DE LA MÉMOIRE FAMILIALE À LA MÉMOIRE COLLECTIVE

DE LA MÉMOIRE FAMILIALE À LA MÉMOIRE COLLECTIVE

 

 par Georges Gayol

 

photo Gilbert Suzan

N’étant ni enseignant, ni historien, je ne peux parler que de mon expérience personnelle.

 

J’ai découvert le Coup d’État, il y a une quinzaine d’année, par le biais de  la généalogie, intrigué de savoir qui était ce Célestin Gayol dont une rue, à Vidauban, rappelle sa mort  et dont le nom est gravé en bonne place  sur le monument commémoratif d’Aups.

 

 

Il m’a été très facile, évidemment, de localiser ce martyr. Son père, de même que celui de Magloire (le garde champêtre de Vidauban) et mon bisaïeul étaient frères.

 

 

À l’époque j’avais interrogé les quelques parents encore en vie, quelques personnes âgées à Vidauban, personne ne savait pourquoi ce jeune homme était mort en 1851, à l’occasion de qu’elle bataille. 1851 ! Quelle guerre ?

 

 

Pour expliquer ce manque de mémoire familiale je pense qu’il faut se replacer dans le contexte d’après décembre 1851. Il y avait les familles des républicains et les autres.

 

Dans les familles républicaines il convient  également de  faire un distinguo entre celles des notables, des principaux responsables, peu nombreuses toutefois comparées à la masse, si je puis m’exprimer ainsi, des familles  des sans grades,  illettrés pour la plupart, qui certes marchèrent eux aussi pour défendre le même idéal, mais dont l’aura n’avait avant les évènements que peu de poids dans le village.

 

 

Qu’advint-il de ces dernières familles dès 1852 ?

 

 

L’on connaît le retournement de le la population après ces journées tragiques par le plébiscite du 20 décembre d’une part et par celui des élections de 1852.

 

 

Le principal souci des familles écartelées devait être la récupération d’un père ou d’un enfant, déportés ou exilés. La tristesse ne devait certainement pas s’exhiber sur la place publique, peut-être même la famille était-elle montrée du doigt. Le cercle familial ne se serait-il pas refermé sur lui même ? Si cela était,  est-ce que la génération suivante n’aurait-elle pas eu à souffrir de ce qu’elle croyait être un déshonneur qu’il fallait oublier et surtout cacher aux  enfants ? N’oublions pas qu’il a fallu attendre une trentaine d’années pour une réhabilitation de ces « insurgés ».

 

 

Cela expliquerait que, dans notre famille, plus personne ne se souvenait de Célestin et encore moins de son frère condamné à mort, de leur père emprisonné alors que le souvenir de jean Baptiste Gayol, de Roquebrune, décoré de la Légion d’Honneur au siège de Boulogne, 50 ans auparavant est toujours tenace.

 

 

Quant à la mémoire collective, d’après l’analyse que j’en fait,  elle est de deux sortes.

 

Il y a la mémoire de ceux qui ont décrits et écrits les évènements dans les années qui suivirent suivant leur idéologie politique. Suivant qu’ils étaient partie prenante comme le firent Duteil, Campdoras, Maillan, dans leur clandestinité, mais censurés ou Maquant, librement . Puis il y eut ceux, comme Noël Blache, plus tard, qui analysèrent les évènements dans un souci de neutralité.

 

 

Mais les livres objectifs, critiques, quand ont-ils été publiés, quels retentissements ont-ils eu ? Certainement peu si l’on prend comme référence l’Éducation Nationale, puisque les manuels scolaires ne sont pas très bavards sur ces évènements.

 

 

Et là, il est bon de citer deux exemples de mémoire collective qui ne manquent pas d’interpeller leurs auteurs.

 

 

Le premier concerne une carte postale représentant le monument élevé à Aups à la mémoire des insurgés, morts en 1851. Cette carte a été expédiée le 7 mai 1915 de La Londe.

 

Sur la plaque l’inscription « Monument élevé avec le concours de la commune d’Aups, du Conseil Général et des patriotes du Var » et la légende de la carte ceci : « Monument à la Mémoire des Combattants de 1870 » par la suite, quelqu’un, au crayon a surchargé et écrit 1851.

 

 

Confirmation de l’oubli collectif ?

 

 

Le deuxième est à mettre à l’actif de  Frédéric Mireur qui écrit dans le Tome VIII, page 19 des « Rues de Draguignan » parlant de l’Avocat Pastoret :

 

« Leader du parti démocratique. Il n’abdiqua qu’à la dernière heure, devant la levée des boucliers d’une insurrection dans issue, à laquelle sa clairvoyance préserva ses concitoyens de prendre part et le chef lieu de payer son triste tribut, ayant réussi par la sage fermeté de ses avis à détourner de notre ville le flot menaçant de la phalange dans l’inoubliable journée du dimanche 7 décembre. »

 

 

 Que penser de cette analyse écrite 70 ans après les évènements ?

 

 

Je ne pense pas que l’on puisse mettre en doute l’honnêteté de pensée de Frédéric Mireur.

 

Il n’a pas posé la question qui vient à l’esprit mais qui a dû venir à l’esprit de plus d’un observateur : Que se serait-il passé si, dès le premier jour, Pastoret qui avait la main mise sur la presque totalité des républicains du département, avait appelé aux armes ?

 

 

Je pense, pour conclure, que la mémoire collective a été façonnée telle que le gouvernement de l’époque a voulu qu’elle soit, c’est à dire une amnésie générale. La guerre de 1870 ensuite, celle de 1914, ont relégué dans les méandres de l’oubli, le Coup d’État de 1851.