Quelques éléments sur Ginasservis

Cette page présente seulement quelques éléments locaux retenus pour la conférence donnée à Ginasservis le 28 mai 2011 par Frédéric Negrel. Vous voudrez bien en excuser l’écriture.

 

Quelques éléments sur la résistance de décembre 1851 à Ginasservis

 

Il y avait trois chambrettes à Ginasservis où étaient disséminés les membres de la société secrète.

Jean-Baptiste Souleyet faisait la lecture du journal (le Siècle, journal parisien républicain modéré) à haute voix dans une de ces chambrettes.

Il présidait un club rouge en 1848. Les clubs sont rares dans le Var à cette période mais on en trouve à Manosque et Gréoux.

Cette influence du Club de la Sannerie de Manosque a ses effets sur élections. Lors de la présidentielle de 1848, Ledru-Rollin fait 63% des voix dans la section de vote Vinon-Ginasservis. C’est l’un des meilleurs scores du département (76% à St Julien, 95% à Baudinard). Cavaignac fait 35% et Louis-Napoléon Bonaparte seulement 1%.

Le maire Alexandre Jean-Baptiste Menut appelle à voter pour la liste démocrate-socialiste aux législatives de 1849. Avec succès.

Les républicains du canton de Rians sont surveillés. En juillet 1851, le sous-préfet de Brignoles note dans son rapport mensuel au préfet que Ginasservis, St Julien et Vinon sont sous la propagande des Basses-Alpes. En août, il note que Vinon est sous l’influence de Manosque, Gréoux et Quinson et qu’il y a eu des repas entre démocrates varois (dont Charles de la Verdière) et bas-alpins.

On surveille surtout le leader républicain de La Verdière Charles Edouard, propriétaire  et ancien avocat. Il habite la Blaque. Correspondant du Peuple. Le 16 octobre 1850, il écrit à Duteil : « Frappez fort contre toutes ces sociétés soi-disant secrètes qui sont infiniment plus nuisibles qu’utiles et d’où il ne s’exhale que des sentiments peu patriotiques et républicains. Mais en même temps ne cessez de répéter que si une réaction aveugle commence l’attaque et veut le combat, le cri de la bataille doit être vaincre ou mourir. Aimons avec tout le dévouement de la passion la République, mais méfions-nous d’une grande partie des Républicains. » Il sera pourtant un des leaders de la société de La Verdière. C’est lui qui pousse les Barjolais au départ en Décembre. Il impressionne la foule : « Il était bien vêtu et il parlait français. »

 

Ce n’est donc pas Charles Edouard qui pousse les républicains de Ginasservis dans la clandestinité.

La société secrète se forme au début de 1851 sous l’influence de Gréoux mais aussi de Rians et St Maximin.

« Afin d’être tous réunis dans le même local, nous avons formé une nouvelle chambrée, dans un appartement près de la maison curiale. On s’y réunissait chaque soir comme dans une chambrée ordinaire pour y jouer et prendre des consommations. »

La société secrète compte 8 à 9 sections réunissant 76 affiliés, soit une bonne partie des jeunes hommes des 803 habitants.

Léon Féraud (cultivateur, 36 ans), Joseph Esclangon (cordonnier, 29 ans) et Louis Gabriel Menut (boulanger, 26 ans) sont les 3 présidents (le conseil des Trois).

 

Le samedi 6 décembre viennent deux Montagnards de St Julien dire qu’il fallait s’emparer de la mairie.

Léon Féraud, un des présidents de la société, veut confirmation de cet ordre. Il part alors à St Julien, puis à La Verdière où il va voir Charles Edouard qui lui confirme la consigne.

Il a pu y lire la proclamation affichée ce même jour :

Par un décret, daté du 2 décembre, le Président de la République, violant la Constitution, a dissous l’assemblée.

Par l’article 110 de la Constitution, le peuple, au patriotisme duquel cette Constitution était confiée, a le Droit et le Devoir de protester, de résister même par la force à ces tentatives inconstitutionnelles.

Plein de notre droit, fort dans notre conscience de Républicain, nous proclamons dès ce jour le Président Louis Napoléon traître à ses serments et à ses devoirs et le mettons lui et son gouvernement hors la loi.

Citoyens, habitants de la commune de la Verdière, en accomplissant ce devoir en vertu de la loi qui nous y autorise, nous ne voulons que résister à un pouvoir imposé et provocateur, et maintenir la tranquillité que l’élu du 10 décembre a voulu compromettre dans sa coupable ambition.

Que tout citoyen reste donc ferme et résolu dans son droit, calme dans son attitude et protecteur pour tous les intérêts comme pour toutes les personnes.

Le triomphe de la République est à ce prix.

Vive la République Démocratique et Sociale.

Édouard Charles.

 

Mais cela ne lui suffit pas : Féraud va à Varages puis à Barjols où les frères Louche l’amène à une réunion où deux délégués de Brignoles apportent une lettre de Constant portant les ordres : il faut que Barjols lève 200 hommes pour marcher sur Draguignan.

Le matin du dimanche 7, Léon Féraud va jusqu’à Brignoles où il rencontre Constant et Giraud qui le renvoie à Ginasservis pour installer une commune insurrectionnelle.

Le dimanche soir, réunion à la chambrée et nomination d’une commission de 16 membres : Léon Féraud (président), Gabriel Menut, Lazare Allard, Jean Antoine Audibert, André Bernard, Alexandre Menut, Antoine Robert, Jean-Baptiste Souleyet le maçon.

Le lundi 8 on se rend à la Mairie (à 40 ou 50) où l’on fait appeler le maire à qui l’on demande les clefs que l’on garde jusqu’au mardi soir où on demande au maire de reprendre sa fonction.

On arbore des drapeaux rouge, on intercepte les dépêches, on fait des réquisitions d’armes et de vivres chez les habitants, on monte la garde.

Personne n’est parti, sauf Joseph Blanc qui se trouvait à ce moment-là à La Verdière et qui est parti avec eux.

Nous avons là un problème : 60 Vinonnais sont partis le dimanche pour La Verdière. Ils ne seraient pas passés par Ginasservis ni par St Julien. Surprenant. Le procureur général dit qu’ils sont passés à Ginasservis. Pourquoi n’en avons-nous aucune trace ?

 

Une lettre de délation à la signature illisible, datée du 16 février 1852 au procureur affirme que le maire soutient la canaille, qu’il savait ce qui se passait.

Le maire Alexandre Jean-Baptiste Menut neveu, élu en 1848, est remplacé en 1852 par Pierre-Hubert Rebuffat. Alexandre Jean-Baptiste Menut retrouve la mairie de 1870 à 1874 (comme Charles Edouard à la Verdière)

 

De nombreux affiliés sont emprisonnés à Brignoles.

Sont condamnés à la surveillance :

Jean Antoine Audibert, 39 ans, menuisier et sergent de ville, né à Varages, grâce entière

Joseph Esclangon, 29 ans, cordonnier, né à Lars (Basses-Alpes), grâce entière

Léon Féraud, 36 ans, cultivateur, né à St Martin, grâce entière

Louis Gabriel Menut, 26 ans, boulanger, grâce entière

Antoine Robert, 33 ans, cultivateur, grâce entière

Joseph Richaud dit Mignotte, 25 ans, cultivateur, grâce entière

Raymond Richaud, 25 ans, cantonnier, grâce entière

Casimir Richaud, 28 ans, cultivateur, grâce entière

 

Jean-Baptiste Souleyet, 40 ans, maçon, né à St Martin, est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Brignoles qui le condamné à 6 mois de prison. Sa peine est réduite à 5 mois par grâce du 18 aout 1852.

Une lettre anonyme de délation rappelle ses ancêtres aux antécédents peu honorables, qu’il s’est mal conduit depuis 1848, que c’est un démagogue exalté. On l’appelle Gasagne, ancien chef des brigands.

En 1905, Edmond Poupé nous rappelait l’histoire de Gazagne :

Dans la nuit du 7 au 8 novembre 1800, quinze brigands parmi les plus redoutés et les plus audacieux étaient réunis dans une bastide située au quartier de Valmoissine à Aups. Le traître soudoyé par le préfet les y avait attirés sous prétexte de combiner de nouvelles expéditions. Parmi eux étaient Daurel, de Salon, Gazagne, percepteur, de Ginasservis, tous deux chefs de bande ; Louis Blanc, de Marseille, Pécout, de Beaumont, Truffier, d’Esparron du Verdon, Gaubert, de Volonne, Nimes, ancien gendarme, de Trets, Honoré Leth, de Rians, Eucher Auquier, de Beaumont, Etienne dit le Gravat, de Ginasservis et un individu de Trigance dont le nom est inconnu.

Tous ces brigands étaient armés de carabines, de poignards et munis d’une ventrière contenant chacune une quarantaine de cartouches. Certains portaient un crucifix suspendu au cou ; Daurel avait dans un portefeuille des prières manuscrites destinées à le garantir d’une mort violente.

Après s’être concertés les brigands s’endormirent. Ils reposaient tranquillement, quand au milieu de la nuit une mine pratiquée dans la cave fit subitement explosion. Douze brigands furent écrasés par les décombres. Leth, Nimes et Auquier, plus ou moins blessés, purent s’enfuir. Les deux premiers bientôt repris furent fusillés ultérieurement.

 

voir aussi : Les pensionnés de 1851 de Ginasservis