Insurgés et opposants au coup d’Etat dans les BOuches du Rhône.Chapitre 8
Insurgés et opposants au coup d’État de décembre 1851 dans les Bouches-du-Rhône
Hugues BREUZE 3ème partie Interprétation de l’opposition républicaine au coup d’Etat Chapitre VIII : Spécificité du départementLa consonance rurale de la révolte provençale souligne l’ambiguïté de l’opposition des Bouches-du-Rhône en décembre 1851 : le fait que villes et villages n’ont pas réellement mis en œuvre l’entreprise insurrectionnelle ou n’ont pas osé aller jusqu’au bout pose la question d’une possible divergence quant à la conception même du mouvement républicain départemental et dans sa tentative de réalisation.
L’étude des déterminismes propres aux Bouches-du-Rhône semble donc utile pour aborder cette singularité et pour cerner les particularités locales qui pouvaient exister. D’une part, l’approche des déterminismes de composition professionnelle et d’origine spatiale des insurgés, comme des simples opposants au coup d’Etat, peut permettre d’approcher au plus près les hommes prêts à suivre le mouvement d’opposition. D’autre part, les déterminismes de zone peuvent signifier l’importance stratégique et idéologique du département ou de certains arrondissements pour chaque camp ; la situation départementale peut être alors riche d’enseignements quant au sens même du mouvement républicain local et par rapport au rôle des Bouches-du-Rhône au sein de la résistance provençale.
A/ Qui étaient les insurgés au coup d’Etat ?
On dispose de peu de renseignements dans les sources pour aborder la composition des opposants au coup d’Etat du 2 décembre dans le département.
L’état nominal des inculpés politiques pour l’arrondissement de Marseille [1] est donc un document précieux pour étudier une des facettes de l’origine, à la fois professionnelle et spatiale, des opposants républicains du département.
Cet état nominal, dressé par le juge d’instruction Darbon le 21 janvier 1852, comporte la liste de 211 inculpés pour divers chefs d’accusation ; il se subdivise en 9 catégories : les quatre premières regroupent les individus arrêtés pour s’être ou pour avoir tenté de se former en bandes armées.
Parmi elles, la première catégorie comporte 39 personnes ayant « pris les armes dans la nuit du 4 au 5 décembre » pour se rendre au rassemblement d’Auriol, lieu de rendez-vous des insurgés du 1er arrondissement ; ils ont toutefois été dispersés par une brigade de gendarmerie avant même d’atteindre leur but. Parmi ces véritables « soldats de l’émeute », on relève la forte présence d’ouvriers mineurs (10 individus ; 25,6 %) et de cultivateurs (5 individus ; 12,8 %). La plupart de ces hommes sont des habitants du canton de Roquevaire (21 personnes ; 53,7 %), notamment du bassin houiller, expliquant de fait la proportion importante d’ouvriers mineurs, soit de marseillais (14 personnes ; 35,8 %). Les 2ème, 3ème et 4ème catégories regroupent quant à elles 29 républicains marseillais qui se sont réunis en armes dans trois cafés de la ville avant d’être surpris par des descentes de police (cf. ch. I c/).
L’analyse groupée de ces cinq catégories permet donc d’établir la composition professionnelle et l’origine spatiale de ces 68 démocrates du 1er arrondissement, – dont la moyenne d’âge était de 29,2 ans – qui tentèrent ou souhaitèrent se lever en armes (cf. tableau n° 3 et 4, p. 204-205) :
Tableau n° 3 : Composition professionnelle des 4 premières catégories (prises d’armes ou réunions armées) de l’ « Etat nominal des inculpés politiques dans les affaires du mois de décembre » [14 U 52]
Tableau n° 4 : Origine spatiale des 4 premières catégories (prises d’armes ou réunions armées) de l’ « Etat nominal des inculpés politiques dans les affaires du mois de décembre » [14 U 52]
Les autres catégories de l’état nominal énumèrent les individus arrêtés pour divers chefs d’inculpation : outrages à magistrats, membres de sociétés secrètes, port d’armes, coalition entre ouvriers, cris et emblèmes séditieux… ; on a donc affaire à des formes variées d’opposition au coup d’Etat.
En prenant l’ensemble de l’état nominal, on peut ainsi reconstituer un panel intéressant des catégories professionnelles propices à s’opposer – ou du moins à protester – aux mesures du 2 décembre au sein du 1er arrondissement (cf. tableau n° 5, p. 206) : sur ces 211 individus d’une moyenne d’âge de 27 ans, on constate une écrasante majorité des métiers de l’artisanat, du commerce et de la classe ouvrière (83,9 %), tout comme la maigreur des effectifs bourgeois (4,3 %). A noter la part importante de certains corps de métiers : on recense 30 maîtres, ouvriers ou garçons boulangers (14,2 % sur le total ; 16,9 % des artisans, petits commerçants et ouvriers), 15 ouvriers mineurs (7,1 % du total des inculpés ; 8,5 % des artisans…) et 12 cordonniers (5,7 % du total ; 6,8 % des artisans…). La plupart de ces opposants (cf. tableau n° 6, p. 207) sont Marseillais (83 %) ou originaires du canton de Roquevaire (12,3 %) ; on compte enfin parmi eux 15 étrangers (7,1 %).
Tableau n° 5 : Composition professionnelle des 9 catégories (totalité) de l’ « Etat nominal des inculpés politiques dans les affaires du mois de décembre » [14 U 52]
Tableau n° 6 : Origine spatiale des 9 catégories (totalité) de l’ « Etat nominal des inculpés politiques dans les affaires du mois de décembre » [14 U 52]
Les statistiques précédentes limitent cependant l’analyse de la composition des insurgés au 1er arrondissement. C’est pourquoi la liste des 69 personnes désignées comme faisant partie des sociétés secrètes de Salon, de Grans, de Pélissanne, d’Aurons et de Lançon [2] a l’avantage, par rapport à ce que l’on a déjà pu voir pour l’arrondissement de Marseille, comme pour l’organisation des sociétés secrètes des Bouches-du-Rhône (cf. ch. V c/), de présenter une des facettes de l’opposition au coup d’Etat dans des cantons plus ruraux – les listes de l’instruction ayant été constituées après l’insurrection de décembre 1851 -. D’une moyenne d’âge de 29,7 ans, les inculpés du canton de Salon présentent ainsi une composition beaucoup plus hétérogène que dans l’exemple précédent (cf. tableau n° 7, p. 208) : si les artisans, commerçants et ouvriers restent majoritaires (43,5 %), on constate une part non négligeable des paysans (27,5 %) et des bourgeois (14,5 %).
Tableau n° 7 : Composition professionnelle des individus inculpés d’être des membres des sociétés secrètes de Salon, de Grans, de Pélissanne, d’Aurons et de Lançon [14 U 47]
Enfin, on dispose, grâce aux Documents de l’Histoire de Provence d’Edouard Baratier, de la composition globale des individus poursuivis par la Commission mixte des Bouches-du-Rhône à la suite des événements de décembre. L’utilité de ces statistiques, au niveau départemental, se révèle par les proportions comparatives des professions des inculpés, par rapport à celles de la moyenne nationale et des départements circonvoisins (cf. tableau n° 8, p. 209).
Tableau n° 8 : Sociologie du mouvement de résistance républicain au coup d’Etat du 2 décembre 1851 ( tableau tiré des Documents de l’Histoire de Provence d’ Edouard BARATIER, Univers de la France, Collection d’histoire régionale, Toulouse, Privat, 1971, p. 337).
Tâchons dorénavant, à l’aide de ces statistiques, de dresser le portrait des insurgés et opposants au coup d’Etat de décembre 1851, dans les Bouches-du-Rhône.
Il apparaît primordial d’insister sur l’impossibilité de savoir qui étaient exactement les insurgés et opposants au coup du 2 décembre 1851 : on ne dispose en effet d’aucun dossier d’archives ou d’état d’effectifs pour le département. On ne peut ainsi que se contenter d’approcher ces républicains à travers le prisme déformant de la répression qu’ils encourent à la suite des événements. Ce qu’on peut en tirer ne coïncide donc pas véritablement avec les effectifs réels de l’opposition démocratique des Bouches-du-Rhône. Cette nuance est importante : certains individus arrêtés a posteriori du 2 décembre n’ont pas nécessairement fait partie des bandes armées qu’a connu le département, ni obligatoirement manifesté leur mécontentement et leur volonté d’opposition au coup d’Etat. Quant à certains de ceux qui en ont fait partie, méconnus de l’autorité, ils ont pu échapper aux rigueurs de la répression anti-républicaine.
Tout au plus, les registres d’arrestations révèlent seulement l’opposition démocratique dans ses formes les plus diverses. C’est là pourtant tout l’intérêt de ces registres : alors que de multiples arrestations préalables se terminent rapidement par des libérations, et que les statistiques que l’on aurait pu tirer des délibérations de la Commission mixte – non disponibles aux archives départementales des Bouches-du-Rhône – tendraient à « être un peu trop riche en bourgeois et pas assez en gens du peuple [3] », la précocité des arrestations absout en partie une quelconque « récupération politique » des autorités quant à la nature « choisie » des inculpés.
En résumé, malgré ses propres limites, l’état des statistiques qu’on s’est attaché à réaliser reste riche en enseignements ; même si des innocents, ou du moins des hommes peu compromis pendant les événements de décembre en font peut-être partie, ces statistiques ont l’avantage, en cernant la plupart des formes d’opposition, de mieux se démarquer de la volonté plus tardive de l’autorité de porter son dévolu principalement, par le biais de la Commission mixte, sur ceux qu’elle considérait comme être les véritables responsables de l’agitation départementale.
Pour le 1er arrondissement, ceux qui ont réussi à prendre les armes (1ère catégorie de l’état nominal – cf. p. 203) sont principalement des ouvriers mineurs et des paysans du canton de Roquevaire (38,4 % de ceux qui furent arrêtés après avoir tenté de rejoindre le rassemblement d’Auriol), assistés de quelques marseillais. Le canton de Roquevaire, où on a pu librement dans les premiers jours prendre les armes grâce à la quasi-absence locale de forces de police, paye donc un lourd tribut de son agitation (plus de la moitié des 39 insurgés arrêtés habitent dans le canton).
Cependant, dans le mouvement insurrectionnel initialement prévu dans l’arrondissement de Marseille, la majeure partie des contingents devaient sortir de la préfecture – chose logique au vu du poids démographique de la ville -. Le cumul des effectifs de la tentative concrète (première catégorie) avec ceux de la prise d’armes avortée (2ème, 3ème et 4ème catégories) le démontre (cf. tableaux n° 3 et 4) ; les arrestations effectuées dans les cafés de Marseille, alors que les républicains s’apprêtaient à partir, privent le mouvement de ses principaux soutiens : les artisans, commerçants et ouvriers marseillais (ils représentent à eux seuls 55,9 % des individus arrêtés). Cette constatation prouve ainsi une fois de plus, l’efficacité de la répression immédiate.
La prédominance ouvrière, commerçante et artisanale des opposants du 1er arrondissement se vérifie aussi lorsqu’on prend en compte leur rôle dans le mouvement démocratique global (cf. tableau n° 5 et 6) ; ces corps de métiers représentent ainsi 83,9 % des individus arrêtés au sein des neuf catégories de l’état nominal (dont 70,6 % de marseillais). En fait, c’est bien Marseille qui cumule les plus gros effectifs de l’opposition républicaine du 1er arrondissement : la plupart des paysans, comme des cadres bourgeois viennent aussi de la préfecture (plus des trois-quarts des inculpés pour les divers chefs d’accusation sont marseillais ; seul le canton de Roquevaire, avec 12,3 % des individus arrêtés, semble fournir un complément à cette opposition).
Trois conclusions peuvent être ainsi tirées des statistiques de l’état nominal : commerçants, ouvriers et artisans (notamment, boulangers, cordonniers et ouvriers mineurs en tête) sont à la fois les principaux opposants – en nombre – au coup d’Etat et des meneurs potentiels du mouvement républicain. Essentiellement marseillais, ils concurrencent le rôle organisationnel des cadres bourgeois, surtout pour ceux qui décident d’opter pour la résistance armée : les notables marseillais n’apparaissent en effet que dans des velléités d’opposition, par protestations légalistes ou par réunions occultes. A noter enfin, le rôle non négligeable des habitants du canton de Roquevaire, avec principalement à leur tête des ouvriers mineurs du bassin houiller : ceux-ci commencent à se soulever pour ensuite abandonner la lutte devant l’échec du mouvement dans la préfecture. La proportion assez faible de paysans, pourtant plus nombreux à se compromettre que les bourgeois reste dépendante de l’ »urbanité » de l’opposition du 1er arrondissement, en raison de la taille de Marseille.
Pour des communes plus rurales (cf. tableau n° 7), on constate une représentation plus large des divers corps professionnels, au niveau de la composition des sociétés secrètes républicaines : si les artisans, commerçants et ouvriers des principales communes du canton de Salon sont toujours majoritaires (43,5 %), ils entraînent dans leur sillage une bonne partie de la paysannerie des campagnes environnantes (27,5 % des individus désignés). Les bourgeois ont aussi une part plus importante dans ce canton (14,5 %) : forts d’un prestige et d’une influence remarquable sur les populations locales, plus proches du peuple et moins surveillés, ces derniers craignent moins de se positionner comme les cadres et les chefs de ces sociétés secrètes rurales.
Les statistiques des Documents et l’Histoire de Provence permettent enfin de constater, au niveau départemental, la forte disproportion dans la composition des effectifs de la répression de l’opposition républicaine (cf. tableau n° 8) : ainsi, même si le tableau précédent tempérait quelque peu la prédominance des artisans, commerçants et ouvriers au sein du mouvement dans des cantons ruraux, leur moyenne départementale selon les conclusions de la Commission mixte reste énorme. La présence paysanne est quant à elle bien moindre que dans les départements où l’insurrection a pu se développer. Les bourgeois eux, restent des cadres du mouvement dans une proportion relativement similaire qu’ailleurs en Provence.
A ce point de vue là, la plus importante urbanisation des Bouches-du-Rhône par rapport aux départements circonvoisins tendrait à expliquer cette « macrocéphalie » du corps des artisans, commerçants et ouvriers dans le mouvement d’opposition départemental (73 % des personnes poursuivies).
Trois conclusions découlent ainsi de ces constatations : tout d’abord, les Bouches-du-Rhône se différencient clairement de la composition principalement rurale et paysanne des insurrections voisines ; ensuite, le mouvement nécessitait de facto d’être principalement urbain pour avoir une chance de réussite ; enfin, à la suite de l’inaction des grandes villes, l’échec d’un soulèvement révolutionnaire rural des Bouches-du-Rhône est dévoilé : les paysans du département semblent moins politisés et peu enclins à s’insurger que la population urbaine.
Le portrait de l’insurgé ou de l’opposant au coup d’Etat de décembre 1851 dans les Bouches-du-Rhône pourrait se dresser comme tel : c’est le plus souvent un artisan, un commerçant ou un ouvrier des principales villes des 1er et 2ème arrondissements, âgé en moyenne de 30 ans ; pour aller dans le sens de William H. Sewell, ce militant républicain appartient en majorité aux métiers qualifiés « ouverts » (selon Sewell, 53,9 % des militants marseillais de décembre 1851 font partie du corps des métiers qualifiés « ouverts ») [4].
Que peut-on conclure de ces singularités relevées par rapport aux insurrections varoises et bas-alpines ? A-t-on aussi assisté dans le mouvement d’opposition départemental à une plus large participation des classes populaires ?
Dans un sens oui, mais pas essentiellement au niveau du « peuple des campagnes » comme dans la région alpine ou dans le Var. Si les paysans des Basses-Alpes et du Var poursuivis devant la Commission mixte représentent respectivement 48 % et 43 % des inculpés de leur département, c’est en partie parce qu’ils étaient les départements les plus ruraux de la région.
On a déjà évoqué l’urbanisation des Bouches-du-Rhône pour expliquer la faible proportion des paysans (21 %) poursuivis après les événements. Mais il convient de nuancer ce propos : l’urbanisation importante du département plaçait le plus souvent la population agricole sous l’influence idéologique et organisationnelle des principaux meneurs de l’opposition républicaine des Bouches-du-Rhône : bourgeois ou artisans, commerçants et ouvriers. Mais même si les paysans pouvaient constituer une part non négligeable des affiliés aux sociétés secrètes, comme dans le canton de Salon, ils restent la plupart du temps en minorité ; et lorsque le coup d’Etat éclate, on ne retrouve dans les sources aucun d’entre eux à la tête de bandes armées ou de simples mouvements d’opposition comme ce put être en revanche le cas dans le Var ou les Basses-Alpes. Il est en outre probable que les autorités, s’attachant à réprimer en priorité les individus les plus compromis, aient relâché assez rapidement les paysans ayant juste suivi le mouvement républicain.
Les hommes les plus compromis étaient incontestablement les artisans, commerçants et ouvriers les plus exaltés ; numériquement les plus importants, ils peuvent aussi être des chefs capables lorsque les bourgeois n’osent se compromettre jusqu’au bout.
Ce sont donc ces métiers qualifiés « ouverts », comme les boulangers et les cordonniers par exemple – ce sont les professions les plus représentées -, qui constituent le gros des insurgés et des opposants. Relativement nombreux dans les Bouches-du-Rhône, ils sont en outre souvent des meneurs subalternes, voire même des chefs de sociétés secrètes : ils ne se contentent pas seulement d’être l’ossature principale des organisations républicaines des communes du département ; ils sont en effet parfois aux plus hauts postes organisationnels. Il suffit pour s’en convaincre de citer la profession des principaux chefs de la Montagne à Marseille : Rique était tanneur, Curet, mécanicien et Jean Louis, régleur…
Dans de nombreuses villes des Bouches-du-Rhône, les corporations d’artisans, de commerçants et d’ouvriers de tendance républicaine semblent donc se suffirent à elles-mêmes au point de vue organisationnel, ce qui pourrait expliquer la méfiance des meneurs bourgeois à les suivre dans la voie risquée de l’insurrection ou de l’opposition déclarée.
Cette crainte bourgeoise de radicaliser le mouvement, alors même que le mouvement républicain départemental manquait d’un chef unique, a pu contribuer à affaiblir une fois de plus l’ardeur des républicains.
La géographie du mouvement républicain des Bouches-du-Rhône en décembre 1851, qu’on a tâché d’élaborer (cf. carte, p. 38), montre ainsi l’ampleur inégale du mouvement ; l’agitation s’est concentrée, tardivement, autour de trois rassemblements ; les militants républicains les plus exaltés, disséminés dans tout le département, tentent de les rejoindre ; ce sera apparemment trop tard : ces rassemblements sont numériquement faibles au vu du nombre supposé d’affiliés aux sociétés secrètes (1000 à 1500 insurgés environ dans les Bouches-du-Rhône pour peut-être 30 000 affiliés) et ne sont à l’origine d’aucune violence.
Si on a donc souhaité se soulever dans les Bouches-du-Rhône, face au coup d’Etat, on ne pouvait le faire : on n’était pas assez en nombre…
Quant à la contribution principale aux bandes armées et à l’agitation départementale, elle provient principalement de Marseille, du canton de Roquevaire, des villes ouvrières de l’Etang de Berre et de l’arrière-pays aixois : cette géographie de l’origine des troubles explique de fait, la forte proportion d’artisans, de commerçants et d’ouvriers et la proportion relative des paysans (originaires pour une grande partie d’entre eux de l’arrière-pays aixois) au sein du mouvement départemental.
On avait donc la liberté de s’insurger dans les cantons ruraux durant les premiers jours de décembre, devant la passivité des autorités à s’occuper des campagnes du département ; on se contente cependant de s’agiter, sans arriver à faire propager l’envie insurrectionnelle. Or, dans les villes des Bouches-du-Rhône, on en avait l’envie, mais on n’en avait point la possibilité.
C’est ce qui souligne toute la spécificité de la réaction départementale : le mouvement tergiverse entre incapacité et non-volonté de s’insurger réellement, entre mouvement qui se devait rural mais qui se voulait urbain. Lorsqu’on réalise que la seule perspective de succès est d’inverser cette tendance, il est déjà trop tard…
[1] 14 U 52, Etat nominal des inculpés politiques dans les affaires du mois de décembre 1851. [2] 14 U 47, Liste des inculpés du canton de Salon pour avoir fait partie de sociétés secrètes. [3] AGULHON Maurice, La République au village, Paris, Plon, 1970, (réed. Seuil, 1973), p. 443.
[4] SEWELL H. William, « La classe ouvrière de Marseille sous la seconde République : structure sociale et comportement politique », Le mouvement social, Paris, n° 76, juillet-septembre 1971, p. 51. |