Les Rouges venont

Chant du Morvan, 1849 – « Les Rouges venont »

 

 

 

En 2011, je préfaçais Passé recomposé, (L’Ours blanc éditions), l’ouvrage posthume de Roger Cherrier, instituteur, militant communiste, qui avait rassemblé un important dossier sur la Seconde République dans le Cher et la Nièvre. J’y avais lu ce Chant du Morvan, daté de 1849. Mon amie Pascale Cherrier, sa fille, dépositaire de ses papiers, me l’a communiqué. Merci Pascale.

 

Voilà donc, en hommage à ce lutteur que fut Roger Cherrier, ce chant ironiquement codé, en cette année 1849 où une dure répression s’abat sur les démocrates. Malgré cela, le paysan « rouge », le « bouvier » qui la chante n’a pas perdu l’espérance et voit s’en aller, bien loin, les Blancs de l’écrasante réaction politique, réactionnaires de tout poil, et les Noirs de la réaction cléricale triomphante.

Hélas, l’espérance ne fut pas victorieuse au terme de cette courte Seconde République étranglée par un coup d’État.

Pour autant, cette espérance toujours renouvelée de la vraie République, la République démocratique et sociale de nos anciens Rouges, demeure. « Les rouges venont… ». Les Rouges, au sens de 1849, n’étaient pas une secte doctrinaire ou un commando d’agitateurs, c’était l’immense peuple des petits, des humbles, des exploités, des travailleurs de la ville et des champs, qui commençait à ouvrir les yeux, à s’organiser et à ne plus s’en laisser compter par les beaux parleurs. « Les rouges venont »….

 

René Merle

 

CHANT DU MORVAN

 

Yo, j’amène les blancs, j’amène les blancs

Laissons donc faire

Yo, j’amène les blancs, j’amène les blancs

Yon leurs terres.

Les blancs s’en vont mon vieux, les noirs suivont

Les blancs s’en vont mon vieux, les rouges venont

Quand les noirs feront la procession

Au clair de la lune

Les blancs fileront par Pampelune

Avec leur brune mon vieux

Les blancs s’en vont mon vieux, les noirs suivont

Les blancs s’en vont mon vieux, les rouges venont.

Saute la prêtraille et la mitraille

Et la prêtraille

Y a-t-il qui, qui pourrait

Quand on voudrait

Teindre les cailles

Les blancs s’en vont mon vieux, les noirs suivont

Les blancs s’en vont mon vieux, les rouges venont

Y a-t-il qui pourrait quand l’on voudrait

Tenir le canon qu’on l’écarlate

Y a-t-il qui pourrait quand l’on voudrait

Tenir l’canon contre la savatte

Les blancs s’en vont mon vieux, les noirs suivont

Les blancs s’en vont mon vieux, les rouges venont

Oh, laisse les donc faire

Oh, nous savons un cimetière

Oh, laisse les donc faire

Un jour viendra, qui leur servira.

Les blancs s’en vont mon vieux, les noirs suivont

Les blancs s’en vont mon vieux, les rouges venont.

Quand le moment viendra

Chacun s’dira, faut qu’ça finisse

Oh ! Que d’écrevisses qui rougiront

Dans le chaudron

Quand ils auront

De leur jus jusqu’au menton

Les blancs diront : « Fraternisons »

Les blancs suivont mon vieux, les noirs suivont

Les blancs s’en vont mon vieux, les rouges venont