L’insurrection de 1851 aux Arcs (Var)
L’insurrection de 1851 aux Arcs (Var)
par René Merle
Canevas de la causerie donnée aux Arcs le 9 Novembre 2001, à l’invitation de l’Escolo félibréenne de l’Oulivié et de son président Georges Textoris.
Les Arcs en 1850, 2684 habitants : une population dans la moyenne des communes varoises. On vote aux Arcs en mars 1850 : il s’agit d’élections partielles varoises, mais le vote est significatif au plan national. En effet, en 1849, la direction du courant démocrate socialiste, la Montagne, a été décapitée au plan national par une répression brutale, et à cette occasion deux députés varois ont été révoqués : le maire de Toulon, Suchet, et le leader national de la Montagne, Ledru-Rollin. Les élections ont lieu dans un climat extrêmement tendu : la propagande démocrate est muselée – colportage interdit, chansons poursuivies, réunions prohibées, amendes sur le journal, municipalités révoquées, etc. Vous me direz, mais qu’est-ce que c’est que cette république ? C’est tout bonnement la république conservatrice, celle qui est dirigée par le parti qui s’appelle lui même le parti de l’Ordre, c’est-à-dire le parti des royalistes et des républicains de droite, unis dans le même refus de satisfaire aux grandes espérances populaires qu’avait suscitées la naissance de la République, en février 1848. Le préfet fait feu de tout bois, y compris en utilisant le provençal dans la presse à ses ordres, sous la plume de votre voisin, l’avocat Maquan, de Lorgues. Donc on vote dans le Var, et bien sûr aux Arcs. Je veux dire, les hommes votent. Le score de vote commune est sans appel : Candidats démocrates : Claviers 252 – Suchet 247 Candidats conservateurs : Siméon 196 – De Clappiers 196 Plus 31 suffrages bonapartistes. C’est dire que la localité est partagée, mais que les partisans de la République démocratique et sociale y ont la majorité. Et ce n’est pas facile. Non seulement à cause des conditions générales de répression que j’ai évoquées, mais parce que Les Arcs connaissent une situation particulière. En effet, le maire, Osmin Truc, un riche notable, était suffisamment populaire en 1848 pour se faire élire maire. Il est l’enfant d’Antoine Truc, qui fut jacobin sous la grande révolution, puis libéral sous la royauté revenue. Mais Osmin a vite viré au conservatisme, et c’est pour les Blancs qu’il appelle à voter. Comment, quelques mois plus tard, cette commune républicaine, mais partagée, va-t-elle réagir au coup d’État du président de la République, Louis Napoléon Bonaparte. Faut-il rappeler que ce président, élu au suffrage universel en 1848, n’était élu que pour 4 ans, et qu’il n’avait pas le droit de se représenter en 1852. Par ailleurs, le parti de l’Ordre voyait avec inquiétude arriver les élections législatives de 1852, où la Montagne pouvait remporter un grand succès. Vous comprenez dans ces conditions que, dans le Var comme ailleurs, non seulement tout l’appareil d’état bascula du côté du coup de force, mais que les conservateurs de tout poil se rangèrent derrière Louis Napoléon. Ce fut le cas du maire des Arcs, qui fut aussitôt démis par les républicains assemblés, en application du plan des sociétés secrètes. La nouvelle était arrivée de Draguignan le 3 au matin. Que faire ? Les Arcs sont sur la route de la préfecture, et donc au contact des divers émissaires envoyés par les républicains de nombreuses communes insurgées. On n’ignore donc pas ici la diversité des situations varoises. Mais les émissaires envoyés auprès des chefs républicains dracénois, notamment PASCAL Louis Jean François, avocat à Draguignan, enfant du pays, reviennent avec une consigne attentiste. Quatre jours se passent à tourner en rond, dans l’indécision. Le 7 à huit heures du matin arrive la colonne de Vidauban, 2000 hommes et quelques femmes, que la population reçoit avec enthousiasme et nourrit. Arrivent encore 400 hommes du Muy, de Bagnols, du Puget. On sait quelles ont été les hésitations du chef autoproclamé de « l’armée républicaine », le journaliste marseillais Duteil. Duteil feint de vouloir marcher sur Draguignan, une colonne par le Muy, une par Salernes, mais après débuts de marches et contre-ordres, on part vers Salernes par Taradeau en emmenant le maire Truc, relâché peu après. À 13 h, la colonne arrive à Lorgues, elle poursuit ensuite sa route vers Salernes, puis Aups, où elle sera défaite le 10. De nombreux habitants des Arcs sont partis avec la colonne, tous ne reviendront pas. COULET François, cultivateur, prisonnier, est fusillé le 11 décembre à Lorgues. D’autres faillirent ne jamais revenir. GIRAUD Marc Joseph, dit l’Espérance, 60, propriétaire cultivateur, est abattu par un gendarme et survivra miraculeusement. À Vidauban, VACQUIER, TESTORIS et ROUSSAUT échappent in extrémis à l’exécution. Si certains ont pu fuir vers le Comté de Nice, alors sarde, comme PASCAL Hippolyte, bouchonnier (il pourra revenir en 1856), beaucoup, arrêtés au lendemain de la défaite, connurent les prisons de Toulon et souvent, pendant un an, deux ans, trois ans, cinq ou six ans, la déportation en Algérie. La composition sociale de ce groupe de victimes de la dépression montre toute la sociologie populaire d’une grosse localité semi rurale de presque 2700 habitants. On y trouve marchands et artisans, comme MOUTON Louis, 18 ans, marchand de tissus, GUERIN Hippolyte Honoré, 34 ans, menuisier, FUGIER Joseph, 31 ans, charron, ainsi que les représentants d’activités éminemment propices à la rencontre dans l’atelier ou la salle d’auberge, et donc à la discussion et à la propagation des idées nouvelles : JEAN Alexandre François, Aubergiste, 58 ans, CRESCENT Barthelemy, 25 ans, tailleur, GASTINEL Antoine, 49 ans, cordonnier. Artisans ou ouvriers, les bouchonniers sont présents avec BOYER François, 29 ans, et PASCAL Hippolyte, 25 ans. Mais le groupe le plus important est celui des cultivateurs, jeunes le plus souvent : BENET Louis Roch, 20 ans, BENOIT Pascal, 21 ans, BREGA Barthelemy, 26 ans, CHABERT Joseph, 26 ans (grâcié en 1856, il choisira de rester en Algérie, où il mourra), FABRE Louis, 36 ans, FABROT Louis dit Bastet, 35 ans, également maçon, FERAUD François, 19 ans, GUIOL Louis Joseph, 37 ans, LOMBARD Barthélémy, 32 ans, LOMBARD Barthélémy, 41 ans, LOMBARD Jean Louis, LOMBARD Joseph, 19 ans, Barthélémy Louis, 28 ans, MAILLE Barthélémy Louis, 28 ans (après sa libération en Algérie, il reviendra aux Arcs, puis choisira de retourner s’établir en Algérie), PERRIMOND Joseph, 32 ans, TESTORY Joseph, 19 ans, TESTORY Joseph Pierre dit Goulet, ou TEXTORIS, 39 ans, qui deviendra épicier, VAQUIER Joseph, 40 ans, également distillateur.