Louis Napoléon aux électeurs

Louis Napoléon aux électeurs

 

René Merle

 

Pour les amateurs de vieux papiers éclairants, voici le texte d’un tract-affiche édité à l’automne 1848 lors de la campagne électorale pour la première élection d’un Président de la République au suffrage universel (masculin). On y reconnaîtra facilement la matrice idéologique de tous les césarismes qui suivront, de Boulanger au Général, et le fonds de commerce de celui qui nous guette aujourd’hui, sous l’égide d’une Femme grande bénéficiaire du suffrage universel (masculin – féminin). Discrédit des politiques gouvernants, union interclassiste pour redresser une situation catastrophique dans l’intérêt de tous, confiance dans le bon sens populaire, fierté tricolore et militaire, et bien sûr, cerise sur le gâteau, délégation de pouvoir à l’homme providentiel, dispensé de tout programme concret.

 

« ÉLECTEURS

La misère nous gagne chaque jour davantage.

Pourquoi ?

Parce que ceux qui nous gouvernent n’inspirent pas de confiance. En effet :

Qu’ont-ils fait pour la mériter ?

Le malheureux meurt de faim ;

L’ouvrier est sans ouvrage ;

Le cultivateur ne trouve plus l’écoulement de ses récoltes ;

Le commerçant ne vend rien ;

Le propriétaire ne reçoit plus ses revenus ;

Le capitaliste n’ose plus mettre ses fonds dehors, faute de sécurité.

La France, qui était si riche, dans quel état est-elle ?

La banqueroute du gouvernement est à craindre et nous menace !

Pour que la CONFIANCE, source de la prospérité d’une nation, se rétablisse, il nous faut à la tête du pouvoir un homme qui ait les sympathies du pays.

Napoléon sauva la France de l’anarchie à la première révolution !…

Le neveu du grand homme, avec son nom magique, nous donnera la sécurité, et nous sauvera de la misère. C’est ainsi que l’a compris une partie considérable de la nation, qui nous le dit par son mouvement prononcé vers la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République.

Cette partie de la nation est celle qu’on appelle le peuple, ce peuple laborieux et honnête dont il est dit : LA VOIX DU PEUPLE EST LA VOIX DE DIEU.

Aussi la majorité absolue des suffrages est-elle déjà acquise au citoyen Louis-Napoléon Bonaparte. Les nouvelles qui nous arrivent de toutes parts nous en donnent de plus en plus l’assurance.

Mais pour que la SÉCURITÉ, résultat de sa nomination, se fasse sentir sans retard (on en a grand besoin), il faut que l’élection du citoyen Louis-Napoléon Bonaparte soit faite à une MAJORITÉ IMPOSANTE.

C’est pour arriver à ce but, bien désirable dans ce moment si critique, que nous faisons appel :

Aux commerçants qui désirent voir reprendre les affaires ;

Aux cultivateurs qui ont besoin de vendre leurs récoltes à un prix raisonnable ;

Aux ouvriers qui ne peuvent vivre sans travail ;

Aux pères de famille qui veulent assurer le présent et l’avenir à leurs femmes et à leurs enfants ;

A l’armée, qui ne sera jamais sourde au nom de Napoléon ;

Aux électeurs de toutes les opinions, qui veulent le salut de la patrie ;

Pour que, d’un commun accord, et d’un vote unanime, nous nommions PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE le citoyen

LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE

(Une société de vrais amis du peuple.)

 

Le citoyen Louis-Napoléon Bonaparte étonnera par ses idées neuves, républicaines, démocratiques et sages. Lisez ses ouvrages, 36, rue Neuve-des-Petits-Champs, à la LIBRAIRIE NAPOLÉONIENNE. »