Quand le Souvenir napoléonien commémore le 2 décembre
article publié dans le Bulletin n° 21, octobre 2002 Quand le Souvenir napoléonien commémore le 2 décembre…
La lecture de la presse locale procure parfois des surprises. Un article de Paul-Henry Fleur, paru dans La Provence, édition de Marseille, le 2 décembre 2001, jour du cent-cinquantième anniversaire du coup d’état, s’intitule : “ Napoléon et sa Grande armée de retour à Marseille ”. Il commence ainsi : “ Pour le commun des mortels, la date du 2 décembre n’évoque rien (sic). En revanche, pour les amoureux de l’époque impériale, tels ceux réunis au sein de l’association Souvenir napoléonien, cette date est l’une des plus importantes du calendrier : celle de la victoire d’Austerlitz ”. En conséquence, la délégation de Provence de ladite association a organisé le matin du 1er décembre une conférence d’un de ses membres et, l’après-midi, un groupe de reconstitution historique “ en grande tenue ” a donné une aubade sur le quai du port avant de participer à une messe en l’église des Accoules, “ en hommage aux soldats de la Grande armée ”.
La bataille d’Austerlitz n’a pas eu lieu, que je sache, le 2 décembre 1801. Elle n’a évidemment aucun rapport avec Marseille, ville qui n’a d’ailleurs gardé que de mauvais souvenirs du Premier Empire, une des périodes les plus difficiles de son histoire. Il n’est pas interdit de juger plutôt malséante la commémoration de la politique de conquêtes et d’annexions napoléoniennes en un temps où les agressions de ce type sont sévèrement jugées par l’opinion des pays démocratiques et où la plupart des pays victimes de l’expansionnisme napoléonien font désormais partie de l’union européenne. Le jour du 150e anniversaire du coup d’état aurait pu du moins inspirer quelque discrétion aux thuriféraires des napoléonides. D’autant que l’on nous annonce que “ cette association – dont l’aspect historique lui a valu d’être reconnue d’utilité publique – pousse également son intérêt au Second Empire ” – au point d’avoir établi son siège rue de la république, l’ancienne rue impériale. Il est vrai qu’on l’imaginerait mal installée place du 4 septembre…
Le Souvenir napoléonien envoie des courriers insistants dans les universités pour inciter au développement des recherches sur les deux empires. Le recul du temps devrait permettre de fait un réexamen de tous les aspects de ces périodes controversées. Un tel déploiement de cuirs, poils et cliques à une date aussi sensible ne semble guère susceptibles d’y contribuer. D’ailleurs, pendant que des grognards d’opérette paradent dans une ville où la Grande armée ne vint jamais, leurs concitoyens du laboratoire d’Anthropologie physique de la Timone exhument et étudient les pauvres restes de soldats de la Grande armée jetés pêle-mêle dans une fosse commune de Vilnius pendant la retraite de Russie : voilà un contrepoint bien réfrigérant aux phantasmes impériaux.
Régis BERTRAND
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