Décret du 11 janvier 1852 sur la dissolution de la garde nationale
Décret du 11 janvier 1852
sur la dissolution de la garde nationale
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS.
Louis-Napoléon,
Président de la République,
Considérant que l’ordre est l’unique source du travail ;
et qu’il ne s’établit qu’en raison directe de la force et de l’autorité du gouvernement ;
Considérant que la garde nationale doit être non une garantie contre le pouvoir, mais une garantie contre le désordre et l’insurrection ;
Considérant que les principes appliqués à l’organisation de la garde nationale à la suite de nos différentes révolutions, en armant indistinctement tout le monde, n’ont été qu’une préparation à la guerre civile ;
Qu’une composition de la garde nationale faite avec discernement, assure l’ordre public et le salut du pays;
Considérant que, dans les campagnes surtout, où la force publique est peu nombreuse, il importe de prévoir toute nouvelle tentative de désordre et de pillage; qu’une récente expérience a prouvé qu’une seule Compagnie de bons citoyens armés pour la défense de leurs foyers suffit pour contenir ou mettre en fuite des bandes de malfaiteurs ;
Sur le rapport du ministre de l’intérieur,
Décrète :
Les gardes nationales sont dissoutes dans toute l’étendue du territoire de la République.
Elles sont réorganisées sur les bases suivantes, dans les localités où leur concours sera jugé nécessaire pour la défense de l’ordre public.
Dans le département de la Seine, le général commandant supérieur est chargé de cette réorganisation, qui aura lieu par bataillons.
Art. 1er. Le service de la garde nationale consiste :
1° En service ordinaire dans l’intérieur de la commune ;
2° En service de détachement hors du territoire de la commune.
Art. 2. Le service de la garde nationale est obligatoire pour tous les Français âgés de vingt-cinq à cinquante ans, qui seront jugés aptes à ce service par le conseil de recensement.
Néanmoins le gouvernement fixera, pour chaque localité, le nombre de gardes nationaux.
Art. 3. La garde nationale est organisée dans toutes les communes où le gouvernement le juge nécessaire : elle est dissoute et réorganisée suivant que les circonstances l’exigent. Elle est formée en compagnie, bataillon ou légion, selon les besoins du service déterminés par l’autorité administrative, qui pourra créer des corps de sapeurs-pompiers.
La création de corps spéciaux de cavalerie, artillerie ou génie, ne pourra avoir lieu que sur l’autorisation du ministre de l’intérieur.
Art. 4. Le président de la République nommera un commandant supérieur, des colonels ou lieutenants-colonels dans les localités où il le jugera convenable.
Art. 5. La garde nationale est placée sous l’autorité des maires, des sous-préfets, des préfets, et du ministre de l’intérieur.
Lorsque, d’après les ordres du préfet ou du sous-préfet, la garde nationale de plusieurs communes est réunie, soit au chef-lieu du canton, soit dans toute autre commune, elle est sous l’autorité du maire de la commune où a lieu la réunion.
Sont exceptés les cas déterminés par les lois où la garde nationale est appelée à faire un service militaire et qu’elle est mise sous les ordres de l’autorité militaire.
Art. 6. Les citoyens ne peuvent ni prendre les armes ni se rassembler, comme gardes nationaux, avec ou sans uniforme, sans l’ordre des chefs immédiats, et ceux-ci ne peuvent donner cet ordre sans une réquisition de l’autorité civile.
Art. 7. Aucun chef de poste ne peut faire distribuer de cartouches aux gardes nationaux placés sous son commandement, si ce n’est en vertu d’ordres précis, ou en cas d’attaque de vive force. Art. 8. La garde nationale se compose de tous les Français et des étrangers jouissant des droits civils, qui sont admis par le conseil de recensement, à la condition d’être habillés suivant l’uniforme, qui est obligatoire.
Art. 9. Le conseil de recensement est composé ainsi qu’il suit :
1° Pour une compagnie : du capitaine, président, et de deux membres désignés par le sous-préfet;
2° Pour un bataillon : du chef de bataillon, président, et du capitaine de chacune des compagnies qui le composent : le capitaine peut se faire suppléer par son sergent-major.
Provisoirement, et jusqu’à nomination aux grades, il est composé de trois membres par compagnie, et de neuf membres par bataillon, désignés par le préfet ou souspréfet.
A Paris, la désignation sera faite par le ministre de l’intérieur sur la présentation du général commandant supérieur.
Le conseil de recensement prononce sur les admissions et arrête le contrôle définitif.
Art. 10. Il y aura un jury de révision par chaque canton. Il est présidé par le juge de paix et composée quatre membres nommés par le sous-préfet.
A Paris, le jury de révision, institué à l’état-major général, est présidé par le chef d’état-major, à son défaut par un lieutenant-colonel d’état-major, et composé de :
4 chefs de bataillon,
2 chefs d’escadron d’état-major,
2 capitaines d’état-major,
1 chef d’escadron, rapporteur,
1 capitaine rapporteur adjoint,
1 capitaine, secrétaire,
1 lieutenant, secrétaire adjoint.
Art. 11. Le président de la République nomme les officiers de tous grades, sur la présentation du ministre de l’intérieur, d’après les propositions du commandant supérieur, dans le département de la Seine, et d’après celles des préfets, dans les autres départements.
Les adjudants sous-officiers sont nommés par le chef de bataillon, qui nomme également à tous les emplois de sous-officiers et de caporaux, sur la présentation des commandants de compagnies.
Art. 12. Les communes sont responsables, sauf leur recours contre les gardes nationaux, des armes que le gouvernement a jugé nécessaire de leur délivrer ; ces armes restent la propriété de l’Etat.
L’entretien de l’armement est à la charge du garde national ; les réparations, en cas d’accident causé par le service, sont à la charge de la commune.
Les gardes nationaux détenteurs d’armes appartenant à l’Etat, qui ne présentent pas ou ne font pas présenter ces armes aux inspections générales annuelles prescrites par les règlements, peuvent être condamnés à une amende de un franc au moins, et de cinq francs au plus, au profit de la commune.
Cette amende est prononcée et recouvrée comme en matière de police municipale.
Art. 13. Dans tous les cas où les gardes nationales sont de service avec les corps soldés, elles prennent le rang sur eux.
Art. 14. Les dépenses de la garde nationale sont votées, réglées et surveillées comme toutes les autres dépenses municipales.
Art. 15. Les dépenses de la garde nationale sont obligatoires ou facultatives.
Les dépenses obligatoires sont :
1° Les frais d’achat de drapeaux, tambours et trompettes ;
2° Les réparations, l’entretien et le prix des armes, sauf recours contre les gardes nationaux, aux termes de l’article 13;
5° Le loyer, l’entretien, le chauffage, l’éclairage et le mobilier des corps de garde ;
4° Les frais de registres, papiers, contrôles, billets de garde, et tous les menus frais de bureaux qu’exige le service de la garde nationale;
5° La solde des majors et adjudants-majors ;
6° La solde et l’habillement des tambours et trompettes.
Toutes autres dépenses sont facultatives.
Art. 16. Lorsqu’il est créé des bataillons cantonaux, la répartition de la portion afférente à chaque commune du canton dans les dépenses obligatoires du bataillon, autres que celles des compagnies, est faite par le préfet, en conseil de préfecture, après avoir pris l’avis des conseils municipaux.
Cette répartition a lieu proportionnellement à la population de chaque commune et à son contingent dans le principal des quatre contributions directes.
Art. 17. Il y a, dans chaque légion ou chaque bataillon formés par les gardes nationaux d’une même commune, un conseil d’administration chargé de présenter annuellement au maire l’état des dépenses nécessaires pour le service de la garde nationale, et de viser les pièces justificatives de l’emploi des fonds.
Il y a également, par bataillon cantonal, un conseil d’administration chargé des mêmes fonctions, et qui doit présenter au sous-préfet l’état des dépenses du bataillon.
La composition de ces conseils est déterminée par un règlement d’administration publique.
Art. 18. Dans le département de la Seine, il y a un conseil d’administration par un nombre de bataillons qui sera déterminé ultérieurement par le ministre de l’intérieur il est composé ainsi que suit :
Un chef de bataillon, président;
Un officier par bataillon.
Le major attaché à ces bataillons aéra rapporteur du conseil
Un secrétaire, chargé, en outre, des écritures pour les conseils de discipline.
Il est nommé un officier payeur pour ce même nombre de bataillons.
Art. 19. Le règlement relatif au service ordinaire, aux revues, exercices et prises d’armes, est arrêté :
Pour le département de la Seine, par le ministre de l’intérieur, sur la proposition du commandant supérieur.
Pour les villes et communes des autres départements, par le maire, sur la proposition du commandant de la garde nationale, et sous l’approbation du sous-préfet.
Les chefs pourront, en se conformant à ce règlement, et sans réquisition particulière, mais après en avoir prévenu l’autorité municipale, faire toutes les dispositions et donner tous les ordres relatifs au service ordinaire, aux revues et aux exercices.
Dans les villes de guerre, la garde nationale ne peut prendre les armes ni sortir des barrières qu’après que le maire en a informé par écrit le commandant de la place.
Le tout, sans préjudice de ce qui est réglé par les lois spéciales à l’état de guerre et à l’état de siège dans les places.
Art. 20. Lorsque la garde nationale est organisée en bataillons cantonaux et en légions, le règlement sur les exercices est arrêté par le sous-préfet, de l’avis des maires des communes et sur la proposition du commandant, pour chaque bataillon isolé, et du chef de légion pour les bataillons réunis en légion.
Art. 21. Le préfet peut suspendre les revues et exercices dans les communes et dans les cantons, à la charge d’en rendre immédiatement compte au ministre de l’intérieur.
Art, 22. Tout garde national commandé pour le service doit obéir, sauf à réclamer ensuite, s’il s’y croit fondé, devant le chef de corps.
Art, 28 Le titre IV de la loi du 13 juin 1851, intitulé
Discipline, est maintenu jusques et y compris l’article 118 de la même loi.
Sont abrogées toutes les lois antérieures au présent décret, ainsi que toutes les dispositions relatives au service et à l’administration de la garde nationale qui y seraient contraires.
Fait au palais des Tuileries, le 11 janvier 1852.
LOUIS-NAPOLÉON.
Le ministre de l’intérieur, A. DE MORNY.