Insurgés et opposants au coup d’Etat dans les Bouches du Rhône. Chapitre 1

Insurgés et opposants au coup d’État de décembre 1851 dans les Bouches-du-Rhône

 

Hugues BREUZE 

 

1ère partie

Opposition démocratique au coup d’État et tentative d’insurrection

 

Chapitre I : La réaction dans les centres urbains

 

B/ Aix-en-Provence

 

En 1846, le siège de la cour d’appel et de la sous-préfecture du 2ème arrondissement comptait 27 280 habitants. C’est alors la deuxième agglomération du département.

 

Le 3 décembre « la nouvelle du coup d’État est accueillie avec     colère 33 ». Le sous-préfet, Louis-Oscar Grimaldi, prend connaissance de la dépêche dans la matinée. Dès lors, de concert avec le procureur général Desolliers, le commandant de la garnison et Joseph-Emile Rigaud, maire d’Aix, le sous-préfet prend des dispositions « pour que la population ne fût informée des nouvelles dont la rumeur commençait à circuler, qu’au moment où les autorités seraient réunies et la tranquillité publique assurée par un déploiement de forces suffisant 34».

C’est à 13 h 00 que la dépêche est portée à la connaissance de la population par une affiche à la main, accompagnée d’une proclamation conjointe du maire d’Aix et du sous-préfet. En voici la teneur :

« Vous connaissez par la dépêche qui précède, les graves événements qui viennent de s’accomplir à Paris. Vous connaissez les résolutions du Président de la République ; en face de ces résolutions, en face du pays qui reste dans la plénitude de ses droits, le devoir de chacun est invariablement tracé.

« Le devoir de vos autorités, unies à vous par les lois d’une mutuelle confiance, est de maintenir partout et envers tous la paix publique, premier besoin du pays.

« Le devoir des populations est d’attendre dans le calme le moment prochain où la Nation sera appelée à exercer de nouveau sa souveraineté et à décider de ses destinées. 

« Des mesures sont prises pour prévenir et réprimer énergiquement toutes les tentatives qui pourraient être faites contre l’ordre public et la sécurité des habitants. Pour assurer ce résultat, nous comptons sur le concours de tous les bons citoyens 35 ».

 

En analysant cette proclamation, on discerne un triple objectif de la part des autorités  aixoises : tout d’abord, elles insistent sur la nature « démocratique » du coup d’Etat du 2 décembre. Face à l’apparente violation de la Constitution et pour se prémunir d’une réaction républicaine généralisée      – des modérés aux « exaltés » -, on rappelle le caractère référendaire des mesures présidentielles : le peuple est appelé à se prononcer par la voie du suffrage universel désormais pleinement rétabli. L’autorité n’est toutefois pas dupe ; si l’on sait que l’on ne pourra pas empêcher les manifestations des plus « rouges » du parti républicain, on espère que la frange modérée hésitera avant de réagir. On essaye ensuite de s’accommoder l’opinion conservatrice : on la rassure en garantissant que l’ordre ne sera pas troublé, surtout si celle-ci prête main-forte. Enfin, en isolant implicitement les éléments les plus virulents du parti démocratique au sein de leur discours, le sous-préfet et le maire d’Aix menacent toute tentative séditieuse de représailles, renforçant ainsi la portée des appels au calme lancés aux conservateurs et modérés de tout bord. 

La lecture de la dépêche et de la proclamation a lieu à 14 h 30 : réunies à la sous-préfecture avec une partie de la Garde nationale, les autorités se rendent au Cours en cortège, escortées de la compagnie des sapeurs pompiers, où elles retrouvent des troupes de la garnison rangées en bataillon. Devant cet étalage de force, « cette lecture a été écoutée en silence. La population était nombreuse et dans une attitude assez calme. Une troupe composée d’environ 200 hommes et qui s’était déjà portée à la sous-préfecture (…) a fait entendre le cri de « Vive la République ». Aucun cri séditieux n’a été proféré 36 ».

Aucun… sauf un et non pas des moindres, que ce soit au niveau de la violence des propos ou bien des réactions qu’il a entraîné : Joseph Astier, ex-instituteur âgé de 53 ans, né et demeurant à Aix 37 vocifère « « Il n’y a plus de gouvernement, le Peuple est souverain, il faut tous les écorcher, les éventrer » faisant allusion aux fonctionnaires qui venaient de passer 38 ».

C’est son arrestation qui va déclencher les premières manifestations républicaines à Aix-en-Provence : alors que la motion proposée au Cercle Républicain par un ancien professeur, Banet-Rivet, d’après laquelle les démocrates devaient marcher en armes sur l’hôtel de ville, est abandonnée 39, un rassemblement se forme et se rend à la sous-préfecture. A sa tête, quatre hommes (Moreau, Roux, Chabre et Tempier 40) se présentent au sous-préfet en tant que « délégués du peuple » pour demander l’élargissement d’Astier. Voici la réaction du dépositaire de l’autorité administrative :

« (…) j’ai maintenu l’ordre d’arrestation. A ce moment le rassemblement dont j’ai parlé tout à l’heure s’est porté en masse sur la sous-préfecture et annonçait l’intention de délivrer le prisonnier. Je l’ai fait dissiper par quelques gendarmes à cheval et M. Astier a été conduit à la maison d’arrêt, au milieu d’un fort peloton d’infanterie auquel le commandant de place avait fait charger les armes. Cette démonstration était plus que suffisante. Mais tout dépendant des premiers coups, j’ai tenu à ce que l’autorité montrât dès l’abord une décision ferme, afin qu’on  fût  bien  averti  de  l’ attitude  qu’ elle  prendrait,  si  des  tentatives  plus  sérieuses  de désordre étaient faites ultérieurement 41 ».

 

Ainsi, le 3 décembre a vu à Aix-en-Provence une véritable protestation républicaine, légaliste dans sa demande de libération d’Astier, pourtant vociférateur de propos radicalement violents ; ceci s’explique par cette solidarité de circonstance entre démocrates, tous exaspérés par les nouvelles et les mesures dissuasives que leur annonce l’autorité. Devant le refus de la libération d’Astier, la menace d’une attaque spontanée résonne plus comme une tentative d’intimidation ou une façon de provoquer la force publique, pour mieux appréhender jusqu’où l’autorité est prête à aller. La démonstration de force lors du transfert d’Astier a suffit de convaincre les républicains que les moyens d’intimidation étaient dans l’autre camp.

Si le sous-préfet Grimaldi a parfaitement négocié ces premiers heurts, il réalise pourtant que la situation ne dépend pas seulement de sa persévérance : « On a été surpris autour de moi et l’on commence à s’inquiéter de voir qu’aucune nouvelle dépêche télégraphique n’est arrivée de Paris ». Il estime d’ailleurs que « le maintient de la tranquillité publique dépend en grande partie de ces communications 42 ».

 

   Comme à Arles et Tarascon, la journée du 4 voit à Aix se prolonger les concertations entre républicains :

« (…) la nuit s’est passée tranquillement ; mais les cercles exaltés sont pour ainsi dire en permanence et attendent l’événement. (…) La garde nationale a repris hier soir son service et le continuera 43 ».

Le sous-préfet, pour se prémunir d’un éventuel coup de force fomenté au sein des cafés républicains, désire alors « recevoir des pleins pouvoirs pour dissoudre ces cercles en cas de nécessité 44 ».

 

Cette méfiance se trouve justifiée lorsque le lendemain, le maire d’Aix, Joseph-Emile Rigaud, fait état au préfet des renseignements obtenus sur les réunions qui ont eu lieu dès que la connaissance du décret présidentiel fût transportée par la rumeur venue de Marseille, devançant ainsi les proclamations des autorités qui n’eurent lieu que le 3 décembre :

« On a mis en délibération dans la nuit de mardi à mercredi [nuit du 2 au 3 décembre] si on attaquerait ou non l’hôtel de ville ; La réunion dans laquelle cette question s’agitait n’a pas cru que le moment de l’action fut arrivé. On s’est arrêté à cette pensée d’avoir les yeux fixés sur Marseille et d’en attendre le signal 45 ».

 

Dès lors, si l’attente de la réaction de la capitale régionale nous confirme déjà une certaine « subordination » des chefs lieux d’arrondissements – attitude déjà ressentie à Arles et à Tarascon -, la communication du maire adressée au préfet nous révèle un autre état de choses : la promptitude avec laquelle est parvenue la rumeur du coup d’Etat jusqu’au Cercle Républicain d’Aix, avant même qu’elle ne soit connue publiquement, peut laisser raisonnablement penser que les services de renseignements des républicains n’avait rien à envier à ceux de la municipalité d’Aix, au courant de cette réunion seulement trois jours plus tard.

 

Cette avance dans les renseignements n’a cependant pas été mise à profit ; le 5 décembre, paralysée par l’attente de la réaction de Marseille, l’opposition républicaine d’Aix laisse le champ libre aux mesures d’ordre de l’autorité :

« L’arrêté de M. le sous-préfet (…) qui prononce la suspension de la compagnie d’artillerie [comptant trop d’éléments démocratiques] est en pleine voie d’exécution ; déjà la moitié des armes est rentrée à l’hôtel de ville et l’autre moitié rentrera demain matin 46 ».

 

Ainsi, le 6 décembre, grâce aux mesures de prévention de la veille, « la tranquillité continue à régner dans la ville. Mais la nouvelle des événements graves survenus à Manosque et à Forcalquier (…) et l’occupation de Brignoles par les insurgés, causent une vive anxiété 47 ».

Devant le risque de voir les républicains aixois, encouragés par ces nouvelles de résistance, imiter leurs compagnons du Var et des Basses-Alpes, le sous-préfet ordonne la fermeture immédiate de trois cercles républicains : le Cercle Républicain, le cercle d’ouvriers dit Cercle de la Violette et le cabaret du Figuier ; tous trois sont selon lui devenus « des centres de réunions politiques presque permanents 48 ».

En vertu des pouvoirs que lui a délégué le préfet de Suleau, Grimaldi ordonne aussi l’arrestation des principaux meneurs républicains de la ville : Richaud, libraire, Eymon, ancien avoué, ainsi que Banet-Rivet, Cartier et Brissac, « désignés depuis longtemps comme des meneurs actifs de la démagogie 49 ».

Enfin, il donne pour instructions aux propriétaires de journaux « de n’engager aucune politique irritante, de ne point discuter des actes du gouvernement ou de l’autorité, de ne recevoir aucune protestation soit des fonctionnaires publics, soit  des particuliers contre les événements qui viennent de s’accomplir50 ».

Devant la nécessité de museler l’embryon d’opposition au coup d’Etat quelque peu ragaillardi par les nouvelles d’insurrection provenant de département limitrophes, les autorités aixoises radicalisent ainsi leurs mesures de sûreté publique : l’heure est dorénavant à la répression et à l’arrestation des protagonistes susceptibles de donner l’impulsion nécessaire au mouvement de résistance, pour se joindre aux frères de Forcalquier et de Brignoles. En privant les affiliés des cercles républicains de leurs lieux de réunion et de leurs chefs, on espère ainsi couper net la tentation d’un scénario similaire aux événements varois et bas-alpin.

 

D’une logique implacable, les résultats des mesures de la veille permettent aux autorités d’Aix de prendre le risque, le 7 décembre, de dégarnir la ville d’une partie de sa garnison. Le commandant de place prend en effet la décision, renseigné par le sous-préfet que 500 insurgés ont envahi Pertuis (Vaucluse), d’y diriger deux compagnies de la garnison d’Aix 51.

Deux conclusions peuvent être tirées de cette mesure : d’une part, l’autorité se sent assez en confiance pour risquer d’opposer moins de forces face à l’éventualité d’une insurrection aixoise ; d’autre part, elle entend montrer sa fermeté non seulement aux citadins mais aussi à l’ensemble de l’arrondissement : compte tenu de la proximité de Pertuis – séparé de l’arrondissement d’Aix seulement par la Durance -, l’autorité se doit autant d’empêcher la généralisation de l’insurrection aux communes limitrophes du Vaucluse, qui par phénomène de tâche d’huile pourrait gagner le siège de la Cour d’Appel, que de profiter de l’occasion pour procéder à une démonstration de force, histoire de faire prendre conscience aux républicains du risque auquel ils s’exposeraient en se révoltant…   

On entend aussi poursuivre la répression entamée la veille : on réussi à arrêter Eymon, Banet-Rivet, Cartier et Brissac ; Richaud et Brémond ont eux, réussi à prendre la fuite. Des gendarmes sont postés au Cercle Républicain dans le but de surprendre « les agents étrangers qui venaient prendre ou donner des instructions » : on en arrêtera cinq 52.

 

Le 8 décembre, le sous-préfet Grimaldi peut ainsi faire à sa hiérarchie un état des lieux relativement optimiste quant à la suite des événements :

« La ville est dans un calme parfait. Je reçois de la population des témoignages de confiance et de sympathie. La garde nationale continue son service par compagnie. Les compagnies ne sont pas nombreuses, mais elles suffisent pour le garde de l’hôtel de ville. J’ai annoncé ce soir que j’avais demandé à M. le maire les noms des hommes qui depuis la reprise du service avaient manqué aux convocations sans excuse valable, et que je les ferais désarmer successivement attendu qu’ils ne trouveraient jamais une meilleure occasion de se servir de leurs fusils. Les officiers retraités, en résidence à Aix, ont demandé à M. le maire l’autorisation de se former en compagnie spéciale. J’ai accepté ce concours avec éloge. Cette compagnie recevra des armes demain. (…) plusieurs compagnies de la garnison d’Aix ont été dirigées sur le département des Basses-Alpes. L’effectif se trouve réduit aujourd’hui à environ 200 hommes 53 ».

 

Cette apparente sérénité peut laisser percevoir que la « propagande de l’ordre », cette politique affichée par les autorités aixoises dès la proclamation du 3 décembre, est en plein cour d’application et semble atteindre son but initial : les chefs démocrates les plus exaltés sont pour la plupart sous les verrous ou en fuite ; quant à ceux qui hésitaient encore à suivre le mouvement, les nouvelles de la répression des insurgés de Pertuis et de la préparation de celle des Basses-Alpes a pu finir de les convaincre que l’incertitude a parfois de bons côtés ; de toute façon, pour leur éviter l’éventualité d’une révolte tardive, on prend soin de désarmer chaque garde national n’ayant point répondu aux sollicitations de l’autorité, peu importe que ce soit par crainte ou par différence d’opinion…

Enfin, et c’est là peut-être le plus important, un « parti de l’ordre » s’est formé en à peine quelques jours, sous l’impulsion du maire et du sous-préfet : devant le risque de péril social ou de guerre civile, une foule de fonctionnaires et de conservateurs – des républicains modérés aux légitimistes – se joignent aux injonctions de l’autorité, entérinant la nature « démocratique » du coup d’Etat présentée lors de la proclamation. Au sous-préfet de conclure :

« Le décret du président de la République qui rétabli le vote au scrutin secret, a produit une sensation profonde. Elle assure sa popularité et rallie une foule d’électeurs indépendants. La décision qui supprime les adhésions écrites des fonctionnaires et qui satisfait à un sentiment honorable, a été recueillie avec la plus vive reconnaissance 54 ».

 

Cependant, si le danger d’une insurrection intra-muros semble définitivement écarté, il n’en est point de même quant au risque d’une attaque extérieure.

C’est ainsi que le 9 décembre au matin, le sous-préfet apprend que des « bandes armées approchent de divers côtés. On bat le rappel. La garde national se réunit. Je m’empresse de me rendre à l’hôtel de ville en permanence avec les autres autorités. (…) J’espère encore que c’est une simple alerte plutôt qu’une attaque sérieuse 55 ».

La réaction des autorités est immédiate :

« M. le maire de la ville d’Aix a réuni la garde nationale, afin d’occuper les divers postes de la ville, et de rendre disponible la faible garnison qui nous restait. Ces nouvelles étant arrivées coup sur coup de dix heures à midi, et des bandes ayant été signalées jusqu’à Gardanne et jusqu’aux Milles, sur le territoire d’Aix, il était à craindre que la population ne prît l’alarme, et il était utile de se mettre en défense 56 » .

Depuis midi toutefois, le sous-préfet ne reçoit plus rien d’inquiétant ; le maire de Gardanne le renseigne au contraire que la bande armée – composée selon ses dires de 55 individus environ – se portait sur Mimet et donc, en direction du Var. Toutefois, si tout danger semble dorénavant écarté, il estime qu’ « il était plus prudent de réunir quelques centaines de gardes nationaux, qu’on nous savait dégarnis par le départ du détachement dirigé sur les Basses-Alpes 57 ». Ce type de situation ne risque cependant plus de se renouveler : « (…) la garnison d’Aix a été renforcée aujourd’hui [9 décembre] par 3 compagnies venues de Salon 58 ». 

 

Dès lors, on peut considérer qu’à partir du 10 décembre, toute tentative républicaine de coup force sur Aix est irrémédiablement vouée à l’échec. Des symptômes d’agitation continuent pourtant d’occuper la vigilance de l’autorité : au-delà de son rôle d’empêcher un soulèvement républicain, celle-ci se doit de préparer le plébiscite du 20 décembre. Il s’agit donc dorénavant de museler les protestations et les déclarations incendiaires hostiles au plébiscite au sein de chaque lieu de discussion susceptible de trouver un écho favorable à la propagande républicaine. Pour cela, l’autorité s’y prend de plusieurs manières :

Dans la soirée du 10, « une certaine fermentation s’est manifestée de nouveau à l’école des arts et métiers 59», le sous-préfet ordonne l’arrestation de quatorze élèves, espérant « par ces mesures de rigueur, éviter le licenciement de l’école 60 ». Alors que « la ville continue à jouir d’un calme parfait » et que « les nouvelles reçues aujourd’hui même [11 décembre] du théâtre des opérations militaires rassurent les esprits61 », on s’efforce donc d’effacer les moindres signes de contestation.

On essaye même de les devancer : le 12 décembre, le sous-préfet note dans son rapport que depuis la veille, « un certains nombre de turbulens (sic) que nous soupçonnons d’être sortis pour se porter sur les points de rassemblement commencent à rentrer dans la ville. Je me propose d’en faire arrêter quelques-uns qui se croient sûrs de l’impunité parcequ’il n’y a aucune preuves contre eux. Il est bon pour l’exemple, qu’ils sentent que l’autorité a été instruite de leurs démarches et qu’à la moindre agitation ils seraient frappés les premiers62 ». Il fait alors amener chez lui par la gendarmerie « plusieurs hommes compromis, mais non dangereux pour les avertir sérieusement et leur faire sentir que l’autorité avait l’œil et la main sur eux  ». Les effets ne se font apparemment pas attendre : « Les démagogues sont consternés. L’école des arts et métiers paraît être rentré dans  l’ordre  » 63.  

 

L’opposition républicaine aixoise démembrée, l’autorité peut ainsi entièrement se consacrer à l’information sur les principaux faits de tentative insurrectionnelle pour entamer le processus de répression. Ainsi dès le          13 décembre, elle apprend que « 300 individus environ d’Aix étaient partis pour la Durance Le Puy-Ste Réparade (sic) (…) 64».

 

La comparaison de la réaction républicaine aixoise au lendemain du coup d’Etat avec celles d’Arles et de Tarascon peut ainsi être riche d’enseignements : 

Au niveau des similitudes, on retrouve de part et d’autre la même volonté d’intimider l’adversaire ; du côté des autorités, on fait étalage de sa détermination et des moyens dont on dispose. Pour les républicains, on discute sur l’éventualité d’une attaque sur les résidences des autorités locales. Mais les concertations s’arrêtent toujours sur la même décision : attendre les nouvelles du mouvement dans les grandes villes, notamment Marseille. Dans les chefs-lieux des 2ème et 3ème arrondissements, la conséquence de cette attente prolongée est que l’autorité dispose alors d’une marge de manœuvre suffisante pour lui permettre de prendre le dessus. On note ainsi toute l’importance du rôle des communications qui conditionne le mouvement insurrectionnel lui-même : si l’inaction relative de Marseille rafraîchit les ardeurs de certains, les nouvelles des événements du Var et des Basses-Alpes ont certainement dû en réchauffer.

Cependant, c’est aussi à ce niveau qu’on peut distinguer les principales différences dans la tentative d’insurrection républicaine entre Aix et Arles ou Tarascon : dans sa tentative de créer un parti de l’ordre devant l’urgence de la situation, les autorités aixoises ont connu un réel succès. Devant la menace d’une attaque extérieure et d’une contagion des campagnes par les insurrections voisines, se forme ex-nihilo un parti mettant le refus du péril social au premier rang de ses préoccupations. Moins cristallisée autour de traditions politiques « blanches » ou « rouges » qu’à Arles ou Tarascon, plus hétéroclite, l’opinion conservatrice et modérée d’Aix se rallie à l’autorité. Cette singularité a aussi pour conséquence d’obliger les républicains souhaitant la résistance armée à sortir de la ville pour se joindre aux bandes insurrectionnelles signalées dans les campagnes. Ceux qui reviendront quelques jours après, démasqués aux yeux de l’autorité, comme ceux qui ont tenté de lancer le mouvement au sein de la ville, n’ont alors plus d’autre choix que de protester en silence…

 

Ainsi, ce rapprochement fait déjà transparaître ce qui se répètera en filigrane tout au long de ce travail chronologique : la réaction de Marseille a été primordiale pour l’importance du mouvement insurrectionnel républicain. Tâchons donc de voir ce qu’il en a été…

 

                       


33 Encyclopédie des Bouches-du-Rhône (Par Raoul Busquet & Joseph Fournier, sous la direction de Paul Mason) : Tome V, Vie politique et administrative, 1929, (Marseille, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 1929), p. 176.

34 1 M 595, Sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône, le 3 décembre 1851.

35 1 M 595, Sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône, le 3 décembre 1851.

36 1 M 595, Sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône, le 3 décembre 1851.

37 12 U 11, Procureur de la République d’Aix au procureur général, le 5 janvier 1852.

38 14 U 47, Procureur de la République d’Aix au procureur général, le 22 janvier 1852. Inculpé d’avoir proféré publiquement des paroles des paroles tendant à exciter la haine et le mépris des citoyens les uns contre les autres, Astier est condamné par le tribunal correctionnel à un an et un jour d’emprisonnement le 20 janvier 1852.

39 Encyclopédie des Bouches-du-Rhône (Par Raoul Busquet & Joseph Fournier, sous la direction de Paul Mason) : Tome V, Vie politique et administrative, 1929, p. 176.

40 Ibid 39.

41 1 M 595, Sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône, le 3 décembre 1851.

42 Ibid 41.

43 1 M 595, Sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône, le 4 décembre 1851.

44 Ibid 43.

45 1 M 595, Maire d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône, le 5 décembre 1851. Cette réunion étant vraisemblablement celle à laquelle l’Encyclopédie des Bouches-du-Rhône faisait allusion (voir 39).

46 1 M 595, Maire d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône, le 5 décembre 1851.

47 1 M 595, Sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône, le 6 décembre 1851.

48 1 M 595, Sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône, le 6 décembre 1851.

49 Ibid 48.

50 1 M 595, Sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône, le 6 décembre 1851.

51 1 M 595, Sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône, le 7 décembre 1851.

52 1 M 595, Rapport quotidien du sous-préfet au préfet sur la situation politique de l’arrondissement, le 7 décembre 1851.

53 1 M 595, Rapport quotidien du sous-préfet au préfet sur la situation politique de l’arrondissement, le 8 décembre 1851.

54 Ibid 53.

55 1 M 595, Sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône, le 9 décembre 1851.

56 1 M 595, Rapport quotidien du sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône sur la situation politique de l’arrondissement, le 9 décembre 1851.

57 Ibid 56.

58 Ibid 56.

59 1 M 595, Rapport quotidien du sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône sur la situation politique de l’arrondissement, le 11 décembre 1851.

60 Ibid 59.

61 1 M 595, Rapport quotidien du sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône sur la situation politique de l’arrondissement, le 11 décembre 1851.

62 1 M 595, Rapport quotidien du sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône sur la situation politique de l’arrondissement, le 12 décembre 1851.

63 1 M 595, Rapport quotidien du sous-préfet d’Aix au préfet des Bouches-du-Rhône sur la situation politique de l’arrondissement, le 13 décembre 1851.

64 12 U 11, Procureur de la République d’Aix au procureur général, le 13 décembre 1851.