Manifeste publié le 22 septembre 1852 à Londres

Manifeste publié le 22 septembre 1852 à Londres par « les Républicains démocrates-socialistes, membres de la Société la Commune Révolutionnaire. » 

Lettre au Peuple

Londres : Imprimé chez Joseph Thomas, 8, White Hart-street, Drury-Lane.

première partie

 

A NOS CONCITOYENS DE FRANCE ET D’EXIL

 

FRÈRES,

Nous ne sommes point des directeurs d’opinion, des chefs d’école, des hommes d’état et de système, des donneurs d’ordres et des faiseurs de lois. Nous ne sommes pas au sommet du mont Sinaï, ni au balcon de l’Hôtel-de-Ville. Nous n’avons pas la prétention suprême de publier des programmes, de promulguer des chartes, de tenir les éclairs et d’imposer la vérité. Nous n’apportons ni les douze tables, ni les sept commandements, ni les quatre évangiles, ni les cinq codes, rassurez-vous ! Nous ne sommes ni dictateurs, ni révélateurs ; ni dieux, ni prophètes ; ni Jésus, ni César. Nous ne voulons point constituer, point gouverner. Nous n’en avons pas plus le droit que la volonté. Nul n’en a le droit que le peuple. Le peuple seul est souverain.

Ni nous, ni d’autres, nous n’avons rien à dicter à la patrie, à la France, au peuple souverain. Le peuple saura mieux que nous ce qu’il devra faire ; il voudra et pourra plus que nous ; il sera plus éclairé, plus révolutionnaire et plus fort qu’aucun de nous. Tout le monde a plus d’esprit que Voltaire. Le peuple a toujours dépassé ses prétendus chefs. C’est avec lui que ce mot du Christ est absolument vrai : Les premiers sont les derniers ; les derniers sont les premiers. En effet, les gouvernés devancent toujours les gouvernans. Ainsi le peuple du 10 Août voulait la République, quand ses gouvernans voulaient encore la royauté. Ainsi le peuple du 24 Février a voulu la République, quand ses gouvernans voulaient la régence. Ainsi le peuple du 15 Mai a protesté contre la réaction intérieure et extérieure de son gouvernement, contre le Manifeste Lamartine, et les 45 centimes. Ainsi le peuple de demain se lèvera encore à son heure et à son gré contre le gouvernement de Décembre et passera par dessus tous les nains qui voudront lui crier : halte ou marche ! Comme Gulliver, il parait lié, garotté à présent par les Lilliputiens qui l’ont surpris dans sa nuit, dans le sommeil dont il dort depuis ses rudes journées de Juin : mais il brisera, comme lui, tous leurs fers, tous leurs fils, d’un seul mouvement de son réveil. Quelle main peut retenir le géant ? Quelle voix peut dire : monte ou baisse à l’Océan ?

Nous, proscrits, nous, gouttes d’eau sorties de l’océan populaire, nous y avons à peine laissé un vide que le flot a comblé. Les jeunes entrent dans la carrière, quand les aînés n’y sont plus. L’arbre ne perd pas les feuilles qu’il remplace. Il n’y a que les rois qui disent : L’Etat c’est moi ! Nous ne croyons pas comme les anciens émigrés représenter la France qui ne peut être représentée que par elle. Dieu nous garde d’un pareil sacrilège ! Nous n’avons pas l’orgueil ridicule et impie d’avoir emporté la patrie à la semelle de nos souliers. Nous ne reviendrons jamais sous un autre drapeau que celui du peuple, avec une autre charte que sa souveraineté. Membres séparés du corps, parties imperceptibles du tout, éloignées, oubliées peut-être, humbles expatriés que nous sommes, nous ne représentons rien que nous-mêmes ; nous ne pouvons exprimer que des voeux, des avis tout au plus ; tronçons épars, mais non anéantis nous ne voulons que nous rejoindre, nous rattacher à la mère-patrie, contribuer à la vie générale, mettre en commun notre foi, nos espérances qui sont les vôtres, nous réunir à tous par la seule et vraie religion de la souveraineté du peuple.

Nous  avons beau être séparés de la France de toute la profondeur des mers et de toute la hauteur des monts : de loin, comme de près, nous vivons toujours de sa vie, nous pensons sa pensée, nous parlons sa parole ; nous sommes un écho lointain, mais fidèle du verbe de la patrie et nous usons de la liberté qui nous reste de communiquer avec vous. Ce n’est pas sans raison, ce ne sera pas sans profit que nous aurons été jetés sur une terre étrangère, où du moins la presse est libre. Puisque, pour le moment, la censure a la main sur la bouche de la France endormie, puisqu’il faut aujourd’hui se féliciter de l’exil et bénéficier de la proscription, puisque la voix des bannis est la seule libre à cette heure, qu’elle parle donc ! Qu’elle dise tout haut ce que chacun pense tout bas ! Qu’elle proteste au nom du droit public, qu’elle proclame les principes communs, qu’elle profère les aspirations collectives, qu’elle serve enfin à nous rallier, à nous fortifier mutuellement par un échange que ni douaniers, ni gendarmes n’empêcheront, nous en parlant votre pensée, vous en pensant notre parole ! Qu’elle soit ainsi l’organe général des voeux et des besoins, des intérêts et des idées de tous ! Qu’elle crie et recrie par dessus les frontières, qu’elle hâte, s’il se peut, le réveil du peuple, de tous les peuples, qu’elle fasse entendre à tous les républicains démocrates-socialistes de la France et de l’Europe ce grand mot, ce mot de ralliement universel : Révolution !

 

I.

DES PRINCIPES DE LA RÉVOLUTION.

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ

 

Les principes de la révolution sont connus. Ils sont dans tous les cœurs ; ils ont été sur toutes les lèvres, comme sur tous les murs : Liberté, Egalité, Fraternité. On peut les enlever un instant de nos codes, de nos drapeaux et de nos monumens ; on ne les effacera jamais des consciences où ils sont gravés de la main de Dieu même, comme la plus haute formule des lois humaines.

Est-il besoin de les définir longuement ? Faut-il discuter ce qui est le sentiment de tous ? L’évidence se démontre-t-elle ? Les soleils se voient et ne se prouvent pas.

 

LIBERTÉ

 

La liberté de l’homme a son titre dans la conscience et sa sanction dans la responsabilité. Ce qui distingue l’homme de la brute, ce qui le fait un être libre, c’est la connaissance de soi-même, alliée à la notion du bien du mal. Sa conscience fait son droit. Ainsi la liberté constitutive de l’homme, immanente et permanente en lui, reconnue du temps même de Moïse et consacrée par la Bible, dans la vieille fable d’Adam fait libre et responsable, la liberté que nos pères qui s’y entendaient ont mis justement en tête de la formule républicaine, la liberté est le droit originel, aîné, premier, principal, antérieur et supérieur, sans lequel il n’y a rien, ni égalité, ni fraternité, ni citoyen, ni peuple, pas même l’homme. La liberté est la vie même.

La liberté est le droit naturel de développer ses facultés et de satisfaire ses besoins. L’homme libre, c’est-à-dire maître de lui-même, disposant de ses forces, pouvant, disons-nous, développer toutes ses facultés, satisfaire tous ses besoins, exercer tous ses droits, en un mot, accomplir sa destinée ; l’homme vraiment libre, qui ne dépend ni de l’espace, ni du temps, ni du besoin, ni de l’erreur, de rien ni de personne, qui ne dépend que de sa propre volonté ; l’homme libre ainsi, l’homme souverain est forcément l’égal de chacun et sera le frère de tous. La liberté entière entraîne nécessairement l’égalité et la fraternité.

De la liberté principe, découlent toutes les libertés conséquences, libertés religieuses, civiles, politiques, commerciales, etc. ; liberté de conscience, liberté de pensée, de publication, d’enseignement, de discussion, quel qu’en soit le sujet et le mode, presse, tribune, club, chaire, théâtre, etc. ; liberté de réunion, d’association, liberté de vote et d’action, travail, industrie, échange, etc. ; toutes solidaires, essentielles, intégrales, absolues, toutes à la fois but et moyen, toutes inviolables, à ce point qu’un seul fait préventif contre une d’elles provoque l’insurrection comme le plus saint des devoirs. Ah ! qu’il nous soit permis d’insister quand même sur l’excellence de la liberté, aujourd’hui surtout qu’au nom de le souveraineté collective ou de l’autorité, un homme asservit tous les autres ! Que le peuple s’en souvienne à l’heure de la victoire ! Et quand il exercera vraiment sa souveraineté lui-même, qu’il consacre à jamais la liberté, la souveraineté individuelle, unique fondement, véritable palladium de la souveraineté ou liberté collective. L’homme est sociable pour augmenter et non pour diminuer la liberté. En se rapprochant de ses semblables, il ne se borne pas, il s’appuie. La société doit être une extension et non une restriction de l’individu. Donc plus d’autorité compressive, préventive du droit ; point de prévention contre l’exercice, mais répression de l’abus : liberté et responsabilité.

 

ÉGALITÉ.

 

L’Ega1ité qui suit est le droit de justice, d’équité, le droit social, l’équilibre des individus, le principe d’ordre et d’unité. Elle tient avec raison le second rang dans la formule. Elle vient après et par la liberté, comme la société ne vient qu’après et par l’individu. Les hommes sont égaux non-seulement parce qu’ils sont semblables, comme on l’a dit tant de fois, mais surtout parce qu’ils sont différents. Les hommes sont différents, parce qu’ils sont solidaires, solidaires parce qu’ils sont sociables, sociables parce qu’ils sont hommes, c’est-à-dire êtres relatifs, membres d’un corps, instruments d’un concert, parties d’un tout ; parce qu’ils ont besoin les uns des autres ; parce qu’au lieu de se limiter, de s’amoindrir et de s’annuler, ils s’engrènent, se complètent et se perfectionnent réciproquement ; parce qu’il se faut entr’aider, c’est la loi de nature et d’humanité : ils sont uns, parce qu’ils sont divers.

L’égalité n’est point la parité : on n’a jamais dit, on ne dira jamais une paire d’hommes, comme on dit une paire de boeufs. Les animaux sont pareils, les hommes sont égaux. Les animaux peuvent se passer de leurs pairs ; ils peuvent vivre isolément, insolidairement, indifféremment, parce qu’ils ont les mêmes besoins, les mêmes instincts invariables, imperfectibles. Les plus élevés n’arrivent qu’au troupeau. L’homme seul fait société ; et la société, dit Milton, n’a lieu qu’entre égaux ; et il le dit à propos de l’homme et de la femme, les deux égaux les plus différents. Physiologiquement, les contraires s’unissent et les semblables se repoussent. L’harmonie vient de la différence, l’unité de la variété. Les cinq doigts de la main, quoique différents, concourent également à l’action, et le plus petit n’est pas le moins utile. La basse est aussi nécessaire à l’orchestre que le violon. Si l’architecte est indispensable au maçon pour le plan, le maçon lui est indispensable pour l’exécution. Il y a égalité de compensation parce qu’il y a nécessité de concours. L’harmonie sociale, ou l’unité, ou l’égalité résulte donc de la différence des besoins, des facultés et des oeuvres individuelles. Or les besoins, les facultés et les oeuvres sont adéquats ; les oeuvres sont proportionnelles aux facultés et les facultés aux besoins. Donc, pour qu’il y ait justice distributive, ordre équitable, équilibre vrai, égalité rationnelle, scientifique, parfaite entre les hommes, il faut qu’il y ait égalité et non parité de fonction, égalité et non parité de satisfaction. L’égalité par la diversité.

 

FRATERNITÉ

 

La Fraternité vient la dernière dans la formule, suivant son vrai rang d’ordre dans la réalité. On ne peut être frère, si l’on n’est égal et libre. Soyez donc frère de votre maître ! Notre ennemi c’est notre maître, a dit Lafontaine, en bon français. Le sentiment d’amitié fraternelle ne peut naître dans la contrainte ou l’infériorité. La fraternité est donc le sommet du triangle dont la liberté et l’égalité sont les bases. Elle est la conclusion des deux prémisses ; elle est la clef de voûte du monument, la couronne de l’œuvre ; elle est la flamme du phare ; elle est la fleur, elle est le fruit de l’arbre de vie, de l’arbre immortel dont les racines sont au ciel et les branches sur la terre, de l’arbre de liberté.

Ainsi, Liberté, Egalité, Fraternité, voilà les trois principes suprêmes de la Révolution ! Voilà la formule sublime que le peuple, ce maître faiseur d’abstractions, a exprimée comme la plus pure essence du génie humain ! Cette formule supérieure qui l’a trouvée ? Personne… Tout le monde. Elle est sortie entière du creuset de 93. Elle est le grand oeuvre du grand alchimiste, du peuple, c’est-à-dire de Dieu. Cette formule française, à laquelle chaque peuple a concouru, est la règle universelle, la jauge commune à tous ; c’est le mètre infaillible, immuable, éternel ; c’est la mesure divine de toute loi terrestre. Tout ce qui s’en rapproche est vrai ; tout ce qui s’en écarte est faux. Mesurons donc de notre mieux les conséquences aux principes ; marchons donc au plus droit vers l’étoile fixe qui indique le but de la Révolution.

 

II

BUT DE LA RÉVOLUTION. — CONSÉQUENCES DES PRINCIPES. — SOUVERAINETÉ DU PEUPLE.

 

La Liberté, étant le droit de l’homme, qui dit l’homme, dit peuple; qui dit liberté, dit Souveraineté ; qui dit Souveraineté du peuple, dit République, République démocratique et sociale, gouvernement du peuple par le peuple. La Souveraineté ne se délègue pas plus qu’elle ne s’abdique. La Souveraineté, la liberté, la volonté ne se représentent pas. Donc plus de gouvernement représentatif, plus de Souveraineté déléguée, plus de volonté à part du peuple, plus d’autorité en dehors du peuple, plus d’état proprement dit séparé du peuple, plus de pouvoir législatif, exécutif et judiciaire confiés à un ou à plusieurs par le peuple ; mais le peuple-état, le gouvernement direct du peuple, le peuple se gouvernant, se représentant lui-même, faisant lui-même sa besogne de souverain, exerçant lui-même son autorité, tous ses pouvoirs, en seul et vrai roi qu’il est, c’est-à-dire votant la loi toujours modifiable, et nommant ses agents toujours révocables, quand et comment il lui plait. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de gouvernement du tout, jusqu’à ce que la majorité, qui tend à devenir de plus en plus grande, atteigne l’idéal et devienne l’unanimité, la loi sera donc faite pour tous, par la volonté du plus grand nombre, et non du plus petit. La loi sera l’expression, non plus de la minorité, comme aujourd’hui, mais de la majorité. La loi sera, comme il convient, l’oeuvre du peuple enfin. Et soyez sûrs qu’en fait de loi et de droit, le peuple se trompera moins que les gouvernements. Soyez certains surtout qu’il se trompera moins sur les principes que sur les hommes, toujours moins clairs que les principes. Le peuple aurait-il voté le décret des 45 centimes et le Manifeste du 5 Mars, ces deux fautes capitales du Gouvernement provisoire ? Et pourtant il a choisi M. Garnier-Pagès et M. Lamartine qui les ont commises. D’ailleurs s’il se trompe comme ses gouvernants se sont trompés et l’ont toujours trompé, du moins il ne s’en prendra qu’à lui-même de ses fauteset pourra toujours les réparer. Il faut l’intéresser au gouvernement dont le système représentatif le dégoute et l’éloigne ; il faut tuer l’industrie politique. Enfin, si la souveraineté n’est pas un mot, si le peuple est souverain, il doit l’être de fait comme de nom ; il doit l’être sans cesse et sans bornes, absolument, dans la mesure bien entendu, du droit et de la science. Etre souverain c’est être maître ; être maître c’est faire la loi ; faire la loi, c’est constater le droit. Or, le peuple subit toujours la loi, la loi injuste, la loi faite partiellement, partialement, faite hors du droit par un ou quelques-uns, par d’autres que par lui. Qu’est ce qu’un souverain qui reçoit la loi au lieu de la donner ? Qu’est-ce qu’un Souverain qui obéit au lieu d’ordonner ? C’est un sujet. Le peuple doit être son propre législateur, ou il n’est pas souverain.

Ainsi, plus de président, plus de représentants. Un conseil national élu par le peuple chaque année et révocable par lui en tout temps, chargé de présenter au peuple les lois et décrets à voter et les fonctionnaires à élire. Le peuple souverain n’a plus ni représentants ni délégués, ni mandataires d’aucune sorte dans aucun des trois pouvoirs de la souveraineté. Le peuple n’a plus que des conseillers, des ministres, des commis, des serviteurs, spéciaux, temporaires, élus, révocables, responsables, qui préparent, qui soumettent le travail à sa volonté et font exécuter ses décisions. Le conseil propose et le Souverain dispose ; le conseil conseille et le Souverain décide ; le Conseil projette et le Souverain vote. Législation, impôt, administration, justice, guerre et paix, tout passe sous l’oeil du maître. Le peuple fait toutes ses affaires lui-même. Il délibère en assemblées primaires réunies par communes sérieusement constituées. La division départementale n’existe plus. Il n’y a plus que la nation, la commune et le citoyen. Souveraineté individuelle, souveraineté communale, souveraineté nationale. Voilà pour nous la loi et les prophètes ! Tous les rouages intermédiaires supprimés, tout l’attirail administratif réformé, tout le personnel fonctionnaire si nombreux, si coûteux, si stérile, si nuisible, manivelle de ruine et de gêne à la fois, tous les agents du pouvoir au nombre de cinq cent mille hommes et du poids et du prix de cinq cents millions, toute cette bureaucratie, barbouillée de noir, hérissée de plumes, toute cette féodalité du grattoir qui enterre la liberté sous les paperasses et fait sortir la tyrannie de la bouteille à l’encre, tous ces sales et rogues seigneurs de l’émargement, simplifiés, congédiés, balayés, nettoyés : économie de ressorts, de temps, de fonctions et d’argent ; diminution du budget, augmentation de liberté.

Le département, un mot là-dessus, n’est plus l’unité politique rationelle. Ce remède révolutionnaire à l’esprit provincial et féodal de la vieille France, cette institution vieillie elle-même, qu’inventa l’abbé Sieyès jadis, qui fut d’abord pour la Révolution le moyen de fusionner, d’unifier la patrie, qui depuis n’a été pour l’Empire qu’un mode de centralisation et d’absorption despotiques, le département aujourd’hui a fait plus que son temps. Dieu merci ! tout homme de France se dit citoyen français à cette heure. Nul ne se dit plus Picard, ni Limousin. Nul n’admet non plus à cette heure le despotisme impérial. L’oncle nous en avait déjà dégoûté sans le neveu.

Robespierre lui-même disait déjà de son temps : « Fuyez la manie ancienne de vouloir trop gouverner. Laissez aux individus, aux familles, aux communes, le droit de régler leurs affaires ; en un mot, rendez à la liberté individuelle ce qui lui a été illégitimement ôté. »

En principe, le chef-lieu ne doit pas plus absorber la commune que la commune ne doit absorber le citoyen. Ce qui est vrai de l’individu, doit l’être de la collectivité, quel que soit le groupe. Le droit du citoyen est le droit de la commune, comme de la nation entière. Or, dans le système départemental, la souveraineté communale n’est pas. Les Communes n’ont ni liberté, ni égalité, ni fraternité. Elles n’existent pas politiquement. Elles n’ont ni âme, ni corps, ni lumière, ni bien-être, ni vouloir, ni pouvoir. Le chef-lieu les domine spirituellement et matériellement. Le chef-lieu seul a tout, administration, tribunaux, banques, hospices, halle, presse ; le reste rien. 86 communes en absorbent 37 mille autres pour être absorbées à leur tour par une seule, Paris. Il en résulte ce que nous avons vu en décembre, que toutes les communes de France, quand une seule ne le veut pas, ne peuvent ni conquérir, ni garder le droit, ni défendre, ni maintenir la liberté. 36 mille sur 87 mille n’ont pas 4,000 âmes de population ; 16,000 n’ont pas plus de 900 habitants ; 11,000 n’ont pas 900 fr. de revenu, point de réverbères, à peine un chemin. — La plupart végètent, languissent, croupissent loin du centre, esclaves du préfet, du grand propriétaire et du curé, dans l’ignorance, la misère et l’isolement, sous le triple joug de l’autorité, de l’usure et de la superstition. Il y a donc atrophie, paralysie, atonie, servitude d’un côté ; engorgement, pléthore, excès, tyrannie de l’autre. Il faut donc les refondre, les reconstituer toutes, de façon qu’elles aient chacune leur part, comme elles ont leur droit au mouvement général ; de façon qu’elles aient toutes une volonté propre, une autonomie sérieuse, une indépendance réelle, une existence véritable. Il faut donc les recomposer en groupes assez compacts pour être puissants, pour avoir vie et force, pour être capables de pensée et d’action. Il faut les réorganiser enfin d’après un mode conforme au principe d’égalité et pouvant seul leur assurer liberté et souveraineté.

 

III

BUT DE LA RÉVOLUTION. — CONSÉQUENCES DES PRINCIPES. — RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE.

 

Partant du principe de liberté ou souveraineté de l’homme, nous sommes arrivés d’abord à la liberté ou souveraineté du peuple, en passant par la liberté ou souveraineté de la commune ; nous arrivons donc maintenant à la liberté ou souveraineté de tous les peuples. Le droit de l’individu, de la commune, de la nation, est celui de toutes les nations. Qui dit souveraineté du peuple, dit souveraineté de tous les peuples. Qui dit République, dit République universelle. L’humanité est une comme le droit, comme Dieu même dont elle est la fille et l’image, c’est-à-dire l’incarnation. Unité de Dieu, unité du droit, unité de l’homme. Tous les hommes, tous les peuples ont donc le même droit de souveraineté, c’est-à-dire de liberté, d’égalité et fraternité, c’est-à-dire de République. Les Républiques sont donc des gouvernements de droit, les royautés, des gouvernements de fait ; or, le droit doit dominer le fait et non le fait le droit. Tous les peuples doivent donc être républicains, souverains au même titre, parce qu’ils sont tous, disons-nous, uns et solidaires, parce qu’aucun n’a ni le droit, ni le moyen d’être libre au milieu d’esclaves, heureux au milieu de misérables, parce qu’ils s’aident ou se nuisent tous réciproquement, parce qu’ils sont enfants d’une même famille, compatriotes d’une même patrie, concitoyens d’une même cité, de la même grande République une et indivisible, l’Humanité.

La République universelle est donc le corollaire de la Révolution. C’est la dernière et la plus grande idée qui soit sortie du peuple. C’est la vérité nouvelle qu’il a produite le 15 Mai, qu’il a fallu confesser le 13 Juin, parce qu’elle avait été méconnue le 5 Mars ; c’est le dogme démocratique et social de l’unité humaine. Ce qui a distingué 48 de 93, la jeune République de l’ancienne, c’est qu’elle a nettement posé ce grand dogme, au dedans, par l’association des citoyens, au dehors, par la solidarité des peuples. 93, en brisant la vieille forme catholico-féodale, avait proclamé l’unité de l’homme avec lui-même et avec ses semblables de la patrie ; 48 a fait un pas de plus et ce sera sa gloire : il a proclamé l’unité de l’homme avec toute l’humanité.

 

IV.

MOYENS DE LA RÉVOLUTION.

 

Mais il ne suffit pas de proclamer les principes, il faut savoir les réaliser, les appliquer, les pratiquer. Depuis dix-huit cents ans, l’Évangile a dit aux hommes : Aimez-vous les uns les autres, et l’homme combat encore l’homme. Depuis plus de cinquante ans nos pères ont proclamé liberté, égalité, fraternité, et l’homme est encore esclave de l’homme. Depuis plus de cinquante ans, la souveraineté du peuple est promulguée et le peuple est encore sujet d’un homme au nom même de sa propre souveraineté. Les principes seuls sont donc insuffisants, puisqu’on peut les tourner contre eux-mêmes et qu’on les trahit en les invoquant. Il faut donc l’union du principe avec le fait, comme celle de l’âme et du corps. Qu’est-ce que le principe sans le fait, pour l’homme qui n’est pas un pur esprit, qui est à la fois corps et âme ? La logique

de la pensée à l’action est le caractère général de l’homme et particulier du peuple français. La tête qui pense et le bras qui agit, c’est la France. A l’oeuvre donc et pour nous et pour tous ! Car notre unité politique, fille de notre logique naturelle, notre unité fait notre force, et force oblige. Il faut agir ; il faut faire ce qu’il y a de possible à présent. Sans plus nous attacher, sans plus nous perdre dans les profondeurs de l’idéal, à la recherche de l’absolu, du bien philosophal que nul ne trouvera, il faut entrer immédiatement, résolument sur le terrain de l’action. Le champ des principes est vaste, immense, incommensurable ; mais il se réduit à notre portée par la pratique qu’aggrandit la science. Or, il y a déjà assez d’idées communes à tous, acquises et acceptées pour les appliquer à l’instant. Ceux qui veulent temporiser, attendre toujours le perfectionnement des systèmes, oublient que l’action perfectionne l’idée, que l’idée ne sera jamais parfaite, que l’idéal n’est pas terrestre, que l’absolu n’est pas humain. Etres finis et contingents, nous ne pouvons qu’approcher de plus en-plus du principe sans l’atteindre. Il n’est donné à aucun homme, à aucun peuple, à aucune époque d’avoir la vérité intégrale, infinie, éternelle. La partie ne peut être le tout. L’ensemble seul des générations, des temps et des mondes peut incarner Dieu tout entier. Notre droit, notre devoir est de faire notre part pour notre temps, dans la limite de nos besoins et de nos forces, selon notre pouvoir et notre savoir. D’autres feront le reste.

Voyons donc ce qu’il y a de réalisable, de faisable par nous pour la Révolution. Eh bien, la contre-révolution nous l’enseigne elle-même. Elle se vante d’avoir pour appui l’Armée, le Clergé, la Magistrature, la Banque. Elle nous montre ainsi notre tâche, moyens et but. Avec quatre bons décrets, c’est autant qu’il en faut, le peuple révolutionnaire démolira ces quatre piliers de l’autre, et le monstre restera écrasé sous les débris.

 

V.

ARMÉE

 

Jusqu’à présent la société n’a su organiser sa puissance que pour la destruction. L’homme, destiné à la paix et au travail, a commencé par la guerre et la conquête. Avant d’avoir la science, il s’est servi de la force ; avant de savoir qu’il devait, pour vivre, combattre la nature et conquérir la matière, il s’est mis à combattre et à conquérir ses semblables. Mais le temps des Hercules et des Césars est passé, quoi qu’on fasse. La civilisation par les armes n’est plus possible. L’aggrégation des peuples par la victoire est finie ; la contrainte doit faire place à la Liberté.

L’armée permanente de France qui a été l’instrument perfectionné de la guerre, qui est donc aujourd’hui le mal par excellence, a porté ses derniers fruits, la servitude et la misère. Elle coûte cinq cents millions par an ; elle empêche le travail de cinq cents mille hommes en pleine force. Elle est composée d’un quart de mercenaires qui ont vendu leur âme comme leur corps ; d’une moitié d’ilotes que l’indigence oblige à payer l’impôt du sang en nature, et que l’ignorance réduit au mécanisme de soldats de plomb.

C’est une machine infernale de cinq cents mille fusils pouvant tirer cinq fois à la minute dans la main d’un seul homme. Elle est contraire aux trois principes, Liberté, Egalité, Fraternité. Avec sa vie de caserne, son engoûment des chefs, son obéissance passive, son code barbare et sa discipline inhumaine, elle n’est qu’un engin de tyrannie, fait pour servir et asservir ; elle ruine et opprime, sous prétexte de défendre, corps d’esclaves armés pour contenir des esclaves sans armes.

L’armée permanente de France qui est la meilleure armée de conquête, est et sera toujours la meilleure armée d’oppression ; car la conquête est injuste, anormale, contradictoire avec le principe de la liberté humaine : c’est l’oppression au dehors, soeur de la tyrannie au dedans. Voyez si ces généraux d’Afrique n’ont pas traité les Français comme les Arabes ! Cette armée permanente, instrument suranné de violence intérieure et extérieure ne peut donc plus exister désormais. Elle est irrémissiblement condamnée. Elle n’eût pas dû survivre au 24 Février ; elle s’est tuée le 2 Décembre. Le meurtre qu’elle a commis a été son suicide. Sans le 2 Décembre, on l’eût peut-être conservée encore, comme on l’avait rappelée dans Paris après le 24 Février. On eut reparlé peut-être encore de l’honneur des armes, de la gloire du drapeau, des services rendus, des têtes blanchies sous le harnais, des vieux crachats, des vieux habits, des vieux galons. Tout est dit ; elle s’est noyée à jamais dans le sang de Décembre ; elle doit être dissoute, ses drapeaux doivent être brûlés, ses principaux chefs dégradés ; il faut un exemple. Il faut qu’elle comprenne l’énormité de son crime par la solennité du châtiment. Mais afin que cette grande leçon nationale soit morale et profitable, il faut, à côté de la peine pour les coupables, la récompense pour les méritants ; il faut décerner l’ovation populaire aux soldats républicains d’Afrique, à ces sous-officiers démocrates expatriés, envoyés au désert pour cause de socialisme ; il faut leur rendre les honneurs civiques que la première Révolution rendit aux soldats de Château-Vieux condamnés aux galères du roi ; il faut en refaire cette pépinière de héros patriotes, de généraux invaincus qui s’appelaient Kléber, Hoche et Marceau !

Mais, dira-on, licencier l’armée, c’est désarmer la Révolution en face de la tyrannie. Et la défense de la patrie donc, et la délivrance de l’Europe ? La France doit donner la République universelle ou subir la royauté universelle. Donc, une armée. D’accord, mais une armée républicaine. Donc l’armée actuelle doit être dissoute, retrempée dans la nation entière pour y perdre à jamais cet esprit de corps prétorien, cette ambition soldatesque, ce métier impérial et royal de tueurs d’hommes, impuissant toujours à défendre le pays, et finalement vaincu par deux invasions. La grande armée est tombée à Leipsick ; la vieille garde à Waterloo. L’armée doit se fondre dans une levée en masse pour y reprendre ce sentiment général, généreux, désintéressé, invincible du salut commun, qui au contraire, a chassé par deux fois l’ennemi du sol de la République, avec les volontaires de Fleurus et de Valmy.

Sans doute, en principe, la vie étant divine et la guerre inhumaine, tout régime militaire, quel qu’il soit, est et sera toujours anti-naturel, anti-démocratique. Mais tant que les royautés seront debout et menaçantes pour le droit, tant que la République universelle n’aura pas fait de tous les peuples un seul peuple, il faut que la France qui a la force, la conserve et l’emploie contre l’ennemi commun. C’est un remède au mal ; il faut choisir le moins mauvais ; le meilleur n’existe pas. Il faut réduire l’armée à la défense de la patrie et de la liberté par le moyen même de la liberté et de l’égalité.

Ainsi l’élection rétablie ; la conscription et le remplacement abolis ; l’impôt du sang, payé aujourd’hui comme les autres impôts par les pauvres seuls, dû par tous, payé par tous ; l’armée permanente transformée en milice nationale ; tout soldat refait citoyen, tout citoyen fait soldat. Comme le quirite romain mesurait et défendait son champ avec sa lance, chaque citoyen français défend avec son fusil sa patrie et sa liberté. Il a le droit et la force, le vote et l’arme ; il ne peut pas plus déléguer son arme que son vote, sa force que son droit. Il est son propre soldat, comme il est son propre législateur. Il se compromet autant en confiant sa défense qu’en confiant sa souveraineté. Il ne peut pas remettre à d’autres le soin de le protéger qui devient toujours celui de l’opprimer. La fonction militaire est un droit qui n’admet pas de représentans, comme c’est un devoir qui n’admet pas de remplaçans. Donc, plus d’armée permanente sortie et séparée de la nation, mais la nation entière en armes, nommant ses chefs, classée par bans suivant l’âge, exercée militairement en temps de paix, dans ses propres communes, par ses officiers instructeurs, ne quittant le foyer qu’en temps de guerre, et ne faisant plus qu’une guerre possible, la dernière, la guerre du principe contre le fait, du droit contre la force, de la liberté contre la tyrannie, des peuples contre les rois.

 

VI

RELIGION.

 

Religion veut dire lien. L’homme est un être à la fois spirituel et matériel, individuel et social. Il est un avec lui-même, avec ses semblables, avec Dieu. La conscience de cette unité indivisible est religion. Ces vérités sont déjà banales. Toute religion qui ne comprend pas tout l’homme et tous les hommes, l’humanité entière, matérielle et spirituelle, individuelle et sociale, est fausse et incomplète ; en un mot, elle n’est pas religion. Le paganisme qui ne comprenait que le corps ; le christianisme qui ne représentait que l’âme, sont des religions défectueuses ; l’une ou l’autre n’ont pas compris l’homme tout entier esprit et matière, individu et société. Toutes deux ont méconnu l’intégralité du droit, l’unité de la nature humaine, le principe saint et sacré de solidarité et de vie universelle ; toutes deux ont tenu en dehors de leur dogme un des éléments de l’homme ; toutes deux ont établi la division, le duel, la guerre, l’oppression d’une partie de l’homme par l’autre, par conséquent des hommes par les hommes. Comment l’individu qui n’était pas d’accord avec lui-même, pouvait-il l’être avec ses semblables ? Toutes deux ont laissé imparfaits l’esprit ou le corps, l’individu et la société. L’humanité constituée matériellement d’abord, spirituellement ensuite, doit enfin se constituer unitairement.

Le christianisme, protestation simpliste de l’esprit contre le joug du matérialisme payen, fut bientôt sous le-nom de catholicisme, le complice du tyran. La nature qu’il avait niée l’emporta. N’ayant pas encore le principe régulateur de l’unité, il se fit terrestre, matériel et payen à son tour. Ce qui était protestation devint donc oppression ; ce qui était croyance devint puissance, tantôt complice, tantôt rivale des autres pouvoirs temporels, traître à son origine, infidèle à sa mission, quittant la crèche pour le dôme, l’esprit pour le corps, le ciel pour la terre, Dieu pour le diable, Jésus pour César ; maudissant l’infortune, réprouvant la vertu, bénissant le crime, huilant le parjure, sacrant et consacrant le vol et le meurtre, toute violence et toute fraude ; abusant, dépravant la conscience, éteignant la raison, entretenant la crédulité, exploitant la faiblesse, alliant enfin avec un art infernal la ruse à la force, la croix à l’épée, le goupillon à la torche, et le tout à juste prix ; plus avare cent fois que les marchands du temple, plus hypocrite que les pharisiens, plus cruelle qu’Hérode, plus déloyale que Judas ; bref, vendant, livrant, crucifiant et mangeant le Christ tous les jours : voilà l’Église catholique depuis les anciens empereurs jusqu’aux nouveaux, depuis Constantin jusqu’à Bonaparte !

Dieu soit loué ! elle est morte ! elle s’est enterrée au 2 décembre. Ce n’est pas un Te Deum qu’elle a chanté pour le vainqueur ; c’est un De profundis qu’elle a chanté sur elle et un Libera pour nous ! Elle s’est tuée avec l’armée. Le prêtre séparé de la cité comme les soldats ; ayant comme eux, plus qu’eux, des moeurs, des règles, des chefs, une patrie à part ; ayant comme eux l’esprit de corps et moins qu’eux la famille, comme eux le métier, le mot d’ordre et la discipline ; improductif, onéreux, oppressif comme eux, comprimant l’âme, comme les soldats compriment le corps, le prêtre a commis le même parricide sur la mère commune, il mérite la même peine.

C’en est donc fait du prêtre comme du soldat, du clergé comme de l’armée, de l’église comme de la guerre. Le peuple doit être son propre prêtre, comme il est son propre soldat et son propre législateur. La conscience ne se délègue pas plus que la souveraineté et la force. Plus d’intermédiaire obligé entre l’homme et Dieu ! libre examen en tout et pour tous. La science a remplacé la foi. On ne croit plus, on sait. Et jusqu’à ce que la science ait prouvé à tous la vérité du lien qui unit l’homme à lui-même, à ses semblables et à Dieu, la vérité de la vraie religion qui comprend le corps et l’âme, l’individu et la société, tout l’homme, toute l’humanité et tout Dieu, la vérité, en un mot, du principe de solidarité et d’unité, de vie universelle, il ne peut plus y avoir de religion commune, publique, officielle. L’Église catholique ou autre est complètement séparée de l’État. Le budget direct et indirect des cultes est supprimé. 813 millions d’économie. Liberté de conscience, égalité de foi, fraternité de dogmes. Chacun pratique comme il veut. Qui veut un prêtre le paye ; qui use l’autel l’entretient. Le temple n’est plus à tel ou tel culte dominant, mais à ceux qui le louent à la commune. Le prêtre, le ministre, le rabbin sont des citoyens ordinaires, n’ayant ni monopole, ni privilèges, ni exemptions d’aucune sorte vis-à-vis de l’État ; n’ayant ni plus, ni moins de droits et de devoirs que les autres citoyens ; jouissant des mêmes avantages, mais soumis aux mêmes charges que tout le monde. Pas plus de clergé constitué que d’armée permanente. Ni autel, ni trône, ni sacristie, ni caserne, ni pape, ni empereur, ni jésuite, ni gendarme, ni croix, ni sabre, ni casque, ni calotte, liberté entière de l’âme comme du corps, ainsi soit-il !