Déposition d’Augustin Cival

Ce texte a été publié dans la brochure « Résistances. L’insurrection de décembre 1851. La Résistance pendant la deuxième guerre mondiale à Tourves », 2001

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Interrogatoire de Cival Augustin le 31 décembre 1851

devant le juge d’instruction de Brignoles

 

 

… Demande : Quels sont vos noms, prénoms, âge, domicile, demeure et lieu de naissance ?

 

Réponse : Cival Augustin, trente et un ans, tanneur, né à Saint-Germain de Calberthe (Lozère) marié sans enfant.

 

Demande : Avez-vous été condamné en justice ?

 

Réponse : Non, Monsieur.

 

Demande : Vous êtes inculpé d’avoir pris part au mouvement insurrectionnel qui a éclaté à Tourves le cinq décembre et jours suivants.

 

Réponse : Je reconnais être venu sur la place de Tourves armé de mon fusil le dimanche 7 décembre. C’est moi qui ai proclamé sur la place les noms des membres de la nouvelle municipalité mais il est faux que j’ai fait précédé cette proclamation d’une allocution au peuple, il n’est pas vrai comme on a dit que je suis allé au Luc le mercredi trois décembre pour prendre le mot d’ordre avant que la nouvelle municipalité fut installée.

 

Demande : Avez-vous vu Duteil à son passage à Tourves ?

 

Réponse : Non, monsieur.

 

Demande : Vous fesiez partie d’une société secrète établie à Tourves et dont Requier était le Président.

 

Réponse : Non monsieur, je ne connais pas de société secrète établie à Tourves.

 

Demande : Plusieurs individus de Bras affirment cependant avoir été reçus par vous dans la société secrète qui couvrait le département du Var ?

 

Réponse : Cela n’est pas vrai, je ne connais aucune société.

 

Demande : Fesiez-vous partie de la commission municipale de Tourves ?

 

Réponse : Non monsieur.

 

Et plus a été  interrogé lecture à lui faite et nous lui avons demandé s’il persiste, il a persisté et a signé avec nous.

 

 

Et le dix janvier mil huit cent cinquante deux, nous Louis Hyacinthe Reynaud, président par délégation juge d’instruction, avec notre cabinet à Brignoles, assisté de Marcellin Bérenguier notre greffier, nous avons adressé les questions suivantes au sieur Cival Augustin.

 

Demande : Il résulte des dépositions que j’ai entendues que lundi au soir, 8 décembre, vous êtes partis de Tourves avec Riquier et une foule de gens armés, de Tourves, et que vous vous êtes rendus à Saint-Maximin. Je vous invite à dire, sur ce point, la vérité ?

 

Réponse : Je vous certifie que je ne suis point allé à Saint-Maximin. Réquier nous a dit que les ordres étaient venus de Brignoles qu’il fallait partir pour marcher sur Draguignan ; quelques-uns de ceux qui paraissaient disposés à partir me demandèrent conseil : je leur répondis qu’il ne fallait pas quitter le pays.

 

Demande : Quels sont ceux qui vous ont demandé conseil ?

 

Réponse : Je ne puis vous les désigner mais il y avait avec nous Joseph Plauchier qui connaît mieux le pays que moi et qui pourrait vous les désigner.

 

Demande : Citez-moi seulement deux de ceux qui sont allés à Saint-Maximin et qui pourraient attester que vous n’y étiez pas ?

 

Réponse : Je ne puis vous citer personne car je ne connais aucun de ceux qui y sont allés sauf Réquier.

 

Demande : Vous avez prétendu que vous ne faisiez pas partie de la société secrète de Saint-Maximin[1] ?

 

Réponse : Je reconnais que j’en fait partie.

 

Demande : Il faut reconnaître quelque chose, vous étiez chef de section ?

 

Réponse : C’est vrai

 

Demande : Faites-moi connaître le nom de vos dix sectionnaires ?

 

Réponse : Il y avait Olivary, boulanger, fournier, Louis Castellan, tanneur, Sivan Louis, maître-tanneur, Sayou Joseph, tanneur, Guisol Magloire, Verdillon Omer, le plus jeune des deux frères, Castellan boulanger, Chrétien dit Bourguignon, Blain, tanneur, je crois que je n’en avais pas d’autres.

 

Demande : Qui vous a fait prêté serment ?

 

Réponse : Je n’ai pas prêté serment, mais cela revient au même. Réquier me proposa de faire partie de la société et j’acceptai ; il me dit que la société était organisée pour maintenir la République.

 

Demande : Qui étaient les autres chefs de section ?

 

Réponse : Je ne puis vous en désigner que quelques-uns. Réquier recevait les sectionnaires, quand il y en avait dix nouveaux, il désignait le chef de section ce qui était cause que nous ne nous connaissions pas tous. Je ne connais que Castellan le gali, Joseph Bonnefoy dit petit parrain, le sieur Philippe, cultivateur, demeurant rue du Moulinet, Brémond dit rossignol, cultivateur. Je ne puis pas vous en désigner d’autres. Je crois que Gautier le rouge l’était mais je n’en suis pas sûr.

 

Demande : Réquier ne vous avait-il pas fait distribuer des balles ?

 

Réponse : Non monsieur, au moins je l’ignore, pour moi je n’en ai jamais reçue

 

Demande : Réquier n’avait-il pas engagé les membres de la société qui n’avaient pas de fusil à en acheter ?

 

Réponse : Si, je l’avais ouï dire.

 

Demande : Vous avez vous-même distribué plusieurs fusils à vos sectionnaires.

 

Réponse : J’en ai distribué quatre. Je les avais pris le quatre au soir à la Mairie pour les distribuer à mes hommes, c’est Réquier qui me dit de le faire.

 

Demande : Vous avez proclamé les noms des membres de la municipalité insurrectionnelle, comment cette liste avait-elle été composée ?

 

Réponse : Voici ce qui s’est passé à cet égard ; c’est à tort que l’on a répandu le bruit que j’étais allé à raison ? au Luc ; le samedi matin, Réquier vint à Brignoles avec Olivary sans me dire dans quel but. Le soir il revint à Tourves et à son arrivée, il nous dit qu’il fallait absolument établir une nouvelle municipalité. La composition des membres fut débattue au cercle des travailleurs ou des rouges. On composa la municipalité de douze noms, M. Garrel et M. Martin n’y figuraient pas, à ce que je crois, je pense qu’ils n’ont été ajoutés que le lendemain à la liste.

 

Demande : Comment entendiez-vous obtenir le changement de gouvernement ?

 

Réponse : Nous n’avions pas là-dessus d’idées bien nettes, nous voulions d’abord que la Mairie à Tourves fut occupée par des gens pris parmi nous ; nous voulions ensuite un bon gouvernement qui supprimât les droits réunis, qui fit payer l’impôt par[2]… ne fit pas peser l’impôt autant sur le pauvre.

 

Demande : Quels moyens deviez-vous employer pour avoir ce bon gouvernement ?

 

Réponse : Nous devions voter de la même manière.

 

Demande : Dans les journées des 4, 6, 7 et 8 décembre, n’avez-vous pas fait partie des postes qui ont arrêté des voitures ?

 

Réponse : Non monsieur, je n’ai jamais monté la garde.

 

Demande : Le 8 décembre au soir, n’étiez-vous pas présent quand on a pris les cartouches de la Mairie ?

 

Réponse : Non monsieur.

 

Demande : Quels sont les sectionnaires au serment desquels vous avez assisté ?

 

Réponse : J’ai assisté au serment prêté par Blain, qui a été reçu à la campagne de M. Garrel, en l’absence de celui-ci. Réquier qui a un morceau de terre près de cette campagne en avait la clé, j’ai assisté au serment de Chrétien dit Bourguignon, à celui de Paul César Olivary. Le serment était prêté ordinairement sur un couteau ou sur un pistolet, j’ai vu faire des réceptions dans le cercle où l’on ne mettait ni couteau ni pistolet.

 

Le serment était prêté par demandes et par réponses. Promettez-vous de défendre la République si elle était menacée ? Je le jure.

 

Promettez-vous de secourir un frère s’il était dans le besoin ? Je le jure.

 

Consentez-vous à mériter la mort si vous trahissez votre serment ? J’y consens.

 

Quand le récipiendaire avait ainsi répondu aux questions Réquier disait : au nom du Christ de la Montagne je vous (ou je te) reçois dans la société.

 

Et plus  été interrogé, lecture faite, il a persisté et a signé…

 

 

 


[1] Certainement une erreur du greffier, il s’agit vraisemblablement de la société de Tourves.

 

[2] Texte barré : qui fit payer l’impôt par…