Deux articles de René Merle encadrant les 4 pages consacrées par La Marseillaise à 1934
Deux articles de René Merle encadrant les 4 pages consacrées par La Marseillaise (7 février 2004) aux journées de février 1934 (articles de Rolland Martinez, Serge Wolikow, Jean Magniadas, Robert Mencherini)
La Marseillaise – 7-2-04 Les raisons d’espérer
La crise et le chômage, des gouvernements de centre gauche décevant leur électorat, puis des gouvernements de droite aggravant cette politique d’austérité, un syndicalisme contraint à la défensive, une gauche divisée, un parti socialiste partagé, un parti communiste isolé, en grandes difficultés électorales, une droite fascisante poussant sur le terreau de la vieille droite, se nourrissant du mécontentement populaire, dénonçant les “affaires” : “Tous pourris”… Tout cela dans un environnement international menaçant. La France des années 1990-2000 ? Non, nous sommes en 1934. Mais se souvenir de 1934 n’est pas lettre morte. Au contraire. Nous pouvons y puiser des raisons d’espérer. Le 6 février 1934, l’extrême-droite tente un coup de force à Paris. La riposte est immédiate, massivement ouvrière. La combativité en germe dans l’exaspération populaire éclate en immenses cortèges unitaires. Ce “Non au fascisme” unissait l’attachement profond à la République et l’exigence d’une République démocratique et sociale, réconciliant drapeau rouge et drapeau tricolore. Ainsi allait naître le Front populaire dont les acquis de 1936 seront prolongés par les grandes conquêtes sociales et politiques de la Libération. Le parti communiste allait être un ferment décisif dans cet immense mouvement. Capitalisant son dynamisme militant et sa nouvelle analyse de la réalité française, il va connaître une progression électorale impressionnante (particulièrement dans notre région) et devenir un grand parti de masse. À la grande surprise de ceux qui (comme aujourd’hui), le donnaient pour mort et enterré. À la différence de la riposte anti-F.N d’avril-mai 2002, gigantesque mais essentiellement affective, la riposte antifasciste de 1934 témoignait que l’exigence démocratique, pour s’ancrer dans le peuple citoyen et être efficace, doit s’accompagner d’exigence de justice sociale, et de perspectives politiques à même de porter vraiment cet avenir. Comment ne pas le souligner aujourd’hui ?
René Merle
1934-1935 – Provence – Un laboratoire de l’unité anti-fasciste
Depuis 1789, Marseille et la Provence ont anticipé bien des mouvements nationaux. À cet égard, la période 1934-1935 est particulièrement significative. Dans la riposte anti-fasciste de février 1934, notre région est en première ligne. Ce n’est pas un hasard. En 1933, l’essor du mouvement antifasciste Amsterdam-Pleyel se double de nécessaires clarifications, car, notamment dans ses bastions municipaux de Toulon et Marseille (où Sabiani est soutenu par les armateurs et le milieu), le populisme démagogique et fascisant trompe de nombreux travailleurs. Dans le même temps, la combativité populaire s’exprime en 1933 par la reprise vigoureuse des luttes revendicatives, en particulier à Marseille et Toulon. Les militants communistes sont peu nombreux, mais leur présence à la tête de ces luttes, et parfois de ces combats physiques, leur acquiert la confiance populaire (Cristofol, Nédelec, bientôt Billoux à Marseille, Bartolini à Toulon). Dès 1933, ces militants unissent la défense des libertés démocratiques et celle des revendications, dans la demande de l’unité d’action des masses. Ainsi en janvier 34, la répression patronale et policière abattue sur le douanier Cristofol engage le processus d’unité syndicale des services publics à Marseille, processus qui se développera rapidement dans d’autres corporations et dans toute la région. Dès les journées de février 1934 commence la “reconquête” du port de Marseille contre les sabianistes (avec notamment Gagnaire), reconquête qui aura son aboutissement avec la grande grève victorieuse de fin 1935- début 1936. La région anticipe la création des comités antifascistes unitaires : dès mars, à La Seyne, à Marseille (Saint Barnabé). Front unique communistes-socialistes à Toulon, et riposte musclée à la venue du leader d’extrême droite Ybarnegaray. En juin, à Marseille, le pacte d’unité d’action SFIO-PC contre le fascisme et la guerre précède l’accord national. Dans la foulée, des succès électoraux témoignent du développement impétueux de l’influence communiste et de l’aspiration populaire à l’unité. En octobre 1934, Cristofol est élu conseiller d’arrondissement du populaire 5e canton de Marseille (dont le cœur est La Belle-de-Mai). En octobre encore, le parti communiste emporte les dix sièges à l’élection municipale partielle de Toulon. Aux municipales de mai 1935, les progrès du parti communiste sont évidents dans toute la région. Il double ses voix à Marseille, où Sabiani perd la mairie. Et en juin 1935, à l’élection législative partielle de Toulon-La Seyne, le candidat communiste Bartolini, devenu candidat de toute la gauche, devenait le premier député du Front Populaire !
René Merle
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