Jean-Antoine Rey : histoire d’un rouge chez les planteurs

article publié dans le Bulletin n° 21, octobre 2002

Jean-Antoine Rey (1826-1880), histoire d’un “ rouge ” chez les planteurs

Cette histoire est racontée par son arrière-petit fils, Jean Claude Rey, dans une brochure d’une trentaine de pages, imprimée à Angers, 2001. En voici un résumé.

En février 1848, Jean-Antoine Rey, vingt-deux ans, est employé à Valence dans une entreprise de roulage qui assure des services vers Lyon et Crest. Après la répression qui suit les terribles journées de juin, les républicains se rassemblent dans des cercles démocratiques, des travailleurs, etc. À partir de 1850, les plus résolus adhèrent à la Nouvelle Montagne, une société secrète organisée comme une petite armée : à la base, on trouve des sections de 10 hommes, avec un sergent et un caporal, et chacun doit être armé et prêt au combat ; au-dessus, des comités d’arrondissements, de départements et un comité directeur à Paris et à Lyon. Ce dernier rayonne sur 15 départements : Ain, Jura, Saône-et-Loire, Rhône, Isère, Drôme, Ardèche, Gard, Aude, Hérault, Vaucluse, Hautes et Basses-Alpes, Bouches-du-Rhône, Var.

J.A.Rey, grâce à sa position dans une maison de transports, est chargé de transmettre des messages d’une ville à l’autre. Son chef est Ernest Humbert de Saint-Prix, d’une famille de républicains de l’Ardèche, près de Lamastre : un de ses grands-pères, député à la Convention, a dû se cacher pour échapper aux monarchistes après le Directoire ; dans la même tradition, l’un de ses descendants, Jean de Saint-Prix (1869-1919), licencié en philosophie, s’engagea dans l’opposition à la guerre, dès 1914, avec un dévouement absolu, au point que R.Rolland le reçut comme “ un jeune frère ” et que R.Martin du Gard le prit comme un des modèles du Jacques Thibault de L’Été 1914. La police ayant découvert les activités de la Nouvelle Montagne, ses principaux chefs passent devant un Conseil de guerre à Lyon, en août 1851. Pour les 37 prévenus et les 12 fugitifs, les peines prononcées sont très lourdes : 7 accusés (dont Louis Langomazino) sont condamnés à la déportation aux îles Marquises ; 4 autres, dont Rey et Saint-Prix, échappent à la même peine en fuyant en Suisse. De là, ils gagnent Londres où ils sont accueillis dans la Société des proscrits (avec Louis Blanc, Ledru-Rollin, etc.). Mais ils préfèrent aller à New-York d’où ils décident de partir chercher fortune en Australie. Mais le trois-mats sur lequel ils embarquent en février 1853 est à peu près hors service et commandé par un capitaine alcoolique ! Ils échouent, dix mois plus tard, à l’île Maurice où ils se fixent. Après l’amnistie de 1859, Saint-Prix rentre en France mais Rey, qui travaille dans une sucrerie reste sur place avec sa femme et ses quatre enfants. Puis il s’installe à la Réunion. En 1879, Hector, son fils aîné étudiant à paris, sollicite une aide du Ministre de l’Intérieur pour que sa famille puisse rentrer en France, “ la grande patrie commune ”. Cette lettre, “ apostillée ” par deux questeurs de l’Assemblée et par V.Hugo, reste sans réponse. Jean-Antoine Rey meurt en 1880 et sa veuve ne sera pas davantage aidée.

 

André DASPRE