Document. Une lettre du 5 décembre 1851, envoyée de La Flèche (Sarthe)

Page mise en ligne le 3 mai 2020

Document

 

Aimablement communiqué par Alain Trinquier

 

Une lettre d’un habitant de La Flèche (Sarthe)

adressée le 5 décembre 1851 à un avocat parisien.

 

A Monsieur Langlois

Avocat

Rue de Seine, 43

Paris

 

La Flèche, le 5 Xbre 1851

 

Mon cher monsieur Langlois,

 

Je vous remercie d’avoir bien voulu songer à moi, dans le moment même de l’évènement si grave qui vient de se passer. Ma femme et moi, nous pensions également à vous et nous avions des inquiétudes pour votre personne. Votre lettre nous a tranquillisé de ce côté. Je l’ai communiqué à M. & Mad Leroy pour les tirer également d’inquiétude.

Je vous écrivais, le 2 Xbre dans le souci et j’allais le lendemain matin faire mettre ma lettre à la poste lorsqu’on vint m’éveiller et m’apprendre ce qui s’était passé.

Une circulaire affichée du Préfet nous apprend que les représentants, qui ont été arrêtés au 10e arrondt, ont été mis en liberté. C’est une bonne nouvelle. On ne pouvait en effet garder en prison des hommes qui n’ont fait que leur devoir. D’un autre côté cet acte prouverait que la tranquillité publique est assurée.

Comme homme de la légalité je ne pouvais approuver ce coup d’état. Néanmoins, puisqu’il est fait je fais des vœux pour que Napoléon reste maitre de l’insurrection & sorte victorieux ; car, comme vous me l’écrivez avec votre sagesse habituelle, le triomphe des gens des barricades serait le triomphe de l’anarchie.

Dans ma lettre du 2 Xbre je vous disais quelques mots sur la situation si déplorable des partis dans l’assemblée, division qui la perdait dans l’opinion publique. L’assemblée n’est plus. Aussi n’ai-je plus rien à en dire.

Nous sommes ici parfaitement tranquilles. Nos rouges, en apprenant ce coup d’état, ont paru joyeux comme des hommes qui allaient en profiter. Ils n’ont plus dans ce moment la même physionomie.

Les hommes d’ordre, partisans outrés de l’assemblée, parce qu’ils comptaient sur M. Changarnier, sont disposés à adhérer au manifeste de Napoléon.

Les gens de campagne qui souffrent depuis trois ans et qui attribuaient leur état de malaise aux pouvoirs, paraissent satisfaits. Si Napoléon sait gouverner avec sagesse, vigueur & justice, son gouvernement sera, je le crois, bien accueilli. Tout en est là du provisoire dans lequel nous vivons. Quoiqu’on en dise, je pense qu’on doit gouverner pour tous et non par tous.

Adieu, mon cher monsieur Langlois. Veuillez bien être assez aimable pour nous donner de temps à autre de vos nouvelles.

Ma femme se joint à moi pour vous prier d’assurer nos respects à madame Langlois.

Veuillez bien, mon cher monsieur Langlois, recevoir la nouvelle assurance de mes sentiments constamment dévoués.

Votre très affectueux serviteur,

Garnier

 

 

 

La Sarthe est le seul département de l’Ouest et du Nord à avoir connu une résistance armée au coup d’État. Elle fut circonscrite à la ville de La Suze qui se souleva le 5 décembre. L’auteur de cette lettre n’en avait donc par encore connaissance. Les tentatives d’étendre le mouvement au reste du département échouèrent rapidement.

Rien ne se passa à La Flèche où 5 républicains furent tout de même poursuivis par la commission mixte pour propagande, tous condamnés à la surveillance. A total, il y eut tout de même 198 inculpés dans la Sarthe, dont 14 condamnés à la déportation en Algérie, 22 à l’expulsion et 16 à l’éloignement.

Vous trouverez un résumé de l’étude de Corinne Chable sur ces événements sur ce blog.

Et vous pouvez consulter nos références sur ce département dans notre bibliographie.