Loi du 27 juillet 1849 sur la presse
Loi du 27 juillet 1849 sur la presse
CHAPITRE 1er. Délits commis par la voie de la presse ou par toute autre voie de publication.
Art. 1er. Les art. 1 et 2 du décret du 11 août 1848 sont applicables aux attaques contre les droits et l’autorité que le président de la République tient de la Constitution, et aux offenses envers sa personne.
La poursuite sera exercée d’office par le ministère public.
2. Toute provocation par l’un des moyens énoncés en l’art. 1er de la loi du 17 mai 1819, adressée aux militaires des armées de terre et de mer, dans le but de les détourner de leurs devoirs militaires et de l’obéissance qu’ils doivent à leurs chefs, sera punie d’un emprisonnement d’un mois à deux ans, et d’une amende de vingt cinq francs à quatre mille francs, sans préjudice des peines plus graves prononcées par la loi, lorsque le fait constituera une tentative d’embauchage ou une provocation à une action qualifiée crime ou délit.
3. Toute attaque par l’un des mêmes moyens contre le respect dû aux lois et l’inviolabilité des droits qu’elles ont consacrés ; toute apologie de faits qualifiés de crimes ou délits par la loi pénale, sera punie d’un emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de seize francs à mille francs.
4. La publication ou reproduction faite de mauvaise foi, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées, ou mensongèrement attribuées à des tiers, lorsque ces nouvelles ou pièces seront de nature à troubler la paix publique, sera punie d’un emprisonnement d’un mois à un an, et d’une amende de cinquante francs à mille francs.
5. Il est interdit d’ouvrir ou annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d’indemniser des amendes, frais, dommages et intérêts prononcés par des condamnations judiciaires. La contravention sera punie, par le tribunal correctionnel , d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de cinq cents francs à mille francs.
6. Tous distributeurs ou colporteurs de livres, écrits, brochures, gravures et lithographies devront être pourvus d’une autorisation qui leur sera délivrée, pour le département de la Seine, par le préfet de police, et, pour les autres départements, par les préfets.
Ces autorisations pourront toujours être retirées par les autorités qui les auront délivrées.
Les contrevenants seront condamnés par les tribunaux correctionnels, à un emprisonnement d’un mois à six mois et à un amende de vingt cinq francs à cinq cent francs , sans préjudice des poursuites qui pourraient être dirigées pour crimes ou délits, soit contre les auteurs ou éditeurs de ces écrits, soit contre les distributeurs ou colporteurs eux-mêmes.
7.Indépendamment du dépôt prescrit par la loi du 21 octobre1814, tous écrits traitant de matières politiques ou d’économie sociale et ayant moins de dix feuilles d’impression, autres que les journaux ou écrits périodiques, devront être déposés par l’imprimeur, au parquet du procureur de la République du lieu de l’impression , vingt quatre heures avant toute publication et distribution.
L’imprimeur devra déclarer, au moment du dépôt, le nombre d’exemplaires qu’il aura tirés.
Il sera donné récépissé de la déclaration.
Toute contravention aux dispositions du présent article sera punie, par le tribunal de police correctionnelle, d’une amende de cent francs à cinq cents francs.
CHAPITRE II. Dispositions relatives aux journaux et écrits périodiques.
8. Le décret du 9 août 1848, relatif au cautionnement des journaux et écrits périodiques, est prorogé jusqu’à la promulgation de la loi organique sur la presse.
9. Aucun journal ou écrit périodique ne pourra être signé par un représentant du peuple en qualité de gérant responsable. En cas de contravention, le journal sera considéré comme non signé, et la peine de cinq cents francs à trois mille francs d’amende sera prononcée contre les imprimeurs et propriétaires.
10. Il est interdit de publier les actes d’accusation et aucun acte de procédure criminelle avant qu’ils aient été lus en audience publique, sous peine d’une amende de cent francs à deux mille francs.
En cas de récidive commise dans l’année, l’amende pourra être portée au double et le coupable condamne à un emprisonnement de dix jours à six mois.
11. Il est interdit de rendre compte des procès pour outrages ou injures et des procès en diffamation où la preuve des faits diffamatoires n’est pas admise par la loi.
La plainte pourra seulement être annoncée sur la demande du plaignant. Dans tous les cas, le jugement pourra être publié.
Il est interdit de publier les noms des jurés excepté dans le compte rendu de l’audience où le jury aura été constitué.
De rendre compte de délibérations intérieures, soit des jurés, soit des cours et tribunaux.
L’infraction à ces dispositions sera punie d’une amende de deux cents francs à trots mille francs.
En cas de récidive commise dans l’année, la peine pourra être portée au double.
12. Les infractions aux dispositions des deux articles précédents seront poursuivies devant les tribunaux de police correctionnelle.
13. Tout gérant sera tenu d’insérer en tête du journal les documents officiels, relations authentiques, renseignements et rectifications qui lui seront adressés par tout dépositaire de l’autorité publique. La publication devra avoir lieu le lendemain de la réception des pièces, sous la seule condition du paiement des frais d’insertion. Toute autre insertion réclamée par le gouvernement, par l’intermédiaire des préfets, sera faite de la même manière, sous la même condition, dans le numéro qui suivra le jour de la réception des pièces. Les contrevenants seront punis, par les tribunaux de police correctionnelle, d’une amende de cinquante à cinq cents francs.
L’insertion sera gratuite pour les réponses et rectifications prévues par l’art. 11 de la loi du 25 mars 1822, lorsqu’elles ne dépasseront pas le double de la longueur des articles qui les auront provoquées ; dans le cas contraire, le prix d’insertion sera dû pour le surplus seulement.
14. En cas de condamnation du gérant pour crime, délit ou contravention de la presse, la publication du journal ou écrit périodique ne pourra avoir lieu, pendant toute la durée des peines d’emprisonnement et d’interdiction des droits civiques et civils, que par un autre gérant remplissant toutes les conditions exigées par la loi. Si le journal n’a qu’un gérant, les propriétaires auront un mois pour en présenter un nouveau, et, dans l’intervalle, ils seront tenus de désigner un rédacteur responsable. Le cautionnement entier demeurera affecté à cette responsabilité.
15. La suspension autorisée par l’art. 15 de la loi du 18 juillet 1828 pourra être prononcée par les cours d’assises, toutes les fois qu’une deuxième ou ultérieure condamnation pour crime ou délit sera encourue, dans la même année, par le même gérant ou par le même journal.
La suspension pourra être prononcée, même par un premier arrêt de condamnation, lorsque cette condamnation sera encourue pour provocation à l’un des crimes prévus par les art. 87 et 91 du Code pénal.
Dans ce dernier cas, l’art. 28 de la loi du 26 mai 1819 cessera d’être applicable.
CHAPITRE III. De la poursuite.
16. Le ministère public aura la faculté de faire citer directement à trois jours, outre un jour par cinq myriamètres de distance, les prévenus devant la cour d’assises, même après qu’il y aura eu saisie.
La citation contiendra l’indication précise de l’écrit ou des écrits, des imprimés, placards, dessins, gravures, peintures, médailles ou emblèmes incriminés, ainsi que l’articulation et la qualification des délits qui ont donné lieu à la poursuite.
Dans le cas où une saisie aurait été ordonnée ou exécutée, copie de l’ordonnance ou du procès-verbal de ladite saisie sera notifiée au prévenu en tête de la citation, à peine de nullité.
17. Si le prévenu ne comparaît pas au jour fixé par la citation, il sera jugé par défaut par la cour d’assises, sans assistance ni intervention de jurés.
L’opposition à l’arrêt par défaut devra être formée dans les trois jours de la signification à personne ou à domicile, outre un jour par cinq myriamètres de distance, à peine de nullité.
L’opposition emportera de plein droit citation à la première audience.
Si, à l’audience où il doit être statué sur l’opposition, le prévenu n’est pas présent, le nouvel arrêt rendu par la cour sera définitif.
18. Toute demande en renvoi, pour quelque cause que ce soit, tout incident sur la procédure suivie, devront être présentés avant l’appel et le tirage au sort des jurés, à peine de forclusion.
19. Après l’appel et le tirage au sort des jurés, le prévenu, s’il a été présent à ces opérations, ne pourra plus faire défaut.
En conséquence, tout arrêt qui interviendra, soit sur la forme, soit sur le fond, sera définitif, quand bien même le prévenu se retirerait de l’audience et refuserait de se défendre. Dans ce cas, il sera procédé avec le concours du jury, et comme si le prévenu était présent.
20. Aucun pourvoi en cassation sur les arrêts qui auront statué, soit sur les demandes en renvoi, soit sur les incidents de procédure, ne pourra être formé qu’après l’arrêt définitif, et en même temps que le pourvoi contre cet arrêt, à peine de nullité.
21. Le pourvoi en cassation devra être formé dans les vingt quatre heures au greffe de la cour d’assises ; vingt quatre heures après, les pièces seront envoyées à la Cour de cassation. Dans les dix jours qui suivront l’arrivée des pièces au greffe de la Cour de cassation, l’affaire sera instruite et jugée d’urgence, toutes autres affaires cessantes.
22. Si, au moment où le ministère public exerce son action, la session de la cour d’assises est terminée, et s’il ne doit pas s’en ouvrir d’autres à une époque rapprochée, il pourra être formé une cour d’assises extraordinaires par ordonnance motivée du premier président. Cette ordonnance prescrira le tirage au sort des jurés, conformément à la loi.
Les dispositions de l’art. 81 du décret du 6 juillet 1810 seront applicables ans cours d’assises extraordinaires formées en exécution du paragraphe précédent.
23. L’art. 463 du Code pénal est applicable aux délits prévus par la présente loi.
Lorsqu’en matière de délits, le jury aura déclaré l’existence des circonstances atténuantes, la peine ne s’élèvera jamais au-dessus de moitié du maximum déterminé par la loi.