La Gelée de décembre
« La gelée de décembre ».
Garcin de Manosque et Richier de Ginasservis, Souvenir de 1851.
par René Merle
J’ai lu avec grand plaisir le dernier bulletin livre de l’Association 1851 pour la mémoire des résistances républicaines, paru en ce début d’été 2008 : 1851, une insurrection pour la République. Résistance, mémoire et valeurs républicaines, qui donne les Actes du colloque de décembre 2007.
Sous le titre « Daniel Daumas (d’après Charles Dupont ?), Chanson de liberté », (p.135), le dernier article présente ainsi une chanson contemporaine de Daniel Daumas, « Chanson de Liberté » :
« C’est un couplet de Charles Dupont – sans doute – écrit vers 1875 en souvenir des républicains révoltés contre le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte.
Per castigar lei citoyens
Li manderon l’armada
Aquesta companhiá d’assassins
Lei fusihavon sus la rota
A Lòrgue jamai s’oblidarà
Lo paire l’enfant e lo gendre
Executats toei tres ensèms
Per la gelada de decembre »…
Ce serait cuistrerie de pinailler sur la paternité de ce couplet, si l’interrogation sur la dite paternité n’était à sa façon révélatrice des ambiguïtés du traitement de la mémoire de 1851 à la fin de l’Empire et aux débuts de la Troisième République, et tout particulièrement dans la zone de contact des deux départements massivement touchés par l’insurrection, Var et Basses-Alpes.
« La gelée de Décembre »… Superbe illustration de la parole populaire, volontiers métaphorique. Sous un Empire autoritaire où il n’aurait pas fait bon d’évoquer directement le coup d’État et la terrible répression, la chanson a pu y suppléer sous le couvert de la métaphore. Mais si chanson il y a eu alors, il n’était pas question d’envisager une publication.
C’est seulement avec l’avènement de l’Empire libéral, à partir de 1865-66, et tout particulièrement avec le ministère Émile Ollivier, en 1869, que le relâchement de la censure va permettre d’évoquer directement l’événement. Après Ténot, à partir de 1865, c’est en 1869 que Noël Blache publie son ouvrage sur l’insurrection varoise, qui révèle l’atrocité de la répression, ouvrage dont va aussitôt s’inspirer Zola dans le premier tome de sa saga.
C’est alors que nous pouvons retrouver Dupont, l’activiste chansonnier républicain de 1849-51[1].
Rentré d’exil après l’amnistie, c’est à Marseille que Dupont le Hyérois va refaire sa vie. Il n’a rien renié de ses opinions, et, dans la mesure où le pouvoir le permet, il les exprime à travers son militantisme laïque. Certes, Dupont n’a pas oublié qu’il fut ce Cascayoun dont les chansons et les lettres provençales contribuèrent efficacement à la propagande démocrate socialiste dans le Var, de 1849 à 1851 mais il n’est pas question en 1860 de publier du provençal politique. C’est en poète du terroir et des bons sentiments que sa plume provençale fait sa réapparition dans la presse hyéroise du temps. Mais, dès l’apparition d’une presse républicaine à la fin de l’Empire libéral, Dupont tente d’y relancer son personnage de Cascayoun vieux sage paysan ardemment démocrate[2]. Aurait-il alors écrit ces vers sur 1851 ? Je n’en ai pas trouvé trace, mais, les séries de ces journaux républicains du temps étant des plus incomplètes, le doute reste permis. Pour autant, le soin avec lequel Dupont a conservé et plus tard republié tous ses écrits, et l’absence de ces couplets sans son recensement, laissent penser qu’il n’en est pas l’auteur avant 1870. Il ne semble pas non plus, mais sous réserve d’inventaire, qu’il l’ait été après 1870 : élu conseiller général à Marseille de 1871 à 1880, c’est un radical réaliste, qui condamne, dès les épisodes des Communes marseillaises de 1870-1871, les républicains « intransigeants » et les socialistes de toutes chapelles. Dorénavant, les interventions en provençal s’effacent derrière une activité prenante de politique et d’élu de terrain.
La première trace écrite que j’ai rencontrée de cette chanson figure dans un modeste recueil, publié en feuilles volantes: Muse républicaine et anti-cléricale, par Casimir Garcin, de Manosque, Basses-Alpes, Aix, typographie provençale. Dans le numéro 1 (1880) de recueil bilingue, Garcin salue en français Jules Ferry et le Président Grévy. Dans le second numéro (1881), il salue en français la libération de Blanqui, et il évoque, en provençal, le souvenir de 1851 dans « La jarado de décembré. Air : la mouart dé moun Ay ».
Ni le style fruste, ni la graphie sauvage de ce texte, (massacrée de plus par un imprimeur peu au fait de la langue) ne rappellent les écrits de Dupont. Garcin, dont l’érudition bas-alpine devrait pouvoir préciser la personnalité, est-il l’auteur ou l’arrangeur de ces couplets ? L’emprunt à un autre prolifique chansonnier, Amable Richier, est par exemple manifeste dans la chanson dédiée à Grévy : “Amis, fêtons la République, / Edifions Jules Ferry ; / Crions d’une voix énergique / Vive le Président Grévy”. C’est la reprise directe des couplets déjà anciens, et fort répandus, du maréchal ferrant varois, désormais buraliste à Ginasservis[3]. Y a-t-il des emprunts de ce type dans sa chanson provençale ? Seule pourrait répondre une étude, qui ne peut qu’être longue et collective, de la chanson populaire du temps.
Je m’en tiens dans cet article à présenter le texte original, en accompagnant chaque couplet d’une traduction non littérale et d’un commentaire.
“La jarado de décembré. Air : la mouart dé moun Ay.
Qu saou si l’hiver d’aquest an / Fara pa may qu’oouqo jarado, / Lioura ben léou vinto noou an / N’en sigué uno desgranado. / Erian tout prochi dé Noué, / Ooutour doou fuè fasian de cendré / Nous roustissai (ian ?) qu’oouqeys prefets / Per la jarado de Décembré. //
« Qui sait si dans l’hiver de cette année ne surviendra pas à nouveau quelque gelée. Il y aura bientôt vingt-neuf ans, il y en eut une dévastatrice. Nous étions tout près de Noël, autour du feu nous faisions des cendres. Et quelques préfets nous « roustissaient » (double sens provençal du verbe « roustir » : « griller », et « duper, escroquer, mettre à sec ») par la gelée de Décembre ».
Le texte est donc daté. Mais on peut se poser la question d’une reprise d’une composition antérieure, datée de 1869-70, (19 ans remplacés par 29 ans), où la censure est ainsi contournée.
Si nous aviè tua leys oliviés, / Oourian coupa lou tier deis branco / Lou Buou (Béou ?) Flori Clement Laurier / Aourien agu la gaougno blanco / Dévoun agué lou répenti / Dè temps en temps devoun s’entendré / Dè cè qè fasien eys prouscrit / Per la jarado de Décembré. //
« Si le florissant Clément Laurier nous avait tué les oliviers, nous aurions coupé le tiers des branches, et ils (les conservateurs) en seraient restés pâles : ils doivent avoir le repentir, et de temps en temps ils doivent s’entendre rappeler ce qu’ils faisaient aux proscrits, par la gelée de Décembre. »
Belle illustration encore du recours aux jeux de mots et aux allusions ironiques dont raffole la culture populaire : certes, le froid terrible de décembre a menacé les oliviers, mais ici, dans sa métaphore végétale, Garcin pointe l’élection de 1869 dans la 1ère circonscription du Var (Draguignan), où le radical gambettiste Clément Laurier affronta sans succès l’homme du Tiers-Parti, Ollivier. Deux pointures nationales « parachutées » dans le Var. Si Laurier avait battu Ollivier, et plus tard écarté Thiers, quelle défaite pour les Conservateurs ! Mais le jeu de mot se poursuit sur « florissant », car « flòri » a aussi un double sens en provençal : « florissant » mais aussi par glissement « fier », « trop fier », et finalement « fat », « méprisable ». C’est rappeler ainsi que « l’intransigeant » radical Laurier, élu député du Var en 1871, avait ensuite brusquement viré casaque et s’était rangé dans le camp conservateur[4].
Oou joun si diré brave jen / Aquello raço de despoto / Dèvoun sachè qu’ou poun d’argen / Leys fasien soouta a cou de crosso / Aven escri seys souvenir / Oou samentéri sus seys cendré / Per si rappella deys amis / qé nous an tua lou dous Décembré. //
« Ils osent se dire braves gens, cette race de despotes. Mais ils doivent savoir qu’au pont sur l’Argens ils les (les républicains arrêtés) faisaient sauter à coups de crosse. Nous avons écrit leur souvenir, au cimetière, sur leurs cendres, pour se rappeler des amis qu’ils nous ont tués le deux décembre ».
Ici commence le rappel des horreurs de la répression, que les républicains de 1869 jugeaient d’autant plus nécessaire que les populations du Haut Var avaient été majoritairement sensibles à l’argumentation d’Ollivier, rallié à l’Empire. Et que le Var avait donné la victoire à l’Empereur lors du référendum de 1870.
Voou canta un fet é mé raisoun / D’oou sier Giraoud di l’espéranço / Soun ami Gero (pato ?) de Vinoun / leys fairoun sourti de la bando / A Salerno mêmé a Sant Clar / Dous coou dè fuo leys vengue estendré / May lou bouen Diou deys Mountagnard / Leys revengues lou dous Décembré. //
« Je vais avec raison chanter un fait concernant Giraud dit l’Espérance : avec son ami Pato de Vinon ils les firent sortir de la bande (de prisonniers) : à Salernes, et plus précisément à Saint Clair, deux coups de feu les ont étendus, mais le bon dieu des Montagnards, leur a rendu la vie le deux décembre ».
Il s’agit ici de l’épisode célèbre, longuement relaté par Blache dans son ouvrage, de l’exécution de Giraud, dit l’Espérance, et Bon, dit Pato : les deux républicains, laissés pour morts, purent survivre à leurs blessures et s’enfuir.
Per puni nouestey citoyen / Leys fasien saisi per la troupo / Per fayre riré leys carlen / Leys fusillavoun su la routo / A L’orgue s’en rappelaran / L’enfan lou pero émé lou gendré / N’en passéroun la couardo eys man / Per la jarado de Décembré.//
« Pour punir nos citoyens, ils les faisaient saisir par la troupe. Pour faire rire les Carlins (les légitimistes), ils les fusillaient sur la route. À Lorgues ils s’en rappelleront : l’enfant, le père et le gendre, qui passèrent les mains liées, par la gelée de décembre. »
Terrible rappel de l’exécution de quatre insurgés sous les acclamations des légitimistes majoritaires à Lorgues.
Républicain de cinquant’un / Si sias pa sour devès v’entendre / Eyci nin d’ou agué qu’ouqun / Qé si rappellé de Décembré / Iou per ma part aviou sieys ans / Quan moun pèro si layssé prendré / N’en faray part a meys enfant / Deys crime doou més de Décembré.//
« Républicains de Cinquante et un, si vous êtes sourds vous devez entendre cela. Ici il doit bien y avoir quelqu’un qui se rappelle de Décembre ! Pour ma part, j’avais six ans quand mon père se laissa prendre. J’en ferai part à mes enfants des crimes du mois de décembre. »
Belle preuve de l’occultation de l’événement sous l’Empire, de l’ignorance de beaucoup, de la nécessité du rappel à une opinion qui est loin d’avoir retrouvé l’unanimisme républicain de 1848. Cette strophe confirme le sentiment que la chanson a été lancée dans les luttes de 1869-70 et reprise encore dans les luttes pour la défense de la République entre 1871 et 1878.
Crési qé su jararen plus / De la jarado dé Décembré / Ara* ques mouar nouesté gran gus / E soun aiglo reduito en cendré / L’arc-en-ciel ven de se fourma / En signé de grando espéranço / Lou ven d’Ameriquo a souffla / Per nous veni embaouma la Franço.
« Je crois que nous ne gèlerons plus de la gelée de Décembre. Maintenant que notre grand gueux est mort et que son aigle est réduit en cendre. L’arc-en-ciel vient de se former en signe de grande espérance. Le vent d’Amérique (républicaine) a soufflé pour venir embaumer notre France. »
Couplet terminal de victoire qui entérine l’affermissement définitif de la République, mais dans le seul face à face Empire – République.
1881 est l’année de l’érection du monument d’Aups en l’honneur des insurgés varois. On ne peut qu’être frappé par la distorsion entre la tonalité de la chanson et l’officialité pompeuse de la célébration. Signe que ces couplets doivent être antérieurs à l’attribution des pensions aux victimes de la répression et aux célébrations officielles de 1879-1882. On comparera ci-dessous le texte de Garcin avec, en rupture avec son registre populaire dont témoigne sa chanson anticléricale, l’ode qui se veut noble de son voisin de Ginasservis, le chansonnier Richier, dorénavant rangé à la fois dans le camp des républicains « opportunistes » et adepte récent du Félibrige (voir deux de ses chansons à la suite de cet article).
Mais signe aussi d’une vision inquiète sur l’avenir de cette république enfin pleinement obtenue.
Le ralliement d’Ollivier à l’Empire, le ralliement de Laurier aux conservateurs, n’avaient pu que confimer Garcin, comme tant d’autres, dans une méfiance à l’égard des notables républicains. Les divisions affirmées entre républicains dès la victoire confirmée après 1878, l’affrontement entre « opportunistes » et « intransigeants » ne peuvent dorénavant que le confirmer dans cette défiance.
C’est pourquoi on lit dans le n° 2 de sa Muse républicaine :
« Intransigeants frèros soucialisto, / Faou pas tarda d’escriouré noueste noum / Es lou moumen, faou dressa nouesto listo / E oou scrutin vibrara noueste noum, / Faren floutta nouesto noblo baniero, / En lettros d’or brilloras nouste noum, / l’ouscurita devendra la lumiero, / Quand oouren plus d’homes caméléoun ».
« Intransigeants frères socialistes, il ne faut pas tarder pour écrire notre nom, c’est le moment, il faut dresser notre liste, et au scrutin notre nom retentira. Nous ferons flotter notre noble bannière, en lettres d’or notre nom briller, l’obscurité deviendra la lumière, quand nous n’aurons plus d’homme caméléons ».
René Merle
Deux chansons d’Amable Richier publiée dans Lou Franc-Républicain, recuei de cansoun e declamacien républicaino, Pèr Amable Richie, lou felibre dóu Var, cahier vendu par la poste prix 15 c. A la ressource du chanteur, chez Giusiano, J.B. Libraire à Valensolle (Basses-Alpes), (1881).
“Lei Jesuito, cansoun, Er : Des blagueurs.
La Franço èro encapouchinado / Pèr uno bando de féniant, / Que pèr noun se rendre à l’armado / Intravon dins l’ordre mendiant. / Emé la biasso sus l’esquino / Anavon quista per oustaou / Prenièn lou lard à la galino / E se regalavon pas mau. // O bando de Jesuito ! / En ana-vous de suito, / Partès senso retard, / Cafard. // Avant quatre-vint-nòu, lei laire / S’èroun rendu mestre doou sóu, / E fasien laurar nouestrei paire / Tout en leis assoumant de cóu ; / Lei prenien per de bestiàri, / Li devouravoun sa susour / Lei paoure souto leis ensàrri, / Mourien aflanqua de doulour. // Per se tira de la misero, / Qu’es qu’an pas fa nouesteis encian ? / An coucha de sei mounastèro / Aquel eissame de feniant, / Qu’en esten mestre de la terro / Aduavon la maledicien ; / Es ellei qu’alumon la guerro / E lei fué de l’inquisicien. // Ah ! se li avien mai leissa faire, / Se serien empara de tout ; / Deja fasien ben seis affaire / E se faufilavon pertout / S’espandissien coumo lei touero / Pèr engoura toutei lei bèn / Ero tems de lei metre fouero / E de li barra sei couvènt. // Veire tout de féniant roubuste / Fugi lou mestié de sourdat, / D’aquello lei ero ti-juste / Que n’en fouguesson eisenta ; / Que li faguon quita la roupo, / Prendre un fusiéu, carga l’abi, / Vagoun à soun tour à la troupo / Coumo lei coulègo servi. // Tout aquéu vóu de fanatique, / Que bramo à la persécuticien, / De la fam crébarien tesique, / S’ero pas la Revoulucien ; / Qu’en levant tout ben ei mouine, / A sei paire fè largeo part ; / Aro que soun riche lei jouine, / An l’èr de ploura soun départ. // Sé métoun en pleno revorto / Contro la lei e lei decrè : / Vesèn seis escoulian, pèr orto, / Arma d’espazo tout espré. / A Lyoun, Cross la facho palo, / A suscoumba souto sei dard ; / Es aco, Messies la mouralo / Qu’ensègnoun aquelei cafard !
Amable Richier”.
“Lei Vitimo de 51 ou l’inouguracien dou mounument, de z’Aup.
Anén, ma Muso, prèn ta lyro, / Faguès pas mai de repétun. / Vène canta dins toun deliro / Lei Vitimo de cinquanto un. / Que Bonaparto, aquéu manjaire ! / Fasié garrouta per sei laire / Pèr lei fusiha’n’un cantoun, / Sagata sei pàurei cadabre, / A còu de balo, à còu de sabre, / Coumo un bouchié chaple un moutoun. // Anèn, ma bello, fai t’entendre ! / Lauso aqueleis ome d’acien, / Que se dreisseron pèr defendre / Lei dré de la Constitucien : / La Republico vièulado, / Per aquèu gus qu’a l’assemblado, / Juravo de li èstre fidèu ; / Pièi dins la nué dóu dous décembre, / Li vai empougna pèr lei membre, / Li enfounça au pies soun coutèu. // Vèire daga la Republico / Pèr un Gaspard, pèr un Mandrin, / Un mouestre assista d’uno clico / Que serco à n’en veire la fin. / Voulès pas que Paris s’anime ! / Se surlève contro lou crime ! / A la vouès de Vitor Hugo, / Paris subran crido venjanço ! / Contro aquélo marrido enjanço, / Que dins lou sang trèmpo à gogo ! // Lou Var au signaù de l’alarmo, / Se dreisso furiéu coumo un lien, / Boundo de rabi e courre eis armo / Pèr venja la counstitucien. / De vers lou traite se rebiffo / En moustrant lei dent e lei griffo / E li voulant dessus tout dré ! / Vóu pas qu’un bandit de la Corso, / Vengue doumina pèr la forço, / Vièula la lei e tua lou dré. // Dins lei vilage de tout caire / Courroun ei fusieu, ei faùssoun. / Lei païsan quiton l’araire / Per lèu si jougne en bataihoun. / La Republico, leis appello, / Baten alor de la sémello, / Parton toutei aferouni. / Emé soun fusiéu sus l’espalo / E lou garnié garni de balo, / Jurant de vincre o de mouri. // Es magnifique de lei vèire, / Fila countent coumo de rei ! / Séguen lei piado de sei reire / Per ana défendre la lei ! / Oh ! coumo lou boutéu li teso ! / Tout en cantant la Marsihèso, / Endraihon la routo de z’Aup, / Van de l’avans, lou sòu trémoulo ! / E bèn lèu dins sa courso fouèlo, / Empouerton la vilo d’assaùt. // Ero en decembre quand la biso / Desplègo au ciele un gros nièuras, / Coumo un lançou de tèlo griso, / Leissant espòussa lou verglas. / L’auro vénié, sourno e negrasso, / Estendre soun mantèu de glaço, / Subre lei crestèn, lou soulèu / Mountavo coumo un boulet rouge, / Dins l’air embruni, tout aurouge, / Acampant un óurible fléu. // Piei, tout d’un còu, l’auro s’anisso, / Deila dou caire de Tourtour / Vèn uno grosso soufladisso, / E la nièuro gounflo toujour ; / Vers z’Aup terriblament s’avanço / Eme furio esclato e lanço / Milo tron pétéjant au còu. / Leis uiàu vous lévon la visto, / La cièuta déven palo e tristo, / E tout refarnis de la pòu. // Qu’es aquèu mouestre de naturo ! / Qu’auzo se moustra tant crudèu ? / Quauquo maudicho creaturo ! / Voui ! es lou pouarfet Pastourèu, / Eme sa chourmo que vèn faire ? / Vèn esgorja, daga sei fraire, / Se vougne lei brègo de sang, / Patouya plus que dins lou crime, / De Cayèno durbi l’abime, / Per rendre soun mestre puissant. // Sabras, chaplas, coupas de testo ! / Bramo l’assassin triounflant / La coumissien fara lou resto, / Respouende à soun tour Louvailhant. / Paure nautre ! que de vitimo ! / A part ço que lou tai decimo ; / Li a lei galèro et lei pountoun, / Mounte encheina, la couerdo au couale, / Pire que de foussa, de fouèle, / Lei mènoun à coou de bastoun. // O Bidouré ? ô sant martire ! / Tu que t’an fusiha douèi fès ! / Tu qué d’aquèu bourrèu d’Empire : / As sentu lou terrible pès ! / Tu que darniè la basilico, / As toumba per la Republico, / Emé lou cors tout massacra ! / Vai mèritès ben la couronno, / Que la vilo de z’Aup te donno, / E pauso sus toun front sacra.
Amable Richier”.
[1] Sur Dupont, cf. les éléments biographiques donnés dans : http://www.rene-merle.com/article.php3?id_article=100
[2] On trouvera dans René Merle, Les Varois, la presse varoise et le provençal, 1996, de nombreux textes de Dupont publiés entre 1860 et 1871.
[3] Sur Richier et sa chanson, cf. l’article de René Merle
[4] Laurier ne s’était pas représenté dans le Var en 1876. Il est mort en 1878.