La journée de Château-Arnoux

publié dans le bulletin numéro 2, juillet 1998

La rencontre de Château-Arnoux

 par Jean Signoret

 

La rencontre du 29 novembre à Château-Arnoux, consacrée au coup d’État du 2 décembre 1851 a connu un grand succès.

Sa présentation avait été assurée par la diffusion du bulletin (envoyé à de nombreuses personnes par nos soins ainsi que par les associations Alpes de Lumière, Cercle généalogique 04, Sabença de la Valeia) et par une sympathique couverture de presse : nous remercions particulièrement à cet égard la Marseillaise, la Provence, Var Matin.

La journée devait se dérouler dans la salle municipale du centre de Château-Arnoux (voir notre annonce dans le bulletin n0 1). Devant l’afflux des inscriptions, les organisateurs ont décidé quelques jours avant le 29, de la tenir dans la grande salle du camping des Salettes.

Le fléchage a permis a tout le monde de se repérer. En ce samedi, à 9 heures, cent quarante personnes se retrouvaient pour une journée d’étude et d’échanges. Bas-Alpins et Varois étaient présents en nombre. Mais d’autres étaient venus aussi des Alpes-Maritimes, de l’Ardèche, des Bouches-du-Rhône, du Gard, des Hautes-Alpes, du Vaucluse. Des messages de soutien sont parvenus de l’Hérault, du Sud-Ouest, de la Drôme, de la région parisienne, de Normandie… C’est dire l’intérêt qu’a suscité cette journée.

Saluons la présence de descendants d’insurgés, dont les 19 descendants d’André Ailhaud (familles Morucci et Marchetti) venus de tout le Sud-Est, de Grenoble à Nice. Un stand présentait les documents confiés par des familles de proscrits : Mme Simone Guichard de Digne, Mme Marcelle Ailhaud des Mées, M. Christian Maurel de Volonne, M. Lucien Maurel de Carqueiranne, Mme Pujol d’une famille originaire de Mézel, fixée à Marseille. Jean Rambaud, descendant d’un insurgé du Revest des Brousses, n’avait pu être présent mais était là par le coeur.

Nous saluons également la présence de nombreux élus des Alpes de Haute-Provence, MM. les maires J. Escanez (Château-Arnoux), R. Philippe (les Mées), C. Suffit (Peipin), M. Amie! (Riez), MM. les conseillers généraux R. Bressand, P. Bernard, M. Clément. La librairie, «La Ruelle », proposait les ouvrages historiques des participants, ainsi que les romans de Jean Rambaud La Provence insurgée et de Luc Vilette Et la montagne fleurira.

La journée a été filmée par une équipe de la société de production Copsi, d’Eguilles (Bouches-du-Rhône), et par le groupe vidéo du collège Camille-Reymond de Château­Arnoux.

À 11 heures, les travaux se sont interrompus pour permettre aux participants et à la population d’assister à la pose de la plaque en l’honneur d’Ailhaud (à l’initiative de Mme Colette Chauvin), au centre de Château-Arnoux en présence de la municipalité, des enfants et des personnels de l’école Freinet. Un apéritif était ensuite offert par la municipalité. Après un repas convivial pris en commun à 1’IME «La Durance», les participants se retrouvaient pour une seconde séance de travail qui se terminait comme prévu en fin d’après-midi.

 

Un grand merci à la municipalité de Château-Arnoux qui a permis le déroulement matériel de cette journée : location de la salle, apéritif, et qui a pris en charge la réalisation et la pose de la plaque en l’honneur d’Ailhaud.

 

Il n’est pas question ici de pouvoir donner un compte-rendu intégral des travaux. Nous espérons dans l’avenir assurer la publication, sous réserve évidemment de l’obtention des subventions demandées aux diverses collectivités locales, départementales et régionale.

 

En ouverture, René Merle, président de l’association, réaffirmait combien cet acte de mémoire est partie prenante de notre présent, dans l’affirmation républicaine au sens le plus noble et le plus positif.

Trois éminents historiens ont ensuite replacé l’événement dans le cadre régional et national :

Michel Voyelle, président de l’Institut international d’histoire de la Révolution française, a traité des possibles liens entre la géographie des engagements révolutionnaires (voir en particulier le semis des sociétés populaires de 1792-1793) et la géographie de l’insurrection de 1851.

Maurice Agulhon, professeur honoraire au Collège de France, s’est interrogé sur les motivations, les caractéristiques et les répercussions immédiates de la résistance au coup d’Etat, résistance dont il a analysé la postérité, de la IIIe République à nos jours.

Raymond Huard, professeur émérite à l’Université de Montpellier Paul-Valéry, étudia le rôle du suffrage universel dans la mobilisation politique et le développement de divers cas de figures politiques dans le Sud-Est.

 

Pierre Girardot, ancien député, figure des Basses-Alpes, montra combien le souvenir de la résistance au coup d’Etat a sous-tendu d’autres résistances au XXe siècle, depuis le cortège antifasciste de Digne, en 1934 (les enfants d’insurgés en tête du défilé), jusqu’à la Résistance de 1940-1944.

Deux jeunes historiens ont ensuite présenté de façon passionnante deux figures de la démocratie bas-alpine, emblématiques mais pourtant jusqu’ici mal connues. Christian Maurel évoqua l’action et la vie d’André Ailhaud, âme de la résistance dans les Basses-Alpes. Dominique Lecoeur retraça celle de Langomazino, homme attachant qui prépara activement ce mouvement.

Tout aussi important que l’apport de ces brillants universitaires et historiens furent les communications de «passeurs » de mémoire locale ou régionale.

G. Gayol, montra la richesse de la résistance dans le Var et plus particulièrement à Vidauban.

En écho, Marcel Champloy situa l’étroite relation du mouvement du Bas-Vaucluse avec la région de Manosque.

Pour les Basses-Alpes, Gisèle Roche-Galopini mit en relief l’action puissante de Saint-Etienne-les-Orgues, village durement sanctionné par la suite. Maxime Amiel apporta une contribution fouillée sur Riez. Pierre Coste évoqua les événements de la vallée de Barcelonnette. Paul Varcin traita de l’active participation des instituteurs bas-alpins à la résistance, et de la répression dont ils furent victimes avant et après le coup d’Etat, répression à laquelle participa  la figure ambiguë d’un notable bas-alpin, Hippolyte Fortoul, ministre de la République, qui trahit ses électeurs républicains, soutint le coup d’Etat, et en tant que ministre des cultes mena ensuite une politique répressive, particulièrement à l’égard des instituteurs.

 L’abondance des communications a fait la richesse de cette journée mais n’a pas permis les discussions et les débats nécessaires. Il conviendra que nos prochaines rencontres soient organisées de façon à laisser place à la discussion et à la réflexion collective.

 Cette journée est le point de départ de multiples activités, réunions départementales et régionales.

L’avenir est prometteur d’une mémoire réactivée.

 

Jean SIGNORET