Le testament de Dominique Renoux

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Le testament de Dominique Renoux

Bon sang ne saurait mentir.

Roger Renoux, quatre-vingt trois ans, ancien résistant ayant échappé plusieurs fois à la mort à la suite de dénonciations, aujourd’hui membre de l’ANACR de Toulon, nous communique le testament de son arrière grand père, Dominique Renoux libre-penseur. « …Je puis vous dire une chose c’est que je suis très fier d’être le petit-fils de mes ancêtres, à savoir mon trisaïeul Renoux Auguste, Conseiller général du Canton de Salernes, Renoux Dominique, mon arrière grand père distillateur à Draguignan. Tous deux ayant connu les geôles des « blancs » comme on appelait, à ce moment-là, la droite religieuse et je ne saurais trop vous remercier de les avoir mémorisé… »

À en juger par ses termes, ce testament, annule un précédent, rédigé en 1860, où probablement poursuivi pour ses idées républicaines, il fut emprisonné à Draguignan

Les propos tenus à l’égard de “ces scélérats de robes noires” pourraient, aujourd’hui, être pris par certains pour de l’anticléricalisme sectaire. En les replaçant dans leur contexte, on peut cependant tout à fait comprendre les rancœurs accumulées par les opposants à la politique du “sauveur de l’église et de l’ordre” en bute à une répression acharnée.

Dominique Renoux était le fils du Renoux dont parle, à plusieurs reprises, Noël Blache dans son Histoire de l’insurrection du Var en décembre 1851.

Notamment en page 130 de sa réédition en 2001 chez Jeanne Laffitte.

Voici ce que nous en dit Noël Blache :

“Parvenu à Moustiers, Renoux y connut la victoire des troupes dans les Basses-Alpes et l’occupation de la ville de Digne par les soldats. Il prit alors une résolution héroïque, et bien digne de ce grand cœur ! Quittant une retraite sûre d’où il pouvait facilement passer à l’étranger, il vint se constituer prisonnier à Draguignan, entre les mains du procureur de la République. “Je suis le seul responsable du soulèvement de Salernes, lui dit-il ; je dois seul en supporter la responsabilité !” Incarcéré sur le champ, Renoux fut plus tard condamné par la commission mixte à cinq années de transportation.”

Voila une belle filiation de tradition républicaine.

Grand merci à ce descendant d’insurgés qui prouve, par son passé de résistant, que bon sang ne saurait mentir.

 Paul Cresp

 

 

Testament civil

Moi soussigné Renoux Dominique Distillateur – liquoriste demeurant et domicilié à Draguignan (Var)

Seing de corps et d’esprit jouissant de mes facultés physiques et morales j’ai en vue de régler diverses dispositions que je tiens de mon vivant et stipuler ce qui suit, savoir

article premier je laisse à mon épouse la jouissance de tous mes biens présents et à venir à la condition expressent qui me soit fait un enterrement civil le testament de mille huit cent soixante devient nûl étant civil encore, et dernière volonté soit respecter

article 2ème Ma qualité de libre penseur ayant supporter toutes les souffrances morales de ces scélérats de robes noires de cafard me font prendre cette décision de peur que mes enfants ou ma femme ce laisse gagner par les ipocrites

article 3ème Mon fils pierre est chargé et mon fils françois de faire respecter mes dernières volontés ; je laisse comme exécuteur testamentaire les citoyens hébréard Joseph Martin dit Baron propriétaires tous les deux domiciliés et demeurant à Draguignan (Var)

Draguignan le douze mars 1885

(dans la marge) Je laisse en outre à ma femme de ces droits de communauté l’autre moitié en jouissance et Rose Renoux si la loi peut tous lui enlevez pour quand à moi je la désérite.

 

Pour situer un peu mieux le personnage, voir :

René Merle – « Sur un texte en provençal de propagande « socialiste » en milieu rural (D.Renoux, Draguignan, Var, 1884) »

http://www.rene-merle.com/article.php3?id_article=247