Gaston Couté, poète beauceron et la révolte des vignerons marnais en1911

Gaston Couté, “ poète beauceron ”, et la révolte des vignerons marnais en 1911

 

 par Christian Lassalle

“ V’là les pésans qu’ont fait vendanges !

 

V’là les perssoués qui pissent leu’ jus ;

 

On travaille aux portes des granges

 

A rassarrer l’ vin dans les fûts.

 

          L’ vin ! Ça met des moignieaux qui chantent

 

Dans les coeurs et dans les servieaux,

 

Mais moué qui n’ fait qu’ de bouér de l’eau

 

J’ me sens dans les boyeaux du vente

 

Comm’ des gernouill’s qui font coin-coin…

 

J’ vourai ben m’ foute eun’ saoulé de vin ”

 

 

(Gaston Couté – Après Vendanges)

 

 

 

 

Vous pouvez écouter Après Vendanges, dit par Bernard Meulien

… C’est avec ces mots et dans cette curieuse langue que Gaston Couté s’adresse au public des cabarets parisiens de la Belle Epoque.

 

 

Gaston Couté naît en 1880 à Beaugency, grandit au moulin de Clan à Meung-sur-Loire, près d’Orléans. A l’âge de 18 ans, attiré par l’écriture, il décide de monter à Paris pour vivre de sa plume. Il y interprétera ses propres textes sur scène et son premier cachet sera un café-crème ! Il connaîtra ensuite un certain succès avant de sombrer dans la misère.

 

 

Pour tenter de le définir, on utilise fréquemment les termes de “ poète beauceron ” ou de “ poète paysan ” … Il est en effet le chantre des gens de la terre, mais surtout des gens de la misère. Dans son œuvre, il dénoncera les injustices, sera le défenseur des petits contre les gros, sans jamais céder à la résignation ou au larmoiement. Chez Couté, on ne pleurniche pas, on serre les poings !

 

Dans de nombreux poèmes, Il a recours à ce “ patois de la Beauce ”, qu’il utilise comme une arme contre le “ français normé ”, comme s’il s’agissait de lutter contre l’ordre établi.  Pour ne pas limiter son auditoire aux gens du cru et être aussi compris à Montmartre par son public parisien, il saura ne jamais abuser de son patois, saura toujours ne pas dépasser la limite entre le dialecte et la langue imagée…

 

 

A la fin de sa vie, Gaston Couté, déjà écrivain engagé, devient “ écrivain  militant ” en entrant à la Guerre Sociale, hebdomadaire antimilitariste. En juin 1910, il rejoint l’équipe de la Guerre Sociale, dont le principal animateur est Gustave Hervé, ancien professeur d’histoire devenu journaliste avec l’affaire Dreyfus. La mission de Couté est de commenter l’actualité par des chansons, dont les musiques sont des airs connus, afin qu’elles puissent être apprises et chantées par les militants, à l’atelier ou dans la rue.

 

 

On a coutume de dire que, dans l’œuvre de Gaston Couté, ces chansons d’actualité ont une valeur moindre, c’est vrai qu’elles ont été écrites la plupart du temps dans l’urgence et pour répondre à des événements précis d’actualité. Le poète, devenu militant, négligera peut-être la forme pour l’efficacité.

 

Les sujets que Couté va aborder dans ses interventions hebdomadaires seront le plus souvent dirigés contre le monde politique et il sera un peu moins le “ paysan  Couté ”… Au cours de ces années 1910-1911, il ne parlera du monde paysan qu’à quatre reprises, seulement dans quatre “ chansons ”, et cette actualité ne sera ni agricole, ni beauceronne, mais viticole et champenoise : Couté évoquera la révolte des vignerons marnais de 1911…

 

En 1911, la révolte gronde dans le vignoble champenois, plus précisément chez les vignerons de la Marne.  En ce début de siècle, le souci premier n’est pas seulement le phylloxéra, mais aussi le prix élevé de la terre, le poids des impôts et la crainte de la mévente.

 

Le vigneron marnais subit en effet la loi du Négoce, qui achète le raisin des petits exploitants pour fabriquer le champagne, mais aussi négocie durement ses prix d’achat. Et certains de ces négociants préfèrent les vins venus d’ailleurs à moindre prix. Jean Nollevalle, dans “ L’Agitation dans le vignoble champenois ”, écrit que “ ces vins se précipitaient à flot, du moins dans bon nombre de maisons de commerce, arrivant du Saumurois, du Midi de la France et même d’Algérie. ” Le prix du raisin baisse et la mévente menace.

 

 

Le 21 août 1904 est créée la Fédération des syndicats viticoles de la Champagne, qui comptera 121 sections locales en 1914. Son action sera de mener la lutte contre la fraude.

 

 

En réponse partielle à cette demande, le gouvernement prend un certain nombre de mesures :

 

–                      la Loi du 1er août 1905 qui permet de statuer par voie réglementaire sur “ les inscriptions et marques indiquant, soit la composition, soit l’origine des marchandises, soit les appellations générales et de crus particuliers. ”

 

–                      la Loi du 5 août 1908 qui permet de statuer par décret pour déterminer “ la délimitation des régions pouvant prétendre exclusivement aux appellations de provenance des produits, en prenant pour base les usages locaux et constants ”

 

–                      le Décret du 17 décembre 1908 qui délimite une “ Champagne viticole ”, seule autorisée à fournir le vin appelé à devenir champagne. Mais, pour anéantir véritablement la fraude, ce décret nécessite des mesures complémentaires et efficaces qui ne viennent pas, les irrégularités continuent et rien n’est fait pour calmer les esprits.

 

 

De plus, depuis près de dix ans, les récoltes sont mauvaises. La vigne est ravagée par le  phylloxéra et les insectes, le gel et les orages se chargeant du reste. Et quand certaines années sont bonnes, la surproduction frappe à sa façon et les prix tombent. Et la révolte gronde… et

 

–                      le 16 octobre 1910, la Fédération des syndicats viticoles de la Champagne organise à Épernay un meeting qui va rassembler 10 000 vignerons dans le calme.

 

–                      le 4 novembre 1910, dans plusieurs communes du vignoble, on décide la grève de l’impôt.

 

–                      le 17 janvier 1911, à Damery, le chargement d’un camion est jeté à la Marne, les caves et celliers d’un négociant fraudeur sont mis à sac tandis que le drapeau rouge flotte sur la mairie.

 

–                      le 18 janvier 1911, un incident analogue se produit à Hautvillers

 

–                      le 19 janvier 1911, le vignoble de la vallée de la Marne est en état de siège. Le 31e régiment de dragons, en garnison à Épernay, et des éléments de renfort de quatre autres régiments interdisent les accès d’Épernay et, montant la garde à la gare et chez des négociants, se répartissent entre Damery, Venteuil, Cumières, Ay et Hautvillers.

 

–                      le 20 janvier, le préfet harangue 2000 vignerons à Venteuil et leur demande de cesser leurs déprédations, s’engageant en échange à obtenir l’arrêt des transports de vins étrangers.

 

Pendant quinze jours les négociations continuent sur ce thème, sans incidents, entre l’autorité préfectorale, les négociants et les vignerons…

 

 

Si bien que le Parlement en votant la Loi du 10 février 1911 adopte enfin les tant attendues “ mesures complémentaires ” qui vont permettre de mener une chasse efficace à la fraude…

 

mais qui va exclure les vignerons Aubois de cette “ Champagne délimitée ” et entraîner une seconde révolte des vignerons… de l’Aube, cette fois ! Et ce n’est qu’en Juillet 1927 que les terroirs de l’Aube seront réintégrés à la zone d’appellation contrôlée…

 

 

 

Les milieux anarchistes parisiens ont beaucoup parlé et écrit sur ces mouvements de révolte . L’Observateur, dans son numéro du 1er février 1911, traite essentiellement de la fraude en Champagne. Les drapeaux rouges et l’Internationale ont été parfois à l’honneur dans  ces manifestations paysannes, mais il n’a jamais été prouvé que les intentions étaient réellement révolutionnaires ou que des éléments extérieurs avaient tenté de récupérer le mouvement.

 

 

Toujours est-il que, dans la Guerre Sociale, Gaston Couté a consacré à cette révolte des vignerons marnais quatre de ses chansons d’actualité que voici :

 

 

 

LE BEAU GESTE DU SOUS-PREFET

 

Air : ça vous fait tout d’ mëm’ quelque chose

 

(Guerre Sociale du 25 au 31 janvier 1911)

 

 

“ A Epernay, M. Nepoty, sous-préfet, a pris l’initiative de faire placarder dans les communes viticoles le discours de M. Briand ”

 

 

Tandis que les riches fraudeurs

 

Qui n’ connaiss’nt pas d’anné’s mauvaises

 

Se livrent avec ardeur

 

A leurs petites combinaises,

 

En Champagn’ les pauvres vignerons

 

D’puis les vendang’s se serr’nt la panse

 

Et pourtant r’connaissons qu’ils ont

 

– Dans leur malheur – un’ sacré’ chance !

 

 

Si les braves gens d’Epernay

 

N’ont plus rien dans leurs cav’s moroses

 

Ils ont ‘core un bon sous-préfet

 

Et ça… c’est tout d’ mêm’ quelque chose !

 

 

Les cloch’s s’étant mis’s à clamer

 

De désespoir, au sein de l’ombre,

 

Et les paysans affamés

 

A circuler en troupes sombres ;

 

Devant ces manifestations

 

De la misèr’ champenoise,

 

Un’ grand’ poussé’ de compassion

 

Remua son âme bourgeoise

 

 

“ Il serait tout à fait urgent

 

Avec les moyens dont j’ dispose

 

De fair’ quéqu’ chos’ pour ces brav’s gens.

 

Y a pas, il faut fair’ quelque chose !

 

 

Se mettant en quatr’ pour tirer

 

De cette détresse infinie

 

Ses malheureux administrés,

 

Il eut un éclair de génie :

 

 

Moyen superbe et… radical

 

Pour apaiser les ventres vides

 

I’ vient d’ leur offrir le régal…

 

Du dernier discours d’Aristide.

 

 

I’ r’gar’ pas à la quantité

 

Des grand’s affich’s que l’on appose !

 

Quand y a vraiment nécessité

 

M’sieu Nepoty fait bien les choses !

 

 

La manne du bon sous- préfet

 

Pleut sur les plus humbles campagnes…

 

Ce Nepoty ! hein, quel succès !

 

C’est le sauveur de la Champagne ;

 

Pendant c’ temps les malheureux gas

 

A qui l’on présente en pâture

 

Les boniments du Renégat

 

Continu’nt à s’ mettr’ la ceinture…

 

 

Hélas ! pauvres vign’rons sans vin

 

Rincez-vous l’œil avec cett’ prose.

 

Mais si vous n’ voulez crever d’faim

 

I’ s’ra prudent d’ trouver autr’ chose.

 

 

 

 

 

CANTIQUE A L’USAGE DES VIGNERONS CHAMPENOIS

 

 

 

Air : Esprit saint, descendez en nous !

 

(Guerre Sociale du 1er au 7 février 1911)

 

 

“ A Vandières, des vignerons ont résolu, en raison des poursuites exercées pour la perception des impôts, de ne laisser pénétrer aucun huissier sur le territoire de la commune et de ne rentrer dans la légalité qu’après avoir reçu les satisfactions qu’ils réclament”

 

 

Depuis l’ temps qu’ vous vous foutez d’ nous,

 

C’est bien notre tour après tout,

 

De nous foutre un petit peu

 

– Oui messieurs –

 

De nous foutre un p’tit peu de vous !

 

 

Le percepteur passe chez nous :

 

– Bonn’s gens, faut abouler vos sous !

 

– Ah ! Mossieu le percepteur

 

Et votr’ sœur ?

 

A-t-elle autant d’ barb’ que vous ?

 

 

Le percepteur adress’ chez nous

 

Maintenant des p’tits billets doux

 

De toutes les couleurs

 

Tous en… choeur –

 

Les gâs, les gâs, torchez-vous !

 

 

Voilà l’huissier qui vient chez nous :

 

– Vilain oiseau, que voulez-vous ?

 

– Je venais à propos

 

D’vos impôts

 

Je venais pour saisir tout !

 

 

– Eh ! bien ! alors, rentrez chez nous

 

Si ces chos’s-là sont dans vos goûts

 

Vous aurez le plaisir

 

D’y saisir

 

Un coup d’pied… vous savez où ?

 

 

CES CHOSES-LA

 

Au Vigneron Champenois

 

 

 

Air : Ce qu’une femme n’oublie pas

 

(Guerre Sociale du 12 au 18 avril 1911)

 

 

Lorsque t’entendais parler au village,

 

Brave homme à la têt’ dur’ comme un sabot,

 

De l’Action directe et du Sabotage,

 

Tu restais vitré comme un escargot ;

 

Calme paysan des coteaux tranquilles,

 

Au fond d’ ta jugeot’ tu pensais comme ça :

 

“ C’est des inventions des gâs de la ville

 

Et, moi, je n’ peux pas comprendr’ ces chos’s-là ! ”

 

 

Si les exploiteurs qui pressur’nt tes frères,

 

Pauvres ouvriers, pauvres citadins,

 

Font l’ geste d’abattr’ leurs griff’s sur ta terre

 

Ta vieill’ “ comprenoire ” se réveill’ soudain :

 

Paysan, t’es pas si bêt’ qu’on suppose

 

Ni qu’ tu veux l’ faire croir’, sacré nom de d’ la !

 

Si ton intérêt se trouv’ mis en cause

 

T’as rud’ment vit’ fait d’ comprendr’ ces chos’s-là !

 

 

Aujourd’hui, voilà c’ qui s’ pass’ dans la Marne

 

D’après les dernièr’s nouvell’s des journaux :

 

Au sac des celliers la foule s’acharne

 

Brisant les bouteill’s, crevant les tonneaux ;

 

Les ruisseaux débord’nt de flots de champagne

 

Et les vign’s avec leurs grands échalas

 

Sont comm’ des bûchers au cœur des campagnes…

 

Foutre ! t’as grand’ment compris ces chos’s-là !

 

 

Esclav’ des usines, esclav’ de la terre,

 

Les vœux de nos cœurs sont les mêmes vœux :

 

Tous deux nous souffrons de la mêm’ misère.

 

Nous avons le même ennemi tous deux !

 

Paysan, mon vieux, allons, que t’en semble ?

 

Pour la grande lutt’ qui bientôt viendra,

 

Donnons-nous la main et marchons ensemble

 

A présent que t’as compris ces chos’s-là !

 

 

NOUVEAU CREDO DU PAYSAN

 

 

 

Air : Le Credo du Paysan

 

(Guerre Sociale du 19 au 25 avril 1911)

 

 

Bon paysan dont la sueur féconde

 

Les sillons clairs où se forment le vin

 

Et le pain blanc qui doit nourrir le monde,

 

En travaillant, je dois crever de faim ;

 

Le doux soleil, de son or salutaire,

 

Gonfle la grappe et les épis tremblants ;

 

Par devant tous les trésors de la terre,

 

Je dois crever de faim en travaillant !

 

Refrain

 

Je ne crois plus, dans mon âpre misère,

 

A tous les dieux en qui j’avais placé ma foi,

 

Révolution ! déesse au cœur sincère,

 

Justicière au bras fort, je ne crois plus qu’en toi ! (bis)

 

 

Dans mes guérets, au temps de la couvraille,

 

Les gros corbeaux au sinistre vol brun

 

Ne pillent pas tous les grains des semailles :

 

Leur bec vorace en laisse quelques-uns !

 

Malgré l’assaut d’insectes parasites,

 

Mes ceps sont beaux quand la vendange vient :

 

Les exploiteurs tombent dessus bien vite

 

Et cette fois, il ne me reste rien !

 

 

Au dieu du ciel, aux maîtres de la terre,

 

J’ai réclamé le pain de chaque jour :

 

J’ai vu bientôt se perdre ma prière

 

Dans le désert des cieux vides et sourds ;

 

Les dirigeants de notre République

 

Ont étalé des lois sur mon chemin,

 

D’aucuns m’ont fait des discours magnifiques,

 

Personne, hélas ! ne m’a donné de pain !

 

 

Levant le front et redressant le torse,

 

Las d’implorer et de n’obtenir rien,

 

Je ne veux plus compter que sur ma force

 

Pour me défendre et reprendre mon bien.

 

Entendez-vous là-bas le chant des Jacques

 

Qui retentit derrière le coteau,

 

Couvrant le son des carillons de Pâques :

 

C’est mon Credo, c’est mon rouge Credo !

 

 

 

Quelques mois plus tard, Gaston Couté meurt à Paris…

 

 

Dans le numéro du 26 juin au 2 juillet 1911, la Guerre Sociale signale :

 

“ Nos lecteurs ne trouveront pas cette semaine de chanson de Gaston Couté.. Notre collaborateur et ami, gravement malade, vient d’entrer à l’Hôpital Lariboisière.

 

Tous nos amis en seront comme nous, profondément affectés. ”

 

… et dans son numéro du 5 au 11 juillet 1911

 

“ Quelques heures à peine après que nous annoncions sa maladie, nous parvenait la brutale, l’atroce nouvelle : Gaston Couté n’était plus ”.

 

La Guerre Sociale du 1er au 7 novembre 1911 rappelle en quelques lignes la vie et l’action de Gaston Couté :

 

“ … Gaston Couté, lui, s’était évadé de bonne heure des champs de la Beauce pour venir vagabonder sur le pavé parisien. Mais il avait gardé jalousement son âme de paysan attaché à la terre, épris de liberté et révolté contre tous les jougs. C’était le descendant des Jacques héroïques. Comme on ne pouvait plus mettre le feu au château et faire les “Rouges Pâques”, le bon poète se rattrapait en chansonnant “M. Imbu”, en glorifiant les gens de la terre, les gâs qui ont mal tourné, les gourgandines, en sifflant les “brutes et les conscrits”. Cette façon de concevoir la vie lui a valu la gêne, les longues journées sans pain, quelquefois sans gîte ; tout le cortège lamentable des privations, de souffrance dont s’accompagne la bohème, cette bohème qu’on chérit, qu’on glorifie et dont on crève. ”

 

Gaston Couté, avant d’être un militant, est et restera un amoureux de la liberté, un écorché vif, un révolté contre la bêtise, un poète sensible au monde qui l’entoure et qui s’exprime avec humour et tendresse dans une langue riche, imagée, patoisante, mais pas trop…

 

 

“ Tout l’ monde est saoul su’ mon passage,

 

Mêm’ le Maire qui vient d’ marier

 

Deux bourgeouésiaux de l’environnage,

 

Et même itou Môssieu l’ curé

 

Qu’a vidé trop d’ foués son calice :

 

M’en v’là des gens qu’ont l’air heureux,

 

I’s s ‘donn’nt la main ou l’ bras entre eux,

 

I ‘s s’étayent et s’ rend’nt el sarvice

 

D’ ramasser c’ti qu’a culbuté,

 

I ‘s s’embrass’nt su’ tous les coûtés

 

Au nom de la fraternité.

 

Et leu’s dégueulis s’applatissent

 

Coumm’ des étouel’s le long du chemin.

 

J’ vourai ben m’ foute eun’ saoulé d’ vin !

 



 

Allons les homm’s, allons mes frères !

 

Allons avancez-moué-z-un verre,

 

J’ veux fraterniser avec vous ;

 

J’ veux oublier tout’ ma misère

 

En trinquant et buvant des coups

 

Avec les grands, avec les grous !

 

J’veux aphysquer les idé’s rouges,

 

Les idé’s roug’s et nouér’s qui bougent

 

Dans ma caboch’ de gueux et d’ fou :

 

J’veux vous vouér et vouér tout en rose

 

Et crouér qu’ si j’ai mal vu les choses

 

C’est p’têt’ pa’c’que j’étais pas saoul.

 

Allons, avancez moué-z’ un verre…

 

Je veux prend’e eun’ cuite à tout casser

 

Et l’ souér couché dans un foussé

 

 

 

Ou m’accottant à queuqu’s tas de pierres

 

Pour cuver mon vin tranquill’ment

 

J’me rappell’rai p’têt’ la prière

 

Que j’ disais tous les souérs dans l’ temps,

 

Et l’ bon Guieu et tout’ sa bricole

 

Et la morale au maît’ d’école,

 

Propriété, patrie, honneur,

 

Et respect au gouvarnement,

 

Et la longér’ des boniments

 

Dont que j’ me fous pour le quart d’heure.

 

Je trouv’rai p’têt’e itou qu’on a tort

 

D’ voulouér se cabrer cont’ son sort,

 

Que le mond’ peut pas êt’ sans misère,

 

Qu’ c’est les grous chiens qui mang’nt les p’tits

 

Et qu’ si je pâtis tant su c’tte terre

 

J’me rattrap’rai dans l’ Paradis. ”

 

 

(Gaston Couté – Après Vendanges)

 

 

 

Vous pouvez écouter Après Vendanges, dit par Bernard Meulien

 

Sources :

 

–          Les 5 volumes des œuvres complètes de Gaston Couté aux éditions du Vent du Ch’min

 

–          http://www.maisons-champagne.com/ : site des Grandes Marques et Maisons de Champagne

 

–          http://max.buvry.free.fr/ : le site de Max Buvry

 

–          http://gastoncoute.free.fr/ : le site Gaston Couté