportés :

 

–  Les transportés :

 

On vient de voir exposées les conditions vécues par les 106 personnes condamnées à la transportation en Algérie. 67 personnes ont réellement été transportées.

 

Algérie Plus : 19 sur 31 soit 61,29 % du nombre des condamnés à cette peine.

 

Algérie Moins : 48 sur 75 soit 64 % du nombre des condamnés à cette peine.

 

Ces deux pourcentages sont importants et à peu prêt identiques. La grâce présidentielle, complétée par la fuite dès décembre 1851, a donc joué de façon similaire selon la durée du séjour promis en Algérie. On remarque que près des deux tiers des condamnés (63,2%) sont réellement partis.

 

Dans le département du Var, moins de la moitié des personnes condamnées à de telles peines est réellement transportée. Dans le Bas-Languedoc (Gard, Hérault, Vaucluse), sur 199 individus condamnés à la transportation par la Commission Mixte, soixante-quinze (37%) sont effectivement partis en Algérie [4].

 

Si le nombre des condamnés aveyronnais est loin d’être comparable avec ceux de ces deux exemples, l’exécution des peines peut elle être comparée. Elle témoigne d’une rigueur et d’une dureté qu’il est fort difficile de retrouver sur le territoire national. Les condamnations prononcées par la Commission Mixte du Département de l’Aveyron semblent déjà fort dures, vu que la Transportation s’inscrit dans un rapport de l’ordre de 2/3 des peines prononcées, contre un rapport qui est de l’ordre de 1/2 dans l’Hérault (51,9%), 1/5 dans le Gard (21,1 %) ou 1/4 dans le Vaucluse (25,7%)[5]. Mais la répression apparaît encore plus sévère lorsque l’on s’intéresse au caractère de réalisation de ces condamnations. Il atteint lui aussi un rapport des 2/3 alors qu’il s’élève à 37% dans le Bas-Languedoc. Au niveau national, de tels chiffres ne se retrouvent pas.

 

 

–  Les non transportés :

 

Qu’est-il advenu de ceux qui n’ont pas été transportés ?

 

Pour les 26 condamnés à 5 ans d’Algérie et qui n’effectuent pas cette peine, on sait que :

 

– 5 sont transférés dans les prisons de Montpellier et 1 dans celle de Sète. Ils n’en sortent qu’à la fin du mois de septembre, pour être placés sous la surveillance de la police.

 

– 1 préalablement condamné à Algérie Plus voit sa peine une première fois commuée en Algérie Moins (18 mars 1852) puis en expulsion en Espagne (20 avril 1852) puis en internement à Toulouse.

 

– 5 sont internés : 4 à la fin du mois de juin 1852 ( à Amboise, à Château Gontier, à Laval et à Beaupréau) et 1 au début du mois de juillet 1852 (à Pau).

 

– 4 sont en exil ( 2 en Belgique et 2 en Espagne). Parmi eux, un est gracié le 3 février1853 et un autre est placé sous surveillance.

 

Les 10 individus restant sont condamnés à la surveillance de la police générale. 1 voit sa peine commuée en surveillance le 11 décembre 1852, les 9 autres la voient commuée le 29 décembre 1852.

 

 

Pour les 12 condamnés à 10 ans d’Algérie et qui n’effectuent pas cette peine, on sait que :

 

–  5 se sont exilés (3 en Espagne et 2 en Belgique) : le premier est gracié le 3 février 1853 ; le second l’est le 12 février 1853 ; le troisième l’est le 23 février 1853 ; le quatrième voit sa peine commuée en surveillance puis est gracié le 6 août 1854 ; et le dernier qui voit sa peine commuée en surveillance par décision du 16 août 1855, n’obtient pas de mesure de grâce et est transporté en 1858 en vertu de la loi de sûreté nationale.

 

–  3 sont soumis à la surveillance de la Police générale par décision du 29 décembre 1852.

 

– 1 voit sa peine commuée en internement avec interdiction des départements de l’Aveyron, du Gard et de l’Hérault pendant 5 ans.

 

–  2 en fuite sont graciés le 3 février 1853 et peuvent alors rentrer chez eux.

 

–  1 est gracié le 13 avril 1853.

 

 

Concernant une autre variable, celle de la durée de la condamnation, quel constat peut-être tiré ?

 

 

La transportation, durée effective :

 

Les indications données plus haut permettent de constater qu’aucun condamné n’est resté en Algérie le temps prévu initialement. Précision qui a son importance, les dates de mesures de grâce ou de commutation de peine ici mentionnées sont celles auxquelles les décisions ont été prises à Paris, et non celles où les condamnés ont pu réellement en bénéficier. Les délais de transmission des instructions sont en général très courts – de l’ordre d’une semaine dans la plupart des cas – mais ceux nécessités par leur exécution le sont en général beaucoup moins. Par exemple, un transporté voit sa peine commuée le 30 juin 1852 en expulsion, mais son ordre de route ne lui est remis que dans les derniers jours du mois d’août.

 

Cette étude n’a pas retrouvé le chiffre de 71 condamnés avancé par François Mazenc mais a retrouvé 67 individus qui ont réellement été transportés. La réalité de ces condamnations a été présentée, les commutations et changements de peines également ; mais, pour essayer de donner une mesure de l’impact que représentent ces peines de transportation sur la vie des individus transportés, il faut déterminer à présent combien de temps les déportés sont restés réellement en Algérie. L’auteur se permet de reproduire ici l’optique proposée par M. Huard dans son étude du Bas-Languedoc[6].

 

 

Tableau n° 2 : Durée de séjour des transportés en Algérie

Nombre de mois

 

Nombre de Transportés

 

1[7]

 

2

 

3

 

4

 

5

 

6

 

7

 

8

 

9

 

1

 

0

 

9

 

0

 

0

 

0

 

22

 

0

 

32

 

Total    2 à 9  mois

 

64    soit    95,5  %

 

Total  plus de 2 ans

 

2    soit      3,0  %

 

Total  plus de 3 ans

 

1    soit      1,5  %

 

Total général

 

67    soit  100,0  %

 

 

Les 67 transportés figurent dans ce tableau. Le choix de reprendre les mêmes paramètres de représentation que dans le cas du Bas-Languedoc permet de mettre en évidence les similitudes et les différences qui existent avec le cas aveyronnais. Ce tableau montre ainsi que les premières réductions de peines ou grâces permettent à plus de la moitié des transportés aveyronnais de revenir en France après un séjour relativement court (neuf mois ou moins). Le cas de l’Aveyron est différent de celui du Bas-Languedoc. La grande majorité des transportés aveyronnais peuvent bénéficier d’une commutation de peine ou d’une grâce lors du 9e mois. Ils sont 95% dans ce cas contre 57% dans le Bas-Languedoc. Et pour ce qui concerne les grâces, en Aveyron, sur 37 grâces, 34 datent du 9e mois, à savoir du mois de février 1853.

 

Le grand évènement qui permet ce retour massif des déportés aveyronnais est donc le mariage impérial qui s’accompagne de la proclamation de la grâce du 3 février 1853. Dans le Bas-Languedoc, deux pics transparaissent à la lecture du tableau présenté par M. Huard : le mariage impérial mais aussi et avant celui-ci la proclamation de l’Empire, qui donne elle aussi lieu à la pratique des grâces, nombreuses dans le cas languedocien vu que cela représente près de la moitié de celles pratiquées sur cette première période, alors que peu d’aveyronnais en bénéficient à cette même date (seulement 3). Ensuite, dans les deux cas, le courant des grâces s’amoindrit. Il faut attendre le 31 mars 1854 et la grâce suivant le début de la guerre de Crimée pour voir les derniers aveyronnais retourner en France.

 

 

–  Algérie Moins :

 

De manière plus précise, pour les 47 condamnés à Algérie Moins, on peut dire que :

 

–  1 est condamné à une peine d’internement par décision du 30 janvier 1852 puis est gracié le 3 février 1853.

 

–   1 est mis sous surveillance le 1er juin 1852 puis est gracié le 25 octobre 1854.

 

–   4 sont mis sous surveillance par décision du 15 août 1852.

 

–  4 sont condamnés à une peine d’internement par décision du 15 août 1852 :  trois sont condamnés ensuite à la surveillance (décision des 2 et 4 décembre 1852 et 29 décembre 1853), le quatrième est gracié le 3 février 1852.

 

–  1 est condamné à une peine d’internement par décision du 30 décembre 1852 puis est gracié le 3 février 1853.

 

– 16 sont placés sous surveillance en décembre 1852 ( l’un d’eux est gracié le 3 février 1853).

 

– 20 sont graciés le 3 février 1853 (directement et sans avoir au préalable eu de commutation de peine).

 

En résumé, au bout d’un an d’Algérie, soit à la fin Mars 1853, plus de la moitié des condamnés ont reçu l’autorisation de revenir en France Métropolitaine. Et, moins de douze mois plus tard, soit deux ans après leur départ, la proportion est de plus de 98%. Cette fois-ci la transportation aveyronnaise s’inscrit dans la norme nationale et correspond aux tendances observées dans les autres départements.

 

 

–  Algérie Plus :

 

Pour les 19 condamnés à 10 ans de transportation, on constate que :

 

–  1 est interné près d’Aubin par décision du 15 août 1852 puis est placé sous surveillance.

 

–  5 sont placés sous surveillance en décembre 1852 : 3 le sont par décision du 2 décembre (parmi eux figurent MM. Magne et Rous, décédés en Algérie !!!) et 2 en date du 29 décembre.

 

-12 sont graciés le 3 février 1853 (directement et sans avoir au préalable eu de commutation de peine).

 

–  1 enfin n’est gracié que le 26 février 1857. Il s’agit de Durand de Gros.

 

On constate que pour ces condamnés, 95% ont reçu l’autorisation de revenir en France Métropolitaine moins de deux ans après leur départ. La aussi le cas de l’Aveyron s’inscrit dans la norme nationale et correspond aux tendances observées dans les autres départements.

 

Aucun des condamnés aveyronnais transportés en 1852 n’a à attendre la dernière mesure de grâce, celle qui va faire rentrer les derniers condamnés alors encore en Algérie, à savoir la grâce du 16 août 1859.

 

 

Réalité de la Transportation :

 

Si le tableau qui a été dressé et les précisions par peines qui ont été présentées semblent réduire la réalité de la transportation à des proportions, « celle-ci n’en a pas moins marqué profondément les individus »[8].

 

Outre les 4 personnes décédées en Algérie, combien d’hommes ont été affectés par les fièvres et les conditions sanitaires de la vie de déporté et ont été rendus infirmes à la vie ou tout du moins au travail ? S’il est impossible de le dire avec précision, les dossiers de demandes de pensions laissent transparaître les affaiblissement physiques et moraux que les conditions climatiques et de travail ont eu sur les déportés. S’il convient de conserver son esprit critique vis à vis de ces « tranches de vies » et du fort caractère émotionnel et personnel qui se dégage de ces dossiers, fruits des déportés eux mêmes ou de leurs proches parents (veuve, enfants ou parents), ils sont une source importante qui permet d’avoir un aperçu de la vie des transportés[9].

 

Où sont rassemblés ces hommes transportés en Algérie ? Qui font-ils ? Nombreux sont ceux qui en Aveyron, comme dans le cas du Bas-Languedoc, débarquent près de Bône et sont dirigés sur le camp ou la caserne des Caroubiers. Pour la grande majorité des aveyronnais, le séjour se prolongeant, le camp des Caroubiers n’est qu’un lieu de transit. Ils sont ensuite transférés dans d’autres camps. Certains sont envoyés dans les environ d’Alger : à Douéra, à Birkadem et la Boukiba plus à l’Ouest ou de Lambessa plus au Sud. Les autres restent dans des camps situés au Sud de Bône (Guelaat Bou Sba)[10]. Enfin, ceux qui restent longtemps en Algérie et finissent par y être interné un certain temps « par mesure de clémence »,[11] connaissent les villes algériennes. Dans le cas des déportés de l’Aveyron, cela est majoritairement dans celle de Bône ou de Constantine, mais certains sont allés à Sétif ou à Philippeville.  Dans « le cas languedocien », R. Huard rapporte que les déportés trouvent dans les villes, Philippeville et Mostaganem surtout, un emploi dans l’administration ou dans le commerce. Pour le cas de l’Aveyron, la plupart ont conservé leurs activités.

 

 

Quelques cas de condamnations effectives à la transportation.

 

Il a été choisi ici de ne présenter que des hommes du commun.

 

 

ACQUIER (François). Né le 22 novembre 1817 à Rodez. Forgeron à Rodez. S’il ne figure pas dans le registre F 7 2587 (partie en lacune), il est mentionné dans F 7 2588/95 comme ayant été d’abord transporté en Algérie, puis soumis à l’internement, puis enfin à la surveillance. D’après les sources détenues aux Archives Départementales de l’Aveyron, il semble bien qu’il a passé un an environ en Algérie avant d’être interné. Sa peine est commuée en surveillance le 29 décembre 1852, mais il ne rentre qu’en avril 1853 pour être placé sous la surveillance de la police.

 

 

BOISSE (Marc Isidore). Né le 5 mai 1815 à Aubin. Décédé le 24 avril 1878 à Lambèse (Algérie). Médecin à Aubin. Marc Boisse est arrêté à Aubin le 22 décembre 1851. Incarcéré à Decazeville pendant 3 jours il est ensuite écroué pendant 5 mois à Villefranche. De là il rejoint le convoi des déportés à Rodez et est dirigé sur Sète pour être envoyé à Bône aux Caroubiers, où il arrive au début du mois de mai 1852. Il est ensuite transféré à la Casbah, d’où il ne sort qu’au mois de février 1853. Ayant obtenu sa grâce le 3 février1853, il reste en Algérie (ou sa famille le rejoint), et plus précisément à Batna, où vit encore sa veuve en 1882. Il meurt à Lambèse le 24 avril 1878 (Lambèse est certes un pénitencier où ont été enfermés les transportés de 1848, mais c’est aussi le lieu où s’implanta un village de colonisation créé en 1862). Un de ses deux fils est pharmacien à Batna, puis s’installe à Bône.

 

 

CALVET (Cyprien Guillaume). Né le 24 avril 1826 à Millau. Gantier à Millau. Engagé volontaire à 18 ans, il a le bras droit fracturé à 20 ans lors de la bataille de Sétif. Incarcéré à Millau, transféré le 28 avril 1852 à Lodève,  puis de là à Montpellier, il est déporté en Afrique le 8 mai 1852 – Algérie Moins : 18 mois –  d’où il ne rentre qu’en juillet 1853 pour être placé sous la surveillance de la police . Lorsqu’il rentre à Millau, il a dépensé les faibles ressources dont il disposait, sa clientèle a disparu, et il y vit dans un gène voisine de la misère. Lorsque la guerre de 1870 éclate Calvet mû par un noble sentiment patriotique s’engage pour la durée de la guerre et participe aux combats avec le Régiment d’Artillerie de Marine. A l’âge de 44 ans, il est tué par un éclat d’obus à la bataille d’Orcel (1er siège de Paris), le 10 décembre 1870, et laisse deux orphelines.

 

 

CAUSSANEL (Martin), dit Marty. Né le 16 juin 1816 à Villefranche. Décédé le 14 août 1881 à Villefranche. Cordonnier dans cette ville. Ecroué à la maison d’arrêt de Villefranche le 2 février 1852, transféré à Rodez le 28 avril 1852 et de là transporté en Afrique, il laisse derrière lui une famille composée de 4 enfants dont l’aîné n’a que 8 ans, démunie et sans ressources. « Son épouse doit recourir à la mendicité pour entretenir sa famille. Rentré en France le 30 décembre 1852, il en revient ayant contracté la maladie des fièvres intermittentes d’Afrique et ne peut reprendre son travail que deux ans plus tard après des souffrances inouies, et c’est à peine si depuis lors il a pu entretenir sa famille[12] .»

 

 

DALOUS (Jean François Bernard). Né le 31 mars 1825 au Monastère. Décédé le 24 juillet 1874 au Monastère. Ebéniste. Il est incarcéré dans la prison de Rodez, d’où il ne sort que le 30 avril 1852 pour être transporté en Afrique (Algérie Plus). Il y est détenu jusqu’au mois d’avril 1853, date à laquelle il peut regagner son pays, mais «  le chagrin ou le climat d’Afrique ayant profondément altéré sa santé il ne peut continuer son ouvrage [13]» .

 

 

FRAYSSINET (Jean Louis Edouard). Né le 10 avril 1827 à Belmont. Décédé le 11 décembre 1871 à Belmont. Agent d’assurances à Belmont. En 1852, il est condamné à dix ans d’Algérie. Il est transporté à Bône (Constantine). Il est gracié par décision du 3 février1853. En 1858, il est de nouveau arrêté et envoyé en Algérie. Il débarque le 4 avril 1858 à Stora et est interné à Djidjelli (Constantine). (N°222 de la liste des Internés en Algérie[14]).

 

 

LACAZE (Jean Amans Gabriel). Né le 21 mai 1823 à Marcillac. Perruquier à Marcillac.

 

Arrêté en décembre 1851, conduit dans les prisons de Rodez, puis déporté à Bône – Algérie Plus – il ne rentre en France qu’en avril 1853 pour être placé sous la surveillance de la police.

 

« Ses économies étaient épuisées, sa clientèle était perdue, impossible de la refaire ; il avait contracté des infirmités qui l’empêchaient de travailler, entre autres les fièvres, qu’il a gardées pendant deux ans, et il a vécu depuis dans un état voisin de la misère [15]

 

 

LAURET (Joseph Baptiste Auguste) dit Soupetard. Né le 6 mai 1814 à Millau. Décédé le 26 mai 1875 à Millau. Ouvrier tanneur à Millau. Condamné à la déportation (Algérie Moins), il tente de se soustraire aux poursuites en se cachant aux environs de Millau et prend la décision de partir à l’étranger. En se rendant vers Paris pour passer en Belgique, il est arrêté à Briare le 5 juillet 1852 et conduit à la prison de Giers. « Parti de Giers le 26 juillet, la chaîne au cou, les menottes aux mains, conduit de brigade en brigade jusqu’à [Sète] port d’embarquement, où il arrivait le 20 octobre 1852 après avoir fait la connaissance de 26 prisons pendant ces 107 jours de voyage forcé de brigade en brigade et victime de la brutalité des gendarmes et autres soutiens de l’ordre impérial [16]. » Débarqué en Afrique, il est dirigé sur le camp de Birkadem et transféré le 15 janvier 1853 au camp de Douéra. Il revient en France à la fin du mois d’avril 1853, pour être soumis à la surveillance de la haute police.

 

 

METGE (Augustin). Né le 5 août 1825 à Villefranche. Marchand coutelier dans cette ville. Décédé le 7 août 1902 à Villefranche[17]. Condamné à la transportation (mention Moins) il est envoyé à Bône dont il ne revient qu’en 1853. Il voit sa peine commuée en surveillance par décision du 4 décembre 1852[18].

 

 

MONTELS (Antoine) dit la Rose. Né en 1804 à Saint-Affrique. Décédé le 28 novembre 1872 à Millau. Entrepreneur de bâtiments à Saint-Affrique. Ecroué à St Affrique, il est transféré par la gendarmerie à Lodève le 30 avril 1852, puis de là à Montpellier et transporté en Algérie (Algérie Plus). Il est un des derniers à en revenir et à être amnistié et est placé sous surveillance à son retour. « Il perdit les bénéfices qu’il aurait pu réaliser dans l’entreprise de construction de route, la condamnation ayant entraîné la résiliation du marché obtenu [19]

 

 

NAZON (Daniel Etienne Théophile) dit Cabot. Né le 24 novembre 1822 à Millau. Décédé le 8 février 1871 à Millau. Ouvrier gantier dans cette ville. Arrêté en décembre 1851, il est condamné à la transportation (Algérie Moins) et ne sort de prison que pour être transporté en Afrique avec les autres transportés du département. Il revient de Bône au mois de mars 1853 suite à l’amnistie. Il se marie le 24 août 1854 .

 

 

SCHNEBLEIN (Edouard François). Né en 1816 à Rodez. Décédé le 8 novembre 1880 à Saint- Affrique. Limonadier dans cette ville. Transporté à Bône (Algérie Moins) il est interné à la Casbah. De retour en France, il reste soumis à la surveillance jusqu’au 28 août 1854. « Son café a été fermé car il a été considéré comme un lieu de réunion des républicains et son fils a été chassé du Collège de Millau où il suivait un cours spécial pour rentrer à l’école vétérinaire de Toulouse[20]. »

 

 

SINGLARD (Augustin). Né le 7 décembre 1823 à Villefranche. Décédé le 28 novembre 1868 à Villefranche. Forgeron et cabaretier dans cette ville. Condamné à la déportation en Algérie Moins, il reste emprisonné à Villefranche pendant 6 mois environ avant son départ pour Bône. « Il laissa alors sa femme et deux enfants sans ressources. Il perdit sa clientèle et sa femme fut obligée en son absence de fermer sa boutique, ayant du mal seule à gérer son auberge[21]. »

 

 


[1] Ibid., p 89.

 

[2] Arch. dép. Aveyron : PER 877. Journal de l’Aveyron ( 1852-1853). N° 1 de la 47e année en date du samedi 1 janvier 1853. le journal publie une liste de condamnés  transportés en Algérie auxquels il a été accordé des grâces en date des 2 et 4 décembre 1852.

 

[3] Arch. nat. : F 7 2587 (Registre). Dans ce registre figure les noms de tous ceux – classés par ordre alphabétique de patronyme –  qui ont été transportés en Algérie entre 1852 et 1855 : Barre Raymond : N° 384, Issaly Jean Antoine N°3205, Magne François :  N° 3871, Rous Jean Antoine : N°5296.

 

[4] Huard R., Le mouvement républicain en Bas-Languedoc (1848-1881), Paris, Presses de Science-Po, 1982. Chiffre donné p 107.

 

[5] Ibid., p 99, Tableau 4 : décisions des commissions mixtes.

 

[6] Huard R., Le mouvement républicain en Bas-Languedoc (1848-1881), Paris, Presses de Science-Po, 1982,

p 107.

 

[7] Dans ce tableau le mois de mai 1852, date de l’arrivée en Algérie, est considéré comme le mois portant l’indice 0, le mois de juin 1852 l’indice 1 …

 

[8] Huard R., Le mouvement républicain en Bas-Languedoc (1848-1881), Paris, Presses de Science Politique, 1982. Citation p 108. Raymond Huard parle de « proportions assez limitées » mais on a pu voir que dans le cas de l’Aveyron cela n’était point le cas, celle ci semble en avoir marqué profondément les individus.

 

[9] Une autre source très importante sur ces « tranches de vies » réside dans les lettres envoyées par les transportés à leur famille, mais celles-ci sont fort rares à l’échelle nationale, comme à l’échelle départementale où une seule a été retrouvée.

 

[10] Huard R., op.cit., p 108. L’auteur fournit les indications de localisations. Concernant les camps situés au Sud de Bône, il mentionne aussi ceux de Ain Schougga et Hammam Berda.

 

[11] Ibid., p 108.

 

[12] Arch. nat. : F15 3998. Fiche individuelle de Caussanel Martin, établie par la mairie de Villefranche en date du 11 janvier 1881, signée par le maire et ses adjoints. Elle se poursuit ainsi : « En plus la guerre de 1870 lui ayant enlevé deux enfants qui lui donnaient du pain. Cet homme est tombé à ne plus pouvoir quitter le lit, et se trouve pour le moment l’un des plus indigents de notre localité ».

 

[13] Arch. nat. : F15 3998. Demande de pension de sa veuve, née Algouy (Jeanne Rosalie) .

 

[14] Arch. nat. : F15 3998. Demande de pension de sa veuve, née Druilhe (Eulalie Marie Louise Eugénie).

 

[15] Arch. nat. : F15 3998. Demande de pension de Lacaze (Jean Amans Gabriel).

 

[16] Arch. nat. : F15 3998. Demande de pension de sa veuve, née Rouquayrol (Marie Anne).

 

[17]Arch. nat. :  F 15 4204 B. Demande de reversions de sa veuve, née Cayla (Marie Jeanne).

 

[18] Arch. dép. : 4 M 1-18. Lettre envoyée par transporté Metge Augustin à sa mère en date du 6 septembre 1852. C’est le seul témoignage de ce style qui a été découvert. Il est inséré dans l’annexe n°18.

 

[19] Arch. nat. : F15 3998. Demande de pension de sa fille Marie, épouse Gombert (H.).

 

[20] Arch. nat. : F15 3998. Demande de pension de son fils Victor.

 

[21] Arch. nat. : F15 3998. Demande de pension de sa veuve, née Bessière (Marie Caroline).