Baudelaire républicain ?

Baudelaire républicain ?

 

René Merle

 

On a pu s’étonner de voir Baudelaire qualifié de républicain.

L’épithète n’a pourtant rien qui puisse surprendre les baudelairiens, qui rappellent volontiers comment, le fusil à la main, le jeune Baudelaire  (né en 1821) avait participé à l’insurrection de Février 48, en espérant à l’occasion pouvoir régler son compte au beau-père détesté…

Les baudelairiens connaissent bien aussi le journal éphémère qu’au lendemain de la victoire républicaine Baudelaire lança avec une autre figure marquante de la bohème littéraire, Champfleury, et avec l’étudiant Toubin. À noter que le second numéro s’orne d’une gravure réalisée à partir d’un dessin de leur ami Courbet.

La République est saluée dans un lyrisme emphatique qui se brisera vite sur les réalités :

Vive la République !

Au Peuple

On disait au Peuple : défie-toi. 

Aujourd’hui il faut dire au Peuple : aie confiance dans le gouvernement.

Peuple ! Tu es là, toujours présent, et ton gouvernement ne peut pas commettre de faute. Surveille-le, mais enveloppe-le de ton amour. Ton gouvernement est ton fils. 

On dit au Peuple : gare les conspirateurs, les modérés, les rétrogrades ! Sans doute il faut veiller, les temps sont chargés de nuages, quoique l’aurore ait été resplendissante. Mais que le Peuple sache bien ceci, que le meilleur remède aux conspirations de tout genre est la foi absolue dans la République, et que toute intention hostile est inévitablement étouffée dans une atmosphère d’amour universel.

 

À noter cette brève qui rappellera peut-être des souvenirs aux anciens de mai 68 à Paris…

Les artistes républicains.

Les peintres se sont bravement jetés dans la révolution ; ils ont combattu dans les rangs du Peuple.

À l’Hôtel-de-Ville des artistes portaient sur leurs chapeaux, écrit en lettres de sang, le titre d’artistes républicains ; deux d’entre eux sont montés sur une table et ont harangué le Peuple.

On parlait d’une manifestation qui devait se produire au Louvre contre l’Académie de peinture qui, depuis dix-huit ans, a bu tant de larmes, a tué tant de jeunes talents par la faim et la misère. Mais les sots vieillards, architectes, musiciens, arpenteurs et géomètres sont à bas aujourd’hui.

Ne leur donnons pas le coup de pied de l’âne.