1851, trente ans après, un itinéraire édifiant

1851, trente ans après, un itinéraire édifiant

 

 

 

 

 

A Marseille, en 1881, une association est créée, à la rue du Chêne, au numéro 2. Cette association  est fichée comme le voulait « l’état des cercles avec les nuances politiques » en cette année 1883 : « Républicain, Radical, Socialiste. ». Quarante deux membres sont indiqués, mais leurs noms ne sont pas délivrés, seuls les plus influents sont donnés :

 

 

M. Brémond, Ernest, avocat, conseiller général, rue Méry, 37

 

M. Ariès, Guillaume, « « « « « « « « « « « « « «, rue Fortuné, 39

 

M. Turin, Hippolyte, « « « « « « « « « « « « « «, Quai de Rive Neuve, 8

 

M. Lesbros, J.B. » » » » » » » » » » » » » » » » », rue de Pointe-à-Pitre, 3

 

M. Rossi, JB » » » » » » » » » » » » » » » » » » », rue des Fabres, 7

 

M. Burle, Victor » » » » » » » » » » » » » » » » », rue (illisible), 39

 

 

Cette association se nomme le « Cercle des Proscrits du 2 décembre 1851 » et sa trace est attestée dans la série 4M 631 des Archives Départementales des Bouches-du-Rhône, à Marseille. Sur ces six personnes, seul M. E. Brémond est identifiable. On l’a recherché dans le travail universitaire de M. Breuze[1].

 

Il est donc indiqué que E. Brémond fut « sous-préfet d’Aix de mai à juillet 1848.  (…)  Le sous-préfet donne l’ordre d’arrêter Brémond par mesure de sûreté générale, ce dernier prend la fuite. Il est dès lors soupçonné d’avoir fait partie des bandes insurrectionnelles sorties d’Aix du 7 au 10 décembre. On n’a aucun point sur la participation de Brémond soit à une société secrète, soit à un complot. (…) Cependant, l’opinion publique signale Brémond comme ayant été avant le 2 décembre, un agent très actif de la propagande démagogique. Il a en effet été président de la loge franc-maçonnique, il a été aussi désigné comme ayant assisté en 1849 à une réunion publique du Cercle de la Roquette à Lambesc et peu de temps avant le 2 décembre, au Cercle ou réunion du Figuier et au Cercle de la Violette. On le voit donc, alors que Brémond ne fait pas partie de la tête de l’organisation républicaine qui a tenté de lancer l’insurrection en décembre 1851, l’autorité ne ménage pas ses moyens pour satisfaire l’influence sur celui-ci. Son ancien poste de sous-préfet en 48 le transforme peut-être en cible de choix pour l’autorité, il n’en demeure pas moins qu’il ne fait pas partie des chefs du mouvement (…) Même l’intervention du ministre de l’Instruction Publique, dont la famille lui est intimement liée, n’arrive pas à enrayer cette surveillance outrancière. Le 10 décembre, la loge maçonnique d’Aix apparaît au sous-préfet, suspecte. »

 

Le travail de M. Breuze ne donne pas d’autres précisions quant à ce qui s’est passé par la suite : quelle a été l’activité de Brémond ? A-t-il été emprisonné ou proscrit ?

 

Ce qui est sûr, c’est que trente ans après ces évènements, Brémond réapparaît, avocat, conseiller général, il fait partie de ce cercle fondé en 1881 comme tant d’autres à ce moment qui installeront les bases de la République. Rappelons que cette date est celle qui enregistre le plus grand nombre de créations de cercles, du moins à Marseille. Avec la création de ce cercle, on a un bel exemple d’une « revanche » de certains Rouges qui rongeaient leur frein depuis longtemps. Il était intéressant également de mettre en relief les liens Loge-Cercle-1851, même s’ils sont déjà connus, par delà une petite « histoire de vie ».

 

                                                                                                            Pierre Chabert

 

 


[1] Cf. Breuze, Insurgés et Opposants au coup d’état dans les Bouches-du-Rhône, (intégral), 1999-2000, in site 1851.fr