Voyage aux pays rouges
Voyage aux pays rouges
Le site Gallica de la BNF nous gratifie de plus en plus. Voici dorénavant accessible le Voyage aux pays rouges, par un conservateur, (Paris, Plon, 1873), un ouvrage de 229 pages qui intéressera au premier chef les défenseurs de la mémoire républicaine, et notamment mes amis méridionaux de l’Association 1851. Venant de Lyon, le reporter anonyme arrive en Vaucluse, où il fait étape à Bollène, puis à Avignon et à Carpentras (où il reçoit des échos de la Drôme). Il se rend ensuite à Marseille, où il recueille une documentation sur les Bouches-du-Rhône. De Marseille, il passe dans le Var : Toulon (où on l’informe de la situation départementale), puis Cuers, Le Luc, Fréjus (où il est informé plus précisément sur Draguignan). Il pousse ensuite jusqu’à Perpignan (où il recueille aussi des informations sur l’Hérault et l’Aude), avant de retourner à Arles, qui sera la fin du voyage. Ce périple lui a donné la matière de douze lettres, datées du 23 octobre au 24 décembre 1872. L’auteur anonyme est en fait l’avocat François Beslay (1835-1883), figure marquante du catholicisme social dans la période libérale du Second Empire : il œuvre alors à la « Société d’économie charitable », qui n’approuvera pas ses projets les plus hardis, notamment la création de Chambres Départementales paritaires du travail (avec des représentants élus des patrons et des ouvriers). En août 1868, Beslay est co-fondateur du journal catholique conservateur Le Français, dont il devient le rédacteur en chef sous la houlette du duc de Broglie et de l’évêque d’Orléans, Monseigneur Dupanloup. Il y prône, entre autres, l’avènement d’une liberté d’association ouvrière « modérée », bref, la réforme pour éviter la révolution menaçante[1]. Mais la révolution a effectivement lieu. Et en 1872, après le trauma de la Commune, dont il fut l’adversaire farouche, (à la différence de son père[2]), François Beslay et son journal sont devenus ultra-conservateurs. On lira dans ce reportage des descriptions enlevées, et souvent remarquables, de paysages urbains, et ruraux, aujourd’hui souvent modifiés. Mais, comme le titre le laisse entendre, Beslay propose avant tout à l’opinion nationale une visite politique des lieux, (puisée aux sources conservatrices locales) : alors que la France (et surtout la France rurale), traumatisée par la défaite de 1871, a massivement voté pour les conservateurs, plus ou moins royalistes, comment, pourquoi ces départements méridionaux ont-ils, à contre-courant, résolument choisi le radicalisme rouge ? Il n’est pas question ici de suivre Beslay au fil de ses douze lettres, mais seulement de mettre en évidence les thèmes récurrents qui les soutiennent. Elles apparaissent dès l’entame du récit : « Vous m’avez demandé de vous renseigner sur les dispositions, les manifestations et les opérations du parti radical dans le Midi. Je ne pouvais mieux commencer qu’en venant ici […] Bollène est, depuis deux ans, aux mains d’une municipalité radicale du plus beau rouge ». Et ce qu’il constate à Bollène, « l’une des places fortes de la démagogie méridionale », se retrouvera dans toutes les municipalités radicales qu’il visite ensuite, ou dont on l’entretient. C’est d’abord l’exaltation de la République rouge, symbolisée par la Marianne vénérée, statue vivante vêtue de rouge, derrière laquelle, aux grandes occasions comme pour l’anniversaire du 4 septembre, on processionne en ville comme à Bollène ou en Roussillon ; Marianne, malgré les interdictions préfectorales, est partout représentée en santons, en bustes. On la salue au chant (alors séditieux) de La Marseillaise, en s’agenouillant au dernier couplet : « Amour sacré de la Patrie / Conduis, soutiens nos bras vengeurs / Liberté, Liberté chérie / Combats avec tes défenseurs ! », et ce jusque dans les églises, comme dans les Pyrénées-Orientales, à Thuir par exemple. Un peu partout, ces mairies radicales arborent volontiers le drapeau rouge à leur fronton, et, si l’emblème est interdit par le préfet, on roule le drapeau tricolore pour n’en laisser apparaître que le rouge. En Provence, « Le thym, la férigoule, est l’emblème de la république radicale. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Ce qui est certain, c’est que les municipalités auxquelles on refuse d’arborer le drapeau rouge se consolent en mettant un bouquet de thym à la hampe du drapeau tricolore ». Autre manifestation du radicalisme rouge, l’apparition des enterrements civils, qui sont l’occasion de manifestations républicaines : cortèges, prises de parole… Horrifié par ce sacrilège (qui n’en est pas un pour son père[3]), Beslay essaie cependant de l’exorciser : la population ne suit pas. Il croit constater dans le Vaucluse (Bollène, Le Thor) que les « rouges » n’ont pu suborner que les parents de nouveaux-nés vite décédés. À Toulon, où il dénonce l’activisme en la matière de Pellegrin, médecin de la marine en retraite, il constate que les « rouges » ne peuvent abuser que de trop simples gens, et il va jusqu’à faire écho à la rumeur selon laquelle les « rouges » payent pour disposer d’un cadavre ! Dans la foulée de l’apparition des enterrements civils, Beslay condamne un anticléricalisme actif, et souvent violent, comme celui des radicaux du Roussillon après la proclamation de la République, ou celui des brutaux radicaux arlésiens. Mais plus pernicieux encore lui apparaît l’apparition d’un enseignement laïque sous la responsabilité des municipalités. Il attaque violemment le professeur de philosophie Dutasta, député du Var et élu de Toulon : « A peine arrive-t-on à Toulon qu’en suivant le cours bordé de vieux platanes qui descend au port, on aperçoit d’énormes enseignes : « Ecole communale laïque et gratuite », et plus loin : « Asile communal laïque et gratuit ». Vous voyez que M. Dutasta ne perd pas son temps ». Mais, malgré la gratuité, cette école laïque fait peu d’adeptes. En effet, « les petits Toulonnais sont, paraît-il, extraordinairement sales. Avant de les instruire, il faut les décrasser. Quand on en réunit une dizaine seulement dans une salle, l’odeur que dégagent ces jeunes radicaux est absolument intolérable. La plupart sont dévorés par la vermine. ». Les enseignants laïques n’assurent pas ce décrassage, alors que les Bonnes Sœurs le font efficacement, d’où leur succès… Dans le Var toujours, Beslay s’effraie de la propagande laïque diffusée par les bibliothèques et les ouvrages des distributions des prix de ces écoles que les municipalités ouvrent dans nombre de localités… Bref, Beslay le constate dès son arrivée en pays « rouge » : on ne vit pas ici dans le rassurant climat d’ordre moral qu’a choisi, ou que subit, le reste de la France. Il s’agit bel et bien d’une emprise générale des Rouges, et cette emprise passe par la prise du pouvoir communal : « Les principes de la « Commune » sont, en fait, pratiqués dans toute la vallée du Rhône, depuis Lyon jusqu’à Arles, et, me dit-on, dans tous les départements du littoral. Presque partout, les municipalités s’affranchissent de toute dépendance à l’égard du pouvoir central ». Ainsi selon Beslay, tous ces radicaux « rouges » sont des « Communards », dans le droit-fil du communalisme (au sens d’autonomie communale) proclamé par Paris. En témoignent les messages de soutien qu’ils adressèrent à la Commune au printemps 1871, et ensuite les célébrations de la Commune écrasée. Ainsi, récemment à Bollène, lors d’une visite du chef radical Gent, « on a pleuré, paraît-il, sur ce pauvre Délescluze, si méchamment mis à mort par les gens de Versailles », écrit cyniquement Beslay[4]. Certes, « nulle part peut-être, même dans le Midi, les théories au nom desquelles s’est élevée en mars 1871 la « Commune » de Paris n’ont été appliquées plus ouvertement et plus obstinément que par les radicaux d’Arles », mais Beslay a beau jeu d’ironiser sur la prudence de ces « communards » qui ne sont quand même pas allés jusqu’à prendre les armes en 1871, sauf deux exceptions, avec lesquelles il est implacable : Narbonne, qui proclama sa commune insurrectionnelle, et dont la population ne cesse depuis de manifester son hostilité aux chasseurs du 27e bataillon, qui rétablirent l’ordre conservateur ; et surtout Marseille : « ce qui ne peut être comparé qu’à la pire espèce de tyrannie, c’est l’état auquel est aujourd’hui réduit Marseille. Depuis deux ans, la malheureuse ville a connu toutes les formes de radicalisme ». « Du 5 septembre 1870 au 8 avril 1871, ç’a a été ici une longue débauche sanglante et terrible, une immense bacchanale, sinistre et grotesque, où la comédie était mêlée au drame, les infamies aux cruautés ». L’acmé de ce radicalisme a naturellement été la Commune insurrectionnelle marseillaise du printemps 1871, dont Beslay trace un tableau haineusement caricatural, en se félicitant de la meurtrière répression menée par le Général Espivent. Beslay met donc en garde le gouvernement : malgré la politique répressive de l’administration (qu’il juge bien insuffisante), rien n’est joué. « L’anarchie la plus profonde règne dans toute la vallée du Rhône sous un calme apparent ». La Commune n’est pas morte. À Marseille, « A l’heure qu’il est, ce feu brûle encore ». Les rouges d’Arles, et ils sont nombreux, saisissent toutes les occasions pour humilier les gradés et les hommes du 6e bataillon de chasseurs à pieds, que le Général Espivent utilisa pour briser la Commune de Marseille… Et face à cette vague rouge que les préfets contrôlent à peine, et devant laquelle la justice se défausse, Beslay ne peut que placer quelque espoir dans des résistances locales, bien peu nombreuses. Ainsi, dans le Var, Fréjus résiste aux démagogues, comme le font aussi Lorgues, Brignoles, et Saint-Tropez. À Avignon, le cercle monarchiste (légitimiste) des Amis de l’ordre, présidé par le vicomte d’Averton, avec sa clientèle plébéienne, sait en imposer aux pleutres radicaux. Carpentras apparaît comme un modèle de résistance des conservateurs et honnêtes gens, avec leur cercle monarchiste et son journal Le Comtat, qui combat efficacement « l’écrivassier » et député radical de la Drôme voisine, Charles Dupuy, et sa populaire Feuille de Jean-Pierre André.
Le mouvement insurrectionnel dont Beslay mesure la possibilité s’inscrirait naturellement dans le droit-fil des violences révolutionnaires de 1792-1794, qu’il évoque bien sûr lors de son passage à Avignon (Jourdan coupe têtes, dont les radicaux sont évidemment les descendants !), et à Toulon, où perdure le souvenir de la sanglante reprise de la cité par les Montagnards en 1793. Ces violences, (dont seraient victimes les religieux, les modérés, les conservateurs, les « honnêtes gens »), ont été anticipées par celles qui ont suivi la proclamation de la République dans les Pyrénées Orientales, « le paradis des radicaux ». Elles sont présentes dans les menaces proférées de Draguignan à Perpignan, ainsi celles du fruste (selon Beslay) tonnelier maire de Cuxac, dans l’Aude, qui crie : « Vive Paris, vive la guillotine, vive la Commune ! ».
Mais à travers cette donne politique du combat radicaux – conservateurs, à travers la dimension communaliste d’autonomie municipale, pointe évidemment le péril social. Beslay écrit du journal conservateur de Carpentras : « S’il y avait un journal comme celui-là dans tous les arrondissements de France, la défense sociale serait assurée ». Selon notre reporter, qui ne peut en parler que par ouï-dire, la Ligue du Midi de 1870 était autant dirigée contre les bourgeois que contre les Prussiens. L’Internationale, que l’administration de l’Empire libéral avait tolérée, voire encouragée, était à l’œuvre dans les communes de Marseille. « M.Levert, le dernier préfet de l’Empire, avait commencé à exciter à Marseille les passions démagogiques contre la bourgeoisie. Il laissa à ses successeurs le soin d’éteindre un incendie qu’il avait allumé » ; en liaison directe et facile avec les nombreux internationalistes de Catalogne espagnole, l’Internationale continue à agir en Roussillon, et de là jusqu’aux centres « communards » de Narbonne et de Béziers.
Comment Beslay explique-t-il le succès de radicaux rouges dans ces départements méridionaux ? Ses commentaires, parfois contradictoires, portent à la fois sur le caractère de ces populations méridionales, et sur les caractéristiques des militants radicaux qui ont su les utiliser. On n’échappe pas bien sûr à la vision ethnotypée si répandue au XIX° siècle. Ainsi Beslay écrit de Toulon : « J’ai eu l’autre soir une preuve directe et personnelle de ce que les administrations radicales font pour la démoralisation du peuple, si facile dans ces contrées du Midi, à émouvoir pour le bien comme pour le mal ». Beslay présente ainsi la revanche des proscrits varois de 1851, au lendemain du 4 septembre 1870 : « C’est une politique de représailles, mais qui séduit et porte aux derniers excès ces natures méridionales, incapables de garder aucune mesure ». À cette donne ethnique du Méridional superficiel, émotif, excessif, prompt à l’enthousiasme ou au découragement, s’ajoute une donne urbaine qui n’a pas fini de faire des ravages. Marseille et Toulon influencent politiquement toute la Provence, or la population de ces deux ports n’est plus véritablement provençale, et son cosmopolitisme la porte à tous les excès. « Les Toulonnais sont une population extrêmement mélangée. Ici, comme à Marseille, il y a cinq ou six colonies distinctes d’origine, mais vivant confondues. […] Ici on rencontre des Génois, des Piémontais, des Corses, des Grecs. » À Marseille, « le lendemain de la révolution du 4 septembre, il sortit de dessous les pavés de la Cannebière toute une armée de coquins, originaires de tous les bouts du monde ». Dans le Roussillon, c’est la proximité de la Catalogne espagnole ravagée par les luttes civiles et le banditisme, la porosité de la frontière, la communauté ethnique, les investissements d’affaires sur les deux versants, qui expliqueraient en partie l’audience et la violence des radicaux.
À ces caractères des populations méridionales s’ajoutent évidemment les caractéristiques du militantisme radical. Les chefs sont des libres penseurs, des doctrinaires sans Dieu, comme le Vauclusien Naquet, « professeur de théorie d’un matérialisme immonde », ou le laïque professeur de philosophie Dutasta à Toulon. Les militants « de base » ressemblent à ceux de Bollène : une « bande de démagogues », « une poignée de misérables, ambitieux vulgaires, audacieux, incapables et besoigneux [sic] pour la plupart », qui par la violence ou le mensonge dominent une population naïve. À quoi s’ajoute l’inévitable opportunisme en faveur du dominant. Ainsi, selon Beslay, le maire radical de Bollène « n’est pas un méchant homme : au fond, il serait aussi bien conservateur que radical, si dans Vaucluse, à l’heure présente, le radicalisme ne conduisait pas à tout ». Mais ces analyses un peu courtes ne peuvent pas rendre compte de l’ampleur et de la sincérité de l’adhésion populaire à la République rouge. Beslay est d’autant plus interpellé qu’il constate cette adhésion chez des gens qui ne sont pas des misérables, dont on pourrait expliquer les errements par une vie insupportable. Ainsi écrit-il depuis le Var : « Tous les paysans sont dans ce pays fort à leur aise : tous ont de la terre à eux ; on ne peut dire que la misère soit le principe des passions démagogiques, si générales et si ardentes. Ce principe est bien plutôt dans les mauvaises mœurs ». Et le reporter d’incriminer la disparition de la morale religieuse, les ravages du libertinage, le goût populaire pour le café-concert, la chanson grivoise… Argument curieusement contré par une autre remarque concernant ces mêmes Varois. Évoquant la localité du Luc, où se tiennent les congrès radicaux devant désigner les candidats aux législatives, Beslay écrit : « Outre les avantages de sa situation centrale, le Luc a toujours eu dans le département la réputation d’être un foyer de radicalisme. C’était, sous l’ancien régime, une des trois communes de la Provence où, d’après l’édit de Nantes, les protestants pouvaient exercer librement leur religion. Les radicaux d’aujourd’hui sont-ils les fils des huguenots du seizième et du dix-septième siècle ? ». Avec ce rappel de l’austérité huguenote (qui se poursuivra d’ailleurs par des engouements jansénistes), nous sommes loin de la dépravation dénoncée plus haut… Il faut donc bien en venir à évoquer la politisation, déjà ancienne, de ces populations profondément républicaines. Beslay s’y risque en rappelant le souvenir, à peine vieux de vingt et un ans, de la terrible répression qui suivit le coup d’État de 1851, ce qui l’autorise à reprendre les pires calomnies sur le comportement des insurgés. Dans le Vaucluse, un leader comme Gent est auréolé par le souvenir de sa lourde condamnation en 1850, et le falot (d’après Beslay) Varène, maire de Bollène, « n’avait pour titre que d’avoir été arrêté en décembre1851 ». Dans le Var, Beslay ne peut échapper au souvenir de 1851, et notamment à Cuers puis dans son voyage vers Fréjus. « Il y a, notamment dans ce département du Var, toute une classe de radicaux dont l’Empire doit demeurer responsable, parce qu’il les a faits ce qu’ils sont. En décembre 1851, la résistance au coup d’État fut ici extrêmement vive »… Dans de nombreuses communes, « les gardes nationales s’armèrent ; une fois armées, sans chef, sans discipline, elles se livrèrent à quelques brigands qui commirent d’odieux excès. Sur plusieurs points, de malheureux gendarmes furent massacrés, on outragea leurs cadavres. La répression suivit de près, impitoyable, confondant tout, les honnêtes gens et les brigands. Le drame achevé, toute une légende est restée ». « La conséquence est qu’aujourd’hui les victimes du 2 décembre se vengent en sacrifiant tout aux passions révolutionnaires. » Beslay évoque ainsi, en l’excusant presque, le destin du jeune chef insurgé Paul Cotte, désormais député radical du Var…
Une question demeure : comment Beslay le Parisien reçoit-il la spécificité linguistique de ces départements, où la langue d’Oc et le provençal sont encore bien vivants ? En ce qui concerne le catalan, rien n’est dit, sinon, implicitement, que la présence de cette langue facilite les contacts (qu’il dénonce) avec la Catalogne espagnole. En ce qui concerne la langue d’Oc, on ne constate chez le reporter aucune condamnation. À Arles, il écoute avec plaisir les explications historiques, mi-provençales, mi-françaises, d’un homme du peuple. À Carpentras, dans la cour ombragée du cercle conservateur, il écoute un jeune homme donner lecture du journal à quelques paysans attablés : « Il s’interrompt presque à chaque phrase pour donner en provençal le commentaire de ce qu’il a lu ». Beslay ne s’étonne pas non plus de l’usage du provençal dans la bonne société locale : à Carpentras, c’est un Monsieur du cercle légitimiste qui s’adresse à la statuette du comte de Chambord, pour lui demander quand il reviendrait, et qui s’écrit extasié : « a bouléga ! » (elle a bougé). Ce qui amènera la plèbe radicale à saluer d’un « a bouléga » tout conservateur… À Arles, les radicaux sont surnommés les « manco-coo », ceux qui ont manqué leur coup en 1871. Beslay prend même la peine de donner, plus ou moins estropiée, une chanson des Rouges d’Arles contre les Carlistes (légitimistes) : « A bas le drapeau blan Henri V emve [émé] sa cliquo Li carliste il [li] pendran Vivo la républico » Une mention particulière, et tout à fait discutable, en ce qui concerne Toulon : « Le provençal de Toulon est un idiome particulier, mélange de deux ou trois langues et d’autant de patois. C’est à peine si les gens du peuple comprennent les poésies de Roumanille, le « félibre » d’Avignon ». S’il est patent que les Toulonnais d’alors avaient quelque mal à comprendre le parler rhodanien de Roumanille, ils n’en parlaient pas moins le même provençal que les autres habitants de la façade maritime.
Je souhaite que ces quelques lignes donnent l’envie de lire la totalité du texte de Beslay.
René Merle, 17 janvier 2011 [1] cf. Michel Lagrée [sous la direction de], Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, volume 3, Paris, Beauchesne, 1990 [2] ] l’ingénieur Charles Victor Beslay (1795 – 1878), député de l’opposition de gauche sous la Monarchie de Juillet, fut un proudhonien actif et un libre penseur proclamé sous le Second Empire, il adhéra à l’Internationale. Il fut le doyen d’âge de la Commune de Paris, où il défendit des positions modérées. Il fut le délégué (très critiqué pour son légalisme) de la Commune auprès de la Banque de France. Cf. Éric Cavaterra, La Banque de France et la Commune de Paris, Paris, L’Harmattan, 1998 [3] Réfugié en Suisse (Neuchâtel) après la Commune, Charles Beslay le libre penseur avait demandé des obsèques civiles. Elles furent ainsi célébrées, malgré l’opposition de son fils, qui n’avait jamais rompu ses relations avec son père. [4] Le vieux lutteur républicain Louis Charles Delescluze (1809-1871) est mort sur la barricade du Château d’eau, lors de la semaine sanglante.
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