Quelques éléments locaux retenus pour la conférence donnée à Sillans

Cette page présente seulement quelques éléments locaux retenus pour la conférence donnée à Sillans-la-Cascade en 2001 par Frédéric Negrel. Vous voudrez bien en excuser l’écriture.

 

Quelques éléments sur la résistance de décembre 1851 à Sillans

 

 

En juillet 1848, pour la première fois, les électeurs de la commune vont choisir leur conseil municipal et surtout celui-ci va élire son maire, autrefois nommé par le préfet. Celui de Sillans se nomme Jean-Baptiste Malaval (marchand de bois), un exalté d’après le sous-préfet : traduisez un républicain démocrate.

 

Lors des législatives de 1849, la section de vote Fox-Amphoux – Sillans vote majoritairement pour les conservateurs.

 

A Sillans, la chambrette de St Etienne (une vingtaine de membres) affichait les portraits de Vincent Raspail, le socialiste, et Alexandre Ledru-Rollin, le Montagnard. C’est ce qui conduit le préfet à la fermer en juillet 1851. On profitera des journées de décembre pour la réouvrir.

Lors de leurs interrogatoires, les républicains sillannais nient tous appartenir à une société secrète. Ce n’est pas toujours le cas. Dans certains villages on admet cette appartenance comme à Artignosc. On sait d’ailleurs qu’un Artignoscais a démarché des Sillannais durant l’été 51 pour les initier.

Un rapport du juge de paix dira pourtant que la société secrète de Sillans comptait 16 membres.

 

Le samedi 6 décembre quelques Sillannais se rendent à Salernes voir ce qui se passe. Ils y rencontrent très certainement le notaire Gariel, un des leaders républicains.

Gariel pense alors aux fusils de la garde nationale de Sillans, entreposés à la mairie. Il vient les prendre dans la soirée, en laissant quelques-uns à ses amis sillannais.

Sillans va alors devenir un véritable carrefour où se croisent et se rejoignent les groupes de républicains qui sillonnent alors le Haut-Var.

Le dimanche 7 vient une vingtaine d’hommes de Fox qui vont à Entrecasteaux tenter de rejoindre la colonne. Puis un convoi de Montmeyan drapeau rouge en tête qui va à Salernes. Ceux-là reviennent dans la nuit à Sillans.

Le lundi 8 au matin un autre groupe vient de Montmeyan en avant garde, puis Brue, puis Bras, puis un groupe de Brignoles (celui mené par Giraud, les Brignolais étaient partis en ordre dispersé), puis Montfort, puis Le Val, puis le mardi 9, Duteil, le général de la colonne.

On s’organise au village : les Sillannais sont chargés de garder les routes sous la conduite de Jean-Baptiste Sibille, capitaine de la garde nationale, le maire délivre des laisser-passer. On a réorganisé la municipalité : le maire Jean-Baptiste Malaval et l’adjoint Jean-Baptiste Guiol permutent leurs fonctions. On fait ça devant la population assemblée devant la mairie (la commune comme on l’appelle alors) dans une cérémonie solennelle.

Et puis le village qui doit compter alors 250 à 300 habitants doit loger tous ces visiteurs, un millier peut-être. On loge chez l’habitant et on organise des bivouacs. Et puis il faut les nourrir. Les gardes-manger des Sillannais n’y suffisent pas, bien sûr. On doit donc réquisitionner des vivres.

On va chez l’ancien maire, celui d’avant la révolution de 48, M. Autran (qui reviendra d’ailleurs maire nommé par le préfet après le coup d’Etat), et on va surtout au Château de M. de Sillans, prendre du blé, pommes de terre, haricots, vin. Le garde est désarmé et la domestique de M. de Sillans, Mlle Mélanie, mesure ce qui est pris et l’instituteur et secrétaire de mairie Bribaut le note soigneusement car les républicains comptent bien payer ces réquisitions. On a d’ailleurs conservé ce document où est également noté le matériel emprunté aux particuliers : draps, couvertures, sacs, chevaux (des chevaux qui seront rendus après la défaite).

 

On en profite aussi pour reprendre à l’hôtel de ville les portraits de Raspail et de Ledru-Rollin pour les remettre en grande pompe là où ils avaient été confisqués à la société St Etienne, fermée en juillet 1851 et qui comptait 21 ou 22 membres.

 

Voici le récit que fait Camille Duteil de son passage à Sillans.

« J’étais harassé de veilles ; mais le galop du cheval me ranima et lorsque j’arrivai à Sillans, petit village à moitié chemin d’Aups, j’eus encore besoin de toute mon énergie pour mettre à la raison les Brignolais et les gens de Cotignac qui s’étaient arrêtés pour boire.

En me voyant arriver, soit qu’ils voulussent montrer qu’ils faisaient bonne garde, soit qu’ils voulussent faire les braves, soit qu’ils eussent réellement peur, une nuée d’hommes accourut pêle-mêle armant ses fusils, me couchant en joue et me criant : Qui vive ! avance à l’ordre ! Je m’égosillai pour amener ces forcenés à reprendre leurs rangs et je demandai aux chefs pourquoi ils n’étaient pas à Aups où les artificiers attendaient la poudre pour faire des cartouches ?

— Cotignac n’avait pas voulu aller plus loin et Brignoles avait décidé de camper là.

M’apercevant que la position de Sillans était excellente, bien qu’un peu éloignée d’Aups, — mais puisqu’ils voulaient y camper, — je dis à Casimir, le seul officier de Brignoles qui se présentat, d’envoyer sur le champ la poudre à Aups après en avoir fait une distribution à ses hommes à qui j’allais envoyer des balles. Puis je recommandai d’établir une garde sur une hauteur boisée qui dominait la route de Salerne précisement à l’endroit où elle se biffurquait pour aller à Aups et je ne sais plus où[1]. Il y avait un chateau que je dis d’occuper militairement et enfin une petite chapelle et une écurie où on pouvait s’établir en les crénelant et balayer toute la partie du chemin qui se coudait pour venir au chateau. Avec un peu d’intelligence et de courage on eut facilement arrêté un régiment. Après avoir donnée toutes mes instructions et à Casimir et à un ancien militaire qui me dit avoir servi dans le génie, je laissai Sillans à la garde de Dieu, défendu par les Brignolais. »

 

Comme dans tous les villages haut-varois, le maire décréta la mobilisation de tous les hommes de 18 à 50 ans. Ils devaient rejoindre Duteil à Aups. Interrogés par la répression, tous nièrent l’avoir fait.

Pourtant elle toucha aussi les Sillannais. Une répression à la mesure de la mobilisation varoise. 3147 emprisonnés dont un grand nombre fut traduit devant un simulacre de tribunal : la commission mixte du Var. Ce que je ne sais plus qui a appelé le deuxième viol de la Constitution. Trois juges (le préfet, un général, un procureur). Pas d’avocat. Pas de procédure contradictoire. Pas même l’audition du prévenu. Au total dans le Var : 5 condamnés au bagne de Cayenne, 320 expulsés du territoire, 790 condamnés à la déportation en Algérie. Tous n’y partirent pas effectivement. Dès le mois de mars 52, un envoyé du Prince-Président distribue des grâces et des commutations de peines.

Quelques Sillannais furent tout de même du voyage vers l’Algérie :

Jean-Baptiste BOURGUIGNON, cultivateur, qui y reste jusqu’en décembre 1852

Emmanuel TOURNEL, cantonnier, jusqu’en 1854

Auguste DAUMAS, boulanger, jusqu’en 1854

François GOULIN, cultivateur, jusqu’en 1854

Jean Baptiste GUIOL, cultivateur, le maire de la résistance, jusqu’en 1854

Louis REBOUL, cultivateur, jusqu’en 1853

Désiré SEGOND, cultivateur, transporté jusqu’en 1854 puis interné jusqu’en 1855

Jean-François BAGARRY n’en reviendra pas : il décède à Marengo le 18 janvier 1853.

 

voir aussi : Pensions des insurgés de Sillans


[1] Certainement à Fox-Amphoux.