LA SEULE ÎLE DE LA COTE LANGUEDOCIENNE

LA SEULE ÎLE DE LA COTE LANGUEDOCIENNE

 

 Photo Doris Distelbarth

 

            Le lecteur aura reconnu, sur la photo qui illustre le présent article, la silhouette du Fort Brescou. Celui-ci a été construit sur la seule île, un îlot devrait-on dire puisque sa superficie n’est que de 5200 m2, de la côte languedocienne.

            L’îlot est le résultat d’une éruption volcanique qui, il y a près de 750 000 ans créa aussi le Mont Saint-Loup. A cette époque la côte était un peu plus avancée dans la mer et l’île n’en était pas encore une.

            Elle se trouve aujourd’hui à 1.5 km du Cap d’Agde et il faut une dizaine de minutes pour atteindre le ponton où accostent les bateaux qui conduisent les touristes visiter le fort.  Celui-ci a été d’abord un élément du dispositif de défense d’Agde et de l’arrière-pays. Erigé en 1586 sur ordre du Duc de Joyeuse, alors gouverneur du Languedoc, il fut détruit sous Louis XIII puis, à la demande de Richelieu, reconstruit en 1680 suivant les plans de Vauban.

            Un système de transmission par feux permettait d’informer Cette de la présence au large de navires hostiles (pirates en particulier) De jour on brûlait du bois vert ou humide dans le fanal en basalte, de nuit on utilisait du bois sec.

            Au XVIIIème siècle il devint prison d’état. On y enfermait les libertins et… les fous. L’Evêque d’Agde, qui avait le pouvoir de justice, ne finassait pas avec ceux qui troublaient l’ordre public.

            La visite du fort permet de voir la guérite où se tenait la sentinelle qui surveillait la côte, puis la salle de garde faite de deux parties : en entrant à gauche pour les officiers, à droite pour les simples soldats. Au-delà un plan incliné avait permis de hisser des canons jusqu’à la plate-forme supérieure. A signaler qu’en avril les mouettes qui couvent leurs œufs ou nourrissent leurs oisillons sont agressives et ne permettent pas d’atteindre les remparts.

            En hiver l’accès au fort n’était pas garanti. Aussi l’autonomie en vivres était assurée pour plusieurs jours par l’existence d’une boulangerie, cependant que l’eau de pluie était recueillie dans deux puits citernes.

            Il y avait en moyenne une cinquantaine de prisonniers et avec les gardiens la population sur l’îlot pouvait atteindre 200 personnes. Il n’y avait pas de femme dans le fort sauf celle du cantinier. Celui-ci avait sans aucun doute beaucoup d’importance pour les prisonniers à qui les familles faisaient parvenir de l’argent pour compléter leur ordinaire.

            La maison qui s’élève au-dessus du fort était le logement du commandant. Le corps de garde était un bâtiment important, les cellules des détenus débouchaient sur une cour exiguë qui était le seul lieu de promenade pour ceux qui n’avaient pas les moyens de soudoyer les gardes afin d’accéder aux remparts. Un aumônier venait épisodiquement séjourner dans le fort.

            Aucune tentative d’évasion n’a jamais réussi. Les morts étaient enterrés dans l’île et certains récalcitrants étaient abandonnés dans les oubliettes.

            On s’ennuyait ferme sur cet îlot et les soldats ou les prisonniers qui avaient de l’argent jouaient aux cartes ou aux dés. Les tonneaux de vin occupaient une place d’importance dans le cellier !

            Le fort est resté prison jusque vers 1851 et il a servi de lieu de détention à des opposants au Coup d’Etat de Napoléon III. Des études récentes, dont nous ne connaissons pas encore les conclusions, font état de prisonniers mexicains ( ? ) qui auraient été enfermés là en 1892 / 1893.

            L’été une organisation de bénévoles s’occupe de la restauration du fort qui pour l’heure n’abrite plus qu’un phare dont la gestion est assurée par les affaires maritimes.

Jacques Cros