Pour la République démocratique et sociale

Article paru dans L’Avenir, Bimestriel de la section de Toulon du Parti Communiste Français, juillet 2003.

 

Pour la République démocratique et sociale…

 

Si l’ampleur des récentes manifestations a surpris, dans notre département soutien électoral de la Majorité présidentielle, l’historien rappelle que, à travers des mutations considérables, le Var défend depuis longtemps la République démocratique et sociale.

Par son coup d’État du 2 décembre 1851, le Président Louis Napoléon poussait à son extrême logique la brutalité d’une République conservatrice, ennemie du progrès social : n’existaient alors ni retraite, ni sécurité sociale, ni droit du travail, ni instruction publique obligatoire, ni crédit pour l’accession à la propriété…

Si les Varois se dressèrent en masse contre le coup d’État, ce n’était pas pour défendre cette république douce aux riches et dure pour les “petits”. Celle qu’ils espéraient donnerait la sécurité devant le chômage, la maladie, la vieillesse, établirait l’instruction publique et laïque, liquiderait les usuriers par un crédit public permettant d’acquérir ou maintenir sa propriété.

Cet engagement n’avait rien de spontané. Jusqu’alors plutôt “blanc”, le Var avait en peu d’années majoritairement viré au “rouge” grâce à la propagande obstinée de quelques militants, qui nourrissaient ces revendications concrètes des valeurs de solidarité, de fraternité et de justice. Ainsi baptisaient-ils la “Bouano”, la “Santo”, la République appelée de leurs vœux.

Les démocrates insurgés, paysans, ouvriers, artisans, petits commerçants, se heurtèrent à l’impitoyable détermination de l’appareil d’état. Le 4 décembre, le Procureur de la République de Toulon appelait à écraser les “doctrines impies du socialisme et du communisme”. Le 11, le préfet félicitait l’armée d’avoir anéanti “le parti de l’anarchie et des brigands”. Le 31, le quotidien bien pensant Le Toulonnais se félicitait de la terrible répression : “La démagogie est morte dans le Var, de longtemps elle ne relèvera la tête”.

L’éditorialiste se trompait grandement : la répression allait durcir une génération d’opposants. À la chute de l’Empire, les Varois votèrent en 1871 pour les républicains avancés.

Il n’est pas question ici de faire l’histoire du département dans les décennies suivantes. Soulignons simplement trois traits essentiels qui marquent l’engagement renouvelé de génération en génération pour la conquête des grands acquis sociaux (journée de 8 heures, congés payés, sécurité sociale, système de retraites, etc.) :

– Au plan syndical, les fortes concentrations ouvrières (Arsenal, Chantiers navals, Bauxite…) ont suscité le développement d’organisations combatives, souvent marquées par l’anarcho-syndicalisme. Les conflits sociaux de 1919-1920, 1935, 1947 dans la région toulonnaise auront un retentissement national.

– Au plan politique, le Var votera longtemps majoritairement à gauche (radicaux, puis socialistes), l’aspiration à l’unité s’aiguillonnant d’un vote pour la Gauche la plus avancée. Toulon élira en 1935 le premier député français du Front Populaire, le communiste Bartolini. Et à la Libération s’affirmera la montée en puissance du parti communiste, auréolé de son rôle dans la résistance au pétainisme et au nazisme.

– Au plan de la gestion, le Var a connu le développement de ce que nos anciens appelaient le “socialisme pratique” : pionnier du mouvement coopératif viticole, le Var a aussi initié le mutualisme, et nombre de municipalités, particulièrement celles à direction communiste, ont gagné le respect de tous par leur action sociale

À partir des premières années 1960, une immense mutation a touché ce département. Les protestations unitaires contre la désindustrialisation n’ont pas abouti, laissant nombre de salariés du privé en proie à la précarité et à un chômage record, le tissu agricole s’est défait, alors que s’affirmait une orientation résidentielle et touristique, trop souvent génératrice d’affairisme. Les luttes sociales sont devenues essentiellement défensives, et leur désespérance s’est nourrie de l’absence de perspectives politiques.

Les événements récents semblent montrer que cette désespérance laisse le pas, chez les jeunes en particulier, à une combativité nouvelle, marquée par l’alliance renaissante entre des couches de salariés qui depuis longtemps ne s’étaient pas rencontrés dans le mouvement social.

 

René Merle*

 

*Auteur de nombreuses publications historiques et d’une thèse sur l’écriture du provençal, René Merle a également publié plusieurs romans noirs. Son dernier ouvrage, Gentil n’a qu’un œil (Éditions de la Courtine, Ollioules) se situe dans le Sud-Est troublé de 1850 : un inclassable et violent roman initiatique, aux confins du polar, du roman historique et du récit d’aventures.