Nouvelles de l’Allier
texte publié dans le Bulletin n°23, avril 2003 Nouvelles de l’Allier
L’Allier est un département aux vieilles et solides traditions républicaines. Le monument de Lapalisse rappelle le souvenir de l’insurrection, à l’Est de l’Allier, du “pays des 30 communes” (Lapalisse-Jaligny-Le Donjon), insurrection dont l’épicentre fut la petite commune rurale de Saint-Léon, à l’initiative du cultivateur Gilbert Billard.
Nous remercions vivement MM. François Colcombet, Henri Gibouret, Jacques Lelong, André Meunier, Claude Tain, Marcel Thain, Gilbert Verrier, qui nous ont fait parvenir informations et publications. Ces contacts ont été possibles grâce à un contact initial avec M.Claude Tain.
-De M.François Colcombet, nous avons reçu son récent ouvrage, La République nous appelle ou comment des républicains d’entre Loire et Besbre ont subi la déportation et l’exil pour avoir défendu la République contre l’attentat criminel du 2 décembre 1851, Bleu autour, 11 avenue Pasteur, 03500 Saint-Pourçain-sur-Sioule, 13 euros + 2 port.
Nous en reproduisons la 4e de couverture :
“À l’annonce du coup d’État du 2 décembre 1851, qui mettait fin à la République, et à l’instar de Victor Hugo, les républicains de l’est de l’Allier, comme de bien d’autres campagnes françaises, ont réagi. Armés de fourches et de fusils, ces citoyens se sont rassemblés au Donjon et, de là, ont marché jusqu’à Lapalisse où l’affrontement avec les gendarmes fut violent : il y eut des blessés, un gendarme fut tué et le sous-préfet de Lapalisse fut capturé. Une terrible répression s’ensuivit. Dans tout l’Allier, 852 personnes furent arrêtées, avant d’être déportées, exilées, emprisonnées.
C’était il y a cent cinquante ans. Aujourd’hui, la France cède encore aux démons du bonapartisme et “il est grand temps, souligne François Colcombet au terme de l’évocation de cette page d’histoire trop méconnue, de revenir à une conception plus réellement républicaine de la République. Celle pour laquelle nos anciens ont su combattre”.
François Colcombet, ancien magistrat et ancien président du Syndicat de la magistrature, est un élu de la région où se sont déroulés les faits décrits dans cet ouvrage”.
– De M. Henri Gibouret, nous avons reçu : Info Trente, Journal des 30 communes du Pays de Lapalisse, Le Donjon, Jaligny. N° 12, décembre 1991, “Quand les insurgés du Donjon marchèrent sur Lapalisse”, N° 53, printemps 2002, “Au temps des Insurgés”, N° 54, été 2002, “Victor Hugo et les Insurgés du Donjon”.
– De M.Jacques Lelong, nous avons reçu Études bourbonnaises, Bulletin de la Société Bourbonnaise des Études locales, 3-1999, Jean Noël Dutheil, “Les carriers de Coulandon”. 1-2001, Fabien Conord, “Les Républicains de l’Allier en 1851 : une poignée d’insurgés ?”.
– De M. André Meunier, nous avons reçu sa brochure Billard le proscrit. Du Puy St Ambroise à Cayenne. Défense Patrimoine Est-Allier, 216 avenue de la gare, 03290 Dompierre sur Besbre. 8 euros plus 1,40 frais de port.
Cette brochure, rédigée pour l’exposition organisée à l’occasion du 150e anniversaire de l’insurrection par l’école de Saint-Léon, retrace les événements survenus à Saint-Léon et dans l’Est de l’Allier. Elle présente la belle figure de Gilbert Billard qui souleva les insurgés de Saint-Léon, et son destin américain, de Cayenne aux U.S.A.
À cet envoi, M.Meunier a joint un important et très intéressant dossier d’archives. Il nous précise :
“Le déroulement des événements du Donjon a eu un caractère différent : À Saint Léon s’opposent des artisans et des journaliers dirigés par Billard, petit paysan, et Talon, un charpentier, et des châtelains grands propriétaires, héritiers de 89, qui ne seraient pas hostiles à une république garantissant leurs privilèges. Au Donjon les deux partis ont à leur tête des notables fortunés ou influents et qui ont même pour certains d’entre eux des liens de parenté, mais se retrouvent dans des camps opposés. Les affrontements seront plus violents et se prolongeront par des procès qui dureront plusieurs années”.
– De M. Claude Tain, nous avons reçu :
A. Simonin, “Le coup d’État du 2 décembre 1851 dans le Donjonnais”. Les Amis des Arts de Marcigny, Bulletin de la Société d’Études du Brionnais (Brionnais actuel et parties anciennes comprises dans les départements de la Loire et de l’Allier), Paray le Monial, janvier-juillet 1937. Né en 1850, l’auteur a rencontré des témoins directs.
Info Trente, Journal des 30 communes du Pays de Lapalisse, Le Donjon, Jaligny. N°2, Été 1989. “Neuilly-en-Donjon conjugue son passé au présent”.
M. Claude Tain insiste sur le fait que parmi les républicains qui organisèrent la défense de la République, Honoré Préveraud, Benoît Fagot et Georges Gallay étaient des propriétaires fonciers importants, acquéreurs de biens nationaux et même d’origine noble comme Préveraud (ex. de la Boutresse). “Georges Gallay a légué tous ses biens (château des Bécauds et terres) à la commune de Neuilly en Donjon, il est enterré à côté de son château, sa tombe n’était plus entretenue. La municipalité a implanté un terrain de foot devant le château et, malgré des mises en garde et la nécessité d’une expertise de ce patrimoine, elle a vendu aux enchères en 1985 les restes des biens mobiliers de Gallay. Aucun élu du canton, ou de l’arrondissement, de gauche comme de droite, n’est alors intervenu, laissant antiquaires et marchands s’approprier les objets ayant appartenu au généreux proscrit et même son buste en bronze. À l’époque, les élus, au nom de l’expansion économique, cherchaient à faciliter sur une vaste propriété l’installation d’un promoteur japonais, à Montcombroux les Mines, vieux fief ouvrier à municipalité communiste ! (voir le journal La Montagne en 1991) Ce projet ne se finalisera jamais.
Ainsi, d’une certaine façon, selon les opportunités d’aujourd’hui, le souvenir de 1851 peut gêner certains (et pas ceux auxquels on pense) car ces “ bourgeois” ont armé le peuple et cela ne va pas dans le sens d’une histoire simple…”
– De M. Marcel Thain, maire de la commune de Saint-Léon, nous avons reçu un important dossier (événements de la commune en 1851, biographie de Billard le proscrit, descendance américaine) commémorations. Le 150e anniversaire a été commémoré à Saint-Léon par une belle cérémonie. Nous extrayons ces quelques lignes de La Montagne (18-12-01) : “En costumes d’époque, les enfants, le personnel des écoles et les parents d’élèves ont défilé jusqu’à la rue Gilbert-Billard où une nouvelle plaque a été inaugurée” en présence des élus de la commune, des communes voisines, du conseiller général et du député. “Le cortège conduit par les élèves interprétant “ le chant du départ ” s’est ensuite rendu à la salle des fêtes. Là, J.P.Geay, professeur d’histoire, natif de Saint-Léon, a rappelé les événements de décembre 1851. […] Les élus rappelèrent cet épisode historique en y rattachant l’actualité. […] Chacun remercia l’implication de la commune et de ses habitants dont certains avaient hissé le drapeau rouge, symbole des républicains”.
– De M.Gilbert Verrier, de Montaiguët en Forez, nous avons reçu, la lettre suivante, suite à un article de La Montagne (2 décembre 1851), et à notre demande de précisions :
“Monsieur,
J’ai bien reçu votre lettre du 27 janvier 2003 dans laquelle vous me demandez mon témoignage concernant mon arrière grand-père qui a été étroitement mêlé aux événements de décembre 1851.
Je suis bien incapable de vous parler de tout cela et je ne peux que vous citer le livre (que vous connaissez plus que sûrement) paru en 1903 aux Imprimeries Nouvelles de Cusset : Le Bourbonnais en Décembre 1851, Le coup d’ État, par J.Cornillon, dans lequel, page 268, on peut voir cités, au Conseil de Guerre du 17 mai 1852, parmi les accusés : mon arrière grand-père Jean-Marie-Ernest Préveraud et son frère Jean-Marie-Léon Préveraud. À noter que leur cousin Honoré Préveraud était en fuite et a été jugé par contumace.
Ernest Préveraud est condamné à mort, peine commuée en travaux forcés à perpétuité et bénéficia de l’amnistie générale de 1859. Son frère Léon Préveraud fut acquitté et un troisième frère, Jules, ne fut même pas poursuivi… Quant à Honoré Préveraud, condamné à mort par contumace, il se retrouva compagnon d’exil sur l’île de Jersey avec Victor Hugo et il semblerait que la femme d’Honoré, Emma, n’a pas laissé indifférent le poète (poèmes à Emma).
Ernest Préveraud qui dut traîner la chaîne à Toulon, pendant deux ans, et séjourner dans les prisons de Belle-Isle-en -Mer et du Mont-Saint-Michel, revint à Montaiguët en Forez, où sa famille vivait et son père lui acheta la maison dans laquelle nous vivons à notre tour et que vous pouvez voir en en-tête de lettre. Il a rapporté de Toulon des boîtes sur lesquelles il avait appliqué des brins de paille de différentes couleurs, de façon à former des dessins géométriques… Il fallait bien s’occuper…
Je ne peux guère vous dire autre chose sinon qu’un habitant du village nous a raconté que lorsque son père était jeune, le 14 juillet, les enfants faisaient le tour du village et s’arrêtaient toujours devant notre maison où vivait encore mon grand père et ses enfants, pour chanter la Marseillaise afin d’honorer le souvenir d’un vrai républicain, mon arrière grand-père, qui n’avait pu supporter le manque à la parole donnée par Napoléon III… Comme vous le voyez, je ne peux pas vous donner un témoignage intéressant sur cette période mais simplement vous dire que je suis très fier d’avoir dans ma famille un homme qui a eu le courage de ses opinions”.
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