LES CINQUANTENAIRES DE LA SECONDE REPUBLIQUE

LES CINQUANTENAIRES DE LA SECONDE REPUBLIQUE (1898-1902)

 

par Sébastien Guimard

Mémoire de maîtrise sous la direction de Madame Rosemonde Sanson

Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Juin 1996.

PREMIERE PARTIE

 

 

LA SECONDE REPUBLIQUE : MEMOIRE ET HERITAGE

I          LES RÉFÉRENCES A LA SECONDE RÉPUBLIQUE

 

2) LES RÉFÉRENCES AUX HOMMES DE LA SECONDE RÉPUBLIQUE

 

Avant de parler des références directes faites aux hommes de la seconde République à l’occasion des cinquantenaires, on peut évoquer les personnages dominants qui semblent se détacher de cette période cinquante ans plus tard. Pour ceci revenons une dernière fois sur les manuels scolaires d’histoire.

 

     A la lecture de ces manuels se dégagent incontestablement trois hommes parmi ceux qui forment le gouvernement provisoire : Lamartine, Ledru-Rollin, Louis Blanc. Ainsi l’un deux à propos des hommes du gouvernement provisoire évoque « Lamartine, Ledru-Rollin, Louis Blanc et d’autres bons républicains« . Ces trois personnages semblent représenter toutes les facettes de l’esprit de 1848.

 

Lamartine est le poète généreux, Karl Marx dit de lui d’ailleurs dans La lutte des classes en France que « c’était la révolution de février elle-même, l’exaltation commune avec ses illusions, sa poésie, son contenu chimérique et ses phrases« .

 

Ledru-Rollin représente lui l’éternel républicain, le précurseur de la social-démocratie, toujours fidèle à ses convictions, que ce soit au pouvoir pendant les six premiers mois de l’année 1848, ou dans l’opposition depuis la chambre des députés sous la monarchie de Juillet jusqu’à son exil en Angleterre lors de la République du parti de l’ordre et du second empire.

 

Enfin Louis Blanc s’inscrit aussi en partie dans l’esprit de 1848, lui le socialiste utopiqueLouis Blanc, photographié par Nadar pour reprendre l’expression d’Engels, représente la composante socialiste ou socialisante de l’esprit de 1848, son nom étant incontournablement rattaché à la mise en place des ateliers nationaux.

 

     Trois autres figures reviennent également souvent pour personnifier les camps en présence : Cavaignac, le général garant de l’ordre en juin 1848, pour les républicains modérés; Falloux et la loi du 15 mars 1850 qui porte son nom pour le parti de l’ordre; Louis Napoléon Bonaparte le « traître » auteur du coup d’état du 2 décembre 1851.

 

     Enfin les deux figures martyrs déjà évoquées et qui on le verra lors des célébrations des cinquantenaires jouent un rôle très important puisqu’elles s’organisent souvent autour de leur mémoire : Mgr Affre et Alphonse Baudin.

 

 

 

     Il nous est apparu particulièrement intéressant pour étudier les références aux hommes de la seconde République d’avoir recours aux érections de monuments et aux nominations de rues pendant la période 1895-1902.1 En effet cela permet de voir à quels personnages on se réfère et dans une autre mesure de voir quel est le poids des hommes de la seconde République par rapport à ceux d’autres périodes (essentiellement ceux de la Révolution de 1789 et ceux des débuts de la troisième République). Cette étude se limite à Paris et sa banlieue.

 

     Le principal inconvénient de cette méthode réside cependant dans le fait que la plupart des quarante-huitards ont eu leur nom donné à une rue dès l’arrivée au pouvoir des républicains aux alentours de 1880. Aussi dans la mesure où les noms des quarante-huitards les plus prestigieux ont déjà été donnés le manque d’intérêt pour la seconde République et les hommes qui lui sont attachés peut être exagéré.

 

Ainsi la rue Lamartine existe depuis 1848, le boulevard François Arago depuis 1864, l’avenue Ledru-Rollin depuis 1879, la rue Lamennais et la rue Dussoubs depuis 1881, le boulevard Barbès depuis 1882, les rues Ferdinand Flocon, Louis Blanc, Pierre Leroux et Pierre-Joseph Proudhon depuis 1885, le boulevard Raspail depuis 1887, la rue Dupont de l’Eure depuis 1893.

 

     Ce qui est plus intéressant c’est que cette forme de reconnaissance à travers les nominations de rue ne cesse pas après les premières années de l’arrivée au pouvoir des républicains.

 

D’une part tous les quarante-huitards ne sont pas encore morts dans les années 1880, et l’on peut remarquer pour certains que leur nom est choisi pour dénommer une rue très peu de temps après leur décès. Sont dans ce cas Victor Schoelcher, décédé en 1893, son nom est donné dès 1894, Albert décédé en 1895, son nom est donné dès 1896, Victor Considérant, décédé en 1893, son nom est donné en 1898, Martin Nadaud, décédé en 1898, son nom est donné dès 1899.

 

D’autre part des hommes auxquels on n’avait apparemment pas penser dans les années 1880 sont choisis dans les années 1890. Ainsi Adolphe Crémieux en 1897, Louis-Armand Garnier-Pagès en 1898 , l’actrice et chanteuse Rachel, qui sous la seconde République chantait à la fin de ses spectacles La Marseillaise drapée dans les trois couleurs bleu-blanc-rouge, en 1899.

 

      A partir de là on peut déjà voir quels sont les oubliés. Cavaignac, Marrast, Marie, Caussidière, Carnot (Hippolyte), Baudin, Blanqui… pour ne citer que les principaux. En fait seul le cas de Baudin2 est étonnant dans la mesure où son nom semble être resté dans les mémoires.

 

     Pour certains il faut savoir que les nominations des rues parisiennes sont à l’initiative du conseil municipal de Paris. Or celui-ci est à majorité radicale dès la fin des années 1870, il devient même de plus en plus socialisant dans les années 1890. Aussi on peut comprendre que Cavaignac le massacreur de Juin aux yeux de nombreux conseillers municipaux soit absent. On peut tenir le même raisonnement vis à vis de plusieurs représentants imminents du parti de l’ordre tels que Falloux, Mgr Dupanloup ou Montalembert3. En fait seules deux personnalités des milieux catholiques de l’époque ont une rue à Paris : Mgr Affre depuis 1864 (soit une époque où la couleur politique du conseil municipal de Paris ne jouait pas le même rôle) et le dominicain représentant des Bouches du Rhône en 1848 Henri Lacordaire depuis 1878.

 

     Au contraire l’extrême gauche quarante-huitarde est assez bien représentée avec Barbès, Louis Blanc, Pierre Leroux, Proudhon, Considérant et même Albert. Cependant l’absence de Blanqui laisse un certain vide.

 

Là il faut savoir que l’ordonnance du 10 juillet 1816 donne un droit de regard au gouvernement sur les dénominations de rues et les érections de monuments. Si Blanqui n’est pas encore un nom de boulevard du treizième arrondissement en 1898-1902 ce n’est pas faute d’essayer. Au contraire la municipalité en émet chaque année le voeu depuis 1895. Il s’agit en fait d’une censure du ministère de l’intérieur qui dans ses réponses aux voeux du conseil municipal de Paris justifie son refus en jugeant « inopportun de rappeler par certaines figures du passé les divisions entre les français« .

 

     Ainsi jusqu’en 1905 sont refusés les noms des communards : Auguste Blanqui, Benoit Malon, Ferdinand Gambon, Eugène Varlin, Jules Vallès, Charles Delescluze et Ferré. Des quarante-huitards tel Blanqui, Delescluze ou Félix Pyat sont ainsi absents (ils ne sont pas pour autant oubliés) mais ils le doivent à leur passé de communard et non de quarante-huitard.

 

Les communards ne sont pas les seuls victimes de cette censure, ainsi en 1898-99 sont refusés les noms de Saint-Just et Gracchus Babeuf.

 

La révolution de 1848 écrasée par le souvenir de la grande Révolution de 1789 et de plus en plus par celui de la Commune en tire au moins un avantage. Ses grands hommes même apparemment les plus avancés comme Proudhon ou Barbès (qui participa activement à la sorte d’insurrection que constitua la journée du 15 mai 1848) ne sont victimes d’aucune censure.

 

     Quant aux oublis de Marrast, Marie et même Carnot ils ne font que traduire le sentiment d’ une opinion générale qui les a déjà relégués à tort ou à raison au rang de personnage secondaires. Cette notion de personnage secondaire est décelable également avec Dupont de l’Eure, Crémieux, Garnier-Pagès qui bien que décédés respectivement en 1855, 1880 et 1874 ne sont consacrés à la postérité que dans les années 1890.

 

 

     A Paris les quarante-huitards semblent relativement bien représentés parmi les personnalités à caractère politiques dans les années 1895-1902. En effet on en dénombre cinq (Albert, Crémieux, Garnier-Pagès, Considérant, Rachel). Il s’agit d’un nombre correct puisqu’on ne trouve que trois hommes de la grande Révolution (Le général Santerre, le général Chasseloup-Laubat et le conventionnel Lindet); quatre réformateurs de l’éducation avec Victor Duruy (le ministre de Napoléon III), Jean Macé (le fondateur de la ligue de l’enseignement), Focillon et Marguerin; quatre personnalités parisiennes avec Castagnary (publiciste, ancien conseiller municipal de Paris), Hovelacque (ancien président du conseil municipal de Paris), Edouard Jacques (instituteur, député-maire du quatorzième arrondissement, qui d’ailleurs commença ses activités politiques dès 1848 à Lille en tant que président du Cercle Démocratique et Social) et Ferdinand Duval (ancien préfet de la Seine); trois philanthropes avec Furtado-Heine, J.F Lépine, Ernest Roussel; seulement deux personnages de la troisième République avec le président défunt Félix Faure et Henri Tolain (ce dernier ayant déjà largement commencé son activité politique dans l’extrême gauche de l’opposition au second empire); enfin un économiste avec Courcelle Séneuil.

 

     En revanche en banlieue parisienne, où la croissance urbaine se développe fortement, les personnages de la seconde République font pâles figures à côté de ceux de la Révolution de 1789 et surtout de ceux de la troisième République. On recense seulement une rue Ledru-Rollin à Fontenay aux roses en 1895 et à Suresne en 1897, une rue Baudin à Saint-Mandé en 1895, une rue Pierre Leroux à Alfortville en 1896, une rue Etienne Arago (et encore est-ce l’homme de la seconde ou de la troisième République qu’on honore là?) à Noisy-le-Sec en 1896, une rue Louis Blanc à Vanves en 1897. Blanqui est plusieurs fois proposé mais refusé. Les cinquantenaires de la seconde République ne semblent pas avoir eu d’effets particuliers à ce niveau là dans la mesure où pour la période 1898-1902 on ne recense aucun nom d’hommes de la seconde République pour l’attribution de nom de rue en banlieue parisienne.

 

Enfin on peut citer les deux cas suivants qui sont assez significatifs : en 1896 à Ivry le changement d’appellation de la rue Thiers par la rue Pierre Leroux est refusé, en revanche la même année à Bondy le remplacement de la rue Baudin (le martyr de la seconde République) par la rue Sadi-Carnot (martyr lui aussi mais de la troisième République) est accepté.

 

 

     Au niveau des érections de monuments les hommes issus de l’histoire de la seconde République là aussi tiennent une place respectable par rapport aux hommes de la Révolution française ou de la troisième République.

 

     En tout on recense dix-neuf statues et monuments commémoratifs érigés entre 1896 et 1902. En ce qui concerne les hommes de la seconde République on trouve la statue d’Alphonse Baudin en 1901 sur laquelle nous nous intéresserons abondamment en troisième partie; mais aussi au cimetière du Père-Lachaise en 1899 à droite du monument au mort d’Albert Bartholomé sont placés des bustes de Ledru-Rollin et D’Arago réalisés avant même la révolution de 1848 par David d’Angers. A ces statues on peut ajouter celles d’hommes qui sans avoir été forcément au premier plan sous la seconde République peuvent dans une certaine mesure être identifiés à cette période. Ainsi en 1898 est élevé à l’angle de boulevard Clichy et de la rue Caulaincourt une statue de Charles Fourier dont les idées malgré son décès antérieur à 1848 étaient encore présentes et influentes sous la seconde République. En 1899 sont élevées deux statues aux historiens Jules Michelet et surtout Edgard Quinet proscrit de décembre 1851.

 

     Pour les périodes de la Révolution française et de la troisième République les représentations sont moins nombreuses. Dans le premier cas on ne recense qu’en 1898 celle de Lavoisier (et encore c’est plutôt là le chimiste qu’on honore), dans le second cas on recense Jules Simon en 1902 auquel on peut éventuellement ajouter Pasteur en 1896 (à partir du moment où l’on considère Lavoisier comme une personnalité politique de la Révolution) ainsi qu’en 1896 le monument commémoratif  de la guerre de 1870-71, et en 1899 celui en l’honneur des alsaciens et lorrains morts pour la patrie en 1870-71. Enfin deux projets sont refusés : ceux d’une statue à Benoît Malon en 1896 et à Eugène Pottier en 1901.

 

En province des personnalités locales ou d’origine locales peuvent être statufiées. Ainsi Mgr Affre à Rodez (ville dont il est originaire) en 1898, à Toulon la statue de Honoré Daumas (responsable de société secrète, déporté pour cela en 1851 et représentant du Var en 1871) érigée en juillet 1897 et inaugurée le 24 février 1898.

 

     Enfin dans le même ordre d’idée, même s’il ne s’agit pas de statue, on peut citer la plaque commémorative déposée en l’honneur de Raspail au domicile qu’il occupât de 1840 à 1848 (5, rue de Sévigné quatrième arrondissement). La plaque commémorative qui contient l’inscription suivante : « François Raspail   Promoteur du suffrage universel   Donna ici gratuitement ses soins aux malades de 1840 à 1848 » est déposée le 22 septembre (autre date importante dans la mémoire républicaine) 1898.

 

Le comité qui s’était formé pour financer la fabrication de la plaque était présidé par le député de Sceaux, Baulard, vétéran des luttes républicaines (il était déjà à moins de vingt ans membre de sociétés secrètes républicaines sous la monarchie de Juillet).

 

 

      Une manière de réactiver le souvenir peut aussi être présente dans des actes particuliers que sont les funérailles2. Les funérailles peuvent permettre un certain mode de contestation politique ou tout au moins une certaine expression politique à travers la mémoire de la vie du défunt et le deuil occasionné.

 

     Les quarante-huitards qui décèdent pendant la période 1898-1902 ne sont cependant pas ou plus assez populaires et représentatifs d’aspirations sociales ou politiques assez fortes pour que leurs funérailles constituent un enjeu politique important. Comme on a pu le voir la plupart des grandes figures de la seconde République sont déjà décédées cinquante ans plus tard, d’autre part les survivants de 1848 se sont souvent retirés de la vie politique plusieurs années avant leur décès. Aussi les funérailles n’attirent souvent que des personnalités locales et n’occasionnent pas de rassemblements suffisamment importants pour pouvoir véritablement entraîner un regard approfondi sur le passé et déclencher débats et polémiques. Les rubriques nécrologiques sont souvent très brèves.

 

     On recense comme personnalités que l’on peut rattacher à la seconde République et qui décèdent pendant la période 1898-1902 : Marcel Barthe qui fut représentant des Basses-Pyrénnées en 1848 décédé en 1900, Edouard Jacques que nous avons évoqué décédé en 1900, l’écrivain et homme politique proche de Lamartine Henri de Lacretelle décédé en 1899, Benjamin Raspail fils de François qui fut représentant du Rhône en 1849 et proscrit de 1851, décédé en 1899, et Martin Nadaud le maçon de la Creuse, représentant du même département en 1849 et proscrit de 1851, décédé en 1898.

 

Pour les conservateurs on recense la mort en 1900 d’Armand Fresnau qui fut représentant de l’Ille et Vilaine en 1848 ainsi que celle du baron Henri de Lareinty en 1901.

 

Dans le même ordre d’idée on peut mentionner en juillet 1901 le transfert des cendres de Ferdinand Flocon du cimetière de Lausanne au Père-Lachaise. Le Temps qui pour l’occasion se penche sur le personnage (essentiellement à propos de sa tentative d’organisation d’une résistance à Strasbourg aux lendemains du 2 décembre 1851) précise que Flocon avait fait le voeu d’être enterré en « France libre » mais que sa famille avait hésité jusqu’en 1901 dans l’espérance d’un retour de sa terre natale d’Alsace à la liberté et à la France. Signalons également (nous y reviendrons en détail en troisième partie) pour le cinquantenaire du 2 décembre 1851 à Marseille des manifestations sur les tombes de Crémieux et d’Esquiros.

 

     Les funérailles de ces hommes nous apportent cependant des informations quant aux groupes et aux personnalités qui, certes sans grand éclat, affirment une certaine filiation avec l’esprit de 1848. Examinons plus particulièrement parmi les personnalités que l’on vient de citer, celles à qui les étiquettes de quarante-huitard sont les plus reconnues : Martin Nadaud et Benjamin Raspail.

 

Pour le premier, bien qu’il se soit rallié depuis plusieurs années à l’opportunisme, les rubriques nécrologiques les plus complètes se trouvent dans le journal socialiste La Petite République et dans le radical-socialiste La Lanterne. Martin Nadaud est enterré dans son village natal de Soubrebost dans la Creuse, département rural majoritairement de tendance politique radicale voire même socialiste, et les compte-rendu précisent qu’ « il y avait beaucoup de monde« .  Martin NadaudLa plupart des personnalités locales sont présentes. On y trouve le député de la circonscription depuis 1893 (Martin Nadaud y fut député de 1876 à 1889) Antonin Desfarges; comme Martin Nadaud c’est un maçon qui est monté à Paris et s’est lancé dans la politique, mais lui est socialiste (membre de la F.T.S.F) et ancien communard. Sont également présents le sénateur de la Creuse depuis 1894 et maire de Guéret : le radical Ferdinand Villard; le récent préfet de la Creuse, radical-socialiste et ancien communard Edgar Monteil; le président de la libre pensée de Pontarion : Laurent.

 

Le second lui se rapproche plus des radicaux. Cependant là encore lors de ses obsèques on peut remarquer que les deux députés présents sont les députés socialistes de Sceaux (circonscription dont Raspail fut le député de 1876 à 1889) : le socialiste indépendant déjà cité Baulard et Jules Coutant membre du Parti Socialiste Révolutionnaire (groupe de tradition blanquiste  autour d’Edouard Vaillant).

 

     Ainsi des hommes qui depuis longtemps peuvent être classés politiquement parlant comme républicains modérés, en véhiculant une image d’éternel quarante-huitard, constituent des références pour la gauche radicale et même socialiste au moins au niveau local. Dans le premier cas cela dépasse même le niveau local si l’on sait que la place Martin Nadaud ainsi nommée en 1899 se situe dans le vingtième arrondissement de Paris (circonscription du Père-Lachaise où il fut conseiller municipal de 1871 à 1876) en plein coeur de l’électorat de l’extrême-gauche socialiste (c’est la circonscription d’Edouard Vaillant).

 

 

     Enfin à l’occasion des cinquantenaires des revues ont pu consacrer un article à un ou plusieurs hommes de la seconde République.

 

Ainsi dans la Revue Politique et Littéraire sont publiés deux articles sous le titre Les hommes de 483, l’un est consacré à Ledru-Rollin l’autre à Garnier Pagès. Si les deux apparaissent comme des politiciens d’un autre temps par leurs idées et par leur style, le portrait de Ledru-Rollin est beaucoup plus flatteur que celui de Garnier-Pagès. S’il est reproché au premier une sorte de candeur et des incapacités à s’affirmer en tant qu’homme d’état on lui reconnaît cependant une certaine générosité et sincérité. En revanche le second est vu comme une sorte de bon à rien qui « n’eut aucun talent et aima la démocratie autant que cet amour est compatible avec une vie bourgeoise« . Ils peuvent difficilement être considérés comme des références puisqu’ « ils inspirent l’indifférence« ; c’est à se demander pourquoi la revue leur consacre chacun un article?

 

La revue La Révolution Française consacre elle aussi deux articles à des acteurs de la seconde République : Lamartine et George Sand4. Le premier est consacré à l’attitude de Lamartine pendant la campagne des banquets. L’article est assez élogieux vis à vis de Lamartine et explique que s’il ne fut pas présent directement dans la campagne des banquets, l’esprit de Lamartine et les références aux personnages pendant la campagne eux sont très présents. Le second article intitulé George Sand et la République de février 1848 est beaucoup plus ample. Il se penche sur l’importante activité politique de George Sand en 1848 notamment dans les Bulletins de la République et rappelle qu’on la surnommait « la prêtresse de la République« . Il souligne ses amitiés avec Ledru-Rollin et Barbès mais la rapproche plutôt de Lamartine en disant qu’à l’image de ce dernier elle est du parti social en s’en tenant seulement aux institutions philanthropiques, aux associations volontaires, à la solidarité, à la charité… L’auteur tente d’expliquer son ralliement précoce à Bonaparte par une sorte de haine qu’elle portait à la République bourgeoise et répressive de Cavaignac. La majeure partie de l’article est consacrée à la question du féminisme. L’auteur souligne que « George Sand a évité avec le plus grand soin, en 1848, le rôle d’avocat des femmes » et se livre à une recherche de toutes les déclarations et écrits de George Sand condamnant le féminisme, ce qu’il réussit fort bien. L’auteur conclut ainsi son article : « Les vrais femmes, celles dont l’intelligence, la bonté et la volonté ont rayonné le plus loin, n’ont jamais compris les exagération du féminisme« . Ainsi l’auteur, s’il souligne et lui reproche presque ses conceptions sociales assez réservées, il n’adopte en revanche plus du tout la même attitude apparemment avancée pour la question de l’émancipation féminine.

 


1En dehors des recueils sur les rues et monuments parisiens, les principales sources sont aux archives nationales : A.N F1 C1 170, 171, 173.

2L’actuelle rue Alphonse Baudin dans le onzième arrondissement tient ce nom depuis seulement 1978.

3L’actuelle rue Montalembert dans le septième arrondissement date de 1924.

2Cf Avner Ben Amos : Les funérailles de gauche sous la troisième République : deuil et contestation in  Alain Corbin, Noëlle Gerome, Danielle Tartakowski (sous la direction de), Les usages politiques de la fête, Publications de la Sorbonne, Paris, 1994.

3Août 1898.

4Les deux articles sont de Henri Monin.

 

-Lamartine et la campagne des banquets in La révolution française, décembre 1896.

 

George Sand et la République de février 1848 in La révolution française, décembre 1899-janvier 1900.