Joseph Carbonell

Joseph Carbonell

Juriste, propriétaire foncier et révolutionnaire

(Ur, 1817 – Puigcerdà, 1862)

 par André Balent

traduit du catalan par René Merle

Des publications relativement récentes[1] nous ont donné à connaître des aspects de l’histoire de la casa[2] Carbonell dont le berceau se situe à Gorguja[3]. Dans le cadre de ce petit article nous voudrions parler d’un Carbonell du XIXe siècle, fils éminent d’une branche de cette “casa” installée à Ur et liée matrimonialement avec une autre “casa” cerdane très ancienne et connue, les Cornet. Il s’agit de “Joseph, François Carbonell”[4], né à Ur le 2 septembre 1817. Propriétaire terrien, il était un des plus riches habitants de sa commune. Docteur en droit, il s’illustra comme homme politique en Cerdagne française dans les années de changement et de révolution qui caractérisent la Seconde République. Militant de l’extrême gauche “démocrate-socialiste”, il fut maire d’Ur, conseiller général du canton de Saillagouse et juge de paix du même canton. Il fut une des victimes – la seule de la Cerdagne française – de la répression de la résistance au coup d’État du 2 décembre 1851 fomentée par le préfet du département des Pyrénées-Orientales, Pougeard-Dulimbert.

Ur, ferme " Cal Cornet " où vécut Josep Carbonell, Cornet par sa grand-mère. Vue d'ensemble (il s'agit des bâtiments au premier et au second plans).

 

La famille Carbonell de Gorguja, également installée à Ur :

 

Joseph Carbonell était le fils de Jacinthe (ou “Hyacinthe”, ou, encore, “Jacintho”) Carbonell[5] (Ur, 15 février 1794 – 7 octobre 1832) et de Françoise Puig (1783 – 4 janvier 1819). Son père avait épousé en secondes noces Rose Vernis (1798 – 4 janvier 1837). L’arbre généalogique qui suit montre sa filiation avec les Carbonell de Gorguja et d’autres parages de grandes “cases” de chaque côté de la frontière, comme les Cornet de Puigcerdà et Escadarcs[6].

Cette filiation indique un enracinement très ancien en Cerdagne des ancêtres de Joseph Carbonell. Ils étaient paysans aisés et, parfois, bourgeois, propriétaires fonciers qui pratiquaient aussi traditionnellement des professions judiciaires (les Cornet).

Nous terminerons en signalant que parfois certains documents orthographient son nom “Carboneill”. La forme “Carbonell” s’est cependant finalement imposée. Un de ses cousins et homonymes, Joseph Carbonell, était né la même année (1817). Il fut le fondateur de la ferme agricole modèle de Gorguja étudiée par Rosa Maria Garriga et mentionnée par Christine Rendu[7].

 

Fortune et carrière :

 

M.Guy Rancoule qui a eu accès aux archives familiales des ancêtres cerdans de son épouse nous a donné quelques indications sur sa carrière. Il semblerait qu’il ait suivi -comme son cousin homonyme- des études secondaires au collège des Jésuites de Toulouse. Il obtint le doctorat en droit, certainement dans la même ville. C’est peut-être dans ce même lieu qu’il fit des rencontres qui influencèrent et déterminèrent son penchant pour les idées “avancées” d’un point de vue social et politique, idées peu communes dans son milieu d’origine. Dans la première moitié du XIXe siècle, la majorité des “cases” paysannes aisées de la Cerdagne inclinaient vers les idées libérales. Les positions de Joseph Carbonell étaient beaucoup plus à gauche. Elles étaient cependant fréquentes parmi ceux qui suivaient des carrières juridiques.

Joseph Carbonell demeura célibataire. En 1833 il passa une convention avec son frère Jacques Joseph Carbonell, né le 3 octobre 1824 et fils de la seconde épouse de son père, Rose Vernis, fille d’Étienne Vernis et d’Antonia Noell. Il s’agissait de la succession de son grand-père Joseph Carbonell i Arbós et de sa sœur, Antònia Carbonell Puig, morte le 30 septembre 1833[8]. En 1841, Joseph Carbonell, propriétaire à Ur, figurait en seconde place parmi les électeurs censitaires les plus imposés de la commune d’Ur. Avec une contribution de 275,84 F, il venait juste après Joseph Llanas, le maire, chef de la “casa” de propriétaires terriens alors les plus riches de la commune, qui payait en cette même année 278,51 F d’impôts[9]. En 1848, il était, avec 285,38 F, le plus imposé des contribuables d’Ur. (Joseph Llanas, avec 285,28 F d’impôts, avait rétrogradé à la seconde place de la commune).

De fait, en 1833, Joseph Carbonell avait en sa possession, dans la commune d’Ur, 41 ha, 99 a, 46 ca. Il acquit plus de terres dans la même commune jusqu’à atteindre un maximum de 43 ha, 5 a, 46 ca. Mais il devra vendre des terres en 1851, et surtout en 1855, quand le total de ses propriétés à Ur diminuera jusqu’à 33 ha, 2 a et 32 ca. Ces ventes sont liées à ses difficultés politiques dont nous parlerons plus loin. Joseph Carbonell possédait une maison, une grange, des “terres” (c’est-à-dire, champs à labourer), prés à faucher, pâturages naturels et un bois. Le tout était dispersé en différents lieux de la commune d’Ur (les Camps de l’Espluga, les Costes de Bell·lloc, le “ village ” d’Ur, le Pla de Llaura, le Castellar, la Prada Alta, les Vernedetes, la Prada Baixa, les Arses, Planelles, Empradells, les Plandalls, le Tudó)[10].

D’autre part, Joseph Carbonell reçut en 1855 une part de la succession de ses ancêtres d’Enveig (où était née sa mère), Thomas Puig (son grand-père), Paul et Françoise Peyroto. L’ensemble de ce domaine, avec les terres et maisons situées principalement dans la commune d’Enveig, mais aussi à Latour-de-Carol, représentait une valeur -considérable- de 176185,15 F. Si l’hereu Antoine Puig avait droit à un tiers[11], l’ensemble des héritiers (y compris l’aîné) devait se répartir les deux tiers restants. Finalement, Joseph Carbonell hérita de propriétés d’une valeur totale de 32307,25 F[12]. Cette succession améliora sa situation économique d’avocat propriétaire foncier, compromise par son action politique.

Nous ne savons pas si Joseph Carbonell suivit une carrière d’avocat ou si, comme beaucoup d’autres Cerdans à la fois propriétaires de terres et juristes, il se consacra principalement à la gestion de ses propriétés[13]. Nous pouvons penser qu’il suivit plutôt la seconde option. En 1848, il vivait à Ur. Les conséquences de la révolution parisienne des 22-25 février qui abattit la constitutionnelle Monarchie de Juillet (1830-1848) rendirent possible la proclamation de la Seconde République qui laissa entrevoir à Joseph Carbonell la possibilité d’une carrière politique locale.

 

Joseph Carbonell, activiste “démocrate-socialiste” en Cerdagne (1848-1852) :

Militant “démocrate-socialiste”, maire d’Ur et juge de paix du canton de Saillagouse :

 

Assurément républicain “avancé” de gauche depuis son passage à l’université, Joseph Carbonell ne pouvait imaginer faire une carrière politique en Cerdagne au temps de la Monarchie de Juillet, libérale et censitaire. La majorité des Cerdans, surtout ceux de “l’oligarchie” de propriétaires terriens et de négociants qui s’enrichissaient souvent par la contrebande, était d’autant plus partisane de ce régime de modération et d’ordre social qu’il ressemblait à la monarchie d’Isabelle II qui, en Espagne, s’opposa à la contre-révolution carliste dans deux guerres civiles[14] (1833-1840 ; 1846-1848) qui eurent tant de répercussions directes ou indirectes en Cerdagne. Les inclinaisons atypiques de Joseph Carbonell durent donc attendre une révolution modifiant les perspectives en France. Il faut également tenir compte de la situation particulière du département des Pyrénées-Orientales où l’opposition républicaine fut très puissante (mais peu en Cerdagne cependant) sous la Monarchie de Juillet grâce à la présence d’une personnalité charismatique, le célèbre physicien roussillonnais, originaire d’Estagel, François Arago (1786-1853) qui réussit à être député du département. Il convient de dire qu’Arago n’hésita pas à s’allier, au niveau local, avec l’autre opposition à la Monarchie de Juillet, les monarchistes “légitimistes” connus en Catalogne Nord[15] sous l’appellation de “Carlins”[16]. Mais la majorité des Cerdans rejetait le “carlo-légitimisme” comme elle rejetait le républicanisme…

Maire d’Ur, en février 1848, Joseph Carbonell remplaça Joseph Sarret, un orléaniste représentant, lui aussi, de l’oligarchie paysanne de l’endroit qui signa son dernier acte d’état civil le 25 janvier 1848[17]. Il conserva cette charge jusqu’au mois de mai ou de juin de la même année, puisque Martin Sarret signa, comme maire, son premier acte d’état civil le 14 juin 1848.

Juste après la révolution de février 1848, Joseph Carbonell fut juge de paix du canton de Saillagouse. Il fut révoqué par le commissaire de la République de Prades, Laurent Lance, à qui il s’opposait alors sur l’ordre des candidats de la liste “officielle” -c’est-à-dire, en Catalogne Nord, le “parti Arago”- aux élections à l’Assemblée constituante des 23 et 24 avril 1848.

Dans la période fatidique, riche en prises de positions et affrontements, qui précéda le coup d’État du prince-président Louis Napoléon Bonaparte, Joseph Carbonell s’engagea de façon chaque fois plus activement militante dans les rangs de l’extrême gauche “démocrate-socialiste”. Il fut un des deux correspondants catalans de L’Émancipation de Toulouse de Languedoc, journal qui publiait des commentaires politiques sur la situation du département des Pyrénées-Orientales. Dans le même temps, il n’était pas uniquement en contact avec Isidore Janot que Peter McPhee présente comme l’éditeur du journal, mais il était aussi lié à d’autres activistes “démocrates-socialistes”, comme, par exemple, Joseph Germa, de Perpignan, ou Jean Batlle (d’Arles, en Vallespir). Ce dernier n’hésita pas à accompagner Janot qui alla jusqu’en Cerdagne afin de s’entretenir avec Joseph Carbonell[18].

Joseph Carbonell fut, encore une fois, maire d’Ur, bien qu’il ne semble pas avoir résidé en permanence alors dans sa localité natale (voir plus haut). Il signa un acte d’état civil le 12 octobre 1851. Deux autres actes, cependant, furent signés par son adjoint, Joseph Fabre. En janvier 1852, le registre de l’état civil nous indique que son successeur, Pierre Llanas, était le nouveau maire d’Err[19].

 

Conseiller général

 

Il fut, de 1848 à 1852, conseiller général du canton de Saillagouse[20] (élections des 27 août et 3 septembre 1848, les premières au suffrage universel masculin pour ce type de vote)[21]. En août 1851, Joseph Carbonell prononça, devant l’assemblée départementale (conseil général) un énergique discours dans lequel il dénonçait le texte d’une motion relative à la modification de la constitution dans le sens souhaité par le prince-président. Le préfet “de combat” envoyé en Catalogne Nord par Louis Napoléon, Pougeard-Dulimbert, avait eu connaissance de son intention. Il avait donc tenté d’empêcher la présence de Joseph Carbonell au Conseil général le jour où devait être votée la motion, dénonçant, pour cela au tribunal, le prétendu “crime” de l’activiste cerdan. Joseph Carbonell, cependant, réussit à s’introduire dans la salle de délibérations et expliqua : “Nous savons tous ce que demandent les partis monarchiques sous le nom hypocrite de révision : ils veulent ravir au peuple sa souveraineté (…) Le peuple ne le souffrira pas. Fort de la Constitution, qui est confiée à son patriotisme, il prendra, s’il le faut, les armes, pour se défendre contre les empiétements des partisans des privilèges”[22].

 

Le coup d’État du 2 décembre 1851, Joseph Carbonell, victime de la répression :

 

Après le coup d’État du 2 décembre 1851, Joseph Carbonell ne pouvait conserver son mandat de maire d’Ur. Le 4 décembre, il envoya une lettre au préfet dans laquelle il déclarait qu’il ne voulait pas afficher à Ur la proclamation officielle du préfet Pougeard-Dulimbert qui justifiait le coup d’État. Il terminait ainsi sa lettre : “Vous pouvez me faire révoquer si bon vous semble ; mais jamais je ne ferai un acte inconstitutionnel ni ne serai le valet d’un parjure”. Avec une action courageuse comme celle-ci, Joseph Carbonell savait qu’il prenait des risques préjudiciables à sa carrière, tant professionnelle que politique[23]. Malgré tout, il fut inscrit, le 16 décembre 1851 sur la liste électorale d’Ur pour l’année 1852. Il s’abstint de voter en décembre (47 habitants d’Ur votèrent sur 71 inscrits) et, surtout, pour le plébiscite du 2 décembre 1852 qui restaura la dignité impériale au bénéfice de Louis Napoléon (57 votants sur 73 inscrits)[24]. Mais il y avait alors longtemps déjà qu’il avait été chassé de sa localité et de France !

De fait, Joseph Carbonell fut l’unique personne du canton de Saillagouse qui souffrit de la répression de la résistance au coup d’État du 2 décembre 1851. Celle-ci, menée dans le département des Pyrénées-Orientales par une “commission mixte” dirigée par le préfet Pougeard-Dulimbert, condamna 692 personnes. La commission mixte qualifia Joseph Carbonell de “chef politique influent ayant abusé de sa position” et le condamna à être expulsé de France, peine, assurément, la plus bénigne de celles qui furent prononcées[25]. Le 1er avril 1850 (bien avant donc le coup d’État et son bannissement) il semble qu’il résidait à Llivia, au moins de manière temporaire, d’autant que c’est en ce lieu qu’il conclut une convention avec son frère pour assurer le partage des biens situés en France provenant de l’héritage de leur grand-père, Joseph Carbonell Arbós, de leur père, Jacinthe Carbonell, et leur sœur Antoinette Carbonell Puig. Cette convention fut enregistrée en acte notarié par le notaire de Saillagouse[26]. En 1858, un document notarié indiquait que Joseph Carbonell était domicilié à Ur[27].

En 1860, le nom de “Joseph Carbonell, docteur en droit, 40 ans”, fut ajouté sur la liste électorale d’Ur. Il était revenu dans sa localité natale, au moins pour voter aux élections maintenues encore que bien contrôlées par le pouvoir de Napoléon III. Les années suivantes (1861, 1864), cependant, les “Joseph Carbonell” des listes électorales communales semblent plutôt être des homonymes ; l’âge indiqué, et parfois la profession ne coïncident pas avec les siens. En 1879, un “Joseph Carbonell”[28] était, avec 118,33 F de contributions, le septième contribuable qui payait le plus d’impôts à la commune d’Ur[29].

En 1870, peu avant la chute du Second Empire, le souvenir de l’attitude de Joseph Carbonell en décembre 1851 demeurait encore vif en Cerdagne. Les opposants républicains[30] au maire bonapartiste de Latour-de-Carol, Laurent Vigo[31], se réclamaient de son patronage. L’un d’eux, Étienne Duran Garreta, âme de l’opposition municipale dans cette localité, parlait dans une brochure imprimée à Puigcerdà de “l’intrépide Carbonell” qui “osa renvoyer à César son placard de décembre en l’accompagnant de ces mots : ‘je n’affiche pas les actes d’un parjure’” et “alla expier dans l’exil son courage et sa fidélité à ses convictions”[32].

Nous ne savons pas où alla résider Joseph Carbonell juste après son bannissement de France. Il est très probable, cependant, que, au moins au début de son “exil”, il n’eut pas à aller s’installer très loin, étant donné que ses cousins habitaient tout près de la frontière, à Gorguja, et que, depuis Llivia, il pouvait continuer à gérer ses propriétés d’Ur. Il en possédait d’autres aussi sur la commune de Llivia[33]. Les terres de Llivia et celles d’Ur (et plus tard celles d’Enveig) formaient un ensemble économique transfrontalier dont “l’exilé” assurait l’exploitation. Après plusieurs années “d’exil”, Joseph Carbonell pouvait vivre autant d’un côté de la frontière que de l’autre. Ce fut, cependant, à Puigcerdà qu’il mourut le 4 septembre 1862, comme l’indique un acte notarié du 21 mai 1867. Le même document nous dit que son demi-frère Joseph Étienne Carbonell avait hérité de ses biens[34].

 

André BALENT, Latour-de-Carol, 26 mai 2002.

Traduction : René Merle

 


[1] Il s’agit de deux articles : Rosa Maria GARRIGA, “Entre la tradició i la innovació « Can Carbonell » de Gorguja”, Onzè quadern d’informació municipal, Llivia, 1993, pp. 93-98 ; Guy RANCOULE, “Une famille frontalière cerdane aux XVIle/XVIlle siècles”, Ibix, Annals del centre d’Estudis comarcals del Ripollès, 1998-1999, Ripoll, 2000, pp. 211-220

[2] En catalan, “ maison ”. Ce mot désigne certes le bâtiment. Mais il a un sens dérivé. Il désigne aussi la famille qui l’habite. Dans le domaine catalan, il s’agissait, dans les sociétés rurales traditionnelles d’une famille le plus souvent élargie, la “ famille souche ”, potentiellement multigénérationnelle. La famille souche exclut toute cohabitation avec le couple parental (ou un parent survivant) de frères et/ou sœurs mariés. Elle préserve l’intégrité du patrimoine foncier qui est transmis à un seul des enfants, un garçon, l’hereu (en Catalogne, il s’agit en principe de l’aîné) ou, à défaut, une fille (unique ou aînée), la pubilla. Les autres enfants mariés, exclus de l’héritage, forment, s’ils le peuvent, une nouvelle casa. Mais, au delà de la famille groupant des individus apparentés, la casa englobe également les domestiques qui cohabitent dans le même espace. Unité de production, la casa est également un patronyme qu’une pubilla transmet volontiers à son fils hereu. Elle englobe aussi les droits d’usage collectifs sur les propriétés indivises qu’elle partage avec les cases (pluriel de casa) avec qui elle forme une communauté, au sens politique du terme (devenues des communes en France, en 1790). La casa est aussi une entité qui s’inscrit dans la durée et, de ce fait, elle est pour ses membres, un patrimoine immatériel fait de souvenirs plus ou moins mythifiés qu’il convient de défendre et d’illustrer afin de le transmettre autant que possible intact.

 Dans le domaine occitan, notamment dans les Pyrénées et le sud du Massif Central, l’ostal ou l’ostau  sont très proches de la casa catalane (ou aragonaise). De même l’etxe basque.       

[3] Gorguja est un hameau de la commune de Llívia qui, depuis la partition de la Cerdagne en 1660, à la suite du traité des Pyrénées (1659) forme un territoire espagnol enclavé dans le territoire français. La vieille demeure des Carbonell de Gorguja est à quelques centaines de mètres de la limite avec la commune d’Estavar, en Cerdagne française. 

[4] Archives communales d’Ur, registre de l’état civil. Dans ce document officiel, les actes (et les noms) sont, au XIXe siècle, rédigés en français. Dans les années qui suivent 1790, et avant 1800, ils le furent, parfois, en catalan. 

[5] Né à Ur le 15 février 1794. Acte écrit en catalan sur le registre de l’état civil d’Ur (Archives communales) et signé par Jaume Sarret, membre du conseil municipal (le maire était Isidre Arro). Nous reproduisons ce document (sans modifier l’orthographe qui révèle aussi des formes dialectales cerdanes), un des rares textes écrits en catalan dans un document officiel, sous la Révolution française en Catalogne Nord. On en rencontre pourtant quelques-uns dans les années 1790, rédigés principalement dans des communes de la Cerdagne française. Ceux de l’état civil d’Ur (1794) forment une des séries les plus remarquables.

 » Vüy dié quinza de febrer mil cet cens noranta cotre lo anÿ dos de la Republica francesa ha cet horas del mati ha comparegut dévant mi Jauma Sarret oficial publich de Ur Joseph Carbonell acistit de Ÿsidro Arro mera de edat de trentacotra anÿs  ÿ  de Mariano Cornet de hedat cincontanou Anÿs tots restant en lo Apartament (sic) dels Parineus orientales municipalitat de Ur ÿ me han declarat a mi Jauma Sarret que Antonia Carbonell muller de Joseph Carbonell ha parit un minÿo entre tres ho quatre (sic) de matinada de son llegitim matrimoni ÿ li han donat lo pranom de Gecinto ÿ essent esto la veritat som adressat (sic) lo present acte vuÿ  dié dalt dit ÿ lo han firmat tots.

    Joseph Carbonell official monicipal  pare del infant nat Mariano Cornet ÿ Esteve Arro Jaume Sarret hoficial publich « .    

[6] Cf. G. RANCOULE, op. cit.

[7] R. Ma GARRIGA, op.cit. ; Christine RENDU, “Aux sources d’une tradition, l’utopie pastorale du Barrès”, Études Roussillonnaises, XVII, Canet, 1999, pp. 105-117.

[8] Archives privées de la famille Carbonell Blanc, convention mentionnée ; testaments de Rosa Vernis (l1 juillet 1827) et de Jacint Carbonell (26 septembre 1832). Nous remercions M. Guy Rancoule qui nous a communiqué cette information (correspondance, mars 2002).

[9] Archives départementales des Pyrénées-Orientales ADPO, 171 EDT 37, “listes électorales d’Urr (sic)”, 1838-1879.

[10] ADPO, 1016 W 47, f° 30-31, matrice cadastrale d’Ur (1830-1913).

[11] Pour contourner les dispositions du Code civil et maintenir un partage inégalitaire, les cases prirent l’habitude d’utiliser la clause du “ préciput ” qui permet d’avantager un des enfants, dans ce cas, l’hereu.

[12] ADPO, 3 E 56/98, étude notariale de Pierre Delcasso, Bourg-Madame, f° 138, 31 mai 1858, succession des héritiers Puig d’Enveitg.

[13] Nous connaissons d’autres exemples de propriétaires terriens juristes en Cerdagne française au XIXe siècle, comme les Girvés de Llo ou d’Err (cf. André BALENT, “Communauté villageoise, société, frontière et politique en Cerdagne : Err sous la Monarchie de Juillet et la Seconde République” Domitia, revue du Centre de recherches historiques sur les sociétés méditerranéennes de l’Université de Perpignan, 3, 2003, Perpignan, pp. 49-91.

[14] La Première et la Seconde Guerres carlistes, la Seconde étant exclusivement limitée à la seule Catalogne.

[15] C’est à dire, pour l’essentiel, le département des Pyrénées-Orientales.

[16] Un historien nord catalan, Gérard Bonet, nomme avec justesse “parti carlo-républicain” cette alliance locale qui se défera après la proclamation de la Seconde République. (G. BONET, “L’Indépendant des Pyrénées-Orientales”. Histoire d’un journal dans l’histoire. 1846-1848, Perpignan, 1986, 416 p.)

[17] AC, Ur, registre de l’état civil.

[18] Peter McPHEE, Les semailles de la République dans les Pyrénées-Orientales 1846-1852. Classes sociales, culture et politique, Publications de l’Olivier, Perpignan, 1995, 509p, [p. 356]. 

[19] AC, Ur, registre des délibérations de l’état civil.

[20] C’est à dire, pour l’essentiel, la Cerdagne française.

[21] P. McPHEE, op. cit. et Marc DALIPHARD, Hélène HUGUES, Marie-Édith BREJON de LAVERGNÉE, Administration et comptabilité départementales. 1800-1940, Archives départementales, Perpignan, 1997, 130 p).

[22] Cité par P. McPHEE, op. cit., pp. 367-368.

[23] P. McPHEE, op. cit., pp. 376-377. ; André BALENT, “La résistance au coup d’État du 2 décembre 1851 et la répression gouvernementale”, Massana, 20, Argelès-sur-Mer, 1973, pp. 396-408.

[24] ADPO, 171 EDT 37, listes électorales d’Urr (sic), 1838 – 1860 ; ADPO, 171 EDT 38, résultats du plébiscite du 2 décembre 1852, à Ur (56 votes en faveur du rétablissement de la dignité impériale, 1 contre).

[25] Cf. A. BALENT, op. cit., 1973.

[26] Information communiquée par M. Guy Rancoule que nous remercions.

[27] ADPO, 3 E 56/198, f° 138, 31 mai 1858.

[28] Dit “Cornet” : ce patronyme ancien et illustre de la Cerdagne était, rappelons-le, le nom de sa grand-mère qui avait transmis la majeure partie de l’héritage d’Ur. Il s’agissait d’un autre cousin homonyme du Joseph Carbonell dont nous parlons. Il ne faut pas non plus le confondre avec l’autre Josep Carbonell de Gorguja/ Bajanda, cousin des deux “Joseph Carbonell” d’Ur.

[29] ADPO, 2 OP 4631, liste des habitants les plus imposés à Ur, 1830, 1879.

[30] Andreu BALENT, “ « Nobes de la Tor » : retrat d’un poble cerdà (La Tor de Querol) a principis dels anys 1880 ”, Ceretania, 3, Puigcerdà – Bourg-Madame, 2001, pp. 55-90 [note 20, p. 78]

[31] Sur les Vigo d’Err et de la vallée de Querol (avec parenté à Baltarga), cf. André BALENT, “Les ancêtres cerdans de Jean Vigo”, Archives, institut “Jean Vigo”, 90-91, Perpignan, 2002, pp. 22 – 31. André BALENT, La Cerdagne du XVIIe au XIXe siècle. La famille Vigo, casa , frontières, pouvoirs, Éditions Trabucaire, Canet-en-Roussillon, 2003

[32] Étienne DURAN GARRETA, Un juge SVP. À Monsieur Émile Ollivier ministre de la Justice chef du cabinet, Impremta de J. Diumenge, Puigcerdà, 1870, 24 p. [photocopie d’un exemplaire disparu de ce rarissime opuscule dans nos archives personnelles].

[33] Guy RANCOULE, op. cit., p. 219.

[34] ADPO, 3 E 56/265, f° 112, acte notarié du 21 mai 1867 (étude de Pere Delcasso, notaire à la Guingueta -Burgmadama – vente de biens immobiliers par Josep Esteve Carbonell et Maria Angèlica Carbonell, épouse de Pere Blanc, propriétaire à Ro (héritiers de Joseph Carbonell, leur frère) à Gil Blanich Llanas, propriétaire et négociant en bétail à Enveig).