Mille huit cent cinquante-et-un

bulletin numéro 1, novembre 1997

Mille huit cent cinquante-et-un

par René Merle

Notre avenir, s’il se veut avenir de responsabilité citoyenne et de démocratie, se fonde sur des valeurs héritées de notre histoire.

 

Dans cet héritage, la résistance au coup d’Etat de 1851, fondée sur l’espérance de la République démocratique et sociale, apporte des éléments précieux, à bien des égards la responsabilité citoyenne, l’autonomie d’initiative, la confiance dans la combativité populaire, la coordination horizontale des mouvements ne sont sans doute pas les moins importants.

 

Quand le président Louis-Napoléon étrangla la République, la France sembla accepter le coup d’Etat ou s’y résigner. La France de l’Ordre, effrayée par la perspective d’une victoire démocrate aux élections de 52, accueillit avec soulagement le nouveau régime. La France républicaine attendit, en vain, que Paris donne une fois de plus le signal de la lutte. Mais, à l’initiative des sociétés secrètes de la Montagne, la résistance souleva une vingtaine de départements. Une couronne au nord du massif central (Loiret, Yonne, Nièvre) rejoignant les versants du sillon de la Saône (Saône-et-Loire, Allier, Jura, Ain) et du sillon rhodanien, (Ardèche, Drôme, Gard, Vaucluse, Var, Basses-Alpes) et par l’Hérault, les Pyrénées orientales, rejoignant la zone insurgée du Sud-Ouest (Gers, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron).

 

Solidement tenues par la troupe, privées par la répression de chefs avisés, les grandes villes de ces régions ne bougèrent pas. D’autant que dans la région lyonnaise, la répression des insurrections ouvrières de 49 avait brisé le mouvement.

 

La résistance fut avant tout le fait des paysans, des artisans de la campagne et des petites villes.

 

Très combatif (citons en particulier le soulèvement de la Drôme et du Var), et parfois victorieux (Basses-Alpes), le mouvement ne cessa que quand il apparut que Paris et la France ne suivaient pas.

 

Le pouvoir a justifié la terrible répression en dénonçant la jacquerie rouge, portée aux pires excès. Alors qu’à l’évidence, le soulèvement populaire fut extraordinairement respectueux des personnes et des biens.

 

De bons esprits ont vu depuis dans le mouvement la révolte grégaire de paysans non éduqués, non politisés, suivant des chefs bourgeois, la dernière des «émotions» paysannes d’Ancien Régime.

 

Il nous apparaît au contraire que le mouvement résulte de la rencontre de la conscience républicaine propagée par les « élites » politiques éduquées, avec les aspirations populaires à la démocratie, à l’éducation, au mieux-être, au progrès social. Il témoigne de l’articulation complexe entre aspirations démocratiques et lutte des classes.

 

Par là même, après la chute de l’Empire, il a donné au parti républicain ses lettres de noblesse, liant démocratie et progrès social. Il ne nous semble pas inutile, aujourd’hui, de continuer à s’en réclamer.

 

C’est pourquoi l’association 1851-2001, qui vient de naître, va oeuvrer pour mieux remettre en circulation publique le souvenir de 1851. Elle s’adresse à tous, historiens de profession et réactivateurs de mémoire locale ou régionale, associations, descendants d’insurgés, etc. Une première rencontre permettra bientôt une première prise de contact entre toutes les personnes intéressées. Vous en trouverez le détail dans ce bulletin.

 

 

René MERLE