L’argumentaire du coup de force

documents publiés dans notre bulletin n°20, juin 2002

L’argumentaire du coup de force

Proclamation du président de la République

Appel au peuple

Français !

La situation actuelle ne peut durer plus longtemps. Chaque jour qui s’écoule aggrave les dangers du pays. L’Assemblée, qui devait être le plus ferme appui de l’ordre, est devenue un foyer de complots. Le patriotisme de 300 de ses membres n’a pu arrêter ses fatales tendances. Au lieu de faire des lois dans l’intérêt général, elle forge des armes pour la guerre civile ; elle attente au pouvoir que je tiens directement du Peuple ; elle encourage toutes les mauvaises passions, elle compromet le repos de la France : je l’ai dissoute, et je rends le peuple entier juge entre elle et moi.

La Constitution, vous le savez, avait été faite dans le but d’affaiblir d’avance le pouvoir que vous alliez me confier. Six millions de suffrages furent une éclatante protestation contre elle, et cependant je l’ai fidèlement observée. Les provocations, les calomnies, les outrages m’ont trouvé impassible. Mais aujourd’hui que le pacte fondamental n’est plus respecté de ceux-là même qui l’invoquent sans cesse, et que les hommes qui ont perdu deux monarchies veulent me lier les mains, afin de renverser la République, mon devoir est de déjouer leurs perfides projets, de maintenir la République et de sauver le pays en invoquant le jugement solennel du seul souverain que je reconnaisse en France : le Peuple.

Je fais donc un appel loyal à la nation tout entière, et je vous dis : Si vous voulez continuer cet état de malaise qui nous dégrade et compromet notre avenir, choisissez un autre à ma place, car je ne veux plus d’un pouvoir qui est impuissant à faire le bien, me rend responsable d’actes que je ne puis empêcher, et m’enchaîne au gouvernail quand je vois le vaisseau courir à l’abîme.

Si, au contraire, vous avez encore confiance en moi, donnez-moi les moyens d’accomplir la grande mission que je tiens de vous.

Cette mission consiste à fermer l’ère des révolutions en satisfaisant les besoins légitimes du Peuple et en le protégeant contre les passions subversives. Elle consiste surtout à créer des institutions qui survivent aux hommes, et qui soient enfin des fondations sur lesquelles on puisse asseoir quelque chose de durable.

Persuadé que l’instabilité du Pouvoir, que la prépondérance d’une seule Assemblée, sont des causes permanentes de trouble et de discorde, je soumets à vos suffrages les bases fondamentales suivantes d’une Constitution que les Assemblées développeront plus tard :

1° Un chef responsable nommé pour dix ans ;

2° Des ministres dépendant du pouvoir exécutif seul ;

3° Un conseil d’État formé des hommes les plus distingués, préparant des lois et en soutenant la discussion devant le corps législatif ;

4° Un corps législatif discutant et votant les lois, nommé par le suffrage universel, sans scrutin de liste qui fausse l’élection ;

5° Une seconde Assemblée, formée de toutes les illustrations du pays, pouvoir pondérateur, gardien du pacte fondamental et des libertés publiques.

Ce système, créé par le Premier Consul au commencement du siècle, a déjà donné à la France le repos et la prospérité ; il les lui garantirait encore.

Telle est ma conviction profonde. Si vous la partagez, déclarez-le par vos suffrages. Si, au contraire, vous préférez un gouvernement sans force, monarchique ou républicain, emprunté à je ne sais quel passé ou à quel avenir chimérique, répondez négativement.

Ainsi donc, pour la première fois depuis 1804, vous voterez en connaissance de cause, en sachant bien pour qui et pour quoi.

Si je n’obtiens pas la majorité de vos suffrages, alors je provoquerai la réunion d’une nouvelle Assemblée, et je lui remettrai le mandat que j’ai reçu de vous.

Mais si vous croyez que la cause dont mon nom est le symbole, c’est-à-dire la France régénérée par la révolution de 89 et organisée par l’Empereur, est toujours la vôtre, proclamez-le en consacrant les pouvoirs que je vous demande.

Alors la France et l’Europe seront préservées de l’anarchie, les obstacles s’aplaniront, les rivalités auront disparu, car tous respecteront, dans l’arrêt du Peuple, le décret de la Providence.

Fait au palais de l’Élysée, le 2 décembre 1851.

LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE

 

Affiche

Dépêche télégraphique de Paris

Du 5 décembre 1851, à 10 heures du soir

(Reçue à Toulon le 7 à 1 heure 1/4 du soir.)

 

Le Ministre de l’Intérieur à MM. les Préfets et Sous-Préfets.

 

Le combat a cessé. L’insurrection est anéantie. Les démagogues sont en pleine déroute.

Ceux qui ont échappé à la juste indignation de nos soldats, cherchent leur salut dans la fuite.

L’armée a été admirable de dévouement et d’enthousiasme. Grâce à son courage, Paris est délivré des barbares et la France est sauvée de l’anarchie.

 

Pour expédition conforme :

Le Directeur du Télégraphe, signé Bourgoing.

Pour copie conforme : Le Préfet du Var, E.Pastoureau.

 

Dépêche télégraphique

de Paris du 14 décembre 1851 à 2 heures du soir

Le Ministre de l’Intérieur à Messieur le Préfet du département

 

Prenez les mesures les plus énergiques contre les anarchistes. Poursuivez les chefs socialistes avec la dernière vigueur.

Votre but constant doit êtr de désorganiser l’anarchie. Mettez à remplir cette tâche tout votre zèle et toute votre activité.

 

Pour expédition conforme, le Directeur du Télégraphe à Toulon

 

Circulaire du Sous-Préfet de Toulon aux Maires

 

Toulon, le 17 novembre 1852

 

Monsieur le Maire,

 

Dieu qui règle les destinées du monde inspire aux peuples les moyens de pourvoir à leur salut, alors qu’ils paraissent le plus près de leur perte.

Jamais la France n’avait eu plus besoin de cette protection divine. Elle ne lui a pas fait défaut : c’est à elle que nous devons l’avènement du pouvoir qui nous a délivré des factions, et qui est appelé désormais à nous gouverner.

Mais ce pouvoir, pour accomplir son œuvre et pour faire le bien, doit être durable.

Tel est le but du grand acte qui doit s’accomplir. Les comices du peuple français vont se réunir, appelés qu’ils sont à donner la dernière sanction légale au rétablissement de l’Empire, dans la personne du Prince auguste, qui, secondant les desseins de la Providence, s’est montré le digne et glorieux héritier du nom qu’il porte.

Je crois devoir, Monsieur le Maire, m’adresser en cette solennelle circonstance à votre zèle, et réclamer votre concours actif.

Nous avons combattu ensemble dans la lutte de l’ordre contre l’anarchie ; je sais donc tout ce que le gouvernement peut attendre de vous.

D’un autre côté, Monsieur le Maire, en présence de l’unanimité des vœux de la France, l’arrondissement de Toulon ne doit pas démentir l’accueil qu’il a fait au Prince Louis-Napoléon, et faillir à l’enthousiasme dont il a donné l’exemple.

Votre dévouement et le patriotisme de vos populations me sont un sûr garant de vos efforts. Unissez-les à ceux de tous les bons citoyens, entourez-vous de leur influence, et employez celle qui vous est si justement acquise pour triompher de l’indifférence, malheureusement trop habituelle dans les élections. Faites comprendre que les mauvais partis ne manqueront pas de considérer l’abstention comme un succès pour eux.

Je vous renouvelle la prière de me tenir au courant du résultat du vote, aussitôt qu’il vous sera connu, en m’envoyant un exprès, au besoin.

Agréez, Monsieur le Maire, l’assurance de ma considération la plus distinguée.

Le Sous-Préfet