La résistance républicaine en Aveyron

Annexe n° 15

 Règlement sur le régime des transportés en Algérie (20 mars 1852)[1]

 

CHAPITRE Ier

DIVISION DES TRANSPORTES.

 

ARTICLE Ier : Les transportés sont divisés en trois catégories :

La première catégorie comprend ceux internés dans les forts et camps :

La deuxième catégorie se compose de ceux admis dans les villages :

La troisième catégorie est formée de ceux autorisés à se livrer à des exploitations particulières ou à résider sur certains points déterminés.

 

ART. 2. A leur arrivée en Algérie, tous les transportés font partie de la première catégorie.

 

ART..3. Le passage d’une catégorie dans une autre a lieu en vertu d’une décision du gouverneur général.

 

ART. 4. Les transportés appartenant à la première catégorie sont soumis au régime du règlement du 28 janvier 1839, sur les pénitenciers militaires.

 

ART. 5. Les transportés compris dans les autres catégories sont soumis au régime déterminé par le présent règlement.

 

CHAPITRE II.

DES TRANSPORTES DANS LES VILLAGES.

 

ART. 6. On choisit pour les placer dans les villages, les transportés qui se font remarquer par leur bonne conduite, par leur disposition au travail, qui exercent les professions de cultivateurs ou une profession utile à l’agriculture.

 

ART. 7. Les transportés sont divisés en escouades de vingt hommes.

 

ART. 8. Lorsqu’un convoi doit être dirigé sur un village, l’officier commandant désigne nominativement autant de chefs d’escouade que le chiffre total des partants en comporte à raison de un par vingt hommes. […]

 

ART. 9. Chaque homme reçoit une fourniture de literie composée de deux tréteaux avec planches, d’un campement, d’une paillasse et d’une couverture.

 

ART. 10. La nourriture est en commun dans les escouades.

 

ART. 11. Chaque escouade reçoit les ustensiles de campement indispensables.

 

ART.12. Le chef d’escouade transmet à son escouade les ordres de l’officier directeur, et veille à leur exécution, ainsi qu’au bon ordre et aux travaux de son escouade.[…]

 

ART. 16. Les transportés sont employés en commun par escouades, selon leur aptitude, aux travaux intéressants de village, tels que défrichement, dessèchement, cultures, plantations, etc.

 

ART. 17. Les travaux sont exécutés à la tâche, selon un prix fixé d’avance et porté à la connaissance des transportés.

 

ART. 18. Les dimanches et jours fériés sont consacrés aux exercices religieux et au repos.

 

ART.19. Chaque transporté reçoit, à son arrivée dans le village, un livret en tête duquel se trouvent le présent règlement et le signalement du porteur, et où sont inscrits ses gains et ses dettes, ainsi qu’il sera indiqué ci-après.

Le chef d’escouade a en outre un livret spécial pour l’inscription des dettes afférentes à son escouade.

 

ART. 20. Le prix fixé d’avance pour un travail, après que ce travail a été exécuté est reçu par le directeur, est décompté en fin de trimestre, tant sur le livret de l’escouade qui l’a accompli, que sur le livret de chaque homme dans la proportion suivante :

Neuf vingtièmes sont prélevés comme part de l’état pour avances faîtes ;

Quatre vingtième serviront à former une masse individuelle pour chacun des travailleurs ; c’est sur cette masse que sont soldés les objets d’habillements et autres qui sont fournis au transporté pour son usage personnel, sur sa demande ou d’office.

Cette masse devra arriver et se maintenir à 100 francs.

Un vingtième sera versé à la masse d’escouade, celle-ci servira à parer aux besoins généraux de l’escouade ; elle devra arriver et se maintenir à 100 francs au maximum.

Six vingtième seront remis à chaque travailleur, déduction faite de ce qui sera nécessaire :

1° Pour porter la masse individuelle aux 100 francs réglementaires, si elle est au-dessous de ce chiffre ;

2° Pour parfaire, par un prélèvement au prorata du nombre des hommes, la masse d’escouade, si elle est au-dessous des 100 francs réglementaires.

Le restant libre, auquel serait ajouté ce qui excèderait les 100 fr. de la masse individuelle, ainsi que la part revenant à chacun dans ce qui serait excédant sur la masse d’escouade, sera remis aux transportés.

 

ART. 21. Tout envois d’argent que les transportés expriment le désir de faire à leur famille, ont lieu par les soins des officiers-directeurs.

 

ART.22. A la fin de chaque trimestre, il est dressé, par les soins de l’officier-directeur, un relevé général, de toutes les sommes gagnées par la totalité des travailleurs à la tâche.

Cette somme totale, divisée par le nombre des travailleurs et des journées de travail effectif pendant le même trimestre sert à fixer le prix moyen de la journée de travail.

Les transportés qui n’ont pu être employés à la tâche, sont rétribués d’après ce prix moyen.

 

ART. 23. Les ouvriers sédentaires et les transportés qui leurs seront assimilés, recevront comme salaire de leur journée de travail, ce prix moyen, décompté comme il a été dit ci-dessus.

 

ART. 24. Les secrétaires reçoivent la même allocation augmentée de vingt-cinq pour cent ; ils supportent les mêmes retenues, mais sur le prix de la journée seulement.

 

ART. 25. Ces augmentations sont versées à la masse individuelle de chacune des parties prenantes.

 

ART. 26. Chaque transporté recevra, à titre de sou de poche, dix centimes par jour ; le décompte lui en sera fait tous les cinq jours. Cette allocation sera imputée trimestriellement au débit de la masse individuelle.

 

CHAPITRE III.

DES TRANSPORTES AUTORISES A CREER DES EXPLOITATIONS PARTICULIERES.

 

ART. 27. Les transportés dont la conduite et le travail auront été satisfaisants et qui déclareront vouloir se fixer en Algérie comme cultivateurs, avec leur famille, seront admis à en faire la demande.

Dès que leur demande aura été agréée, ils pourront être autorisés à disposer de leurs ressources en achat d’instruments aratoires, de bestiaux, etc.

 

ART. 28. Des associations de travailleurs ou de travailleurs et de bailleurs de fonds, seront autorisés pour l’exploitation des terres mises à la disposition par l’Etat, dans la mesure des ressources qu’elles pourront y appliquer, ou acquises par elles avec l’autorisation du gouvernement général.

Ces exploitations auront lieu sous la surveillance de l’autorité militaire qui veillera à la répartition équitable, entre les associés, des produits obtenus dans la proportion déterminée par l’acte d’association.

 

ART. 29. Les transportés, autorisés à faire venir leur famille, pourront recevoir aussi des commissions particulières à titre provisoire. Ces titres deviendront définitifs quand ils auront mis les terres en plein rapport, si du reste leur conduite a continué à être satisfaisante.

 

ART. 30. L’autorisation d’acquérir des terres sur un point déterminé pourra être accordée aux transportés individuellement. Ceux qui l’auront obtenue, devront résider sur les terres acquises par eux ; ils seront soumis à la surveillance spéciale, et ne pourront sans autorisation, s’éloigner de la circonscription qui leur aura été assignée.

 

ART. 31. L’arrivée de la famille, l’octroi d’une concession particulière ou l’autorisation d’acquérir des terres, fera cesser le travail en commun, le régime d’escouade et les allocations de vivres. La liquidation de la masse individuelle et son remboursement au transporté qui se trouvera dans un des cas prévus au paragraphe qui précède, seront la conséquence de cette mesure.

 

ART. 32. L’étendue des terres concédées provisoirement aux transportés, pourra être augmentée en proportion du bon travail et de la bonne conduite du transporté, ainsi que du nombre de bras dont se composera la famille.

Elle pourra être également augmentée en raison des dépenses qu’il aura faites dans l’édification de sa maison, dans son matériel agricole et en proportion des ressources pécuniaires dont il justifiera pouvoir disposer.

 

CHAPITRE IV.

DISPOSITIONS PARTICULIERES.

 

ART. 33. Le gouverneur-général pourra assigner une résidence spéciale à certain des transportés ; ils seront soumis à la surveillance de l’autorité militaire, et ne pourront s’éloigner du lieu où ils auront été internés.

 

ART.34. Quand un transporté se sera rendu recommandable par sa bonne conduite et par ses travaux, le gouverneur-général pourra demander que la transportation soit changée pour lui en une résidence temporaire en Algérie.

 

Alger, 20 mars 1852.

Le gouverneur-général,

Signé RANDON.

 

Pour ampliation :

Le secrétaire-général,

Signé G.MERCIER.

 

 



[1] Ribeyrolles C., Les Bagnes d’Afrique, histoire de la transportation de décembre, 1853, p 112 à 117.