Circulaires d’application de la loi du 31 mai 1850

Circulaire du ministre de l’intérieur.

5 juin 1850

 

Monsieur le préfet, l’Assemblée nationale a adopté, dans sa séance du 31 mai dernier, la loi -proposée par le gouvernement, et qui a pour objet d’apporter des modifications à celle du 15 mars 1849 sur les élections.

La loi est exécutoire à dater de sa promulgation, conformément aux règles prescrites par l’art. 1er  du Code civil et par l’ordonnance du 27 novembre 1816.

C’est d’après ces règles que seront calculés, pour votre département, les délais assignés par les dispositions de la nouvelle loi à la confection et à la clôture des listes, et à la réception des déclarations.

Les conditions d’âge et de possession de domicile {art. 2, paragraphe 2} pourront être accomplies jusqu’au dernier jour des trois mois après lesquels doit avoir lieu la clôture définitive des listes.

Vous ne perdrez pas de vue que les listes électorales devront être refaites à nouveau et qu’il ne s’agit pas seulement de la révision de celles qui ont été dressées du 1er janvier au 31 mars dernier ; celles-ci ne pourront servir que comme documents bons à consulter.

La présente instruction a pour objet de vous guider dans l’exécution de la loi nouvelle et de préparer la solution des principales difficultés que peuvent rencontrer, dans le travail, qui leur est de nouveau confié, les maires des communes de votre département.

J’aurai à vous entretenir des conditions de domicile exigées de l’électeur, des deux modes principaux de constatation de ce domicile, des déclarations qui peuvent y suppléer dans certains cas et à l’égard de certaines personnes.

Mais une observation préliminaire me parait indispensable.

Quand le domicile est constaté par l’inscription depuis trois années au rôle de la contribution personnelle ou à celui de la prestation en nature pour les chemins vicinaux, le maire doit inscrire d’office, car il a dans les mains les éléments de constatation qui n’exigent aucune preuve accessoire.

Mais lorsque le domicile doit être établi par des déclarations de parents, maîtres ou patrons, auxquels la loi donne qualité pour cet objet, l’inscription sur la liste doit demeurer subordonnée à la production de cette justification nécessaire, et ne peut pas la prévenir.

La loi accorde trente jours pour le dépôt de cette déclaration.

Il importe donc de rappeler que, le maire n’ayant lui-même que trente jours pour la confection de la liste, beaucoup d’inscriptions pourraient être ajournées si les déclarations n’étaient produites que le dernier jour du délai.

MM. les juges de paix auront à déléguer, pour assister le maire de chaque commune, deux citoyens domiciliés dans le canton.

Ils pourront charger le même citoyen de remplir cette mission dans plusieurs communes, lorsque la population de ces communes sera peu considérable, et que le travail de la révision présentera par conséquent-peu de difficultés.

La loi nouvelle apporte une grave modification au système de la législation de 1848 et 1849, qui déterminait le lieu de l’inscription d’après le fait de la résidence. Elle emploie le mot domicile, et les règles que contiennent les art. 2 et 3 indiquent assez qu’il s’agit du domicile réel, ainsi que l’entendaient les lois antérieures, c’est-à-dire du lieu où l’électeur a non seulement son habitation, mais son principal établissement.

II n’y a d’exception que pour les militaires qui étaient sous les drapeaux, et n’ayant pas de demeure fixe, sont considérés comme ayant, sans condition de durée, leur domicile dans la commune où ils ont satisfait à l’appel.

Le domicile exigé doit avoir été possédé pendant trois ans (art. 2), et cette possession n’est pas limitée à la commune habitée actuellement. Il y a lieu d’ajouter, au temps pendant lequel un citoyen a été domicilié dans la commune à laquelle il appartient actuellement le temps où, auparavant, et sans qu’il y ait eu interruption, il était domicilié dans une autre commune du même canton.

L’art. 3 détermine les conditions qui doivent servir de règle pour constater les trois ans de domicile.

En principe, la preuve résulte de l’inscription au rôle de la contribution personnelle et de l’inscription personnelle au rôle de la prestation en nature pour les chemins vicinaux.

MM. les maires possèdent les éléments de là première de ces constatations dans la matrice cadastrale, qui embrasse une période de quatre années.

Pour la seconde, ils devront s’adresser aux receveurs municipaux, auxquels vous aurez soin de donner à cet effet les instructions nécessaires.

Les fils majeurs demeurant chez leurs père et mère, beau-père, belle-mère ou autre ascendant, et ne payant pas l’impôt personnel en vertu de l’art. 12 de la loi du 21 avril 1832, seront inscrits sur une déclaration de cet ascendant.

Les jeunes gens âgés de plus de 21 ans et de moins de 25 ans, qui n’ont point cessé de demeurer chez leurs parents, sont aussi susceptibles d’être inscrits.

Mais il faudra que les parents, comme les enfants, aient domicile depuis trois ans au moins dans la commune ou le canton.

Les ascendants, comme le patron ou le maître, ne font en cela que communiquer à leurs enfants, ouvriers ou domestiques le droit dont ils sont eux-mêmes investis, et, pour être transmis, ce droit doit être entier.

Ceux qui, au dessous de l’âge de 21 ans n’ont été absents de la maison paternelle que pour leurs études, et n’ont pas au dehors des professions ou des établissements séparés, doivent être considérés comme n’ayant jamais cessé, pendant leur minorité, d’avoir leur domicile dans la maison paternelle. C’est ce qui a lieu pour le recrutement.

Après l’âge de 21 ans, 1e fils ne conserve le domicile paternel que dans le cas seulement où ses études ou son apprentissage l’en retiennent encore éloigné, et alors qu’il n’a pas manifesté, par un établissement ou par un commencement d’exercice d’une profession séparée, l’intention d’acquérir un domicile qui lui soit propre.

Le dernier paragraphe de l’art. 3 donne qualité aux maîtres ou patrons pour attester, par écrit, que tels individus majeurs ont servi ou travaillé habituellement chez eux, en qualité de domestiques ou d’ouvriers, pendant trois ans consécutifs, et, en même temps, ont demeuré dans la même maison que les maîtres ou patrons, ou dans les bâtiments d’exploitation.

Ne doivent pas être considérées comme bâtiments d’exploitation, dans le sens de la loi, les habitations annexées à divers établissements industriels, et qui, sans être indispensables à l’exploitation, sont spécialement destinées à loger des ouvriers. C’est là, en effet, pour eux, une maison d’habitation distincte, qui les rend susceptibles d’être imposés à la contribution personnelle, et qui les place, quant au domicile, sous l’empire du paragraphe 1er de l’art. 3.

Si un ouvrier ou domestique a travaillé ou servi, dans l’intervalle de trois, ans consécutifs, chez plusieurs patrons ou maîtres dans la commune ou le canton, il devra en rapporter la preuve au moyen des déclarations de chacun d’eux.

Conformément à l’art. 108 du Code civil, le mineur n’a pas d’autre domicile que celui de ses père et mère. Les années de domicile constatées par les maîtres ou patrons ne doivent donc compter que du jour de la majorité, sans préjudice du temps de domicile acquis chez les père et mère, lorsque ceux-ci sont domiciliés dans la même commune ou le même canton.

Ces déclarations, ainsi que celles des pères ou mère (au cas du paragraphe 2 de l’art. 3), seront dressées d’après les formules dont les modèles vous seront envoyés incessamment et dans lesquelles seront textuellement rappelées les dispositions de la nouvelle loi, qui frappe d’une peine sévère les fausses déclarations. Vous aurez soin de veiller, d’ailleurs, à ce que ces dispositions reçoivent la plus complète publicité.

L’art. 4 a prévu le cas où il y aurait impossibilité ou refus de délivrer la déclaration mentionnée en l’art 3. Il a déterminé les moyens d’y suppléer.

L’inscription personnelle au rôle de la prestation en nature pour les chemins vicinaux est également une des preuves admises par la loi pour la constatation du domicile.

Ainsi les listes électorales doivent comprendre tout habitant chef de famille où d’établissement, qui justifie de son inscription personnelle depuis trois années sur les rôles de la prestation en nature.

Si, dans les trois années qui ont précédé la clôture des listes, un citoyen a successivement et sans interruption rempli plusieurs des conditions diverses énumérées dans la loi comme constatant le domicile, il devra en recueillir le bénéfice et être inscrit comme s’il eût rempli constamment une seule de ces conditions.

Telles sont les observations que j’ai à vous adresser, Monsieur le préfet, au sujet de la possession du domicile pendant trois années, suivant les prescriptions des art. 2, 3 .et 4.

Il me reste à vous entretenir de dispositions spéciales relatives aux fonctionnaires publics et aux citoyens faisant partie des armées de terre et de mer.

Suivant l’art. 5, les fonctionnaires publics qui, à l’époque de la formation des listes électorales, sont en exercice dans une commune, ont droit d’y être inscrits. La même disposition s’applique aux ministres, en exercice, des cultes reconnus par l’Etat.

Ainsi qu’il a été dit ci-dessus, les militaires retenus tous les drapeaux n’ont d’autre domicile fixe que la commune à laquelle ils appartenaient quand ils ont été appelés à servir. L’art. 6 a simplifié, à cet égard, les dispositions de la loi du 15 mars 1849, sur le domicile de départ, en spécifiant que, pour tout militaire et marin, l’inscription aurait lieu dans la commune où il a satisfait à l’appel.

Les états ou bulletins envoyés par les chefs de corps dans le mois qui précède la confection des listes, sont le meilleur moyen d’assurer l’inscription des militaires dans leurs communes respectives. A l’avenir, ces états devront être dressés selon les prescriptions de l’art. 6 de la nouvelle loi quant à la fixation du domicile.

De plus, j’ai l’intention de me concerter avec MM. les ministres de la guerre et de la marine, pour que ces documents soient dressés par commune, au lieu de réunir des militaires appartenant à des communes diverses. Mais il est difficile que de nouveaux états puissent être établis et envoyés d’ici à un mois. Au défaut de ces renseignements, les maires se serviront de ceux qu’ils auront reçus au commencement de cette année, et vous devrez distribuer ceux qui vous seraient parvenus tardivement, et qui n’ont pu être d’aucune utilité pour les listes électorales closes le 31 mars.

L’art. 7 a pourvu au maintien des droits électoraux des citoyens qui, par suite d’un changement de résidence, ne peuvent pendant trois ans être inscrits dans la commune de leur nouveau domicile.

Ils sont portés, pendant ces trois ans, sur la liste de la commune qu’ils ont quittée, à la charge, de justifier de leur domicile actuel et de leur capacité.

La justification du domicile actuel doit être faite, aux termes de l’art. 7, dans les formes et sous les conditions prescrites par les art. 3, 4| et 5.

Évidemment l’électeur n’a besoin de justifier, dans ce cas, que du fait du domicile actuel, et n’a pas à en établir la durée.

Il suffit au fonctionnaire (art. 5) et au ministre du culte, de l’exercice de leurs fonctions publiques ou sacerdotales dans la commune, pour avoir droit à l’inscription.

Ces justifications seront faites au moyen de certificats délivrés par l’autorité chargée de dresser la liste électorale, c’est à dire par le maire de la commune (assisté en 1850 par deux délégués). Ces certificats devront être accompagnés des extraits de rôles et des déclarations mentionnés aux art. 3 et 4.

En même temps l’électeur devra justifier également, par un certificat de l’autorité chargée de dresser les listes électorales dans sa nouvelle résidence, qu’il remplit toujours les conditions de capacité électorale, et qu’il y serait inscrit s’il était établi dans cette résidence depuis trois ans.

Suivant le troisième paragraphe de l’art. 16, les citoyens qui, cette année, n’auront pas encore atteint, au moment où la liste sera close dans votre département, les trois ans de domicile, devront, pour être inscrits dans la commune où ils étaient domiciliés précédemment, justifier dans la forme ci-dessus indiquée qu’ils possèdent actuellement la capacité électorale, et seraient inscrits au lieu de leur domicile actuel s’ils le possédaient depuis trois années (*). Mais ils ne pourront être inscrits dans la commune qu’ils habitaient précédemment que s’ils y avaient trois ans de domicile quand ils l’ont quittée.

L’art. 15 contient une disposition exceptionnelle qui s’applique seulement à un petit nombre de villes où la contribution personnelle est acquittée en tout ou en partie par la caisse municipale. Il autorise à tenir compte de l’inscription sur l’état des imposables servant à déterminer l’entier contingent de la commune à la taxe personnelle, et à considérer les citoyens portés sur cet état, à titre d’imposables, mais dispensés d’acquitter la taxe, comme remplissant la condition d’inscription au  rôle dont il est question dans les paragraphes de l’art. 3. Des instructions particulières seront adressées aux préfets des départements où cette disposition devra être exécutée.

L’art. 8 a reproduit les incapacités établies par l’art. 3 de la loi du 15 mars 1849, et en a reconnu de nouvelles. Les art. 9 et 11 contiennent également des incapacités, mais dont la durée est limitée à un nombre d’années déterminé.

Vous aurez soin d’appeler l’attention de MM. les maires sur ses dispositions importantes, et de vous concerter avec les chefs des parquets des tribunaux sur les moyens de faire parvenir à la connaissance des autorités municipales les condamnations de nature à entraîner ces incapacités.

Vous recevrez, avec les formules des déclarations dont il est question plus haut, un tableau indiquant les diverses incapacités qui emportent, à l’égard de celui qui en est frappé, l’exclusion définitive ou temporaire de la liste électorale.

Suivant l’art. 16 paragraphe 1er, de la loi du 31 mai, les règles prescrites par la loi du 15 mars 1849, en ce qui concerne les délais et les réclamations, seront observées pour la confection des listes dressées en vertu de l’art. 1er.

En conséquence, la durée des diverses opérations est fixée conformément au tableau ci-après :

Nombre de jours.

Confection de la liste.            30

Publication delà liste.             1

Délai ouvert aux réclamations (loi du 15 mars 1849, art. .7).           10

Délai pour les décisions de la commission municipale (même loi, art. 8)                5

Délai pour la modification des dernières décisions de la commission municipale (même loi, art. 9 paragraphe 1er).                        3

Délai d’appel devant le juge de paix (même loi, art. 9, paragraphe 2).                     5

Délai pour les décisions du juge de paix,                   10

Délai pour la modification des décisions du juge de paix.                . 3

Total. …… 67.

Les vingt trois jours restant jusqu’à la clôture des listes permettront l’exercice du droit de recours en cassation prévu par l’art. 12 de la loi du 15 mars 1849, et donneront le temps nécessaire pour le travail qui devrait être recommencé dans le cas d’annulation des opérations primitives, en vertu de l’art. 6 de la même loi.

Je me réfère, Monsieur le préfet, aux observations contenues dans les circulaires des 19 mars et 17 décembre 1849 sur les opérations prescrites par les titres 1er et 2 de la loi du 15 mars 1849, pour la réception et le jugement des réclamations, et sur les moyens de recours contre les décisions en matière d’inscription électorale.

Ces opérations ont été pratiquées deux fois déjà en 1849 et 1850, et n’ont pas donné lieu à des difficultés sérieuses. D’ailleurs, la nouvelle loi n’y a apporté aucune modification.

 

Je vous prie de m’accuser la réception de la présente circulaire.

Recevez, Monsieur le préfet, l’assurance de ma considération très distinguée.

Le ministre de l’intérieur, BAROCHE

 

* Le paragraphe 3 de l’art. 16 ajoute les mots : Sans préjudice de ce qui est dit au paragraphe 2 de l’art. 2

Cela veut dire que le citoyen qui, au moment de la confection de la liste, n’aurait pas encore trois ans de domicile, mais qui les acquerrait avant l’époque de la clôture, devrait être inscrit, puisque les listes ne peuvent servir qu’à dater de la clôture.

 

 

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Circulaire du garde des sceaux.

 

Monsieur le procureur général, la loi du 31 mai 1850, qui modifie la loi électorale du 15 mars 1849, impose à la magistrature de nouveaux devoirs dont je dois vous entretenir.

Le premier article de la loi nouvelle décide que le maire sera assisté, pour dresser la liste électorale, de deux délégués désignés, pour chaque commune, par le juge de paix, et domiciliés dans le canton. Le législateur, en mettant plus de sévérité dans les conditions du suffrage, a voulu, par cette innovation, entourer la formation des listes de nouvelles et plus grandes garanties. Le juge de paix devra, pour se conformer à cette intention, choisir les délégués les plus honorables, ceux qui seront le mieux à l’abri de tout soupçon, enfin ceux qui seront les plus capables de coopérer utilement à la confection des listes.

Il est nécessaire que ces délégués soient domiciliés dans le canton ; j’ajouterai qu’il est convenable, sous tous les rapports, qu’ils y soient domiciliés au moins depuis trois ans.

Parmi les hommes les plus aptes à bien remplir les fonctions importantes de délégués, je dois désigner les percepteurs, que le recouvrement de l’impôt met en rapports continuels avec les habitants de la commune, et qui ont continuellement sous la main les documents qui servent le mieux à établir la durée du domicile exigé par la loi nouvelle.

On obtiendra aussi de très utiles services des membres du conseil général et des notaires. Dans les communes rurales, ces derniers sont, plus que personne, en état de se prononcer en connaissance de cause sur les incapacités électorales.

Les mêmes délégués peuvent être choisis pour plusieurs communes. Cela ressort suffisamment de la délibération. « Si nous avions voulu renfermer la délégation dans l’enceinte de la commune, a dit le rapporteur, nous aurions souvent manqué de délégués possibles ; il y a telles communes qui ne renferment pas d’hommes pouvant exercer ces fonctions. ».

En revanche, la même commune peut avoir plus de deux délégués, quand elle est divisée en plusieurs cantons. Chaque juge de paix exerce alors, dans sa circonscription, les droits attribués par la loi à la fonction dont il est revêtu ; par conséquent, chaque juge de paix déléguera, pour sa circonscription, deux citoyens qui assisteront le maire dans la confection de la liste. Un des membres de la commission a fait observer qu’il ne pouvait en être autrement ; car, s’il n’y avait pas deux délégués par chaque canton, ce ne serait plus, pour quelques unes des sections de la commune, les délégués du juge de paix compétent qui assiste raient le maire dans la confection de la liste. Mais, dans ce cas, les juges de paix de la commune peuvent tous choisir, les mêmes délégués.

Les délégués participent à toutes les opérations relatives à la formation première de la liste électorale. Dans tous les cas où ils le jugent utile, ils ont le droit de consigner leurs observations sur le procès-verbal.

Indépendamment de la nomination des délégués, les juges de paix reçoivent de la loi une attribution nouvelle et importante. Suivant l’art. 3, le domicile électoral est constaté :

1° ………. ;

2° Par la déclaration des pères ou mères, beaux-pères ou belles-mères ou autres ascendants domiciliés depuis trois ans, en ce qui concerne les fils, gendres, petits-fils ou autres descendants majeurs vivant dans la maison paternelle, et qui, par application de l’art. 12 de la loi du 21 avril 1832, n’ont pas été portés au rôle de la contribution personnelle ;

3° Par la déclaration des maîtres ou patrons, en ce qui concerne les majeurs qui travaillent habituellement chez eux, lorsque ceux-ci demeurent dans la même maison que les maîtres ou patrons ou dans les bâtiments d’exploitation.

Or, aux termes de l’art. 4, en cas d’empêchement des père et mère et autres ascendants, et en cas de refus ou d’empêchement des maîtres ou patrons de faire ou de remettre la déclaration mentionnée en l’art. 3, c’est au juge de paix qu’il appartient de constater, le fait du domicile chez les père, mère ou autres ascendants, ou chez le maître ou patron.

Cette constatation ne devra prendre la forme d’un jugement que dans le cas où il y aurait une contestation engagée. Elle ne me paraît susceptible d’aucun recours ; mais il est bien entendu-que, si elle impliquait la décision d’une question d’état, cette question devrait être, avant tout, résolue par les tribunaux civils, conformément à l’art. 10 de la loi du 15 mars 1849.

Les dispositions des art. 3 et 4 de la loi du 31 mai 1850 peuvent donner lieu à des difficultés, nombreuses, que je ne saurais ni prévoir-ni résoudre complètement. Il me suffira de dire qu’elles doivent être décidées par les règles ordinaires et en se conformant aux principes du droit commun.

Il est cependant quelques points fondamentaux qu’il est indispensable de ne pas perdre de vue. Ces deux articles établissent deux des moyens admis par la loi pour constater d’une manière non équivoque un domicile triennal ; mais ils ne doivent jamais servir à dépasser les limites légales.

Le juge de paix, lorsqu’il s’agit de constater le domicile électoral, n’a pas plus de pouvoir que n’en aurait eu l’ascendant ou le patron ; il supplée à leur défaut, mais il ne peut pas faire plus qu’ils n’auraient fait eux-mêmes.

Ainsi, relativement aux descendants, le juge de paix n’a quelque autorité que pour ceux qui n’ont pas été portés au rôle de la contribution personnelle, par application de l’art. 12 de la loi du 21 avril 1832, c’est à dire pour ceux qui, domiciliés avec leurs père, mère, tuteur ou curateur,  n’ont pas été considérés comme ayant des moyens indépendants d’existence.

Ainsi, à l’égard des ouvriers, le juge de paix n’a pas à constater le domicile de ceux qui demeurent hors de la maison du patron ou hors des bâtiments d’exploitation.

Enfin, je dois faire remarquer que la déclaration du père de famille ne peut être suppléée par le juge de paix que dans le cas d’empêchement. Le refus de l’ascendant doit être respecté. Le législateur n’a pas voulu admettre l’hypothèse d’une hostilité politique entre le père et ses enfants.

Il admet, au contraire, le juge de paix à constater le domicile de l’ouvrier, en cas d’empêchement ou de refus du maître ou du patron.

Les détails que mon collègue, M. le ministre de l’intérieur, a donnés sur plusieurs questions relatives au domicile des enfants et des ouvriers, dans une circulaire qu’il a adressée à MM. les préfets, le 5 de ce mois, me dispensent d’insister plus longtemps sur ces deux articles de la loi nouvelle. Il me suffit d’en avoir fait ressortir le principe.

Telles sont, en ce qui concerne la magistrature, les dispositions vraiment nouvelles de la loi du 31 mai. Elles soumettent les juges de paix à l’accomplissement de devoirs bien grands quoiqu’ils soient peu difficiles. Invitez-les à les remplir dignement, à mériter de plus en plus la confiance que l’on a mise en eux. Pour cela, qu’ils agissent avec promptitude, sagesse et loyauté.

Relativement à vos substituts, j’ai peu de choses à dire. La loi qui a étendu le cercle des incapacités leur impose des soins plus multipliés, mais non pas de nouveaux devoirs.

Aujourd’hui, comme autrefois, ils doivent s’attacher à faire connaître aux autorités municipales toutes les condamnations qui entraînent une incapacité électorale. Ils ne sauraient y apporter trop de zèle.

Ils rencontreront des difficultés sérieuses dans l’accomplissement de ce devoir, et vous recevrez prochainement les instructions qui ont pour but de le diminuer.

Dès à présent je vous invite à faire constater dans l’instruction, par une question régulière, le domicile électoral de tout citoyen poursuivi pour crime ou délit qui pourrait avoir pour conséquence une incapacité. Ce document devra figurer désormais sur les feuilles de renseignement qui sont jointes à chaque dossier. Il fera connaître l’autorité municipale près de qui la radiation sur la liste électorale doit être requise, conformément à l’art.  23 de la loi du 15 mars 1849.

 

Recevez, Monsieur le procureur général, l’assurance de ma considération très distinguée.

Le garde des sceaux, ministre de la justice, ROUHER