Le docteur Silly, le bon médecin de Villiers
Article paru dans le Bulletin municipal de Villiers-sur-Loir
Le docteur Silly, le bon médecin de Villiers
Le docteur Silly est une des personnalités qui ont le plus fortement marqué l’histoire de notre commune et certainement celle qui a été le plus appréciée par l’ensemble de sa population. C’est ainsi qu’une de nos rues porte son nom, celle qui part de la place Fortier et rejoint la déviation. Henri Mésange lui a rendu un bel hommage dans un article publié dans le Bulletin de la Société Archéologique de 1981 ainsi que dans son livre consacré à Villiers-sur-Loir et nous avons voulu prolonger cet hommage dans le Bulletin municipal.
La vie du docteur Silly François, Charles, Léon Silly est né à Cloyes en 1808. Son père qui était né dans la région de Cloyes et qui était général, devait mourir quelques mois plus tard. Pendant la campagne de Russie, lors de la bataille de Canope en 1802, une de ses cuisses avait été emportée par un boulet de canon. Il était devenu général des armées napoléoniennes après un parcours dans les armées de la Révolution comme le père de Victor Hugo et cela est à l’origine de l’engagement républicain du docteur Silly comme de Victor Hugo. Le général s’est marié avec Marie Séveno, native de Belle-Ile-en-Mer. Et François Charles naît le 18 juin 1808. Le général Silly meurt en janvier 1809. En mai 1809 sa femme donnait naissance à un second fils, Louis Clément. Celle-ci va assurer l’éducation de ses deux enfants et les amener à faire des études. L’aîné devient ainsi docteur en médecine. Il s’installe à Villiers avec sa mère, c’est alors la Monarchie de Juillet. Ils demeurent alors au Boutry, closerie de la Grange. Leur installation à Villiers, selon Henri Mésange, serait due aux relations amicales entre les familles Lecerf et Silly (relations amicales dues à la profession médicale et au rôle joué dans l’armée napoléonienne). L’officier de santé des armées napoléoniennes, Jean-Baptiste Lecerf, marié à une Villersoise était venu habiter notre commune. Le Dr Silly se consacre avant tout à sa tâche de médecin : c’est le médecin de tous, il soigne les plus pauvres gratuitement et il est apprécié de tous. Il prend soin aussi de sa mère devenue infirme. Républicain, il s’oppose au Second Empire. Il s’efforce alors d’épauler son frère Louis Clément, homme de lettres au Mans, républicain lui aussi[1], qui se trouve condamné politique assigné à résidence à Vendôme, mais que le sous préfet entend interdire de se rendre à Villiers chez son frère dont il dénonce « la détestable propagande ». En 1854 le Dr Silly se marie : sa femme Françoise est la fille de l’officier de santé Lecerf. Le couple est très occupé en raison de toutes les responsabilités qu’il assume. Il prend ainsi en charge les deux neveux du Dr Silly. En 1855, le Dr Silly achète la maison de la rue Basse (aujourd’hui rue du Dr Silly), maison qui possède un petit jardin et s’élevant face au n°4 actuel. Sa vieillesse n’empêchera pas le Dr Silly de poursuivre son sacerdoce. La mort de son épouse en 1888 le laisse fort éprouvé et lui-même meurt en 1892. Il était alors âgé de 84 ans. Il fut retrouvé dans sa chambre tombé dans l’âtre de la cheminée et « presqu’entièrement carbonisé ». Selon un article de presse que m’a signalé Michel Renvoizé « Il est probable que, pris d’une syncope ou pendant son sommeil, le vieillard sera tombé de son siège et aura roulé dans le foyer ». Toute la commune porte le deuil. La municipalité décide alors que la rue Basse portera désormais le nom de rue Silly. Le maire de Villiers, Alphonse Rivière, déclare alors : « Le Docteur Silly a donné à la commune de Villiers l’exemple du Citoyen vertueux, du Républicain accompli et du Philanthrope par excellence. » En 1905, la municipalité décide pour perpétuer le souvenir du Dr Silly d’élever un monument sur sa tombe qui se trouve ainsi désormais surmontée d’une pyramide en pierre blanche.
Le médecin au service de tous Après la mort du Dr Silly, le maire de Villiers Alphonse Rivière évoquait ainsi devant le conseil municipal le médecin « philanthrope par excellence » que fut le Dr Silly : « Pendant tout ce temps, avec une rétribution insignifiante quand elle n’était pas nulle, il prodigua ses soins à tous ceux qui ont souffert. Toutes les familles lui doivent de la reconnaissance. » Les témoignages sont nombreux concernant le dévouement du Dr Silly. Les miséreux étaient alors nombreux dans la commune. Et celle-ci eut à faire face à de graves épidémies : le choléra lors de la Monarchie de Juillet et la variole à la suite de la guerre de 1870.
Le républicain acquis aux idées socialistes Le Dr Silly a joué un rôle très important pour implanter l’attachement à la République dans la population de Villiers. De cela témoignent entre autres les rapports de la police du département et de la Sous-préfecture de Vendôme. On apprend ainsi qu’il a fait partie des sociétés secrètes républicaines qui ont joué un rôle très important dans notre département. C’est ainsi qu’en 1851, à la suite du coup d’Etat de Louis Napoléon, il est « arrêté pour affiliation ». En 1848 il s’était manifesté par son soutien à la République. Pour les élections d’avril 1848 il avait fait sien l’appel de George Sand, la muse de la République, pour que soient élus un ouvrier et un paysan dans chaque département. Dans le journal régional Le Patriote du 26 mars il écrivait ainsi : « Nous voulons un gouvernement démocratique, ne nous appuyons pas sur la classe bourgeoise. » Tout au long du Second Empire, il est signalé dans les rapports de police et de la sous-préfecture comme un individu dangereux pour le Régime en même temps que d’autres personnalités telles que l’ancien instituteur de Villiers, Michel Launay, qui a été révoqué, le cabaretier de Naveil, Noulin lequel est déporté en Algérie et aussi le nommé Personne de Vendôme. Il est ainsi signalé que le Dr Silly est « influent sur les gens de Villiers » et qu’ « il a perdu l’esprit de sa Commune. » Effectivement le Dr Silly a contribué à ce qu’une large majorité de la population villersoise manifeste son attachement aux idées républicaines et aux idées socialistes. Henri Mésange dans son article « Le bon médecin de Villiers » écrivait ainsi : « Notre bon médecin qui vit chaque jour la misère des hommes de ce temps, se fait aussi leur défenseur. Il est un socialiste convaincu et sincère en même temps qu’un citoyen vertueux. » Ce qui fait que sous le Second Empire il sera élu conseiller municipal. Et certainement il a contribué à ce qu’à la suite du propriétaire de La Vallée, M. de Waresquiel, maire de 1852 à 1856, ce sont des maires attachés aux idées républicaines qui sont élus : Vincent Gaillard, puis Ernest Fortier. Son influence a fait que lors du plébiscite de mai 1870, organisé par Napoléon -le -petit ,Villiers est la seule commune de l’arrondissement à voter NON et cela à 64%. Selon moi il a contribué aussi à renforcer l’attachement d’une partie de la population aux idées socialistes auxquelles les vignerons sont particulièrement sensibles. C’est ainsi que par la suite deux Villersois attachés aux idées socialistes vont marquer l’histoire de la commune en tant que maires et députés : Alphonse Rivière et Bernard Ferron et de même cet attachement aux idées socialistes a contribué à la création de la Cave coopérative des Côteaux du Loir en 1929. Concernant l’influence du Dr Silly sur le comportement des Villersois, j’ajouterais l’idée suivante. Il y a eu longtemps à Villiers, comme dans les autres communes de la Vallée du Loir, une forte opposition entre les citoyens attachés aux traditions et aux pratiques religieuses et les Républicains attachés à la laïcité et aux idées socialistes. J’ai le sentiment que le docteur Silly se serait quant à lui efforcé d’atténuer, voire de combattre cette opposition et cela en liaison avec son attachement à la démocratie.
« Un bienfaiteur de Villiers et l’ami de tous » C’est ainsi qu’ Henri Mésange évoque le Dr Silly dans son livre. Et il a fort bien résumé les deux aspects essentiels du rôle considérable joué par le Dr Silly dans notre commune : « Il fut à la fois un médecin hors du commun, considérant sa profession comme un apostolat et un homme politique influent localement. » Cet article visait à rappeler et à renouveler cet hommage. Je tiens à signaler aussi que Michel Renvoizé, du fait de ses recherches sur le passé de notre commune m’a apporté maintes précisions sur la vie du Dr Silly. Je tiens à le remercier et à signaler l’importance de ses recherches. Pour vous amener à mieux réaliser le rôle joué par le Républicain Charles Silly en rapport avec les sociétés secrètes républicaines qui ont joué un rôle important dans notre département, je vous invite à lire ou à relire George Sand, elle aussi ardente républicaine et fille d’un officier napoléonien issu de l’armée de la Révolution – et en particulier ses romans : Le compagnon du tour de France qu’elle situe en Loir et Cher, et aussi Consuelo et La Comtesse de Rudolstadt où le combat pour les valeurs républicaines joue un rôle essentiel et rappelle celui mené par le Dr Silly.
Didier Lemaire [1] Rédacteur du Bonhomme manceau, condamné à l’internement (NdE).
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