Ce texte a été publié dans la brochure « Résistances. L’insurrection de décembre 1851. La Résistance pendant la deuxième guerre mondiale à Tourves », 2001pour commander cette brochure cliquez ici Pour les besoins de la mise en ligne, le texte a été scindé en deux parties (vers la deuxième partie) Les évènements de 1851 à Tourvespar Claude Arnaud[1] (première partie) I- Le Var au milieu du XIXème siècle Au milieu du XIXème siècle, le département du Var est beaucoup plus équilibré qu’il ne l’est aujourd’hui tant du point économique que démographique. L’intérieur du département est peuplé et la population ne s’agglutine pas sur le littoral comme c’est le cas de nos jours. Quatre arrondissements composent le département : Draguignan, Brignoles, Grasse et Toulon. L’économie varoise est fondamentalement rurale et s’appuie sur le triptyque blé, vigne et olivier complété par l’élevage. Cette agriculture évolue lentement et la culture en expansion est la vigne alors que la nouveauté en matière de spéculation paysanne est le ver à soie. Le blé est la première culture dans la plaine et dans les bassins et l’arrondissement de Brignoles, avec ses 32 279 hectares de froment, est celui qui en produit le plus dans le département (statistiques Noyon, 1846). Dans un rapport que M. de Frossard, Préfet du Var, remet au Conseil Général en 1850 (Bibliothèque des A.D. du Var, carton 60), ce dernier note que la situation matérielle « laisse peu de chose à désirer » : l’agriculture fait des progrès sensibles, la récolte de céréales est bonne tandis que celle de la vigne et de l’olivier s’annoncent sous les meilleurs auspices et si l’éducation du ver à soie n’a pas réussi cette année-là, l’industrie séricicole prend chaque année un nouveau développement. Si l’activité agricole est incontournable, de nombreuses industries sont à l’œuvre sur tout le territoire ; les plus importantes sont représentées par l’arsenal de Toulon et les chantiers de construction navale de la Seyne mais le département était aussi couvert d’une multitude de petits et moyens établissements : tanneries, moulins, papeteries, filatures, draperies, pêcheries, ateliers de salaison, brasseries, scieries, distilleries, plâtrières, briqueteries, tuileries, fabriques de carreaux, teintureries, chapelleries, fabriques de bougies et de chandelles… avec quelques spécialisations remarquables comme la parfumerie et la savonnerie dans la région de Grasse, les fabriques de bouchon dans la région du Luc et des Maures, les filatures de cocons de vers à soie dont plus d’un tiers se trouve dans l’arrondissement de Brignoles tout comme s’y trouve plus de la moitié des tanneries du département (voir particulièrement Barjols). On rencontre d’autres concentrations particulières comme les papeteries dans la vallée du Gapeau, les cordonniers à Flayosc ou Bargemon ou les fabriques de carrelage à Salernes pour ce qui est de nos voisins les plus immédiats. Comme le souligne le rapport de M. de Frossard déjà cité, le Var de 1850 ne présente pas une situation économique particulièrement inquiétante bien que les années 1846-1851 s’inscrivent dans une période de dépression nationale. Les gels des oliviers de 1820 et 1830 sont loin derrière de même que le dramatique épisode du choléra de l’été 1835 qui décima dans l’arrondissement de Brignoles 619 hommes et femmes (même si la maladie refait son apparition en août et septembre 1849). II- Tourves au milieu du XIXème siècle Dans l’arrondissement de Brignoles, Tourves est une commune à la surface importante : 6562 hectares. L’activité agricole y est essentielle et si les bois avec 2940 hectares représentent 45 % de la surface communale, c’est une proportion aussi importante de terrains qui est cultivée et qui se répartit comme suit : 1431 hectares de terres labourables dont près de 150 sont arrosantes (22 % du territoire), 1139 hectares de vignes dont 90 sont complantés en oliviers (17% du territoire), 258 hectares d’essarts représentent 4 % du territoire, 150 hectares d’oliviers représentent 2,3 % du territoire, 37 hectares de prés (0,5 % du territoire), 32 hectares de sumac et fauvines (un peu moins de 0,5 % du territoire). Les terrains de pâture pour les troupeaux représentent quant à eux avec 425 hectares 6,5% de la surface communale. La surface restante se répartit en jardins, sols de maisons, pateqs, bassins, aires, étangs, chemins… Le même cadastre napoléonien de la commune établi vers 1845 d’où sont tirées ces informations montre que Tourves, en matière de petite industrie, n’a pas de spécialisation particulière si ce n’est peut-être un nombre important de tanneries ; on y rencontre ce qu’on devait trouver dans la plupart des villages de Provence intérieure : trois moulins à farine, trois moulins à huile, un moulin à tan, six fours, quatre tanneries, cinq fabriques d’eau de vie et une fabrique de papier sans compter parmi les 641 maisons, boutiques, magasins et autres bâtiments consacrés à l’habitation, au commerce et à l’industrie, les lieux qui abritaient les échoppes de nombreux artisans. Autre caractéristique communale, l’abondance de sources jaillissant sur le territoire, leur canalisation pour certaines d’entre-elles, au total des kilomètres de canaux permettant d’irriguer un peu moins de 200 hectares et qui mettra le foin parmi les principales productions locales comme le note Noyon dans sa notice sur Tourves (voir document ci-contre ). Tourves, peuplé en 1846 de 2522 habitants, est le type même du gros village urbanisé que l’on rencontre en pays méditerranéen et dont la fondation remonte au Moyen Age. C’est une communauté qui, comme le souligne Maurice Agulhon dans « La République au village » est fortement groupée, anciennement structurée et où « … toutes les classes s’affrontent et se coudoient ». La répartition de la propriété foncière donne une photographie des classes sociales en présence : l’étude des matrices du cadastre napoléonien donne un nombre total de 996 propriétaires (dont 201 forains, c’est à dire résidant hors de la commune). Les propriétés de plus de 100 hectares sont au nombre de 16 et ces 16 propriétaires regroupés possèdent 41 % de la surface imposable de la commune (Voir documents page 8 et 9). Si on considère les propriétés de plus de 100 hectares à celles d’au moins 25 hectares, on obtient 32 propriétés dont les possédants totalisent 54 % de la surface totale imposable et près de 35 % de la valeur cadastrale totale ; sur ces 32 propriétaires, on trouve 8 personnes sans mention particulière, 8 propriétaires, 6 ménagers, 3 nobles, 2 avocats, 1 fabricant d’eau de vie, 1 religieux, 1 médecin, 1 négociant, 1 boucher. Si les nobles sont toujours présents, la classe majoritairement possédante est bourgeoise. Les plus grosses propriétés se construisent autour des bastides, formant d’importantes entités foncières où la culture du blé est prépondérante ; la vigne se répartit largement sur le territoire communal dans tous les types de propriétés alors qu’à l’opposé, l’olivier est quasiment absent des grands domaines. La dispersion des propriétés est la règle au fur et à mesure que l’on va vers des propriétés plus modestes. Dans les propriétés de moins de un hectare à 5 hectares, on trouve 774 des 996 propriétaires ; y sont mentionnés 192 cultivateurs (la grande majorité des cultivateurs de Tourves 84,5 %), un peu plus de la totalité des ménagers de la commune (88 ménagers représentant 58 % de l’ensemble de cette catégorie[2]), 228 professions diverses et 266 sans profession indiquée. Au village, toutes ces classes coexistent, bourgeois rentier, négociant, profession libérale, fonctionnaire et religieux jusqu’à la masse pauvre des travailleurs, journaliers agricoles ou artisans. Un rôle des 131 patentables de la commune établi en 1825 donne une idée de la diversité des métiers alors représentés dans la communauté (voir document ci-contre). Dans la liste des 20 personnes les plus imposées de Tourves établie 23 ans plus tard (voir document page 12), avec quelques négociants et artisans auxquels se joignent un maître des postes et un ménager, on retrouve le gros des troupes de la bourgeoisie locale ou foraine qui possède une grande partie du territoire communal. III- Une société qui change La France de cette première moitié du dix-neuvième siècle s’inscrit dans la révolution industrielle qui secoue l’Europe : démographie en hausse, machines à vapeur et mécanisation de l’industrie, essor du chemin de fer, développement de la société par actions, montée du capitalisme libéral et, corollaire à ce développement et à ce monde qui s’industrialise, apparaît une nouvelle catégorie de travailleurs : le prolétaire. Jusqu’alors artisans employés dans des ateliers, paysans complétant leurs revenus ou compagnons faisant leur tour de France, la condition ouvrière ne connaissait pas encore les grandes concentrations industrielles. La première moitié du dix-neuvième siècle va voir ces changements avec la création de fabriques de taille importante qui préfigureront les centres industriels de la fin du siècle. Cette nouvelle couche sociale qui naît connaît les pires conditions de travail : la journée de travail est partout de quinze heures, parfois seize ou dix-sept, la discipline à l’intérieur des ateliers est quasi militaire et les salaires de misère entraînent des conditions de vie épouvantables. Ces changements économiques et sociaux provoquèrent en France et en Europe l’apparition de nouveaux concepts : le libéralisme qui s’appuie sur les théories de l’économiste Adam Smith et le socialisme. C’est le typographe Pierre Leroux qui lance en 1833 le mot « socialisme » l’opposant ainsi à « individualisme ». Dans la décennie 1840, les réformateurs sociaux s’indignent des nouvelles conditions d’existence de cette nouvelle classe, le prolétariat, engendrée par la révolution industrielle ; leurs réflexions sur les moyens à mettre en œuvre pour remédier aux travers du capitalisme aboutissent à l’élaboration de plusieurs systèmes depuis le réformisme communautaire jusqu’à la formulation d’utopies, particulièrement de la part d’hommes comme Fourier ou Cabet ; ces derniers tentent de répondre à la mécanisation du monde en retrouvant une harmonie universelle en passant par le communisme révolutionnaire. Etienne Cabet, avocat et publiciste français, nous intéressera plus particulièrement car, celui qui est surtout connu pour son roman utopique « Voyage en Icarie » dans lequel il expose ses conceptions d’un communisme fondé sur l’égalitarisme absolu et la fraternité, avait des adeptes à Tourves. Au lendemain de la révolution de 1848, il tenta de mettre ses théories en pratique en fondant des communautés au Texas puis en Illinois. IV- Entre progrès et réactions Au long du dix-neuvième siècle, les tenants d’un ordre stable et conservateur s’affrontent à ceux qui souhaitent développer les principes de la Révolution. Sous le règne du roi Louis-Philippe, le suffrage censitaire qui excluait une majorité des Français du vote est une des causes principales de la Révolution de 1848 et de la chute de la Monarchie de Juillet. A Tourves, en 1839, il y avait seulement 14 personnes sur une population d’environ 2 220 habitants qui pouvaient participer à l’élection des députés car elles atteignaient le niveau d’imposition requis (voir document page 15). En 1848, dans un contexte de crise agricole et économique alors que divers scandales secouent le pays, la volonté de réformes libérales va provoquer le soulèvement de Paris qui durera trois jours au terme desquels la République est proclamée, Louis Philippe abdique et s’enfuit en Angleterre. Si la deuxième République débute dans l’allégresse avec, entre autres, la proclamation du suffrage universel masculin, l’instauration des libertés élémentaires d’opinion et de réunion, l’abolition de la peine de mort en matière politique et l’abolition de l’esclavage, les intérêts divergents se font vite jour entre les tenants de l’ordre établi et de la paix et ceux qui voient dans l’avènement de cette République le début de construction d’une société nouvelle, plus juste et plus fraternelle. Cette confrontation trouvera son épilogue en juin où pendant quatre journées sanglantes, la classe ouvrière sera violemment réprimée et mise au pas : 3035 cadavres du côté des ouvriers, plus de 1500 fusillés sans jugement et des milliers de condamnations. Mais si l’avant-garde de la classe ouvrière a été décimée à Paris, leaders arrêtés, journaux interdits, clubs dissous, les « rouges » n’en sont pas pour autant muselés sur l’ensemble du territoire et le mouvement s’organise et se discipline, obtient des succès électoraux renforçant du même coup la grande peur des tenants du parti de l’ordre. Luc Willette, dans son livre : « Le coup d’état du 2 décembre 1851 » résumera ainsi la situation : « …la France, au milieu du XIXème siècle, est manichéenne, et l’histoire de ces trois années qui vont de la chute de Louis Philippe à l’avènement de Napoléon III, est celle de l’affrontement entre cette moitié de la France qui crève de faim, et cette autre moitié qui crève de peur….Ce qui, pour tous les français en 1850 est le vrai seul problème : l’affrontement entre les rouges et le parti de l’ordre ». Au lendemain de la répression des ouvriers parisiens, l’assemblée constituante adopte une constitution qui prévoit un pouvoir législatif composé d’une chambre élue au suffrage universel et un pouvoir exécutif, le président de la République, élu pour une durée limitée et non rééligible. En décembre 1848, c’est Louis Napoléon Bonaparte, le candidat du parti de l’ordre, qui est plébiscité et élu Président de la République. Les législatives auront lieu en mai 1849 et donneront des résultats plus contrastés : si les républicains modérés sont écrasés, les rouges obtiennent 180 élus et un tiers des suffrages exprimés. Dans le Var, et c’est le cas à Tourves, les élections présidentielles voient arriver en tête le général Cavaignac ; aux législatives qui suivirent, les varois se distinguèrent là encore élisant quatre députés de gauche sur les sept à désigner. L’objectif de mettre cette gauche renaissante au pas est prioritaire pour un pouvoir qui croyait s’en être débarrassé en juin 1848. L’occasion se présentera rapidement : une manifestation parisienne contre l’envoi par Louis Napoléon Bonaparte d’une expédition à Rome destinée à y rétablir le pape chassé par les républicains italiens sera chargée sabre au clair par la troupe ; les morts qu’on relèvera n’en seront pas les seules conséquences : l’état de siège est décrété à Paris et dans onze départements, les journaux de gauche supprimés, on musèle la presse et on réglemente le colportage, toute réunion « qui serait de nature à compromettre la sécurité publique » est interdite, trente députés de gauche sont déchus de leurs mandats et dix-sept autres sont condamnés à la déportation. Malgré tout cela, les rouges continuent à enregistrer d’excellents résultats à toutes les élections complémentaires. Les députés de l’extrême gauche qui ont repris le nom de La Montagne pour désigner leur groupe politique disposent encore de quelques journaux importants ; parmi eux, Le Populaire dont nous entendrons parler à Tourves. Ils s’appuient sur un réseau de sociétés secrètes issues des formes de vie collective qu’étaient les chambrées. Tous attendent l’échéance de 1852 où il faudra élire une nouvelle assemblée et un nouveau président, puisque, selon la constitution, Louis Napoléon Bonaparte n’est pas rééligible. Renforcée par ses succès électoraux, la Montagne attend l’échéance électorale, persuadée que le pouvoir est à portée de main. Quelques-uns pourtant, regroupés au sein de la « Nouvelle Montagne » prêchent pour l’action illégale et appellent à se préparer à des affrontements violents. Le 2 décembre 1851, Louis Napoléon Bonaparte qui voulait se maintenir au pouvoir dissout l’assemblée nationale, fait procéder à toute une série d’arrestations et appelle l’armée à le soutenir. Le coup d’état réussit mais la résistance va s’organiser. V- La situation à Tourves La révolution de 1848 n’entraîna pas à Tourves de bouleversements. Le conseil municipal de Tourves avant 1848 est alors dirigé par François Sivan, avocat, qui avait remplacé en janvier 1847 le maire décédé Imbert Auguste. Ses adjoints sont : Cheilan Louis Henri, distillateur et Ourdan Antoine, tonnelier. C’est ce conseil municipal qui, le 5 mars 1848, écoute la déclaration que fait le maire suite à l’avènement de la République. Comme il le dit lui-même, Sivan s’est jusqu’alors abstenu de tout engagement et commentaire sur les évènements et la grande satisfaction qu’il exprime devant les Tourvains mais aussi devant « l’autorité supérieure » est celle du calme et de la tranquillité qui ont régné dans la commune : « Jusqu’ici j’avais cru devoir m’abstenir de toute manifestation publique en faveur du mouvement qui vient de rendre à notre belle France sa liberté dans la crainte d’augmenter la frayeur qui, dans les premiers jours, s’était emparé du plus grand nombre dont les souvenirs se reportaient involontairement vers le temps où sous le beau aveu de République, on avait vu se commettre de trop regrettables excès. Gloire à dieu ! ce qui s’est passé jusqu’ici et surtout la sévérité que le gouvernement provisoire a déployé contre ceux qui voudraient profiter de ces moments d’agitation…… Respect aux personnes et aux propriétés, soyons unis parce que nous sommes frères…. Ayant foi en l’avenir, ne compromettons point par des excès coupables l’ère de la liberté. Vive la nation ! Vive le peuple français ! Vive la France ! Vive la République ! » Une souscription sera ouverte au secrétariat de mairie en faveur des blessés de la révolution ; une commission est créée à l’Hôtel de Ville pour siéger tous les jours de 10 h à midi et de son côté, le commandant de la garde nationale sur l’invitation que le maire en a faite a promené dans les rues le drapeau national en chantant la Marseillaise. Le 19 mars 1848, par arrêté préfectoral, le maire Sivan est révoqué et remet les clés avec l’inventaire des archives. Une commission municipale provisoire est désignée avec, à sa tête, Garrel Pierre Auguste, maire. Le 30 avril 1848, une nouvelle administration provisoire est nommée puis un conseil municipal élu en septembre 1848 avec Maurice Davin comme maire, Allaman Eugène et Louis Blanc comme adjoints. Maurice Davin, décédé, sera remplacé en mars 1849 par Davin Etienne. Ce dernier sera vraisemblablement forcé à démissionner ou révoqué à l’automne 1850 et Eugène Allaman, son premier adjoint, sera maire par intérim avant que de le devenir en titre quelques mois plus tard. Etienne Davin, certainement trop républicain au goût de certains, était ainsi qualifié dans un « Etat des hommes dangereux du département du Var » d’octobre 1851 (4M33, AD Var) : « Davin Etienne. Rentier. 50 ans. Jouissant d’une fortune aisée. Marié avec enfants. Position sociale nulle. Ex-maire. Profite de sa position pour entraîner la population de la commune dans l’insurrection ». Le feu couve en effet dans le centre-Var et les propos du sous-préfet de Brignoles qui, en février 1848, note qu’il y a dans l’opinion une » tendance bien marquée vers les idées républicaines « entretenue par l’existence des » chambrées » se verront confirmer avec la réaction populaire qui suivra le coup d’état du 2 décembre 1851. Les chambrées, sorte de cercle où les hommes se réunissent après le souper pour boire, discuter, lire les journaux ou en écouter la lecture par quelqu’un d’instruit sont les principaux vecteurs de la propagande républicaine. En 1836, un état des chambrées varoises (4M13 AD Var) indique qu’à Tourves se trouvent trois chambrées, non autorisées, ayant moins de 20 personnes dont le but est de jouer et boire. Quelques années plus tard, des propagandistes sont clairement identifiés. Dans un courrier du 19 janvier 1848 au préfet du Var, le ministère de l’intérieur signalait les noms » d’un grand nombre de personnes qui entretenaient une correspondance active dans un intérêt de propagande avec M. Cabet, ancien député, ancien condamné politique et l’un des principaux meneurs d’une secte communiste appelée Icarienne « . Parmi les six noms de Varois, Requier fils, à Tourves, ouvre la liste. C’est lui qu’on retrouvera en 1851 chef de la société secrète de Tourves et dirigeant de l’insurrection armée. Le 15 février 1848, le sous-préfet de Brignoles envoie au préfet du Var les informations qu’il a recueillies sur Requier : » …Cet individu est natif de Sollies-Pont, il est marié à Tourves où il exerce son état de cordonnier. M. le maire qui s’intéresse à lui, l’a présenté comme préposé surveillant de l’octroi. Requier a de plus la ferme du pesage et mesurage. Ces diverses industries ne le placent pas dans une position de fortune bien avantageuse. Sa moralité est fort bonne. Je vous ai dit que ses opinions étaient fort exaltées, je vous dirai de plus qu’il est communiste de la secte de Cabet et qu’il reçoit le journal Le Populaire dont il fait circuler les numéros dans le café qu’il fréquente; il paraît qu’il a quelques regrets de s’être ainsi affiché et qu’il ne se propose pas de renouveler son abonnement au Populaire. On ne le croit pas capable de se livrer aux excès qui seraient la conséquence des principes qu’il professe. Ses relations sont peu nombreuses, je ne crois pas qu’il en ait avec le sieur Collée de Brignoles. Quant à son influence à Tourves, elle est nulle, elle se borne à s’exercer sur deux ou trois prosélytes aussi peu influents que lui … « Village divisé, Tourves l’est certainement, et si les résultats électoraux l’attestent, d’autres indices permettent d’entrevoir les tensions qui ponctuent cette période. Par lettre du 4 mars 1850, Ricard fils écrit au maire de Tourves pour l’informer de la création d’un nouveau comité électoral dans la commune et de la tenue de séances publiques pendant une semaine, tous les soirs, à partir de 20 h, séances auxquelles il est par ailleurs invité. Ce même comité électoral rebaptisé Cercle de bienfaisance de Saint-Probace fera l’objet d’un second courrier du 12 avril 1850 toujours au maire de Tourves pour l’informer de sa création : on y retrouve Ricard fils, fondateur, avec Lombard d’Espérel ; la bienfaisance est le but avoué du cercle dans lequel seront interdites les discussions politiques et religieuses. Le premier courrier du 4 mars est en mettre en rapport avec un arrêté du 16 mars 1850 de la Préfecture du Var qui dissout à Tourves la société dite Société de la Cocarde au regard des troubles que ses membres ont semés à la fois dans un café, le 5 mars puis le 8, où ils ont rendu impossible la tenue d’une réunion électorale adverse (voir documents p 26 et 27). Les années 1849 et 1850 voient un nombre de révocations excessivement élevé touchant des élus communaux ; les dissolutions de sociétés suspectes n’en sont pas moins nombreuses. Si les varois se sont donc distingués dans leur vote aux présidentielles et aux législatives, un préfet de choc, Georges-Eugène Haussmann, déploiera tous ses efforts pour contenir tous ceux qui font du Var un département contestataire de l’ordre. Un autre document, l’état des réunions dissoutes du 19 juin 1850 au 16 avril 1851 (4M17 AD Var), nous informe que suite à la dissolution de la société de Saint Vincent de Paul par arrêté de M. le Président de la République fin 1850, le Café Cival est dissous en date du 27 janvier 1851 ; on a certainement là le cercle des rouges de la commune[3]. Malgré tout, si le coup d’état de Louis Napoléon Bonaparte réussit le 2 décembre, les réactions ne vont pas se faire attendre. deuxième partie
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