CONFERENCE SUR 1851 AU MINOTAURE

CONFÉRENCE SUR 1851 AU MINOTAURE

 

            Une trentaine de personnes avait répondu à l’invitation du Cercle Occitan de Béziers pour assister, jeudi 29 novembre, à la conférence / débat donnée par Jean Sagnes sur le Coup d’Etat de 1851.

            Le conférencier a apporté un éclairage original sur la personnalité de Louis Napoléon Bonaparte et sur son rôle face à la Chambre des Députés issue du vote de 1849.

            On sait que celle-ci est conservatrice, royaliste dans sa composition, et qu’elle n’a pas répondu au besoin de démocratie et de justice sociale présenté par les Républicains les plus radicaux.

            Si le Prince Président a des ambitions de pouvoir personnel évidentes, il est aussi le représentant de la bourgeoisie rurale qui a assis son statut social depuis 1789 avec l’acquisition des Biens Nationaux. Il s’est rendu populaire par diverses circonstances : son nom, son opposition aux restrictions du suffrage universel, sa désapprobation de l’intervention contre les Républicains Italiens dans leur conflit avec le Pape… Son échec dans sa tentative de modifier la constitution en juillet 1851 est perçu comme une entrave à la démocratie puisqu’une minorité de députés a empêché qu’il puisse se représenter aux suffrages des électeurs en 1852.

            D’ailleurs, les votes qui se succèdent : pour son élection en 1848, lors du plébiscite des 20 et 21 décembre 1851 ou à l’occasion du référendum du 20 novembre 1852 qui consacre le retour de l’Empire, confirment l’adhésion du peuple à ce qu’il représente.

            Il faut en convenir, et ce n’est pas sans résonance actuelle, les petites gens n’ont aucune raison de défendre une République qui n’a pas répondu à leur attente. C’est d’ailleurs ce qui se passe à Paris où si quelques barricades sont dressées la résistance n’est pas véritablement massive. Il y aura davantage de morts du côté des gens en « gants jaunes » (la petite bourgeoisie) qui ont apostrophé la troupe sur les boulevards !

            Il en est tout autrement en province et notamment dans l’aire d’expression Occitane. Pour Jean Sagnes ceux qui se lèvent ne le font pas seulement pour défendre la légalité républicaine bafouée par le Coup d’Etat. L’insurrection a un caractère social indéniable. Les républicains organisés dans les sociétés secrètes se saisissent de l’occasion pour devancer 1852, date à laquelle ils avaient mis leurs espoirs de changement.

            Si Jean Sagnes n’a pas accablé Louis Napoléon Bonaparte il a toutefois dénoncé la Terreur Blanche qui va sévir sur les Républicains qui se sont dressés contre le Coup d’Etat. A Béziers la troupe tire sur les manifestants qui se sont avancés devant la Sous-Préfecture, laquelle se trouvait alors à côté de la cathédrale. Les rapports font état de « 70 morts ou blessés ». Après cet affrontement sanglant, les insurgés tueront par erreur un certain Bernard, un républicain pourtant, mais qu’ils ont pris pour le commissaire de police. Suite à cette affaire, quatre condamnations à mort seront prononcées et deux seront effectives. La sentence sera exécutée sur la place de la Citadelle.

            Du débat qui a suivi on peut retenir l’intervention de Patrick Béziat qui fait état de la situation de crise, et de misère, qui affecte un village agricole comme celui de Capestang. Dans une Europe en proie à des difficultés générales, il y a ici un phénomène de mévente du vin, avec pour contexte une viticulture qui devient dominante. Concernant les aspirations des Sociétés Secrètes, il les trouve modestes : droit à l’éducation, à la santé, (à la gratuité des Sacrements religieux ajoutera quelqu’un)… Mais, et on en a la confirmation aujourd’hui, les droits les plus élémentaires (droit au travail, à la Paix… ) ne sont pas respectés quand un système est bloqué.

            L’attitude des Républicains qui se retrouvent en Algérie souligne qu’ils n’ont pas intégré des valeurs devenues universelles depuis. Ils sont colonialistes, racistes… On notera que le comportement de la majorité des Communards exilés en Nouvelle-Calédonie est du même type à l’égard des Canaques.

Concernant l’entourage de Napoléon III, il sera fait état d’un milieu complètement corrompu, l’un d’eux ayant déclaré pour justifier la nécessité d’un Coup d’Etat : « il vaut mieux mourir dans le sang que dans la merde ». Le conférencier relèvera cependant que les divers acteurs de la conspiration contre la République disparaîtront rapidement de la scène politique.

 La corrélation entre la carte de l’Occitanie et celle de l’insurrection, que l’on peut retrouver pour d’autres épisodes de notre Histoire, interroge. Pour Jean Sagnes un événement a toujours des causes multiples. En l’occurrence la revendication Occitane de reconnaissance de son identité, certes diffuse, est sans doute un élément de ces causes.

 

Jacques Cros