Aux paysans

article publié le 12 avril 1849 dans La Voix du Peuple

reproduit dans Marginales, n°1, « Paysans, dernier siècle ? », avril 2002

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Aux paysans

 

Les grands seigneurs et les gros bourgeois se cotisent en votre faveur… Bonne nouvelle pour vous, paysans, qui suez sang et eau pour gagner votre misérable journée, cotée à vingt-cinq sous ; ceux qui ont le superflu vont vous donner le nécessaire ; vous vous frottez les mains, et vous poussez un gros soupir !… Enfin… Ne vous hâtez pas trop de vous réjouir, les déceptions sont cruelles et font bien mal !

     Les riches se cotisent pour faire imprimer des petits livres à votre portée dans lesquels ils vous démontreront comme quoi les républicains sont des monstres et les royalistes de fort honnêtes gens ; vous voyez bine qu’il ne faut pas trop vous réjouir ; car vous qui, pour la plupart, ne savez ni lire ni écrire, ça ne peut pas vous servir à grand chose… Je sais bien, après tout, que le maître d’école, le curé ou quelque fonctionnaire de votre endroit peut vous en faire lecture et, alors vous pourriez encore en profiter. Mais dans tous les cas, vous pouvez fort bien demander à ceux qui font des livres pour vous : “Pourquoi donc ne nous faites vous pas instruire, quand nous sommes tout petits ? Pourquoi donc, parce que nous sommes pauvres, nous crevez-vous les yeux de l’esprit ? Avant de nous débiter un tas de belles paroles faites en sorte que nous puissions les comprendre.”

Demandez-vous encore comment il se fait que les beaux messieurs s’y prennent aussi tard pour opposer principes à principes.

     […] Il s’agit d’apprendre à maudire la révolution de février, c’est-à-dire l’œuvre de votre émancipation politique ; […] il s’agit encore de vous faire haïr le socialisme, parce que le socialisme ne veut pas que les uns meurent de faim quand les autres meurent d’indigestion ; parce qu’il ne veut pas que le plus pauvre paie l’impôt comme le plus riche ; parce qu’il ne peut souffrir enfin qu’il y ait des fainéants et des accablés, des opulents et des morts de faim.

     […] Il s’agit de vous faire aimer ceux que vous avez chassés en février, c’est-à-dire les royalistes de toutes les couleurs… Ces braves gens qui pendant les dix-huit dernières années, vous ont tondu ras de peau, et qui veulent continuer sous la République à vous manger la laine sur le dos… Il vont venir vous prêcher l’ordre, la modération, le travail, la vertu…

     Vous répondrez :

     La vertu, nous la prêchons d’exemple en la mettant en pratique. Pouvez-vous en dire autant ?

     Le travail, c’est à nous d’en parler, puisque nous nous échinons pour vous nourrir à rien faire.

     La modération, c’est nous qui sommes modérés en tout et partout ; ce n’est pas nous qui emprisonnerions ceux qui ont le malheur de ne pas partager nos idées.

     L’ordre c’est un mot qui n’a plus sa signification primitive, depuis que les puissances s’en sont servies pour marquer l’oppression, la servitude ; du reste, nous seuls sommes des hommes d’ordre, qui nous soumettons aux lois, et qui donnons à la société notre part de travail en retour du morceau de pain noir qu’elle nous jette.

            Et lorsque dans ses écrits dictés plutôt par la peur que par l’intérêt qu’on vous porte, l’on attaquera, sous des dehors brillants et avec des phrases entortillées, la République et la Constitution, vous répondrez ; les anarchistes, c’est vous, qui nous prêchez la rébellion ; les incendiaires, c’est vous, qui voulez rétablir l’ancien état des choses en passant sur le corps des républicains, c’est-à-dire sur la France agonisante ; les rouges, c’est vous, qui ne cessez de pousser le peuple à descendre dans la rue, afin de le mitrailler et de vous proclamer après les héros de l’ordre et de l’honnêteté… Les exploiteurs de la sueur du peuple délient les cordons de leurs bourses : paysans, méfiez-vous, il y a du louche !

 

Louis Langomazino

  

Mercredi 29 mai 2002 au soir, l’entrepôt  de l’éditeur – distributeur   Les  Belles Lettres à Gasny (Eure) a brûlé. Près de 3 millions  d’ouvrages  sont partis en fumée, dont 10 000 livres édités  par Marginales.

Nées en 1999, les éditions  Marginales  se proposent  de redonner à la Littérature sa place dans la production d’une pensée émancipée.  Dagerman, Kraus, Pekic, Martinson, Latzko, Johnson, Bernier…

MARGINALES, C’EST AUSSI UNE REVUE.

La perte est énorme. Pratiquement plus  aucun livre n’est disponible.  Il nous faut réunir tres rapidement d’importantes sommes  d’argent pour reconstituer le fonds. Une absence trop longue en librairies  signifierait l’arrêt de cette activité indépendante. Dans les semaines et les mois qui viennent  va se jouer la survie de Marginales.

 

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Réimpression  septembre  2002:

La Toison d’or (vol.1) _ Borislav  Pekic: 25 euros

L’Ile des condamnes _ Stig  Dagerman: 21 euros

La Fabrique de violence _ Jan Guillou: 22 euros

 

Réimpression  novembre 2002

Même les orties fleurissent _ Harry  Martinson: 20 euros

Il faut partir _ Harry Martinson: 22 euros

  

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