La légende de Martin Bidouré

Chanson

La légende de Martin Bidouré

 

ou celui qui est mort deux fois

 

 

Quand il traverse la Rouguière

 

avec son ventre bedonnant

 

de barjolais, il n’y en a guère

 

pour l’appeler « mon gros Fernand »

 

Dans le canton dégun ne daigne

 

se rappeler son nom Martin

 

mais la rondeur de sa bedaine

 

sas ! tout le monde la retient.

 

Si son prénom n’est pas de mise

 

et que son nom est écarté

 

c’est que las plis de sa chemise

 

déclinent son identité

 

 

Bidoun, Bidouné, Bidouré,

 

Fernand Martin dit Bidouré

 

 

C’est pas la panse d’un notaire

 

faudrait pas se foutre dedans

 

il est un homme de la terre

 

robuste comme un cabestan.

 

Un jour pour le bœuf des Tripettes

 

la masse avait le bois cassé

 

Bidouré terrassa la bête

 

d’un seul coup de poing bien placé.

 

Pour couper le paquet de carte

 

il a une tocade d’ex-

 

-ception en le tranchant en quatre

 

entre son pouce et son index.

 

 

Va pas tricher à la contrée

 

Avec Martin dit Bidouré.

 

 

Bidouré n’est pas une espèce

 

de mauvais cuir trop mal tanné

 

il n’a rien de la brute épaisse

 

sous son visage efféminé.

 

À côté de ses yeux de bronze

 

le Verdon est d’un ton pisseux

 

les angelots tirent la tronche

 

près de son rire malicieux.

 

Ses cheveux longs tout en frisettes

 

feront mourir de jalousie

 

Manon, Lulu et puis Lisette

 

de la maison de courtoisie.

 

 

De sûr il est le préféré

 

sacré Martin dit Bidouré.

 

 

 

Dans les baletis quand il chante

 

du Pierre Jean de Béranger

 

on peut pas dir’ qu’il est le chantre

 

des locataires du clergé.

 

À ses copains il fait lecture

 

des manigances de Paris

 

il aime les caricatures

 

de Daumier dans Charivari.

 

L’est pas entré en politique

 

elle est plutôt venue à lui

 

en s’imposant comme une tique

 

la chaude pisse ou bien la pluie.

 

 

Oui c’est un homme libéré

 

notre Martin dit Bidouré.

 

 

Bidouré le peigneur de chanvre

 

devient un messager d’emprunt

 

dans la tourmente de décembre

 

de dix huit cent cinquante et un.

 

De Vérignon jusqu’à Sainte Anne

 

il galope pour joindre les

 

Cercles de la Jeune Montagne

 

un pli entre ses doigts gelés.

 

Partout les insurgés farouches

 

(Dans les hameaux le peuple bouge)

 

se déversent des tombereaux

 

(pour ne jamais accepter que)

 

par devant les Culottes Rouges

 

(l’escadron des Culottes rouges)

 

suppôts du préfet Pastoureau.

 

(piétine leurs chemins fangeux.)

 

 

la République est dévirée

 

pauvre Martin dit Bidouré.

 

 

Ils l’ont coursé dans une poche

 

près de la Baume de Tourtour

 

pour lui peindre sur sa caboche

 

un rond avec du rouge autour.

 

Mais la camarde est tatillonne

 

un bout d’essai ne suffit

 

pour engager le gentilhomme

 

dans la compagnie du trépas.

 

Bidouré rejouera la scène

 

contre un mur d’Aups, les poings liés

 

en fixant son public obscène

 

trois debout, trois agenouillé.

 

 

« N’ai proun ! » a lancé Bidouré

 

lorsque les feux l’ont éclairé.

 

 

Texte : Claude Béraudo (13 août 2001) mis en musique par Jean Marotta

 

(en italique et en gras, les éléments chantés par Art.9)