Les Mayons
Les Mayons – 1851 – Au pays de la dame en rouge par Bernard Lonjon troisième partie : Combattants pour la Liberté QUE LEUR REPROCHE-T-ON ?
Les décisions de la commission mixte comportent des éléments pré-imprimés auxquels des mentions manuscrites ajoutent les griefs locaux. Chaque feuillet a une couleur correspondant à une catégorie de peine. Le principal chef d’accusation avec l’appartenance à une société secrète est la marche volontaire sur Aups, en armes. Aux Mayons, le fait majeur qu’on y associera, c’est l’arrestation du curé. Dans les listes de dénonciations, est précisée cette mention « a forcé le secrétaire de la mairie à marcher sur le Luc », d’une autre main que le rédacteur initial. La désignation du curé en tant que secrétaire de mairie est-elle intentionnelle pour accentuer le caractère subversif de l’action vis-à-vis de l’ordre établi? Est-elle due à une confusion avec la fonction temporelle du curé qui tenait le rôle de secrétaire de mairie ? N’est-elle pas tout simplement la preuve du désordre dans le traitement des dossiers. Cette arrestation est l’occasion d’autres griefs : « a insulté le secrétaire de mairie.. » pour trois d’entre eux ; « a commandé les insurgés qui ont enfoncé la porte du curé… », « a brisé la porte de la maison du curé », « a menacé de mort le curé. ». Les autres otages n’ont fait l’objet d’aucune considération de ce type. L’autre grief marquant concerne le délit d’opinion, le délit de penser et de se comporter différemment, « les antécédents ». Quelques actes d’accusation de la commission mixte sont éclairants : · Blaise Bouisson, (feuillet bleu). La mention pré-imprimée : « est volontairement parti pour se joindre à l’insurrection » est barrée. Une note manuscrite précise « pas parti à Aups ». Mais l’autre mention pré-imprimée sur les antécédents est maintenue : « considérant que ses antécédents ne permettent de croire à un égarement momentané » ; est ajouté à la main : « a pris la part la plus active à l’insurrection et a menacé de mort le curé et les habitants honnêtes du hameau. Sa conduite avant et après l’insurrection a été on ne peut plus répréhensible. Sa conduite est portée au mal. ». Il n’a pas marché sur Aups en effet, mais sera condamné à la déportation.
· Lonjon Xavier, (feuillet bleu). Outre les mentions manuscrites précédemment citées pour cette catégorie, on lit, écrit à la main : « il a enfoncé la porte du curé pour procéder à son arrestation, il a également participé à l’arrestation du secrétaire de mairie. C’est un homme dangereux pour le repos de la société. ». · Lonjon Barthélémy, (feuillet bleu). Est écrit à la main : « c’est un homme très dangereux et très exalté dans ses opinions ». Sur les feuillets blancs (peine de surveillance), on lit pré-imprimé : « considérant ce qu’il résulte des antécédents du nommé…….. de ses habitudes démagogiques et de l’information. ». Les feuillets bistres (peine d’internement) comportent eux la mention : « présente pour le maintien de l’ordre des dangers relatifs ou locaux. ». On peut imaginer le rôle et le poids des dénonciations. Les gendarmes et les juges de paix auront une influence déterminante. Au Luc, à la demande du procureur de la République, le juge de paix répond : « j’ai joint à chaque dossier ainsi que vous le désirez mon opinion sur l’application de la peine qui doit être faite à chacun des insurgés. J’ai basé cette opinion sur la connaissance que j’avais acquise depuis longtemps sur la conduite, le caractère, les opinions politiques et les moeurs de chacun de ces individus…. ». On voit donc la subjectivité sur laquelle repose l’accusation et l’iniquité de pareille procédure. Un déni de procès qui peut vous faire condamner à 5 ans de transportation en Algérie, comme pour Solange Lonjon par exemple, à qui sont reprochés les signes ostentatoires d’opinion : « a pris une part très active à l’insurrection. Elle se fait remarquer par son exaltation, elle était habillée de rouge et portait à la main droite un drapeau rouge et de la main gauche une courge ronde dont elle abattait une partie en disant – c’est ainsi que nous abattrons la tête aux blancs-, que cette femme est très exaltée et a suivi la colonne jusqu’à Aups » On retrouve le plus souvent mot pour mot les termes des dénonciations locales. L’ordre établi en a donc profité pour bâillonner l’expression républicaine. Dans cette démarche, on ne peut que souligner la forme manichéenne que prend la réaction, un procédé certes toujours d’actualité, mais ici clairement exprimé et caractérisé par sa violence et la relativité des arguments avancés.
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