Les Mayons

Les Mayons – 1851 – Au pays de la dame en rouge

par Bernard Lonjon

première partie : Les Mayons en 1851

 

UN HAMEAU-VILLAGE

Encore orthographiés Maillons, désignés dans le cadastre, « section des Maures »,  Les Mayons sont toujours en 1851 un hameau du Luc.

Voilà la réalité presque paradoxale, si ce n’est insupportable pour une communauté forte de 446 habitants dont 133,  soit près de 30 %,  habitent les écarts.

Le premier  dénombrement distinct de celui du chef-lieu, ne s’opère qu’en 1846 [1].

 

 

LIEUX

1846

1851

 

 

VILLAGE

Grand’rue

61

80

Place (église)

32

24

Rue basse

79

89

Rue des Bachas

79

67

Plus Haut Château

52

38

Près Fontaine

11

15

Sous total

314

313

 

 

 

 

 

ECARTS

Pimpignon

8

10

Cros de Mouton

7

8

Malvallon

0

5

Les Plantiers

7

5

Valpayette

32

38

Rascas

11

17

Mourrefrey

6

8

Plaine de Véran

3

3

Tuilière Vieille

33

36

Aille

4

3

Réal d’Or

4

0

Sous total

115

133

TOTAUX

429

446

 

On observe une prédominance de l’habitat groupé mais l’augmentation de la population repose sur la croissance de l’habitat dispersé. Il s’agit là d’une tendance généralement constatée pour l’ensemble des localités varoises de l’époque.

Certains écarts forment de véritables hameaux dans le hameau :

·        Valpayette, berceau de Lonjon et de Meille et

·        La Tuilière Vieille, dite des « Anges[2] », domaine de Lonjon et de Ginouves (sur 6 foyers, deux Lonjon époux de deux Ginouves et deux  Ginouves époux de deux Lonjon).

·        D’autres, comme Rascas occupé par des Portal, dans une grande maisonnée[3] qui abrite trois foyers et le Cros de Mouton, sont de grandes bastides organisées autour de la ferme des propriétés du comte de Greffulhe.

 

Ce mouvement de dispersion de l’habitat est fondé sur une implantation à proximité des quelques terres exploitables (bords de rivière, fonds de ruisseau, vallons) ou de la matière première, comme les bois pour les charbonnières, à Pimpignon,  créant des lieux de vie sur un espace bien plus large du territoire communal que de nos jours.

 

De même, devons-nous avoir une représentation tout à fait différente du village. Un village à flanc de massif, centré certes autour de l’église alors seul édifice public, mais formé de groupes d’habitations au milieu desquels s’intercalent des espaces cultivés, notamment au Pré de Redon à l’entrée, au Plus Haut Château et dans le quartier des Bachas.

L’accès se fait par le chemin de Saint-Pierre, par une pente ravinée que les intempéries hivernales rendent impraticable. [4]

L’entrée est à hauteur de l’actuelle mairie, matérialisée par un pâté de maisons récemment construites, face à la butte qui accueillera en 1880 les futurs édifices publics : mairie et écoles.

Une seule Place, celle de l’église, pas d’horloge, pas de mairie bien sûr. Une seule fontaine publique située au pied de la montée du Plus Haut Château, dont l’insuffisance du débit [5] oblige les habitants à de longues files d’attente d’une vingtaine de personnes quelquefois.

Un seul réverbère installé récemment en octobre 1851, un autre suivra en novembre 1852.

Le cimetière est au milieu du village, à l’emplacement de l’actuelle place Jean Aicard.

Situé à 11 km ,  soit deux heures un quart de trajet du chef-lieu, le hameau constitue pourtant une entité villageoise qui souffre de l’isolement dans lequel il est rejeté par l’extrême difficulté des communications. Le chemin qui le relie au Luc est dans un état qui le fait qualifier de « difficile, quelquefois impossible, sinon dangereux. »

Avec Gonfaron, aucun axe principal de communication, mais « des chemins dans cette direction » empruntés en fonction de la praticabilité et de l’implantation des propriétés.

On le voit donc,  des conditions physiques extrêmement rudes.

Si de par sa position il a une grande vue sur la Plaine des Maures,  et même au-delà, jusqu’aux contreforts préalpins,  il n’en est pas moins avant tout fortement adossé et ancré au Massif qui accentue son caractère forestier et lui procure l’essentiel de ses ressources.

Il forme  avec le Luc, Le Cannet et Gonfaron un périmètre où s’effectue la quasi-totalité des échanges, qu’ils soient économiques, familiaux ou festifs. Les relations avec la Garde-Freinet aux caractères similaires, et qui plus est, lieu de pause sur le chemin qui conduit à la mer, à destination de Saint-Tropez, sont bien plus étroites et vigoureuses que de nos jours et contribuent à élargir le territoire précédemment défini dont Le Luc est le foyer.

Avec Vidauban, autre haut lieu de l’insurrection, les communications sont plus difficiles.

 

                                   



[1] On verra pourquoi les années 1840 représentent un tournant dans l’histoire du village, à travers l’apparition dans les archives des premières traces d’une attention plus marquée du chef-lieu vis-à-vis du hameau.

[2] Ainsi dénommée parce qu’habitée par  Ginouves dit « l’Ange » ou « Lange ».

[3] Expression que nous utilisons ici de préférence à  «ménage » pour désigner la réalité d’habitations occupées par une famille au sens le plus large du terme.

[4] Avant la modeste modification de son tracé en 1849, il est décrit comme une rampe de 10 à 15%, non empierrée et tellement encaissée que « lorsque deux charrettes se rencontrent, elles n’ont d’autre parti à prendre que de retourner sur « ses » pas, ce qui occasionne bien souvent des évènements déplorables ».  On s’en doute.

[5] Le vrai problème réside dans le captage des différents filets d’eau qui l’alimentent pour assurer un débit convenable.