Discours de Marius Vial
Discours prononcé à la suite d’un banquet patriotique, à Grasse, avant les élections de 1849 par Paul Marius Vial pharmacien à Toulon (Aups 1814 – ? 1883) (texte respecté par ailleurs)
transcrit par Maurice Mistre
Amis et citoyens, en ce jour solennel Nous sommes souverains du vote universel ; Écoutons : du destin la voix patriotique Nous crie à l’horizon, vive la république ! Éclairés de la veille ou bien du lendemain Abjurons nos erreurs et donnons-nous la main ; C’est la fraternité dont la règle commune Peut seule niveler les droits de la fortune. Non il ne suffit pas que nos dogmes sacrés Au front des monuments en lettres soient gravés ; Il faut des actions et non des paroles, Des applications et non des hyperboles. Nous voulons avant tout que chaque citoyen Puisse par le travail se procurer du pain ; Que devenu perclus on lui donne un asile Pour le mettre à l’abri et le rendre tranquille. Parmi nos députés, une commission Doit surtout s’occuper d’association Afin que l’ouvrier qui, par son industrie, Aux champs, à l’atelier use aux trois quarts sa vie, Puisse espérer qu’un grand jour au bout de son labeur Il ne traînera pas son corps dans le malheur. Sous un fardeau pesant la nation courbée Par l’impôt progressif peut être relevée ; Il faut que les emplois soient moins rétribués Et les droits indirects surtout diminués. Qu’on révise au plutôt le code à procédure Dont le style embrouillé trouble l’agriculture. La banque hypothécaire accordant le crédit Chasserait loin de nous l’usurier maudit ! Tout citoyen français doit servir sa patrie Et mourir, s’il le faut pour la démocratie Qu’une saine raison soit l’objet de nos vœux : Tout bon républicain doit être vertueux. Demandons à grands cris l’instruction gratuite Pour vaincre l’ignorance avec toute sa suite. Les hommes font les lois et les lois font les mœurs ; C’est par de bonnes lois qu’on épure les cœurs. Des frères égarés attendent l’amnistie ; Pitié pour la douleur, rendons-les à la vie. D’ignobles réacteurs pourront nous dire encor Que les républicains convoitent leur trésor ; Cet or, qui des sueurs du pauvre prolétaire S’augmente chaque jour et marque la misère ; Sachons leur renvoyer ce reproche cruel Avec les bulletins du vote universel. Amis, rallions-nous au devant du scrutin, Sauvons la liberté par notre bulletin ; Il est essentiel d’établir l’harmonie Entre tous les enfans de la démocratie. De nos divisions les peuples consternés Aux pieds de leurs tyrans resteraient enchaînés. Déjà l’autrichien écrase l’Italie Qui brisait ses liens pour renaître à la vie. Rome, l’antique Rome a ses membres froissés Sous les pieds insolents des prêtres courroucés. Venise en frémissant subit la tyrannie Et par son héroïsme imite la Hongrie ; Ce peuple dont le sang sous terre germera Et pour la liberté bientôt refleurira Repoussant de son sein le despote parjure Dont les crimes sans noms outragent la nature. La Pologne gémit dans les griffes du tsar Qui sous un joug de fer la clouée à son char ; Ce farouche tyran, geôlier de Sibérie, L’Allemagne s’agite au cri de liberté Qui, dans de saints transports, de Paris fut jeté. Des bouches du Danube au fond de la Baltique Toutes les nations rêvent la république ! Pourrions-nous sans frémir assister aux combats De ces cœurs valeureux qui nous tendent les bras ? Secouons au plus tôt cette vile poussière Qui depuis si longtemps souille notre lumière ; Que par nos bataillons les despotes vaincus Rentrent dans le néant avec tous leurs élus : La France, dès ce jour, levant sa tête altière , Parmi les nations marchera la première. A cette heure suprême où les réactions agitent les partis par leurs convulsions Élevons vers le ciel nos vœux et nos prières ! Dieu seul, dans sa bonté peut finir nos misères. Gardons-nous d’écouter les hommes sans pudeur Qui de la liberté veulent faire un malheur. Ce sont des insensés qui rêvent la victoire Dans l’espoir d’étouffer ce qui fait notre gloire. Frères, nos vrais amis sont les républicains Qui consacrent leur vie au bonheur des humains , Au milieu des conflits, leur courage héroïque Saura, n’en doutez pas sauver la république. Vive la république des honnêtes gens !
(Archive M.F Cayatte)
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